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Date : 20090925

Dossier : IMM-674-09

Référence : 2009 CF 966

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2009  

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

AYSHA HASEEN

                                    demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (la LIPR), à l’égard d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) datée du 20 janvier 2009, dans laquelle il a été conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention et qu’elle n’avait pas qualité de personne à protéger.

 

[2]               Mme Aysha Haseen est une Pakistanaise âgée de 30 ans qui sollicite la protection du Canada en raison de son appartenance à un groupe social, soit les femmes, en vertu de l’article 96 et de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR. Pour les motifs suivants, la demande sera rejetée.

 

Contexte

[3]               La demanderesse prétend qu’elle est née au sein d’une famille musulmane fondamentaliste. Lorsqu’elle était âgée de 18 ans (en 1996), ses parents ont planifié un mariage entre elle et un homme qui était, à l’époque, dans la quarantaine. La demanderesse n’était pas d’accord avec ce mariage, et a exprimé le désir de continuer ses études. Son père, un éducateur, a consenti à retarder le mariage, jusqu’à ce qu’elle obtienne son diplôme. Après avoir terminé sa licence, elle a obtenu l’agrément professionnel en tant que comptable, et a été embauchée par une organisation non gouvernementale qui permettait à des femmes d’obtenir de petits prêts.

 

[4]               En 2005, après avoir avoué son amour pour un autre homme et refusé de se marier avec le fiancé choisi par son père, la demanderesse prétend que son frère, ses parents et son fiancé l’ont agressée avec une barre de fer et de l’eau bouillante. Selon la demanderesse, sa famille en a fait une question d’honneur familial et a menacé de la tuer si elle n’allait pas de l’avant avec le mariage.

 

[5]               La demanderesse prétend qu’elle est allée voir la police à trois occasions, mais que sa plainte a été rejetée parce que jugée frivole. Selon la demanderesse, un membre de la famille est allé voir les policiers et les a soudoyés afin de les dissuader de l’aider. 

 

[6]               En 2006, la demanderesse a été nommée pour assister à une conférence à Halifax. Elle a obtenu un visa à cette fin. À son arrivée au Canada, elle s’est rendue à Toronto et demandé l’asile. En 2007, elle s’est mariée avec un autre Pakistanais au Canada, qui est tragiquement décédé d’une tumeur au cerveau quelques semaines plus tard. La famille de son époux la blâme pour le décès, et ne veut plus avoir de liens avec elle. Elle craint de retourner au Pakistan en tant que femme seule, sans le soutien de sa propre famille ou celui de la famille de son époux décédé.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

 

[7]               La Commission a conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention, ni n’avait qualité de personne à protéger. Selon la prépondérance de la preuve, la Commission a conclu que la demanderesse ne craignait pas avec raison d’être persécutée au Pakistan pour l’un des motifs prévus à la Convention. La question déterminante à l’égard de la demande de Mme Haseen était le manque de crédibilité.

 

[8]               La Commission a tiré des conclusions défavorables de l’explication de la demanderesse à propos du comportement de ses parents lorsqu’elle a obtenu ses pièces d’identité, y compris un permis de conduire et un passeport, sur lesquelles apparaissent des photos d’elle sans hijab ou foulard facial. La Commission n’a pas considéré plausible qu’elle obtienne ces documents avec l’assistance de sa mère, et que son père l’ait simplement sermonné pour avoir fait prendre des photos avec le visage découvert. La Commission estime que la demanderesse dégageait de la confiance et de l’assurance lorsqu’elle a décrit la manière dont sa photo de permis de conduire a été prise. La Commission a aussi mentionné que la demanderesse a décidé elle-même de venir au Canada, sans la permission de sa famille.

 

[9]               Pour ces motifs, la Commission a conclu, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’était pas plausible que la demanderesse ait été victime « de sévices physiques et de traitements inhumains » aux mains d’une famille musulmane fondamentaliste. En tirant cette conclusion, le commissaire a tenu compte des directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la Commission. Par conséquent, le commissaire a conclu qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée en raison de son sexe au Pakistan. Il a donc conclu que la demanderesse n’était pas une personne à protéger.

 

Question en litige

[10]           La seule question est de savoir si le tribunal a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de la demanderesse.

Analyse

 

[11]           Les conclusions en matière de crédibilité sont « essentiellement de nature factuelle » : voir l’arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, [2003] A.C.S. no 18, au paragraphe 38. Depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, [2008] A.C.S. no 9, il a été statué que les conclusions de la Commission concernant les questions de fait et de crédibilité sont révisables selon la norme de la raisonnabilité : Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 427, [2008] A.C.F. no 515.

[12]           L’analyse de la crédibilité par la Commission est primordiale pour son rôle de juge des faits. Ses conclusions doivent donc faire l’objet d’une déférence importante de la part de la cour qui procède au contrôle judiciaire. Les conclusions de la Commission en matière de crédibilité doivent être maintenues, à moins que son raisonnement ne soit vicié et que la décision qui en résulte n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[13]           Dans une affaire comme la présente, il pourrait y avoir plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, tant que la procédure suivie et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, [2009] A.C.S. no 12, au paragraphe 59.  

 

[14]           La demanderesse, se fondant sur l’arrêt Ponniah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 13 Imm. L.R. (2d) 241, [1991] A.C.F. no 359 (C.A.F.), prétend qu’elle n’a pas à prouver qu’elle serait probablement torturée. La demanderesse n’a qu’a établir « [qu’elle craint] avec raison » ou une « possibilité raisonnable » d’être persécutée.

 

[15]           La demanderesse se fonde sur les arrêts Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 15 A.C.W.S. (3d) 344, [1989] A.C.F. no 444 (C.A.F.), et Frimpong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 8 Imm. L.R. (2d) 183, [1989] A.C.F. no 441 (C.A.F.), pour faire valoir que des incohérences mineures ou secondaires dans sa preuve ne devraient pas mener à une conclusion de manque de crédibilité générale, lorsque la preuve documentaire étaie le caractère plausible de son récit.

 

[16]           Le défendeur presse la Cour de faire la distinction entre l’argument de la demanderesse et l’affaire dont elle est saisie. Il a été conclu que la totalité du récit de la demanderesse n’était pas crédible et que ce n’était pas qu’une question d’incohérences mineures et secondaires. Par conséquent, il était raisonnable que la Commission conclue qu’il n’y avait pas de preuve crédible d’une crainte objective de persécution, d’une menace à sa vie ou d’un risque de traitements ou de peines cruels et inusités.

 

[17]           Les conclusions du commissaire quant à la crédibilité doivent être maintenues, parce que la preuve n’indique pas que le processus était vicié et que la décision n’appartenait pas aux issues possibles et acceptables : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[18]           Le commissaire de la Commission a fourni des motifs exhaustifs qui cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, de sorte que la Cour ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable : Khosa, précité, au paragraphe 59

 

[19]           Je suis d’accord avec l’observation du défendeur que la décision de la Commission ne devrait pas être assujettie à une analyse microscopique. La Cour devrait lire les motifs de la Commission dans son ensemble : Elezaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 234, [2009] A.C.F. no 278, au paragraphe 5; Osaru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1656, [2005] A.C.F. no 2109, au paragraphe 6.

 

[20]           Bien que j’aurais pu parvenir à une conclusion différente, la Commission a eu l’avantage de pouvoir entendre directement la preuve de la demanderesse et, globalement, la décision appartenait aux issues possibles et acceptables. Par conséquent, je dois rejeter la demande. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Il n’y a pas de questions à certifier.  

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-674-09

 

INTITULÉ :                                       AYSHA HASEEN c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                              Le juge Mosley

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 25 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Wuebbolt

 

POUR LA DEMANDERESSE

Daniel Engel

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Wuebbolt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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