Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Les questions d’immigration relatives à M. Liew sont à tout le moins alambiquées. Le présent contrôle judiciaire n’est qu’un autre des nombreux méandres que comporte le litige qui l’oppose au ministre.
I. LE CONTEXTE
[2] Le contrôle judiciaire dont il est ici question a trait à une décision d’examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable qui a été rendue le 9 février 2009. L’un des points en litige était la nature de l’assurance donnée par le gouvernement de la Malaisie au sujet de la probabilité que l’on n’infligerait pas la peine de mort à M. Liew pour meurtre dans son pays d’origine ou que cette peine, si on l’infligeait, ne serait pas exécutée.
[3] Le Canada exige ce type d’assurance par suite des décisions rendues dans les arrêts États‑Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283 et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, de façon à ce que le gouvernement canadien ne soit pas lié à l’atteinte au droit « à la vie, à la liberté ou à la sécurité ».
[4] L’« assurance » donnée en premier lieu par la Malaisie, et sur laquelle l’agent d’ERAR s’est fondé dans sa décision, mentionnait simplement qu’étant donné que les accusations de meurtre étaient en instance depuis 17 ans, [traduction] « les risques d’inculpation de M. Liew seraient minimes ».
[5] Après l’octroi de l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, le défendeur a présenté une requête visant à faire ajourner l’audition du contrôle judiciaire et consentant à la tenue du contrôle judiciaire. Il a changé d’avis parce que le gouvernement malaisien avait envoyé une note diplomatique additionnelle informant le Canada qu’il ne pouvait pas donner les assurances demandées concernant la peine de mort car les lois de la Malaisie ne permettent pas de le faire.
[6] Malgré la concession du défendeur, le demandeur s’est opposé à ce que l’on consente à la tenue d’un contrôle judiciaire. Son seul motif d’opposition est que la requête ne contient aucune disposition quant au délai dans lequel mener un nouvel ERAR, aucune promesse que l’ERAR sera favorable et aucune mention de son incarcération.
[7] Le demandeur tente d’obtenir une décision portant que la note diplomatique est insuffisante, une libération inconditionnelle et des dépens de plus de 25 000 $.
[8] Vu la position du demandeur, le contrôle judiciaire s’est poursuivi comme prévu. Il aurait pu éviter l’audition en souscrivant à la concession du défendeur et en demandant la tenue d’une conférence téléphonique pour régler les conditions accompagnant l’ordonnance accordant l’autorisation.
[9] Compte tenu de l’historique de l’espèce et des allégations formulées par l’avocat du demandeur contre l’avocat du défendeur et contre les juges de la Cour, il était raisonnable que le ministère de la Justice ait deux avocats présents de façon à éviter tout délai s’il fallait que l’avocat principal se retire pour répondre aux allégations sous-entendues dans les documents du demandeur.
II. ANALYSE
[10] En examinant les motifs d’opposition au consentement du défendeur à tenir un contrôle judiciaire, la Cour ne donnera pas de directives à l’agent qui effectuera le nouvel ERAR. Il est survenu trop d’éléments nouveaux pour qu’il soit justifié de couler quoi que ce soit dans le béton prématurément. L’agent est censé s’acquitter de ses fonctions en tenant compte de toutes les circonstances.
[11] Cependant, il est évident – et ceci peut servir de guide – qu’à moins d’autres éléments nouveaux, la note diplomatique la plus récente ne satisfait pas aux assurances requises que la Cour suprême du Canada a imposées.
[12] La Cour ne rendra aucune ordonnance au sujet de l’incarcération, car il s’agit là d’une question qui est du ressort d’un autre organisme.
[13] Le demandeur, par l’entremise de son avocat, a consenti à renoncer à son droit de formuler des observations au sujet du nouvel ERAR. Cela étant, un délai de trente (30) jours pour rendre une décision d’ERAR est raisonnable, et c’est ce qui sera ordonné.
[14] En terminant, pour ce qui est des dépens, il n’y a pas de « raisons spéciales » de rendre une telle ordonnance à l’encontre du défendeur. Après la réception de la nouvelle note diplomatique, l’avocat a informé le demandeur et la Cour qu’il consentait à la tenue d’un contrôle judiciaire. S’il y avait des « raisons spéciales » quelconques, elles seraient en défaveur du demandeur, qui a forcé l’instruction à Edmonton d’une question qu’il aurait été possible de régler de manière nettement plus expéditive.
III. CONCLUSION
[15] Par conséquent, le contrôle judiciaire sera accordé, la décision d’ERAR annulée et l’affaire renvoyée au défendeur pour qu’elle soit tranchée par un nouvel agent dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour. Il n’y a pas de question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accordée, la décision d’ERAR annulée et l’affaire renvoyée au défendeur pour qu’elle soit tranchée par un nouvel agent dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1273-09
INTITULÉ : TEE MENG LIEW c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 SEPTEMBRE 2009
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 9 SEPTEMBRE 2009
COMPARUTIONS :
Timothy E. Leahy
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POUR LE DEMANDEUR |
Kareena R. Wilding Manuel Mendelzon
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Forefront Migration LTD. Edmonton (Alberta)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r Sous-procureur général du Canada Edmonton (Alberta) |
POUR LE DÉFENDEUR |