Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 30 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Hughes
ENTRE :
VAN DEL MANOR NURSING HOME
demanderesse
et
AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La Cour est saisie d’une demande, présentée en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, visant à faire annuler la décision de la défenderesse datée du 22 mars 2007, et sollicitant une ordonnance de mandamus enjoignant à la défenderesse de rendre une décision à l’égard de certains avis d’opposition déposés par la demanderesse en vue de contester des évaluations et cotisations établies par la défenderesse au titre du Régime de pensions du Canada et de l’assurance‑emploi (chômage). Pour les motifs ci‑dessous exposés la demande est rejetée sans adjudication sur les dépens.
[2] Les faits de la cause sont complexes et inhabituels. Je remercie les avocats des deux parties de s’en être tenus aux questions et aux faits pertinents, ainsi que pour leur argumentaire centré sur les règles de droit applicables en l’espèce.
Faits et procédures
[3] La demanderesse, 741290 Ontario Inc, (Van Del Manor Nursing Home) est une entreprise qui exploitait une maison de soins infirmiers jusqu’en novembre 1998, date à compter de laquelle le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario a occupé l’établissement et pris possession des dossiers et de la documentation portant sur ses opérations. Les cotisations d’impôt que la défenderesse pourrait avoir établies pour la période allant jusqu’à la date en question demeurent introuvables, si tant est qu’elles aient jamais existé.
[4] Des différends opposent depuis longtemps la demanderesse et la défenderesse quant au montant des impôts qui pourraient être exigibles. Plusieurs de ceux‑ci ont été réglés, dont certains par décision judiciaire, mais d’autres subsistent.
[5] Mentionnons, parmi les procédures engagées, l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de certaines cotisations et évaluations établies en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’assurance‑emploi/Loi sur l’assurance‑chômage devant la Cour canadienne de l’impôt dans le cadre de la procédure informelle. Dans la procédure en question, la défenderesse (dossier : 2007‑3055(IT) I) a déposé une requête en annulation, qui a été entendue par le juge Rossiter (avant d’être nommé juge en chef adjoint). Le 30 janvier 2008, il a rendu une ordonnance motivée (publiée à 2008 CCI 55), rejetant la requête en annulation pour ce qui est des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), mais accueillant la requête en ce qui a trait aux évaluations et cotisations établies en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) et de la Loi sur l’assurance‑emploi/Loi sur l’assurance‑chômage (LAE/LAC). L’instance ayant été engagée selon la procédure informelle, la décision rendue n’était pas susceptible d’appel.
[6] Se basant sur les éléments de preuve produits devant la Cour, le juge Rossiter est parvenu à un certain nombre de conclusions de fait et de droit. Les parties acceptent pour l’essentiel ces conclusions, dont les suivantes :
1. En ce qui concerne le RPC, les appels en matière de révision interjetés avant le 18 décembre 1997 doivent être déposés dans les 90 jours de l’envoi par la poste de l’avis d’évaluation. Les appels interjetés à cette date, ou après celle‑ci, doivent être déposés dans les 90 jours suivant la date à laquelle le contribuable reçoit l’avis d’évaluation. (paragraphe 12 des motifs)
2. En ce qui concerne la LAC, les appels en matière de révision interjetés avant le 30 juin 1996, doivent être déposés dans les 90 jours de la date d’expédition par la poste de l’avis d’évaluation. Pour ce qui est des cotisations établies au titre de la LAE (qui a succédé à la LAC) le 30 juin 1996 ou après cette date, les appels doivent être interjetés dans les 90 jours suivant la date à laquelle le contribuable reçoit l’avis d’évaluation. (paragraphe 12 des motifs)
[7] Voici comment le juge a résumé la situation au paragraphe 13 de ses motifs :
13 En résumé, les délais sont les suivants :
1. En vertu de la LIR, l’avis d’opposition doit être signifié au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation.
2. Le délai mentionné au paragraphe 1 s’applique également aux questions se rapportant au RPC et à la LAC, si l’appel en matière de révision, interjeté en vertu du RPC, vise une évaluation établie avant le 18 décembre 1997 et, en vertu de la LAC, s’il vise une évaluation se rapportant à une question qui est survenue avant le 30 juin 1996.
3. Dans les évaluations relatives au RPC qui ont été établies le 18 décembre 1997 ou après cette date, et dans les évaluations établies en vertu de la LAE qui se rapportent à des questions qui sont survenues le 30 juin 1996 ou après cette date, les appels en matière de révision doivent être signifiés au ministre dans les 90 jours suivant la date de notification de l’évaluation.
Il importe de noter que la notification se distingue nettement de l’envoi par la poste de l’avis de cotisation ou d’évaluation et que, par conséquent, les délais sont différents.
[8] En ce qui concerne les délais d’appel de 90 jours suivant la date d’envoi par la poste, le juge Rossiter a pris acte du témoignage de Mme Pinnock, appelée par le contribuable, qui a déclaré n’avoir jamais reçu d’avis de cotisation. Son témoignage ne semble pas avoir été contesté et, d’après le dossier produit de la Cour, il demeure incontesté. Le juge de la Cour de l’impôt a écrit ce qui suit au paragraphe 24 de ses motifs :
24 Avant d’indiquer ce qui est exigé de l’intimée dans la présente requête en annulation, il convient de mentionner que l’appelante, dans la défense qu’elle a déposée dans le cadre de cette requête, a insisté sur l’affidavit du 20 septembre 2007 de Stella Pinnock, dirigeante de l’appelante qui administrait les affaires de celle‑ci; au paragraphe 2, elle a déclaré notamment que :
[traduction]
... Je déclare d’une façon catégorique que la société n’a jamais reçu d’avis de cotisation ou d’évaluation concernant des divergences dans les cotisations et évaluations établies de façon continue à l’égard des retenues à la source.
[9] Le juge Rossiter a ensuite examiné les éléments de preuve produits pour le compte de l’Agence du revenu du Canada (ARC) quant à la question de savoir si des avis de cotisation avaient effectivement été envoyés et, si oui, quelles auraient été les dates d’envoi, et à qui auraient‑ils été envoyés. Au paragraphe 35 de ses motifs, le juge Rossiter a conclu qu’il n’avait pas été établi que les envois avaient été faits :
35 Il n’y a pas d’éléments de preuve établissant quand, où, comment et par qui les avis de cotisation ou d’évaluation originaux ont été envoyés par la poste à l’appelante. Étant donné l’absence de preuve établissant les détails de l’envoi par la poste des avis de cotisation ou d’évaluation à l’appelante, la requête présentée par l’intimée pour faire annuler l’avis d’appel, qui se rapporte aux avis de cotisations délivrés en vertu de la LIR et aux avis d’évaluation délivrés en vertu du RPC pour la période antérieure au 18 décembre 1997, ainsi qu’aux avis d’évaluation délivrés en vertu de la LAC pour la période antérieure au 30 juin 1996, devrait être rejetée pour ce seul motif; toutefois, nous reviendrons ci‑dessous sur ce point.
[10] Il ressort des éléments de preuve produits devant le juge Rossiter que l’ARC a tenté de reconstituer les avis de cotisation relatifs à la période allant de 1991 à 1998. Dans un mémoire intitulé [traduction] « Faits pertinents et motifs d’opposition » versé au dossier de la demanderesse, celle‑ci reconnaît avoir reçu, entre le 27 et le 30 octobre 1998, ces avis reconstitués.
[11] Il ressort également des motifs du juge Rossiter, au paragraphe 3, mais également ailleurs, que la demanderesse avait, au titre des dispositions d’équité figurant dans les lois applicables en l’espèce, demandé à plusieurs reprises de se voir dispenser du paiement des pénalités et des intérêts. Cela a amené le juge Rossiter à conclure que, en ce qui concerne les périodes postérieures au 18 décembre 1997 pour ce qui est du RPC et, en ce qui concerne les périodes postérieures au 30 juin 1996 pour ce qui est de la LAE, la demanderesse avait été « notifiée », et que le délai d’appel de 90 jours avait donc commencé à courir. Voici en quels termes il s’exprime au paragraphe 45 de ses motifs :
45 Il est bien évident qu’il fallait que l’appelante ait été notifiée ou ait eu connaissance des évaluations établies en vertu du RPC et de la LAE pour être en mesure de présenter une demande fondée sur l’équité. (L’article 99 de la LAE et le paragraphe 23(2) du RPC incorporent tous deux par renvoi le paragraphe 220(3.1) de la LIR, qui prévoit un allégement à l’égard des intérêts accordé au titre de l’équité). En présumant que la toute dernière demande fondée sur l’équité a été présentée et rejetée le même jour, soit le 15 novembre 2005, le délai commencerait à courir à cette date. Je mentionne les demandes fondées sur l’équité uniquement parce que ce sont des demandes présentées par l’appelante. Il y a également les autres éléments de preuve mentionnés, qui démontrent que l’appelante devait avoir reçu notification. Étant donné que les avis d’opposition ont été produits le 23 janvier 2007, le délai applicable était depuis longtemps expiré, de sorte qu’il semble que la requête de l’intimée devrait être accueillie en ce qui concerne les évaluations établies en vertu du RPC le 18 décembre 1997 ou après cette date et les évaluations établies en vertu de la LAE le 30 juin 1996 ou après cette date. Toutefois, cela ne met pas pour autant fin à l’affaire.
[12] Dans les 90 jours suivant la réception, vers la fin du mois d’octobre 2006, des avis de cotisation reconstitués, la demanderesse a déposé environ 92 avis d’opposition (comme l’indique le paragraphe 4 de l’affidavit de Serge Nadeau versé au dossier en l’espèce). En réponse, l’ARC a fait parvenir à la demanderesse une lettre en date du 22 mars 2007. Cette lettre est l’objet même de la présente demande. En voici un extrait :
[traduction]
Nous vous informons par la présente que la division des appels du Bureau des services fiscaux de London a reçu les appels que vous interjetez à l’encontre des avis de cotisation portant sur les années d’imposition 1991 et 1998 (voir l’annexe).
Aux termes de l’article 92 de la Loi sur l’assurance‑emploi, et de l’article 27.1 du Régime de pensions du Canada, vous étiez tenue d’interjeter appel devant le ministre du Revenu national dans les 90 jours suivant la date à laquelle vous avez reçu l’avis d’évaluation ou de cotisation. Les renseignements qui vous ont été fournis par Margaret Ebanks, en octobre 2006, étaient des copies des avis qui ont été établis entre 1991 et 1998. Il s’agissait d’avis reconstitués en réponse à une demande de votre part, et non pas de nouvelles évaluations ou cotisations qui conféreraient le droit de faire appel.
Pour que nous soyons en mesure d’accepter un appel tardif, il nous faudrait des preuves démontrant que vous n’avez pas reçu la documentation qui vous avait été envoyée par le ministère au sujet des cotisations. Rien ne démontre que vous n’avez pas été informée des cotisations au moment où elles ont été établies (entre les années d’imposition 1991 et 1998). Cela étant, nous ne sommes pas en mesure de donner suite à l’appel que vous interjetez à l’encontre de ces cotisations.
[13] Selon le juge Rossiter, cette lettre constitue un refus de la part du ministre de donner suite à un appel en raison de son caractère tardif, et ne constitue donc pas une « décision » pouvant faire l’objet d’un recours devant la Cour de l’impôt. Il a recommandé à la demanderesse de solliciter de la Cour fédérale une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de rendre une décision. D’où la présente demande. Aux paragraphes 49 et 50 de ses motifs, le juge Rossiter s’est exprimé en ces termes :
49 Dans la décision Power c. Ministre du Revenu national, [2005] A.C.I. n° 137, 2005 CCI 200, le juge Bowie a conclu que le refus d’examiner un appel interjeté devant le ministre au motif qu’il avait été déposé en retard ne constituait pas une décision rendue par le ministre. Selon le juge Bowie, le recours approprié consistait à demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre d’exercer sa compétence et de rendre une décision. Dans cette affaire‑là, l’appel se rapportait à des décisions rendues en vertu du RPC et de la LAE au sujet d’un emploi assurable et d’un emploi ouvrant droit à pension. La décision de l’ARC de refuser d’examiner les oppositions que l’appelant avait présentées au sujet des décisions relatives au RPC et à la LAE au motif qu’elles avaient été présentées en retard ne constitue pas une décision pour l’application du RPC et de la LAE. Le recours dont l’appelant peut se prévaloir n’est pas d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt, mais de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre d’exercer sa compétence et de rendre une décision. Ce n’est que si le ministre rend une décision qui ne satisfait toujours pas l’appelant que ce dernier peut déposer un avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt.
50 La requête sera accueillie en ce qui concerne les évaluations établies en vertu du RPC et de la LAE, puisque que (sic) le ministre n’a pas rendu une décision qui peut être portée en appel à ce stade et qu’aucun appel ne peut donc être interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt. Toutefois, il n’en est pas ainsi pour les cotisations établies en vertu de la LIR. En effet, l’alinéa 169(1)b) de la LIR accorde un droit d’appel au contribuable même si le ministre n’a pas rendu de décision. En l’absence d’une décision du ministre, il faut que 90 jours se soient écoulés depuis la production de l’avis d’opposition pour que la Cour canadienne de l’impôt ait compétence à l’égard des cotisations établies en vertu de la LIR. Pour cette raison, la requête sera rejetée en ce qui a trait aux cotisations établies en vertu de la LIR.
Questions en litige
[14] À l’audience, l’avocat de la demanderesse a fait savoir que sa cliente sollicitait un allégement au regard de la LAE/LAC uniquement pour la période antérieure au 30 juin 1996, et, en ce qui concerne le RPC, uniquement pour la période antérieure au 18 décembre 1997. Autrement dit, la demanderesse s’en tient à cet égard aux périodes pour lesquelles elle était tenue de faire appel dans les 90 jours suivant l’envoi de l’évaluation par la poste.
[15] La demanderesse demande donc l’annulation de la « décision » en date du 22 mars 2007 dans la mesure où elle a trait aux évaluations et cotisations établies au titre du RPC et de la LAC avant cette date, si tant est qu’il y ait effectivement eu décision, et un mandamus enjoignant au ministre de rendre une décision au sujet des appels interjetés par la demanderesse au titre des périodes précédant ces dates.
[16] À l’audience, l’avocat de la défenderesse a accepté les conclusions du juge Rossiter quant à l’absence de preuves que les avis de cotisation ont effectivement été envoyés par la poste au cours de la période 1991‑1998, mais il soutient que, depuis au moins 2005, la demanderesse a été avisée des évaluations et cotisations établies pour les années en question, et que les dispositions du RPC et de la LAE fixant, pour ces appels, un délai de 90 jours à partir de la notification, s’appliquent par conséquent. Pour récapituler, la défenderesse se fonde sur les conclusions que le juge Rossiter a exposées au paragraphe 45 de ses motifs :
45 Il est bien évident qu’il fallait que l’appelante ait été notifiée ou ait eu connaissance des évaluations établies en vertu du RPC et de la LAE pour être en mesure de présenter une demande fondée sur l’équité. (L’article 99 de la LAE et le paragraphe 23(2) du RPC incorporent tous deux par renvoi le paragraphe 220(3.1) de la LIR, qui prévoit un allégement à l’égard des intérêts accordé au titre de l’équité). En présumant que la toute dernière demande fondée sur l’équité a été présentée et rejetée le même jour, soit le 15 novembre 2005, le délai commencerait à courir à cette date. Je mentionne les demandes fondées sur l’équité uniquement parce que ce sont des demandes présentées par l’appelante. Il y a également les autres éléments de preuve mentionnés, qui démontrent que l’appelante devait avoir reçu notification. Étant donné que les avis d’opposition ont été produits le 23 janvier 2007, le délai applicable était depuis longtemps expiré, de sorte qu’il semble que la requête de l’intimée devrait être accueillie en ce qui concerne les évaluations établies en vertu du RPC le 18 décembre 1997 ou après cette date et les évaluations établies en vertu de la LAE le 30 juin 1996 ou après cette date. Toutefois, cela ne met pas pour autant fin à l’affaire.
[17] Ainsi, selon la défenderesse, étant donné que la demanderesse n’a pas interjeté appel dans les 90 jours suivant le mois de novembre 2005, et attendu pour ce faire jusqu’au 23 janvier 2007, c’est à bon droit que l’ARC a répondu, comme elle l’a fait dans sa lettre en date du 22 mars 2007, qu’elle ne pouvait, pour cause de retard, donner suite à l’appel.
[18] La demanderesse fait valoir que les dispositions, en vigueur en 1996 et 1997, énonçant que les délais d’appel commencent à courir à partir de la date de mise à la poste de l’avis d’évaluation, s’appliquent en l’espèce et que, compte tenu des éléments de preuve indiquant que les évaluations reconstituées n’ont été envoyées que vers la fin du mois d’octobre 2006, les appels ont été interjetés dans les délais prescrits.
Analyse
[19] Le sort du litige dépend de l’effet qu’ont eu les changements au RPC et à la LAE/LAC introduits en 1996 et 1997, la date de mise à la poste devenant la date de notification. Si ce sont les dispositions qui font mention de la date de mise à la poste qui s’appliquent, la « décision » du 22 mars 2007 de ne donner aucune suite à la démarche de la demanderesse ne saurait constituer une décision, et l’ARC devrait être tenue de rendre une décision au sujet des appels de la demanderesse. Si, par contre, ce sont les dispositions qui font mention de la date de notification qui s’appliquent, la décision de ne donner aucune suite aux appels en question constitue une décision. Dans ce cas‑là, il s’agit de déterminer s’il y a lieu ou non d’annuler la décision en cause.
[20] Pour ce qui est des modifications apportées aux dispositions du RPC et de la LAE/LAC, les deux parties se réfèrent au paragraphe 43c) et aux alinéas 44d)(i), (ii) et (iii) de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21 :
43. L’abrogation, en tout ou en partie, n’a pas pour conséquence : …
c) de porter atteinte aux droits ou avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé; …
44. En cas d’abrogation et de remplacement, les règles suivantes s’appliquent : …
d) la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie, dans la mesure où l’adaptation en est possible : (i) pour le recouvrement des amendes ou pénalités et l’exécution des confiscations imposées sous le régime du texte antérieur, (ii) pour l’exercice des droits acquis sous le régime du texte antérieur, (iii) dans toute affaire se rapportant à des faits survenus avant l’abrogation;
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43. Where an enactment is repealed in whole or in part, the repeal does not …
(c) affect any right, privilege, obligation or liability acquired, accrued, accruing or incurred under the enactment so repealed, …
44. Where an enactment, in this section called the “former enactment”, is repealed and another enactment, in this section called the “new enactment”, is substituted therefore, …
(d) the procedure established by the new enactment shall be followed as far as it can be adapted thereto (i) in the recovery or enforcement of fines, penalties and forfeitures imposed under the former enactment, (ii) in the enforcement of rights, existing or accruing under the former enactment, and (iii) in a proceeding in relation to matters that have happened before the repeal;
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[21] Dans l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd c Canada (Ministre du Revenu national), [1977] 1 R.C.S. 271, la Cour suprême du Canada a examiné, dans le contexte de la Loi de l’impôt sur le revenu, la question de l’incidence que peuvent avoir des modifications législatives. Après avoir rappelé que la Loi de l’impôt sur le revenu contient une série de règles à la fois très complexes et fréquemment modifiées, le juge Dickson, s’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour, s’est prononcé en ces termes, aux pages 282‑283 de l’arrêt :
Personne n’a le droit acquis de se prévaloir de la loi telle qu’elle existait par le passé; en droit fiscal, il est impérieux que la législation reflète l’évolution des besoins sociaux et de l’attitude du gouvernement. Un contribuable est libre de planifier sa vie financière en se fondant sur l’espoir que le droit fiscal demeure statique; il prend alors le risque d’une modification à la législation.
Le simple droit de se prévaloir d’un texte législatif abrogé, dont jouissent les membres de la communauté ou une catégorie d’entre eux à la date de l’abrogation d’une loi, ne peut être considéré comme un droit acquis: Abbott v. Minister of Lands, [[1895] A.C. 425.] à la p. 431; Western Leaseholds Ltd. v. Minister of National Revenue [[1961] C.T.C. 490 (Exch.).]; Director of Public Works v. Ho Po Sang [[1961] 2 All E.R. 721 (P.C.).]
[22] La Cour suprême a par la suite eu l’occasion de se pencher sur le même problème, cette fois dans le contexte du Code criminel, et dans l’arrêt R c Puskas, [1998] 1 R.C.S. 1207, le juge en chef (Lamer), se prononçant au nom de la Cour, s’est exprimé en ces termes au sujet du libellé du paragraphe 43c) de la Loi d’interprétation, précitée, aux paragraphes 14 et 15 :
14 Puisque la jurisprudence est d’une utilité limitée, il appartient à la Cour de trancher la question en se fondant sur l’interprétation de la loi et sur les principes. À notre avis, il existe diverses raisons de statuer que la capacité de faire appel de plein droit à notre Cour n’est «acquise» («acquired», «accrued» ou «accruing», suivant le texte anglais de l’art. 43 de la Loi d’interprétation) qu’au moment où la cour d’appel rend jugement. La première est une interprétation, fondée sur le sens commun, de ce que signifie le fait pour une personne d’«acquérir» un droit ou qu’un droit lui soit «acquis». Un droit ne peut être considéré comme «acquis» que lorsque son titulaire peut vraiment l’exercer. Le mot anglais «accrue» est simplement une façon passive d’exprimer le même concept (une personne «acquiert» un droit; un droit est «acquis» à une personne). De même, quelque chose ne peut être considéré comme «accruing» que si, en bout de ligne, son acquisition est certaine et non tributaire d’événements futurs (Scott c. College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan, (1992), 95 D.L.R. (4th) 706 (C.A. Sask.), à la p. 719). En d’autres mots, un droit ne peut pas être acquis tant que toutes les conditions préalables à son exercice n’ont pas été remplies.
15 Sous le régime de l’ancien par. 691(2) du Code, il existait un certain nombre de conditions préalables à l’acquisition du droit d’appeler sans autorisation devant notre Cour. La première était que l’accusé soit inculpé d’un acte criminel. La deuxième était qu’il ait été acquitté de cette infraction au procès. La troisième était que l’acquittement ait été annulé par la Cour d’appel et la quatrième était que la Cour d’appel ait ordonné un nouveau procès. Tant que ces événements ne s’étaient pas produits, l’accusé n’acquérait pas le droit de se pourvoir sans autorisation devant notre Cour, et ce droit ne lui était pas acquis. Par conséquent, l’art. 43 de la Loi d’interprétation ne soustrait pas les affaires en cause à l’application de l’art. 44, qui indique que les procédures déjà engagées doivent être poursuivies en vertu du nouveau texte. Comme celui‑ci ne crée pas d’appel de plein droit, les appels doivent être annulés.
[23] Appliquant aux circonstances de la présente affaire le raisonnement adopté dans ces arrêts, j’estime que, dans la mesure où les conclusions du juge Rossiter sont acceptées par les parties, la demanderesse a été, au plus tard en novembre 2005, avisée des évaluations se rapportant aux années 1991 à 1998. Aucun appel n’a été interjeté à l’encontre de ces évaluations avant le mois de janvier 2007. Selon les dispositions du RPC et de la LAE/LAC en vigueur en novembre 2005, les délais d’appel commencent à courir à la date de notification. Les appels ont été formés en janvier 2007 et, par conséquent, bien après l’expiration du délai applicable.
[24] Cela étant, c’est à bon droit que la lettre en date du 22 mars 2007 précisait que le ministre ne pourrait pas donner suite aux appels étant donné qu’ils n’avaient pas été interjetés dans les délais prévus. Compte tenu des circonstances, cette « décision » est fondée. La décision en cause ne sera donc pas annulée et il n’y a pas lieu de rendre une ordonnance de mandamus.
[25] Le juge Rossiter ayant recommandé dans ses motifs à la demanderesse de solliciter de la Cour une ordonnance de mandamus, on ne saurait reprocher à la demanderesse d’avoir présenté une demande en ce sens. Les dépens ne seront par conséquent pas adjugés à la défenderesse, bien qu’elle ait eu gain de cause.
JUGEMENT
Pour les motifs ci‑dessus exposés :
LA COUR ORDONNE :
1. La demande est rejetée.
2. Il n’y a aucune adjudication de dépens.
Juge
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑499‑08
INTITULÉ : 742190 ONTARIO INC (VAN DEL MANOR NURSING HOME)
c
AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 29 septembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE HUGHES
DATE DES MOTIFS : Le 30 septembre 2009
COMPARUTIONS :
Osborne Barnwell
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POUR LA DEMANDERESSE
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Eric Noble Samantha Hurst
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POUR LA DÉFENDERESSE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Osborne G. Barnwell Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada
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POUR LA DÉFENDERESSE |