[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Mandamin
ENTRE :
DIONISIA PATRICIA CORNEJO BERRIOS,
JOEL ROMARIO MARINAS CORNEJO,
RODOLFO MARIO MARINAS CORNEJO
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section de protection des réfugiés, datée du 6 octobre 2008, qui a conclu que le demandeur, M. Marinas Rueda, était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention et qui a rejeté la demande des autres demandeurs d’être acceptés en qualité de réfugiés au sens de la Convention ou en celle de personnes à protéger.
LE CONTEXTE
[2] M. Puglio Marinas Rueda (le demandeur), sa femme, Dionisia Berrios, et ses deux fils, Joel Cornejo et Rodolfo Cornejo sont des citoyens du Pérou. Ils sont arrivés au Canada le 29 octobre 2004 et ont, le même jour, déposé leur demande d’asile.
[3] Le demandeur a servi dans la Marine péruvienne. Il a terminé son service militaire obligatoire de deux ans en 1983 et s’est volontairement enrôlé de nouveau pour rester dans la Marine jusqu’en 1992. Il était présent lors des événements survenus à la prison d’Isla Fronton les 17 et 18 juin 1986.
[4] La Marine péruvienne avait été appelée pour aider à réprimer une émeute à la prison d’Isla Fronton. Quelque 97 prisonniers ont été tués dans l’attaque contre les prisonniers. Le personnel des forces militaires péruviennes a été impliqué dans l’exécution de prisonniers. Dans le but de camoufler les événements, une unité de la Marine a fait exploser un bâtiment de la prison, le Pavillon bleu, et a laissé mourir les prisonniers piégés. La Cour interaméricaine des droits de la personne a considéré les actions des forces militaires péruviennes comme un crime contre l’humanité.
[5] La demande d’asile des demandeurs a été initialement rejetée le 29 septembre 2005. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il existait des motifs sérieux de croire que le demandeur avait été complice de crimes contre l’humanité perpétrés par la Marine péruvienne. La Commission a donc prononcé l’exclusion du demandeur et de sa famille.
[6] Dans le premier contrôle judiciaire, la juge Mactavish avait conclu qu’il n’y avait aucune preuve pour étayer la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur était directement impliqué. Elle a aussi conclu qu’il n’y avait eu aucune appréciation de la preuve qui aurait pu conduire à une inférence selon laquelle le demandeur n’avait pas partagé un objectif commun avec les auteurs des atrocités, en particulier, le fait qu’il ait rédigé un rapport exprimant sa désapprobation de ce qui s’était passé, le fait qu’il ait été sanctionné par ses supérieurs pour l’avoir fait ainsi que son transfert ultérieur à une autre unité au sein de la Marine péruvienne. Elle a également constaté, et le ministre l’a admis, que la Commission avait commis une erreur en appliquant sa conclusion d’exclusion du demandeur aux membres de sa famille et en omettant de tenir compte de leur demande d’inclusion.
[7] À la suite d’une nouvelle audience, la Commission a décidé, le 15 décembre 2008, que le demandeur était exclu de l’application de la définition de réfugié au sens de la Convention et du statut de personne à protéger selon l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention sur les réfugiés). En outre, la Commission a décidé que le demandeur et sa famille n’étaient pas inclus en tant que réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.
LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[8] La Commission a conclu qu’il existait des éléments de preuve selon lesquels le demandeur était un complice des crimes contre l’humanité perpétrés par la Marine péruvienne pendant son service. À ce titre, il est exclu de la protection du Canada aux termes de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.
[9] La Commission a accepté que la simple appartenance du demandeur à la Marine péruvienne n’était pas suffisante pour établir qu’il avait été complice de violations des droits de la personne commises par la Marine, puisque cette dernière ne pouvait pas être considérée comme une organisation poursuivant des fins limitées et brutales. Pour déterminer si le demandeur a été complice, la Commission a examiné les facteurs énumérés par la Cour fédérale dans Fabela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1028.
[10] La Commission a conclu que les crimes contre l’humanité commis par les Forces armées péruviennes n’étaient pas limités à la tragédie d’El Fronton. Au contraire, la Commission a conclu qu’il y avait eu au Pérou, de 1980 au début des années 1990, beaucoup d’autres incidents impliquant la disparition, la torture et l’assassinat pur et simple de civils. La Commission a conclu, selon la preuve documentaire, que les violations des droits de la personne contre des civils par les Forces armées péruviennes, y compris la Marine, étaient généralisées et systématiques.
[11] La Commission a fait remarquer que le demandeur était entré dans l’armée en 1983, dans le cadre de son service obligatoire et qu’il s’était volontairement enrôlé de nouveau, en avril 1985, pour poursuivre une carrière dans l’armée péruvienne.
[12] La Commission a fait remarquer qu’il n’y avait aucune preuve donnant à penser que le demandeur avait été contraint de participer à la tragédie survenue à El Fronton les 18 et 19 juin 1986. La Commission a également fait remarquer que le demandeur avait progressé dans la Fuerza De Operaciones Especiales (FOES et GOES), d’un grade inférieur, comme étudiant, à un grade supérieur à titre d’officier de la Marine au cours de sa carrière qui a pris fin en 1992.
[13] De l’avis de la Commission, la participation du demandeur aux événements de la prison d’El Fronton était plus révélatrice que son rang inférieur. La Commission a conclu que le demandeur avait été témoin et avait acquis une connaissance directe des actes de violence commis lors de l’attaque de la prison. Elle a conclu que le demandeur était plus proche des événements qu’il ne l’avait affirmé. Elle a constaté que, par ailleurs, il ne pouvait donner la description détaillée de l’assassinat des prisonniers qui étaient encore en vie après que les explosions aient détruit le Pavillon bleu. La Commission a conclu que le demandeur n’était pas franc quant à son rôle à El Fronton, son témoignage relatif au rôle de son groupe dans la tragédie ayant changé.
[14] La Commission a conclu que la poursuite du service du demandeur, de 1986 à 1992, au sein de la Marine péruvienne, y compris sa progression à un rang supérieur, avec sa participation à l’opération à El Fronton, qui avait eu un grand retentissement, étaient de fortes inférences quant à sa complicité dans les crimes commis par l’organisation.
[15] La Commission a conclu que le demandeur avait connaissance des violations des droits de la personne commises par l’armée péruvienne tout au long de sa carrière dans la Marine.
[16] La Commission n’a pas été convaincue que le demandeur avait écrit un rapport exprimant son désaccord quant aux événements d’El Fronton, puisqu’il n’avait pas fourni de copie du rapport ni présenté de preuve quant au fond de ses déclarations. La Commission a déclaré que, même s’il avait fait un tel rapport (ce qu’elle n’a pas cru), il n’y avait aucune preuve convaincante donnant à penser qu’il n’aurait pas pu mettre fin à son service au sein de la Marine péruvienne immédiatement après l’événement d’El Fronton.
[17] En conclusion, la Commission a jugé que la connaissance, de la part du demandeur, des violations des droits de la personne par la Marine péruvienne, sa participation aux atrocités qui s’étaient produites à El Fronton, sa connaissance de celles‑ci ainsi que son long service dans la Marine péruvienne indiquaient qu’il partageait un objectif commun avec l’organisation. La Commission a conclu que le demandeur avait été complice de crimes contre l’humanité.
[18] En ce qui concerne les conclusions quant à l’inclusion, la Commission a jugé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger aux termes de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).
[19] La Commission a conclu que le demandeur et sa famille, dont les demandes sont basées sur la sienne, n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La Commission a conclu que les questions déterminantes étaient la crainte subjective, la crainte bien fondée de persécution, une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable et la disponibilité de protection de l’État.
[20] Le demandeur a quitté la Marine en 1992. Il a ensuite été arrêté et détenu pendant trois mois en 1993. Il n’a quitté le Pérou qu’en 1995 quand il a visité la France. En 1996, il est retourné en France, sans sa famille, et a fait une demande d’asile qui a été rejetée en 1999. Il est retourné au Pérou cette année-là. En novembre 2000, il a visité les États‑Unis et est retourné au Pérou en décembre 2000. En mai 2001, sa famille et lui sont allés aux États‑Unis avec un permis de six mois, et ils y sont restés illégalement pendant trois ans.
[21] La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas raison de craindre d’être persécuté au Pérou. Elle a décidé, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités péruviennes n’avaient bel et bien aucun intérêt à faire du tort au demandeur ou à sa famille.
[22] La Commission a conclu que le demandeur et sa famille avaient une PRI viable à Callao, au Pérou, où le demandeur avait vécu et travaillé, entre 1999 et 2000, sans aucun problème. La Commission a conclu que, depuis la détention du demandeur en 1993, ses agents de persécution n’avaient fait aucun effort pour l’atteindre.
[23] Finalement, la Commission a conclu qu’il y avait une protection adéquate de l’État. Le demandeur n’avait pas tenté de consulter une agence de protection de l’État. La Commission a aussi conclu qu’il n’y avait aucune preuve que les entités étatiques ne l’auraient pas aidé. En outre, la Commission a cité des éléments de preuve documentaires démontrant que les officiers militaires et les responsables de l’État étaient poursuivis pour les atrocités commises contre des civils. La Commission a conclu que, quoique n’étant pas nécessairement parfaite, la protection de l’État était disponible pour le demandeur au Pérou.
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[24] L’article 98 de la LIPR prévoit ce qui suit :
La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.
[25] L’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention prévoit ce qui suit :
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
[…]
LES QUESTIONS EN LITIGE
[26] À mon avis, les questions en litige sont :
a) Sur la question de l’exclusion du demandeur, la Commission a-t-elle commis une erreur dans l’examen de la preuve de la complicité du demandeur dans des crimes contre l’humanité;
b) Sur la question de l’inclusion, la Commission a-t-elle commis une erreur en ce qui concerne l’appréciation de la crainte subjective de persécution, de la possibilité de refuge intérieur et de la protection de l’État.
LA NORME DE CONTRÔLE
[27] Dans Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a décidé qu’il y avait deux normes de contrôle, la décision correcte et la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable aux questions de droit était la décision correcte. La norme de la décision correcte doit être maintenue pour favoriser des décisions justes et éviter l’application incohérente et irrégulière du droit. Dunsmuir, au paragraphe 50.
[28] La norme de contrôle, pour les questions de fait ou mixtes de fait et de droit, était la décision raisonnable, Dunsmuir, au paragraphe 53. Le caractère raisonnable d’une décision tient à la justification, à la transparence de la décision et à l’intelligibilité du processus décisionnel. La décision doit appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Dunsmuir, au paragraphe 47.
[29] La question centrale dans la présente demande est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu de la définition de réfugié en raison de la complicité dans des crimes contre l’humanité, au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés et de l’article 98 de la LIPR. Il n’existe aucune preuve que le demandeur a personnellement commis des crimes contre l’humanité, et la Commission devait déterminer si, dans les faits, la preuve permettait une inférence de complicité. Ceci étant une question mixte de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable. Harb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 302 NR 178, au paragraphe 14; Rueda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 754, au paragraphe 14.
ANALYSE
[30] Le demandeur soutient que la décision de la Commission est déraisonnable pour un certain nombre de raisons, notamment : la Commission n’a pas correctement défini l’organisation de laquelle le demandeur a été complice, mettant en évidence l’ensemble de la Marine péruvienne. Le demandeur se fonde sur Bedoya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1092. La Commission a aussi commis une erreur en concluant que le demandeur avait partagé un objectif commun avec la Marine péruvienne et a plutôt fait mention de la totalité de son service dans cette marine en faisant fi de son grade inférieur d’étudiant stagiaire pendant l’événement d’El Fronton. Le demandeur conteste aussi le rejet par la Commission de sa prétention selon laquelle il avait rédigé un rapport critique sur la tragédie d’El Fronton.
[31] Le demandeur se fonde sur la conclusion de la juge Mactavish, au paragraphe 35, de Rueda, où elle a déclaré :
La Commission disposait d’éléments de preuve qui auraient pu l’amener à conclure que M. Marinas ne partageait pas d’intention commune avec les auteurs des atrocités. En effet, M. Marinas, après les faits, a préparé un rapport écrit dans lequel il a exprimé son désaccord avec ce qui s’était produit à la prison. À la suite de ce rapport, de toute évidence, M. Marinas a été sanctionné par ses supérieurs. Cependant, la Commission, dans ses motifs, n’a donné aucune attention à la valeur, s’il y a lieu, qui devait être attribuée à ce fait.
[32] Le demandeur soutient également que la Commission n’a pas examiné les dix facteurs de complicité énoncés dans Mohammad c Canada (MCI), [1995] ACF no 1457.
[33] Le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte, dans les questions liées à la crainte subjective, à la PRI ni à la protection de l’État, des observations relatives aux raisons pour lesquelles les autorités péruviennes continuaient à avoir un intérêt pour lui.
[34] Le défendeur soutient que la conclusion de la Commission quant à la complicité du demandeur dans des crimes contre l’humanité est raisonnable. On peut conclure qu’une personne a commis un crime contre l’humanité par complicité, même si elle n’a pas commis le crime spécifique allégué. Harb c Canada (MCI), 2003 CAF 39, au paragraphe 11.
[35] Le défendeur soutient que, quand une personne a connaissance que son organisation commet des crimes graves et qu’elle ne prend pas de mesures pour les prévenir, ou pour se désengager, cette personne sera considérée comme ayant partagé l’intention commune et sera jugée en être complice.
[36] Le défendeur distingue Bedoya dans la mesure où le juge Hughes a constaté, dans cette affaire, qu’il n’y avait aucune conclusion tirée selon laquelle le demandeur avait personnellement participé à des atrocités, ou que son unité en particulier en avait commises. En l’espèce, la Commission a clairement établi que l’unité des FOES du demandeur avait été directement impliquée dans des crimes contre l’humanité à El Fronton et en avait commis.
[37] Le défendeur cite un certain nombre d’autres décisions dans lesquelles la Cour a jugé que le demandeur avait été complice sur la base de faits similaires : Rubianes c Canada (MCI), 2006 CF 1140, aux paragraphes 7, et 12 à 24; Osayande c Canada (MCI), 2002 CFPI 368, au paragraphe 14.
[38] Le défendeur fait remarquer que la Commission a bien déduit que le demandeur avait partagé un objectif commun avec son organisation, en dépit de son grade inférieur, parce qu’il faisait partie des unités FOES et GOES. Le défendeur soutient qu’un grade élevé n’est pas une exigence pour conclure à la complicité. Le grade n’est qu’un facteur à considérer.
[39] Le défendeur soutient que la Commissin n’a pas commis d’erreur en se référant à tout le temps pendant lequel le demandeur était en service. Le défendeur soutient qu’on a conclu que la Marine péruvienne avait commis de nombreuses autres violations des droits de la personne et crimes contre l’humanité pendant que le demandeur en était membre.
[40] Le défendeur soutient que la décision de la Commission de rejeter le rapport critique qu’aurait rédigé le demandeur était raisonnable. Il n’avait pas demandé une copie du rapport écrit pour l’audience, et il n’a pas non plus dit ce qu’il contenait.
[41] Le défendeur soutient que soit les cinq facteurs soulignés par le demandeur ont été examinés par la Commission ou soit ils n’étaient pas pertinents. Les dix facteurs de complicité énoncés dans Mohammad, cités par le demandeur, sont des considérations qui peuvent être utiles dans certains cas, et pas dans d’autres. Le défendeur soutient que les six facteurs énoncés dans Bedoya et Ali c Canada (Procureur général), 2005 CF 1306, sont plus pertinents.
La complicité
[42] Dans Rueda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 754, aux paragraphes 15 à 26, la juge Mactavish a soigneusement examiné le droit en matière de complicité. Pour résumer :
▪ L’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés exclut du champ d’application de la Convention toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.
▪ L’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés incorpore l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention dans le droit interne canadien.
▪ Le ministre a la charge d’établir qu’une personne a été directement ou indirectement impliquée dans des crimes contre l’humanité : Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306 (CAF), au paragraphe 10. La norme de preuve est plus qu’un simple soupçon, mais moins que la norme civile de la prépondérance des probabilités : Lai c Ministre de Citoyenneté et Immigration, [2005] ACF no 584, 2005 CAF 125, au paragraphe 25. Le ministre doit simplement montrer qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur est coupable : Ramirez, au paragraphe 5; Moreno c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 298 (CAF), au paragraphe 16.
▪ La question de savoir si quelqu’un a été complice de crimes contre l’humanité est une question de fait qui doit être examinée au cas par cas.
▪ La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale établit certains principes généraux à suivre pour trancher une telle question. Ces affaires comprennent les arrêts Ramirez, Moreno et Harb, précités, ainsi que les arrêts Sivakumar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 433, et Bazargan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 205 NR 282. On n’a pas besoin d’être le véritable auteur des crimes contre l’humanité en question pour tomber sous le coup de l’exclusion. Dans certaines circonstances, des personnes peuvent être tenues responsables des actions des autres.
▪ Un acquiescement passif ne suffit pas à établir une base d’exclusion. Une implication personnelle dans les actes de persécution doit être établie afin de démontrer la complicité : Moreno, au paragraphe 50. La mens rea (ou l’intention criminelle) est un élément essentiel du crime : Moreno, au paragraphe 51.
▪ Le grade de la personne au sein de l’organisation est pertinent. Plus on est proche de la prise de décision, plus on a de chance d’y voir attachée la responsabilité criminelle. Inversement, plus on est loin des décideurs, moins il est probable que le degré de complicité requis pour entraîner l’application de la clause d’exclusion sera atteint : voir le paragraphe 53. Voir aussi Sivakumar, aux paragraphes 9 et 10.
• Un facteur à considérer est de savoir si la personne a tenté d’arrêter l’exécution des crimes, si elle a protesté contre leur perpétration ou si elle a essayé de se retirer de l’organisation : Sivakumar, au paragraphe 10. Le droit n’exige pas que les gens se mettent en grave péril pour se dégager de l’organisation en question. Cependant, ils ne peuvent pas non plus être des « robots amoraux » : Ramirez, au paragraphe 22, et Moreno, au paragraphe 47.
[43] La Commission a décidé, sur la base de la preuve documentaire, que la Marine péruvienne avait commis de nombreuses atrocités pendant la période au cours de laquelle le demandeur y avait été en service. La Commission a conclu que sa participation à la tragédie d’El Fronton et son service dans la Marine péruvienne pendant les six années suivantes sont révélateurs de sa complicité dans des crimes contre l’humanité perpétrés par la Marine.
La nature de l’organisation
[44] Le degré d’association avec les autres est une considération pertinente dans l’appréciation de la complicité. La juge Layden-Stevenson a examiné la question de la complicité dans Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1356, au paragraphe 27 :
Des complices, de même que des auteurs principaux, peuvent être considérés comme ayant commis des crimes internationaux (quoique, aux fins des présentes, je ne suis pas préoccupée par les auteurs principaux). La Cour, dans Ramirez, a reconnu le concept de complicité défini comme une participation personnelle et consciente et, dans Sivakumar, le concept de complicité par association par lequel des individus peuvent être tenus responsables d’actes commis par d’autres en raison de leur association étroite avec les auteurs principaux. La complicité dépend de l’existence d’une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause peuvent en avoir : voir Ramirez et Moreno.
[Non souligné dans l’original.]
[45] Il faut examiner la nature des organisations auxquelles une personne est associée. Dans Bedoya, le juge Hughes a accepté les facteurs suivants comme considérations de « complicité » :
a) la nature de l’organisation;
b) la méthode de recrutement;
c) le poste ou le grade au sein de l’organisation;
d) la période de temps passée dans l’organisation;
e) la possibilité de quitter l’organisation; et
f) la connaissance des atrocités commises par l’organisation.
Le juge Hughes a souligné l’importance de bien caractériser le terme « organisation ». Il a conclu, dans cette affaire, que le tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant que l’activité de l’« armée » pouvait être attribuée au demandeur. En fait, on n’avait pas conclu que l’armée dans son ensemble avait un objectif limité et brutal.
[46] La première difficulté avec l’analyse de la Commission relativement à l’exclusion réside d’abord dans sa conclusion selon laquelle la Marine péruvienne, en tant qu’entité, commettait des crimes contre l’humanité. Elle a donc avancé l’argument que les diverses entités décrites avaient commis des atrocités. Les entités décrites sont les suivantes : les Forces armées péruviennes, les forces gouvernementales, militaires et de la police, les agents de l’armée et de la police, les services militaires, l’armée et la police péruviennes, la Marine et les Sinchis, les unités de contreinsurrection de ce qui était alors la Garde civile, l’armée, la police et les forces combinées, les membres de l’armée, d’autres forces officielles […] y compris les fusiliers marins de la Marine, la police d’enquête, les forces combinées, les services de renseignement et la police régulière, l’armée et les forces de contreinsurrection de la Marine et la Marine péruvienne. Il est à noter que, dans son énumération, la Commission a inclus une large variété de forces gouvernementales parmi lesquelles la Marine est mentionnée quatre fois.
[47] La Commission a conclu que :
[TRADUCTION]
Les exemples ci-dessus ne sont que quelques-unes des innombrables atrocités qui ont été commises par l’Armée péruvienne, y compris la Marine péruvienne. Sur la base des éléments de preuve documentaires déposés comme pièces, le tribunal conclut que les crimes contre l’humanité étaient commis par les Forces armées péruviennes, dont la Marine, sans les limiter aux événements d’El Fronton, alors que le demandeur était membre de la Marine péruvienne faisant partie des Forces armées péruviennes.
[48] À mon avis, la Commission a excessivement généralisé sans jamais trancher la question de savoir si la Marine péruvienne, en tant qu’entité, était délibérément responsable de crimes contre l’humanité. Elle n’a pas apprécié le comportement du commandement de la Marine. Elle n’a pas examiné la question de savoir si des ordres généraux de la Marine avaient prescrit ou facilité la perpétration de crimes contre l’humanité par des unités de la Marine. Elle n’a pas examiné la question de savoir si des officiers de la chaîne de commandement de la Marine avaient passé des instructions qui avaient contribué à la perpétration de crimes contre l’humanité. Elle n’a pas apprécié le degré de connaissance que les marins et les officiers avaient eu des atrocités commises par la Marine.
[49] Dans son résumé sélectif des documents, la Commission mentionne la Marine péruvienne à quatre reprises, dont l’une concerne l’atroce événement d’El Fronton. À l’examen d’un autre document, on trouve la mention de la Marine péruvienne, mais il poursuit pour préciser que les responsables politicomilitaires (les RPM) de l’administration locale, étaient en grande partie responsables des atrocités. Ceci va à l’encontre de la conclusion par la Commission d’un modèle de conduite ou d’un modus operandi par la Marine péruvienne dans son ensemble. Le rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation (la CVR) a décrit le rôle des RPM. Le rapport contient ce qui suit :
[traduction]
55. La CVR affirme que, dans certains endroits et à certains moments du conflit, le comportement des membres des Forces armées n’impliquait pas seulement quelques excès isolés commis par des officiers ou des soldats, mais a également entraîné des pratiques généralisées et/ou systématiques de violations des droits de la personne qui constituent des crimes contre l’humanité ainsi que des transgressions des normes du droit international humanitaire.
56. La CVR conclut que, dans ce cadre, les responsables politicomilitaires (les RPM), désignés comme les plus hautes autorités de l’État dans les zones d’urgence, peuvent bien assumer la responsabilité principale de ces crimes. Le pouvoir judiciaire doit établir le degré exact de la responsabilité criminelle des RPM, que ce soit par les ordres, l’incitation, la facilitation ou la dissimulation, ou pour avoir négligé le devoir fondamental de mettre un terme à ces crimes.
[Non souligné dans l’original.]
[50] La CVR a aussi conclu que les Forces armées avaient été capables de tirer des leçons qui leur avaient permis d’affiner leur stratégie visant à devenir plus efficaces et moins sujettes à des violations massives des droits de la personne, comme au cours de la période de conflit armé interne le plus intense (1989‑1993), ce qui s’était aussi traduit par une diminution significative des victimes d’actes commis par les agents de l’État. Un autre rapport indique que la Marine a été moins impliquée dans des violations des droits de la personne après El Fronton. Cette tendance générale met en doute l’idée que la Marine péruvienne, dans son ensemble, avait un objectif commun quant à la commission généralisée et systématique de crimes contre l’humanité.
[51] Dans Bedoya, le juge Hughes a conclu que l’unité organisationnelle pertinente était la Brigade mobile 1 dont le demandeur faisait partie, et non toute l’Armée colombienne. Dans Rubianes, le juge Pinard a conclu que la Commission avait raisonnablement déduit que le demandeur, avec des responsabilités dans les domaines du renseignement et en tant que chef d’un peloton, partageait un objectif commun avec les activités d’une unité spécifique, la Brigade mobile 1. L’application de cette approche me permet de conclure que l’organisation qui est en cause est l’unité des FOES et GOES dont le demandeur était membre au moment de la tragédie d’El Fronton.
[52] La Commission a plutôt considéré la Marine péruvienne comme étant l’organisation de référence. Elle avait accepté le fait que la Marine péruvienne n’était pas une organisation ayant un objectif limité et brutal. Compte tenu de cette appréciation et compte tenu de l’insuffisance de l’analyse excessivement généralisée de la Commission quant au rôle de la Marine péruvienne, dans son ensemble, dans les atrocités commises au Pérou au cours de la période de 1985 à 1992, nous ne pouvons pas dire avec certitude que l’objectif commun de la Marine péruvienne était la perpétration de crimes contre l’humanité, encore moins ne pouvons-nous dire que le demandeur [TRADUCTION] « partageait un objectif commun avec la Marine et la Force maritime, étant donné qu’il avait toléré que l’assassinat fasse partie de leur modus operandi. »
Les actions du demandeur
[53] Dans Harb, le juge Decary de la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que l’Armée du Liban‑Sud avait commis des crimes contre l’humanité et a aussi fait remarquer que la Commission avait conclu qu’il s’agissait d’une organisation terroriste, ayant un objectif limité et brutal. Le juge Decary a déclaré que le simple déni ne peut suffire pour nier un objectif commun. Il a déclaré que les actions du demandeur peuvent être révélatrices et que les circonstances peuvent être telles que l’on peut déduire qu’une personne partage les objectifs de ceux avec lesquels elle collabore.
[54] Dans Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306 (CAF), au paragraphe 15, le juge MacGuigan a déclaré :
[…] En partant de la prémisse qu’une interprétation faisant intervenir la mens rea est nécessaire, j’estime que le critère de la « forme d’activité personnelle de persécution », pris comme comportant un élément moral ou une connaissance, constitue une indication utile de la mens rea dans ce contexte. À l’évidence, personne ne peut avoir « commis » des crimes internationaux sans qu’il n’y ait eu un certain degré de participation personnelle et consciente.
[55] La Commission a conclu que le demandeur était au courant et complice des crimes contre l’humanité commis par l’unité FOES et GOES de la Marine péruvienne à El Fronton. Cependant, selon le témoignage du demandeur, il a écrit un rapport critique sur la conduite de la Marine à El Fronton. Ce rapport est crucial pour sa prétention selon laquelle il n’est pas complice dans la perpétration de cette atrocité. La Commission n’a pas cru qu’il avait écrit un rapport condamnant les actions de la Marine à El Fronton, parce qu’il n’a ni produit une copie du rapport, ni témoigné sur le contenu de son rapport. Cependant dans ses documents, le demandeur a déclaré :
[traduction]
1. J’étais totalement contre ce qu’ils avaient fait aux détenus. Notre groupe de huit devait produire un rapport sur ce qui s’était passé, et, dans ce rapport, j’ai exprimé mon opposition à ce qui s’était produit. Quand mes supérieurs ont pris connaissance de ma position, un grand conflit a éclaté, et ils m’ont humilié et torturé psychologiquement. Je fus exclu de diverses tâches et séances de formation.
2. Comme j’avais indiqué clairement que je n’approuvais ce qu’ils avaient fait aux détenus, ils m’ont donc considéré comme leur ennemi, de sorte que je fus constamment victime de menaces et de sanctions. Cela a ruiné ma vie personnelle et ma vie professionnelle.
[56] Le demandeur a la responsabilité de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa demande. On a interrogé le demandeur sur le lieu où se trouvait le rapport, et il a donné une explication de la raison pour laquelle il ne l’avait pas en sa possession, ce que la Commission est en droit d’accepter ou non. Cependant, on ne semble pas avoir posé de questions au demandeur sur le contenu du rapport. Depuis son témoignage concernant son rapport, l’absence de questionnement spécifique sur le contenu précis affaiblit toute affirmation selon laquelle il ne devrait pas être cru du fait qu’il n’a pas réussi à décrire plus en détail ce que contenait son rapport.
[57] La juge Mactavish a conclu que l’omission du tribunal antérieur de faire référence à la rédaction par le demandeur d’un rapport critique et au fait qu’il aurait été sanctionné pour cela faisait partie des motifs permettant d’accueillir la demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal et de renvoyer l’affaire pour qu’il soit statué à nouveau sur celle‑ci. Il est clair que la Commission ne doit pas seulement aborder la preuve concernant le rapport, mais aussi celle relative au fait que le demandeur avait été sanctionné pour l’avoir rédigé.
[58] La Commission rejette le témoignage du demandeur concernant la rédaction du rapport, mais ne fait aucune référence à la preuve pertinente qui corrobore son récit. Cela comprend une note de son carnet personnel de la Marine du Pérou, datée d’un jour seulement après les événements d’El Fronton. Cette note se lit ainsi :
[traduction]
Date |
Raison |
Sanction |
20/06/86 |
Manque de loyauté N’a pas dit la vérité (Île de Fronton) |
30 jours C/A |
[59] En tant que telle, l’entrée susmentionnée dans le dossier de service du demandeur est une preuve qui appuie son affirmation selon laquelle il a écrit un rapport critique pour lequel il a été sanctionné. De plus, on a interrogé le demandeur sur le fait d’avoir été sanctionné après les événements d’El Fronton, et il a répondu aux questions. À mon avis, la Commission devait aborder cette preuve dans ses motifs. Au lieu de cela, la Commission n’a même pas mentionné que le demandeur avait été sanctionné. Cela a comme conséquence que la Commission n’a pas examiné cet élément de preuve pertinent ou qu’elle n’en a pas tenu compte. De ce fait, la Commission a commis une erreur.
[60] La juge Mactavish a également conclu que la Commission n’avait pas pris en compte l’importance des tentatives du demandeur de se dissocier des actes de ses collègues après les événements d’El Fronton, par son transfert à une autre unité au sein de la Marine péruvienne.
[61] Dans Penate c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 CF 79 (1re inst), au paragraphe 6, la juge Reed a déclaré ceci :
Selon mon interprétation de la jurisprudence, sera considéré comme complice quiconque fait partie du groupe persécuteur, qui a connaissance des actes accomplis par ce groupe, et qui ne prend pas de mesures pour les empêcher (s’il peut le faire) ni ne se dissocie du groupe à la première occasion (compte tenu de sa propre sécurité), mais qui l’appuie activement. On voit là une intention commune. Je fais remarquer que la jurisprudence susmentionnée ne vise pas des infractions internationales isolées, mais la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l’opération.
[Non souligné dans l’original.]
[62] Le demandeur était un étudiant stagiaire dans l’unité FOES et GOES au moment où s’est produit l’atroce événement d’El Fronton. En tant que membre junior, il n’était guère dans une position pour prendre des mesures afin d’empêcher que cela n’arrive.
[63] La Commission a considéré que le fait, pour le demandeur, de poursuivre sa carrière dans la Marine péruvienne était un facteur contribuant à sa conclusion de complicité. Comme je l’ai déjà mentionné, l’organisation de référence était l’unité FOES et GOES.
[64] Il n’existe aucune preuve que les autres unités dans lesquelles le demandeur a servi après El Fronton, plus tard dans sa carrière navale, ont participé, de quelque façon que ce soit, à des crimes contre l’humanité. Il a été transféré à l’école CITN et a travaillé dans la section de formation en 1987 et en 1988, où il a occupé un rôle administratif. Il a été rappelé à son unité et envoyé à Pucalla en 1991. Il a nié avoir participé à quelque combat que ce soit, à l’exception d’une opération de sauvetage de soldats qui s’enfuyaient après une embuscade. Plus tard, il eut un désaccord avec ses supérieurs, ce qui l’a amené à déserter la Marine péruvienne en 1992.
[65] Il incombait à la Commission d’examiner la question de savoir si le transfert du demandeur à une autre unité était un acte par lequel il se dissociait de la conduite de l’unité FOES et GOES à El Fronton. Elle ne l’a pas fait. Encore une fois, la Commission a commis une erreur.
[66] Je conclus que l’analyse, par la Commission, de la preuve concernant la complicité du demandeur dans la perpétration de crimes contre l’humanité est viciée en ce qui concerne l’identification de la Marine péruvienne comme étant une entité ayant délibérément commis des crimes contre l’humanité. La Commission a aussi commis une erreur du fait qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve corroborante indiquant que le demandeur avait été sanctionné pour avoir rédigé un rapport critiquant les actions commises à El Fronton. Enfin, la Commission a commis une erreur en omettant d’examiner la question de savoir si le transfert du demandeur vers une autre unité, après la tragédie d’El Fronton, avait été, pour lui, un moyen de se dissocier de la conduite des FOES et GOES.
[67] L’effet cumulatif de ces erreurs rend déraisonnable la décision de la Commission relative à l’exclusion.
La demande relative à l’inclusion
[68] La demande d’asile du demandeur et de sa famille repose sur sa peur de courir un danger du fait qu’il a été témoin des événements qui se sont produits à El Fronton en 1983, et sur le fait que ceux qui sont au pouvoir et qui font l’objet d’une enquête les ont menacés, sa famille et lui, car il pourrait témoigner contre eux. Il fonde cette affirmation sur deux faits en particulier. Le premier est son arrestation et son incarcération en 1993, de même que les menaces proférées, au cours de sa détention, de les tuer, sa famille et lui, s’il ne changeait pas sa position sur ce qui s’était passé à El Fronton. Le second est une tentative de tuer le frère du demandeur, alors que c’est celui‑ci, croit‑il, qui était la cible de l’attentat, en raison de sa connaissance des événements d’El Fronton.
[69] Le fondement de la demande de statut de réfugié présentée par le demandeur est son récit des événements d’El Fronton et le fait qu’il s’y est opposé, un récit que la Commission a rejeté. Comme je l’ai déjà mentionné, le raisonnement de la Commission est vicié sur ce point. Compte tenu des problèmes occasionnés par la façon dont la Commission a traité la demande sous‑jacente, je considère qu’il est peu sûr de permettre que la décision de la Commission sur les questions relatives à l’inclusion, laquelle concernait tous les demandeurs, demeure valide.
CONCLUSION
[70] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
[71] Le demandeur a proposé d’attendre la décision avant de soumettre une question de portée générale. Les parties disposeront de 14 jours, à compter de la date de la présente décision, pour proposer une question en vue de la certification.
JUGEMENT
1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui‑ci rende une nouvelle décision;
2. les parties disposent de 14 jours à compter de la date du présent jugement pour proposer une question en vue de la certification.
Traduction certifiée conforme
C. Laroche
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4775-08
INTITULÉ DE LA CAUSE : PUGLIO RODOLFO MARINAS RUEDA ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 28 AVRIL 2009
MOTIFS DE JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE MANDAMIN
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 30 SEPTEMBRE 2009
COMPARUTIONS :
Jack Davis
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POUR LES DEMANDEURS |
David Cranton
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davis & Grice Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |