Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Martineau
ENTRE :
CANADA INC.
et
DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil) s’assure que le prix des médicaments brevetés, demandé par les titulaires de brevet, n’est pas excessif. Le Conseil exerce ses activités conformément à la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la Loi), plus particulièrement les articles 79, 83, 86, 89 et 91, qui régissent la procédure et créent les pouvoirs de réparation du Conseil.
[2] La demanderesse Sanofi-Aventis Canada Inc. est la société absorbante de Hoechst Marion Roussel Canada Inc. (HMRC) et c’est en cette qualité qu’elle demande le contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire rendue le 30 juillet 2008, par laquelle la formation du Conseil constituée pour entendre l’affaire a rejeté la demande de la demanderesse qui avait présenté conjointement avec le personnel du Conseil des observations recommandant qu’il soit mis fin à la procédure contre HMRC concernant le prix du médicament Nicoderm (la décision contestée). La demanderesse prie la Cour d’annuler la décision contestée et d’interdire au Conseil de tenir une audience pour entendre les allégations de pratique de prix excessifs par HMRC.
[3] Le procureur général du Canada, qui est désigné comme défendeur, s’oppose à la demande de contrôle judiciaire.
[4] Les questions soulevées dans la demande peuvent être énoncées comme suit :
1. La demande devrait-elle être rejetée compte tenu du fait qu’elle concerne la révision d’une décision interlocutoire?
2. Le Conseil a-t-il compétence pour continuer la procédure?
3. Le Conseil a-t-il manqué aux principes d’équité procédurale en rendant la décision contestée?
4. La décision du Conseil de continuer la procédure est-elle par ailleurs déraisonnable?
[5] La demande devrait être rejetée. À la rigueur, elle est prématurée. Après avoir eu l’occasion d’entendre toute l’argumentation des avocats, je conclus également que le Conseil avait compétence pour continuer la procédure, qu’il n’a pas violé les principes d’équité procédurale et que la décision contestée est par ailleurs raisonnable.
I. Contexte
[6] Ce n’est pas la première fois que la Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle HMRC conteste la compétence du Conseil d’entendre et de trancher l’affaire.
[7] HRMC est distributeur exclusif au Canada de « Nicoderm », un produit qui aide à cesser de fumer. Nicoderm est un timbre transdermique de nicotine. HMRC a commencé à le vendre en mai 1992. Entre 1994 et 2001, HMRC s’est prévalue, au Canada, de divers brevets appartenant à Alza Corporation (Alza) des États-Unis, dont les brevets canadiens nos 1331340 (le brevet 340), 1333689 (le brevet 689) et 1338700 (le brevet 700). Alza a également demandé des brevets se rapportant à des timbres de nicotine, en présentant notamment les demandes de brevet canadien no 2032446 (la demande 446) et no 2040352 (la demande 352).
[8] Le 9 mars 1999, HMRC a présenté un engagement de conformité volontaire aux fins d’examen par le président du Conseil. Malgré cela, le président a décidé qu’une audience devait être tenue dans l’intérêt public.
[9] Le 20 avril 1999, le Conseil a publié un avis d’audience en vue de déterminer si la demanderesse « vend ou a vendu, alors qu’elle était titulaire du brevet, le médicament connu sous le nom de Nicoderm sur un marché canadien à un prix que le Conseil juge avoir été excessif et, le cas échéant, quelle ordonnance, s’il en est, devrait être rendue ».
[10] L’audience devait commencer le 5 juillet 1999 mais, dans l’intervalle, HMRC a présenté au Conseil le 25 mai 1999 une motion par laquelle elle contestait sa compétence pour divers motifs, notamment :
1. la structure et la conduite du Conseil qui ont amené HMRC à invoquer un manquement aux principes d’équité procédurale et qui ont créé une crainte raisonnable de partialité;
2. la nature de Nicoderm comme dispositif utilisé pour administrer de la nicotine et non comme médicament;
3. le fait que HMRC n’était pas titulaire du brevet 340 ni du brevet 689;
4. l’absence de compétence du Conseil à l’égard des demandes de brevet.
[11] Le 27 mai 1999, le personnel du Conseil a lui-même présenté une motion au Conseil en vue de contraindre HMRC à produire et communiquer certains documents.
[12] La motion du personnel du Conseil a été accueillie le 3 août 1999. Le même jour, le Conseil a rendu sa décision concernant la première partie de la motion de HMRC et a rejeté les allégations de partialité et de manquement aux règles d’équité procédurale (le point 1 ci‑dessus). La décision du Conseil concernant la compétence, première partie, a été examinée dans le dossier T-1576-99. En effet, le 2 septembre 1999, HMRC a entamé une procédure de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Par consentement, toute procédure sur la question de la pratique de prix excessifs a été suspendue en attendant la décision du Conseil sur la motion de HMRC concernant la compétence, deuxième partie (les points 2 à 4 ci-dessus).
[13] La deuxième partie de la motion de HMRC a été entendue par le Conseil du 17 au 19 décembre 1999. Le 13 mars 2000, le Conseil a prononcé une ordonnance provisoire enjoignant aux parties de fournir d’autres renseignements et le 8 août 2000, le Conseil a rejeté la deuxième partie de la motion de HMRC. Le Conseil a rejeté l’argument selon lequel Nicoderm n’était pas un médicament. Il a conclu que les brevets 700, 689 et 340 se rapportaient tous à Nicoderm et que HMRC était un « titulaire de brevet » dans le cas des brevets 700 et 689, mais non dans le cas du brevet 340. Le Conseil a également décidé que HMRC était le « titulaire de brevet » à l’égard des brevets 352 et 446. La décision interlocutoire datée du 8 août 2000 a été examinée dans le dossier T‑1671-00. En effet, le 8 septembre 2000, HMRC a déposé auprès de la Cour fédérale une deuxième demande de contrôle judiciaire.
[14] HMRC et le Conseil ont présenté plusieurs requêtes sur des questions de procédure dans les dossiers T-1576-99 et T-1671-00.
[15] Le 25 octobre 2000, le personnel du Conseil a saisi la Cour fédérale d’une requête en vue d’être constitué partie à la procédure de contrôle judiciaire. À peu près à la même date, le Conseil lui‑même a déposé une requête en vue d’obtenir le statut d’intervenant. Ces requêtes ont été entendues ensemble par une protonotaire de la Cour fédérale le 13 mars 2001 et elles ont été rejetées le 13 juillet 2001 (Hoechst Marion Roussel Canada c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 795). Le rejet de ces deux requêtes a donné lieu à des appels interjetés à la Cour fédérale (Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés) c. Hoechst Marion Roussel Canada Inc. (11 février 2002), Ottawa, T-1576-99 (C.F.)), puis à la Cour d’appel fédérale (Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments breveté) c. Hoechst Marion Roussel Canada Inc., 2002 CAF 505), où ils ont été rejetés.
[16] Après le rejet des requêtes visant à constituer parties à l’instance de contrôle judiciaire le personnel du Conseil et le Conseil lui‑même, HMRC a présenté une autre requête à la Cour en vue de contraindre le Conseil à produire des documents en sa possession qui, à son avis, intéressaient sa demande de contrôle judiciaire, y compris le rapport du personnel du Conseil sur la pratique de prix excessifs qui avait été présenté au président avant la publication de l’avis d’audience. Le 14 novembre 2003, la requête a été rejetée par la protonotaire (Hoechst Marion Roussel Canada c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1343), tout comme l’appel qui s’en est suivi (Hoechst Marion Roussel Canada c. Canada (Procureur général), 2004 CF 489).
[17] Le 16 mai 2005, les demandes de contrôle judiciaire de HMRC ont été finalement entendues. Le 17 novembre 2005, la juge Heneghan a rejeté la demande de contrôle judiciaire visant la première partie de la décision du Conseil concernant la compétence et elle a accueilli en partie la demande de contrôle judicaire visant la deuxième partie de cette décision (Hoechst Marion Roussel Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1552).
[18] En résumé, la Cour a décidé que le Conseil avait compétence sur le « médicament » Nicoderm et elle a rejeté les allégations de partialité et de manquement à l’équité procédurale à l’égard du Conseil. En ce qui a trait aux questions en litige qui auraient été tranchées à l’avance, le Conseil, en décidant de publier un avis d’audience, n’a pas statué sur la question de la pratique de prix excessifs; cette décision indiquait plutôt que la tenue d’une audience sur le fond était justifiée. La Cour a également conclu que HMRC était une « brevetée » ou une « titulaire de brevet » au sens de l’article 79, en ce qui concerne les brevets 700 et 689. Toutefois, la Cour était d’avis que le Conseil avait fait erreur en concluant qu’il était autorisé à se déclarer compétent sur les deux demandes de brevet rendues publiques, à savoir les demandes 446 et 352. Par conséquent, la Cour a annulé cet élément de la deuxième partie de la décision du Conseil concernant la compétence. Le reste de la demande de contrôle judiciaire a été par ailleurs rejeté.
[19] HMRC n’a pas interjeté appel contre la décision de contrôle judiciaire intéressant la contestation de la compétence du Conseil.
[20] Par suite de ce jugement prononcé par la Cour en 2005, l’excédent de revenus imputé à HMRC a été diminué à environ 20 p. 100 du montant déjà calculé par le personnel du Conseil en 1999.
[21] Entre janvier et février 2006, HMRC avait un lien direct pour communiquer avec le personnel du Conseil concernant la pratique de prix à l’égard de Nicoderm. Le 11 mars 2006, le personnel du Conseil a confirmé qu’il estimait qu’il était approprié d’abandonner la procédure devant le Conseil, en s’appuyant sur la présentation éventuelle d’observations conjointes par le personnel du Conseil et HMRC.
[22] Le 28 août 2006, les observations conjointes ont été présentées au Conseil. Après échange de lettres entre le Conseil et le personnel du Conseil en mars et en avril 2007, la formation du Conseil constituée pour entendre l’affaire a ordonné la tenue d’une audience verbale qui a eu lieu le 3 juillet 2008.
[23] Le 21 juillet 2008, la formation a rejeté les observations conjointes et elle a ordonné aux parties de continuer la procédure entamée, en respectant le calendrier révisé. C’est cette dernière décision qui ramène HMRC devant la Cour, sous l’action de la société qui l’a absorbée, Sanofi‑Aventis Canada Inc.
II. La demande devrait-elle être rejetée compte tenu du fait qu’elle concerne la révision d’une décision interlocutoire?
[24] Dans la décision contestée, qui est manifestement de nature interlocutoire, le Conseil a conclu ce qui suit :
[…]
2. La formation du Conseil d’audience estime que le règlement proposé dans la présentation conjointe n’est pas approprié.
3. Selon la présentation conjointe, les ventes du médicament Nicoderm faites à un prix moins élevé que le prix maximum jugé non excessif (prix MNE) depuis 1998 devraient éponger les recettes excessives que le breveté est réputé avoir encaissées entre 1995, année où le prix du Nicoderm est devenu assujetti à la compétence du Conseil, et 1997.
4. De l’avis de la formation du Conseil, telle prémisse n’est pas conforme aux Lignes directrices du fait que des recettes excessives ne peuvent être remboursées qu’en vertu d’une ordonnance du Conseil ou d’un engagement de conformité volontaire. […]
[…]
6. Le Panel fonde sa conclusion sur la décision récemment rendue par un autre panel d’audience dans l’affaire du médicament Copaxone.
[…]
8. […] Sur ce point, le Panel d’audience [dans cette affaire] a mentionné dans sa décision :
[…] Les Lignes directrices n’autorisent pas un breveté à vendre son médicament à des prix excessifs pendant une ou plusieurs années pour ensuite rembourser au moment qui lui convient les recettes excessives qu’il a encaissées en réduisant (ou en n’augmentant pas) le prix de son médicament pendant quelques années. Telle approche minerait voire même réduirait à néant le mandat du Conseil. […] De l’avis du Conseil, les modalités prévues dans les Lignes directrices permettent de bien appliquer la Loi et, par ricochet, l’ordonnance rendue.
[…]
10. Les parties ont invoqué d’autres motifs pour faire valoir qu’il n’est pas de l’intérêt public de poursuivre l’audience, essentiellement en raison des délais qui s’ensuivront et des événements qui se produiront. Le Panel ne croit pas qu’un ou l’autre de ces motifs ou les deux motifs considérés conjointement, justifient que l’audience soit close à ce point-ci.
[25] Pour décider de réviser ou non une décision interlocutoire, la Cour doit se pencher sur la question de la présence de « circonstances spéciales ». Dans Sztern c. Canada (Surintendant des faillites), 2008 CF 285, au paragraphe 19, j’ai souligné ce qui suit à ce propos :
Le point de départ de mon analyse, selon l’arrêt Szczecka, est que, sauf circonstances spéciales, il ne peut pas y avoir contrôle judiciaire immédiat d’un jugement interlocutoire. Comme je le disais dans la décision Mines Alerte Canada c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2007 CF 955, [2007] A.C.F. no 1249 (QL), au paragraphe 148 :
Cela s’explique par le fait que les demandes de contrôle judiciaire concernant une décision interlocutoire peuvent en fin de compte être parfaitement inutiles : la partie plaignante peut avoir eu gain de cause au bout du compte, ce qui fait que les demandes de contrôle judiciaire ne sont d’aucune valeur. En outre, les délais et les frais inutiles que l’on associe à de telles demandes peuvent avoir pour effet de discréditer l’administration de la justice.
[26] Ce principe a récemment été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans Aéroport International du Grand Moncton c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2008 CAF 68, au paragraphe 1 (Grand Moncton), qui s’est appuyée sur la jurisprudence récente, laquelle indique que le contrôle judiciaire des décisions interlocutoires ne devrait être effectué que dans « des circonstances très exceptionnelles » (Fairmont Hotels Inc. c. Directeur de Corporations Canada, 2007 CF 95, aux paragraphes 9 et 10; Prince Rupert Grain Ltd. c. Grain Workers’ Union, Section locale 333, 2005 CAF 401, au paragraphe 2; Canada (Procureur général) c. Brar, 2007 CF 1268, au paragraphe 29).
[27] Le fait qu’une question puisse être liée à la compétence d’un tribunal, notamment des allégations de partialité et de manquement à l’équité procédurale, ne justifie pas automatiquement la tenue immédiate d’un contrôle judiciaire (Grand Moncton, au paragraphe 2; Sanofi Pasteur Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CF 286, au paragraphe 46 (Sanofi Pasteur); Air Canada c. Lorenz, [2000] 1 C.F. 494, aux paragraphes 12 et 13 (C.F.)). Plusieurs considérations impérieuses militent en faveur du pouvoir discrétionnaire, notamment le risque de fragmentation du processus et la probabilité qu’une telle intervention n’entraîne des coûts et des délais additionnels. En fait, le contexte en l’espèce démontre amplement que les multiples demandes de contrôle judiciaire interlocutoires portant sur des questions dites « de compétence » entraînent des délais longs et inutiles qui sont coûteux en temps et qui monopolisent les ressources limitées du système judiciaire à tous les échelons. Encore une fois, une préoccupation plus fondamentale veut qu’un tel litige puisse devenir inutile, compte tenu de la décision définitive du Conseil (Grand Moncton, au paragraphe 1).
[28] Je ne crois pas que la présente affaire offre des circonstances spéciales justifiant un contrôle judiciaire immédiat. Après avoir tenu compte des difficultés que cela pourrait causer à la demanderesse, du gaspillage des ressources limitées du système judiciaire, des délais et de la fragmentation, je suis d’avis que la demanderesse n’a pas soulevé de questions que le Conseil ne saurait trancher convenablement. La demande repose essentiellement sur la question de savoir si la demanderesse s’est livrée à une pratique de prix excessifs et c’est le Conseil qui est le mieux placé pour trancher cette question. Compte tenu du fait que la décision du Conseil d’accepter ou de refuser les observations présentées conjointement par la demanderesse et par le personnel du Conseil n’est aucunement déterminante quant à cette question, il se peut très bien que la demanderesse obtienne gain de cause à l’audience, ce qui rendrait inutile toute procédure devant la Cour fédérale.
[29] Quoi qu’il en soit, par souci de clarté, les motifs qui suivent fournissent des explications additionnelles sur le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire que j’estime tout à fait sans fondement après avoir bien examiné les plus récentes objections de la demanderesse à la continuation de la procédure devant le Conseil.
III. Le Conseil a-t-il compétence pour continuer la procédure?
[30] La demanderesse et le défendeur sont d’avis que la norme de contrôle applicable aux questions de compétence est la norme de la décision correcte. En l’espèce, la question en litige est de savoir si le Conseil avait compétence pour continuer la procédure.
[31] La demanderesse allègue que le Conseil n’a plus compétence sur l’affaire parce que, en vertu du paragraphe 83(7) de la Loi, le Conseil ne peut prendre une ordonnance à l’encontre de brevetés qui ont cessé d’avoir droit aux avantages des brevets en cause plus de trois ans « avant le début des procédures ». De plus, la demanderesse allègue que, en vertu de l’article 93 de la Loi, le Conseil ne peut entendre une affaire lorsque ni le président ni le vice-président ne siège comme membre de la formation d’audience.
[32] Ces questions sont des questions préliminaires d’interprétation législative et la première au moins intéresse véritablement la constitutionnalité. Par conséquent, conformément à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 50 et 59, la norme de la décision correcte sera appliquée à l’égard de ces questions.
Le Conseil est-il forclos?
[33] Le paragraphe 83(7) de la Loi est rédigé comme suit :
83. (7) Le présent article ne permet pas de prendre une ordonnance à l’encontre des anciens brevetés qui, plus de trois ans avant le début des procédures, ont cessé d’avoir droit aux avantages du brevet ou d’exercer les droits du titulaire. (Je souligne.) |
83. (7) No order may be made under this section in respect of a former patentee who, more than three years before the day on which the proceedings in the matter commenced, ceased to be entitled to the benefit of the patent or to exercise any rights in relation to the patent. (Emphasis added) |
[34] La demanderesse, qui a cessé de se prévaloir des avantages des brevets en cause en décembre 2000, laisse entendre que les « procédures » ont débuté seulement lorsque l’audience sur le fond du litige a réellement commencé devant la formation chargée d’entendre l’affaire ou, à tout le moins, lorsque la preuve sur laquelle le personnel du Conseil souhaitait s’appuyer à l’audience a été présentée au Conseil. À son avis, puisque aucune mesure autre que l’avis d’audience publié en 1999 n’a été prise avant 2008, le paragraphe 83(7) de la Loi empêche le Conseil de continuer la procédure.
[35] Il m’est impossible d’accepter l’argument de la demanderesse qui n’est pas compatible avec le libellé et l’objet de la Loi ni les prétentions formulées par HMRC et le personnel du Conseil dans leurs observations conjointes. L’« audience » se distingue nettement de la « procédure » (articles 86 et 87 de la Loi). En fait, la procédure peut avoir débuté bien avant que le Conseil ne reçoive la preuve à l’audience. Je suis rassuré par les Lignes directrices qui prévoient, au paragraphe 8.1 du chapitre 2, que le « président peut engager le processus d’audience en émettant un Avis d’audience et en constituant un panel d’audience ».
[36] Par conséquent, je suis d’avis que la procédure a débuté lorsque la demanderesse a reçu l’avis d’audience du 20 avril 1999, c’est-à-dire avant que la demanderesse ne cesse de se prévaloir des avantages des brevets en cause et, donc, dans le délai prévu au paragraphe 83(7) de la Loi.
La formation a-t-elle été constituée de façon irrégulière?
[37] Depuis que l’avis d’audience a été déposé en 1999, trois membres de la formation originale constituée pour entendre l’affaire ont pris leur retraite, y compris le président et le vice-président. Ni le président actuel ni la vice-présidente actuelle ne font partie de la nouvelle formation. La demanderesse soutient que la Loi prévoit que le Conseil ne peut entendre une affaire ou rendre une ordonnance concernant la pratique de prix excessifs en l’absence du président ou du vice-président actuels du Conseil.
[38] La demanderesse invoque l’article 93 de la Loi, qui prévoit ce qui suit :
Président et vice-président
93. (1) Le gouverneur en conseil désigne, parmi les conseillers, un président et un vice-président. |
Chairperson and Vice‑chairperson
93. (1) The Governor in Council shall designate one of the members of the Board to be Chairperson of the Board and one of the members to be Vice‑chairperson of the Board.
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Attributions du président
(2) Le président est le premier dirigeant du Conseil et, à ce titre, il en assure la direction. Il est notamment chargé de la répartition des affaires entre les conseillers, de la constitution et de la présidence des audiences et des autres procédures, ainsi que de la conduite des travaux du Conseil et de la gestion de son personnel. |
Duties of Chairperson
(2) The Chairperson is the chief executive officer of the Board and has supervision over and direction of the work of the Board, including (a) the apportionment of the work among the members thereof and the assignment of members to deal with matters before the Board and to sit at hearings of the Board and to preside at hearings or other proceedings; and (b) generally, the conduct of the work of the Board, the management of its internal affairs and the duties of its staff. |
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Attributions du vice-président
(3) En cas d’absence ou d’empêchement du président, ou de vacance de son poste, la présidence est assumée par le vice-président. 1993, ch. 2, art. 7. |
Duties of Vice-chairperson
(3) If the Chairperson is absent or incapacitated or if the office of Chairperson is vacant, the Vice-chairperson has all the powers and functions of the Chairperson during the absence, incapacity or vacancy. 1993, c. 2, s. 7 |
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[39] L’argument de la demanderesse selon lequel la formation a été constituée de façon irrégulière est à la fois insoutenable en droit et à peu près impossible dans les faits. À mon avis, la disposition législative attaquée est exempte d’ambiguïtés et la réponse à l’allégation d’ambiguïté réside dans l’analyse du libellé du paragraphe 93(2) dans sa version française qui affirme ceci : « il [le président] est notamment chargé […] de la constitution et de la présidence des audiences et des autres procédures ». Il en ressort clairement que la Loi n’exige pas que le président ou le vice‑président dirige chaque audience. Le président et le vice-président sont plutôt responsables de l’attribution des affaires aux conseillers (ce qui les inclut) pour que ceux‑ci siègent aux audiences du Conseil et en assurent la présidence. Le fait que ni le président ni la vice-présidente ne font partie de la formation du Conseil qui a été chargée de l’affaire de la demanderesse n’entrave pas le pouvoir du Conseil de conduire l’audience.
IV. Le Conseil a-t-il manqué aux principes d’équité procédurale en rendant la décision contestée?
[40] Les parties s’entendent pour dire que le devoir d’agir équitablement s’applique à la décision du Conseil en l’espèce (Hoechst Marion Roussel Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1552, au paragraphe 73 (Hoechst)). Elles soutiennent également que la norme de contrôle applicable aux atteintes à l’équité procédurale est la norme de la décision correcte. Je souscris à ces observations (Sanofi Pasteur, précité, au paragraphe 5; Hoechst, précité, au paragraphe 61; LEO Pharma Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 306, au paragraphe 17 (LEO Pharma)).
[41] La Cour, en examinant l’une des questions interlocutoires soulevées entre le Conseil et la demanderesse, s’est prononcée sur le contenu du devoir d’agir équitablement qui s’applique aux décisions du Conseil. Dans Hoechst, précité, la juge Heneghan a procédé à une analyse des facteurs décrits dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), et elle a conclu ce qui suit :
73 Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les exigences essentielles de l’équité procédurale, telles qu’elles ont été décrites [page 564] par la Cour suprême du Canada dans Lakeside Colony of Hutterian Brethren c. Hofer, [1992] 3 R.C.S. 165, soit le droit à un tribunal impartial, le droit à un avis et à la possibilité de répondre, s’appliquent aux décisions du Conseil. Cependant, j’accorderais une grande latitude au Conseil à l’égard des exigences procédurales, compte tenu des facteurs décrits dans l’arrêt Baker. Le paragraphe 97(1) de la Loi prévoit clairement que le Conseil doit agir sans formalisme, en procédure expéditive, dans la mesure où les circonstances et les principes d’équité le permettent, ce qui lui laisse une grande marge de manœuvre, à condition que les principes de justice naturelle et d’équité procédurale soient respectés.
[42] Je souscris entièrement à ces observations. Dans la présente affaire, avant de rejeter les observations conjointes de HMRC et du personnel du Conseil et de décider de continuer la procédure, la formation du Conseil a prévu la tenue d’une audience verbale et a accordé à la demanderesse la possibilité de présenter des observations.
Délai déraisonnable
[43] La demanderesse prétend que le délai qui s’est écoulé en l’espèce entre la date à laquelle l’avis d’audience a été publié et la date proposée pour l’audience est si long qu’il constitue un abus de procédure de la part Conseil qui lui fait perdre la compétence d’entendre l’affaire. Si la procédure se continuait, le Conseil porterait atteinte aux principes d’équité procédurale.
[44] Le critère utilisé pour déterminer si le délai était déraisonnable est exposé comme suit dans les motifs dissidents du juge Lebel dans Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, au paragraphe 160 (Blencoe) :
160 Comme nous l’avons vu, les principaux facteurs dont l’ensemble de la jurisprudence moderne en droit administratif nous invite à tenir compte sont la longueur, la cause et les effets. Grâce à une meilleure compréhension des différents types de délai et des différents contextes dans lesquels ils se situent, nous considérons que, pour évaluer le caractère raisonnable d’un délai administratif, trois facteurs principaux doivent être appréciés :
(1) le délai écoulé par rapport au délai inhérent à l’affaire dont est saisi l’organisme administratif en cause, ce qui comprendrait la complexité juridique (y compris l’existence de questions systémiques particulièrement complexes) et la complexité factuelle (y compris la nécessité de recueillir de grandes quantités de renseignements ou de données techniques), ainsi que les délais raisonnables pour que les parties ou le public bénéficient de garanties procédurales;
(2) les causes de la prolongation du délai inhérent à l’affaire, ce qui comprendrait notamment l’examen de la question de savoir si la personne touchée a contribué ou renoncé à certaines parties du délai, et celle de savoir si l’organisme administratif a utilisé aussi efficacement que possible les ressources dont il disposait;
(3) l’incidence du délai, considérée comme englobant le préjudice sur le plan de la preuve et les autres atteintes à l’existence des personnes touchées par le délai qui s’écoule. Cela peut également comprendre l’examen des efforts que les différentes parties ont déployés pour réduire au minimum les effets négatifs en fournissant des renseignements ou en apportant des solutions provisoires.
[45] En ce qui a trait au premier aspect à prendre en considération, à la lumière du paragraphe 97(1) de la Loi, qui prévoit que « [d]ans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, le Conseil agit sans formalisme, en procédure expéditive », c’est à bon droit que la demanderesse conclut que la période de neuf ans qui s’est écoulée entre le 20 avril 1999 et le 21 juillet 2008 n’était probablement pas ce que le Parlement avait envisagé. Toutefois, le fait qu’un long délai se soit écoulé n’est pas déterminant en soi et d’autres facteurs doivent également être pris en considération.
[46] En ce qui a trait à la procédure entamée en 1999 avec la publication d’un avis d’audience, il est manifeste que le long délai qui s’en est suivi n’était pas entièrement imputable au Conseil, un facteur qui se rapporte directement au second aspect à prendre en considération. Comme nous l’avons vu, après la publication de l’avis d’audience, HMRC a déposé deux demandes de contrôle judiciaire pour empêcher le Conseil d’entendre l’affaire. C’est donc la motion préliminaire que la demanderesse a présentée pour s’opposer à la compétence du Conseil et ses demandes de contrôle judiciaire qui ont entraîné un délai de six ans, soit de 1999 à 2005. Les requêtes du personnel du Conseil et du Conseil lui-même en vue d’être constitués parties ou de se voir accorder le statut d’intervenant devant la Cour ont peut-être contribué à prolonger le délai, mais l’événement déclencheur a été la motion initialement présentée au Conseil par la demanderesse. Pour ces motifs, je ne suis pas d’avis que les causes du délai permettent de conclure que celui-ci était déraisonnable.
[47] Quant à l’incidence du délai et à l’existence du préjudice, la demanderesse a soutenu que la longueur du délai lui-même ouvrait la voie à une présomption de préjudice. Je ne peux accepter cette déclaration catégorique compte tenu du fait que la demanderesse est en grande partie responsable du délai. Cette conclusion est de plus renforcée par le fait que la demanderesse n’a pas présenté à la Cour une preuve de préjudice ou de changement de situation ou de confiance relativement au délai. En outre, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que, en raison du délai, sa capacité à répondre aux allégations a été amoindrie (Kaburda c. Dental Surgeons of British Columbia, 2000 BCSC 481, au paragraphe 38). Étant donné que la demanderesse était au courant de l’affaire qu’on lui reprochait puisqu’elle a reçu l’avis d’audience le 20 avril 1999, il ne peut être considéré qu’elle a subi un préjudice par suite du délai dans la procédure. En fait, le jugement prononcé par la Cour fédérale en 2005 a pour effet de restreindre la période d’examen aux seuls brevets en cause, à l’exclusion des deux demandes de brevet présentées par Alza; cette décision n’a rien changé pour les demanderesses, en ce sens qu’elles doivent encore répondre à l’allégation de pratique de prix excessifs.
[48] En conclusion, je suis d’avis qu’il n’y a ni abus de procédure ni manquement à l’équité procédurale dû au long délai qui s’est écoulé en l’espèce.
Indépendance de la formation
[49] La demanderesse soutient également que, en refusant d’accepter les observations présentées conjointement par le personnel du Conseil et HMRC, la formation a cumulé les rôles d’arbitre (fonction normalement exercée par la formation chargée d’entendre l’affaire) et de poursuivant (fonction normalement exercée par le personnel du Conseil), portant ainsi atteinte au droit de la demanderesse de faire trancher l’affaire par un tribunal indépendant et impartial.
[50] La juge Heneghan dans Hoechst, précité, au paragraphe 83, a décidé que, dans l’exercice normal de ses fonctions, le Conseil possède l’impartialité institutionnelle nécessaire malgré le cumul de fonctions par les personnes faisant partie du personnel du Conseil ou siégeant au Conseil. En fait, au cours de la plaidoirie devant la Cour, l’avocat de la demanderesse a reconnu qu’il n’y avait aucun point en litige concernant l’indépendance du poursuivant. En s’associant à HMRC pour demander l’abandon de la procédure, le personnel du Conseil n’a pas retiré l’allégation de pratique de prix excessifs qu’il avait faite antérieurement. Puisque les observations conjointes ne tranchent pas la question de savoir si HMRC s’est livrée à une pratique de prix excessifs, cette question demeure valide. Elle doit être tranchée par la formation du Conseil, qui demeure indépendant du personnel du Conseil. Une personne bien informée n’aurait aucune crainte raisonnable de partialité de la part de la formation du Conseil appelée à entendre l’affaire.
[51] La demanderesse semble également prétendre que la formation est functus officio et n’avait aucun autre choix que d’accepter les observations conjointes pour mettre fin à la procédure. La demanderesse n’a invoqué aucune disposition de la Loi ou des Lignes directrices à l’appui de cette assertion qui, encore une fois, n’est aucunement soutenue en droit et en fait. C’est peut-être le personnel du Conseil qui a soulevé la question de la pratique de prix excessifs devant le Conseil, mais il reste que c’est le président qui a pris la décision d’engager une procédure en bonne et due forme en délivrant un avis d’audience et en constituant une formation d’audience du Conseil pour cette procédure (voir le paragraphe 8.1 du chapitre 2 des Lignes directrices).
[52] C’est ce dernier motif qui me permet de distinguer la présente affaire de l’affaire citée par la demanderesse à l’appui de sa position, McKeown c. Banque Royale du Canada, 2001 CFPI 81 (McKeown). Dans cette affaire, qui porte sur une plainte de congédiement injuste déposée par une employée de banque, en vertu de la partie III du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, la poursuite des fonctions du tribunal n’était plus justifiée parce que la plainte de la demanderesse avait été l’élément déclencheur de sa compétence. Comme la demanderesse avait retiré sa plainte, le tribunal a outrepassé sa compétence en continuant l’examen de la plainte. McKeown ne s’applique pas en l’espèce parce que, à la différence de McKeown, il n’existe pas, dans la présente affaire, d’obligation, imposée par la loi, d’avoir une demande subsistante valide devant le Conseil pour être en mesure de procéder à une audience. Par conséquent, le fait que le Conseil n’était pas disposé à accepter les observations conjointes ne remet pas en question l’indépendance de l’arbitre.
Attentes légitimes de la demanderesse
[53] La demanderesse fait également valoir que, compte tenu de ce qu’elle a retenu de la façon de procéder du Conseil dans d’autres procédures qui visaient à compenser un excédent de revenus, elle s’attendait à ce que le Conseil ne continue pas la présente procédure parce que la réduction des prix demandés avait compensé l’excédent de revenus qu’elle avait pu accumuler antérieurement. Cet argument ne peut pas non plus être retenu.
[54] Premièrement, il est bien établi que la doctrine de l’attente légitime ne crée pas de droits matériels (Baker, précité, au paragraphe 26).
[55] Deuxièmement, la demanderesse n’a pas fourni de preuve forte ou convaincante sur l’origine de ses attentes. Elle a simplement fait référence à un engagement de conformité volontaire signé à l’égard d’un autre produit, mais le Conseil n’affirme nulle part dans ce document que, en raison d’une réduction volontaire des prix, la société peut compenser un excédent de revenus perçu antérieurement.
[56] Comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé dans Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 131 :
131 La règle de l’expectative légitime est « le prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale » : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 557. Elle s’attache à la conduite d’un ministre ou d’une autorité publique dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire – y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites – qui a fait naître chez les plaignants (en l’espèce, les syndicats) l’expectative raisonnable qu’ils conserveront un avantage ou qu’ils seront consultés avant que soit rendue une décision contraire. Pour être « légitime », une telle expectative ne doit pas être incompatible avec une obligation imposée par la loi. Voir : Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; Baker, précité; Mount Sinaï, précité, par. 29; Brown et Evans, op. cit., par. 7:2431. Lorsque les conditions d’application de la règle sont remplies, la cour peut accorder une réparation procédurale convenable pour répondre à l’expectative « légitime ».
[57] Dans la présente affaire, la demanderesse n’a pas été en mesure de faire la preuve de pratiques établies, d’une conduite ou d’affirmations qui auraient amené la Cour à conclure à l’existence d’une expectative claire, nette et explicite. Par conséquent, la demanderesse ne peut se prévaloir de l’avantage offert par la doctrine de l’attente légitime.
Motifs de la décision du Conseil
[58] La demanderesse allègue également que le Conseil n’a pas fourni de motifs suffisants dans la décision contestée. Selon la demanderesse, le Conseil n’a discuté d’aucun des points soulevés durant l’audience concernant l’écoulement du temps et l’intérêt public (ou le manque d’intérêt public) dans la continuation de la procédure. Toutefois, il n’est pas contesté que les motifs portent effectivement sur l’argument principal exposé dans les observations conjointes, à savoir qu’il devrait être mis fin à la procédure parce que les questions soulevées dans l’avis d’audience ont été réglées.
[59] En outre, en dépit de ses réserves quant aux motifs fournis, l’avocat de la demanderesse a laissé entendre au cours de la plaidoirie que, si le Conseil avait accepté les observations conjointes, il n’aurait pas eu à fournir de motifs, en vertu de la Loi, malgré l’obligation qui lui incombe de s’assurer que l’intérêt public est protégé en surveillant les pratiques de prix de divers brevetés.
[60] Après avoir lu attentivement les observations conjointes, ainsi que la décision du Conseil, je n’hésite pas à conclure que les motifs exposés par le Conseil étaient suffisants dans les circonstances. Le Conseil n’était pas tenu de fournir une analyse détaillée de tous les facteurs pris en considération. Il suffit de dire que la demanderesse a eu la possibilité d’être entendue sur la question de savoir si la procédure devait être abandonnée et que les facteurs considérés comme les plus importants ont été expliqués.
V. La décision du Conseil de continuer la procédure est-elle par ailleurs déraisonnable?
[61] En dernier lieu, la demanderesse allègue que, en refusant les observations conjointes rédigées par le personnel du Conseil et HMRC, le Conseil a par ailleurs agi d’une manière déraisonnable. Cette proposition n’a pas été entièrement développée par la demanderesse à l’audience devant la Cour puisqu’elle est directement liée à son argument principal selon lequel les motifs du Conseil sont insuffisants. Par conséquent, je ne peux accepter cet argument subsidiaire compte tenu des conclusions tirées précédemment.
[62] En tout état de cause, la décision du Conseil de continuer la procédure est raisonnable dans les circonstances. Le Conseil est un tribunal administratif qui exerce des fonctions de réglementation économique et, à ce titre, le droit et des questions de principe exigent qu’il dispose d’une certaine latitude dans l’exercice de son mandat (Ciba-Geigy Ltée. c. Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (1994), 56 C.P.R. (3d) 377, [1994] A.C.F. 884 (C.A.F.) (Q.L.)). Il faut souligner que la décision contestée n’est pas une décision d’entamer la procédure. Le Conseil, agissant dans l’intérêt public, a déjà jugé qu’il est approprié d’instruire l’affaire et cette décision a été maintenue par la Cour en 2005.
[63] Le Conseil n’est tout simplement pas lié par les recommandations de son personnel. Conclure autrement reviendrait à donner au personnel du Conseil et au breveté le pouvoir de décider de l’issue de la procédure devant le Conseil, un résultat qui serait nettement incompatible avec l’indépendance institutionnelle reconnue du Conseil. La demanderesse ne s’est tout simplement pas acquittée du lourd fardeau de convaincre la Cour que la décision de continuer la procédure est déraisonnable. Les motifs fournis par le Conseil dans la décision contestée confirment la conclusion de ne pas accepter les observations conjointes et sont raisonnables dans les circonstances.
VI. Conclusion
[64] Compte tenu des motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[65] Le défendeur n’a pas demandé que les dépens lui soient adjugés. Par conséquent, aucuns dépens ne seront adjugés en sa faveur.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1359-08
INTITULÉ : SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 16 septembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE MARTINEAU
DATE DES MOTIFS : Le 24 septembre 2009
COMPARUTIONS :
Martin W. Mason POUR LA DEMANDERESSE
Graham S. Ragan
613-233-1781
F.B. (Rick) Woyiwada POUR LE DÉFENDEUR
613-941-2353
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l. POUR LA DEMANDERESSE
Ottawa (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)