Ottawa (Ontario), le 11 août 2009
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
et
LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Dans les motifs du jugement datés du 4 juin 2009, je suis resté saisi de la question des dispositions de voyage au cas où les parties s’avéraient incapables de s’entendre sur la façon de ramener sain et sauf M.Abdelrazik au Canada dans un délai de 30 jours. M.Abdelrazik devait comparaître devant la Cour, à Montréal, le mardi 7 juillet 2009. La question des dépens a été reportée jusqu’à ce que la Cour ait reçu les observations des parties.
[2] La Cour n’a pas eu à intervenir de nouveau, car le gouvernement du Canada a délivré les documents de voyage nécessaires et a pris les arrangements appropriés pour que M. Abdelrazik revienne au Canada. M. Abdelrazik a comparu devant moi, à Montréal, le 7 juillet 2009.
[3] La Cour dispose maintenant des observations des parties concernant les dépens. Il s’agit des motifs supplémentaires portant sur les dépens, soit la seule question encore en litige devant être tranchée.
La position des parties
[4] Le demandeur sollicite des dépens avocat‑client à hauteur de 127 600 $, soit une somme globale comprenant les honoraires d’avocats, les débours et la TPS. Il plaide avoir engagé des dépenses avocat‑client de 116 294 $, TPS et débours de 5 501,52 $ en sus.
[5] Le demandeur invoque un certain nombre de facteurs à l’appui de sa demande, dont les suivants :
a) [traduction] « L’affaire portait principalement sur des questions inédites et complexes en matière de droit constitutionnel et de droit international, et on ne saurait trop insister sur l’importance de la présente affaire pour le demandeur. »;
b) [traduction] « [L]e demandeur a remporté une victoire écrasante dans la demande et de graves conclusions ont été tirées, à savoir que les défendeurs avaient agi de mauvaise foi et qu’ils avaient violé les droits constitutionnels du demandeur. »;
c) Une offre écrite de règlement a été présentée tôt dans le litige, laquelle a été rejetée par les défendeurs;
d) L’avocat a dû passer beaucoup de temps au téléphone avec le demandeur [traduction] « afin d’établir et de maintenir un lien de confiance » et [traduction] « de faire en sorte qu’il garde un bon moral, car il vivait dans un environnement très difficile ».
[6] Le demandeur a été représenté par cinq avocats dans sa demande; certains l’ont représenté tout au long de la demande, d’autres à différentes étapes. Leur nom, leur année d’embauche et leur taux horaire facturable sont les suivants :
i. Yavar Hameed (2001) – 180 $
ii. Audrey Brousseau (2008) – 125 $
iii. Khalid Elgazzar (2006) – 135 $
iv. Paul Champ (2000) – 225 $
v. Amir Attaran (1999) – 225 $
[7] Tous les avocats sauf M. Attaran ont participé à l’audience qui a porté sur la présente demande et qui a duré deux jours. M. Attaran est professeur de droit, et la Cour a été informée [traduction] « [qu’]il ne réclamerait pas ses honoraires, bien que ses heures de travail soient réclamées » dans le mémoire de frais.
[8] Comme observation subsidiaire à sa demande de dépens avocat‑client dans toutes les instances, le demandeur soutient qu’il devrait avoir droit aux dépens partie‑partie jusqu’à la date de l’offre de règlement et à une somme globale de 97 000 $ pour la période suivant l’offre, ce qui comprend les honoraires, les débours et la TPS. Enfin, et de nouveau de façon subsidiaire, il sollicite des dépens partie‑partie dans toutes les instances au montant de 78 766 $, soit 60 % des honoraires d’avocats, la TPS et le remboursement de tous les débours.
[9] Les défendeurs soutiennent que l’adjudication des dépens devrait être effectuée selon la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales (les Règles). Ils plaident qu’il ne s’agit pas de l’une des circonstances extraordinaires et rares où il convient d’adjuger des dépens avocat‑client.
[10] Les défendeurs allèguent également qu’il convient de noter que tous les avocats ont offert leurs services bénévolement et que, par conséquent, la Cour, en adjugeant ces dépens, indemniserait M. Abdelrazik pour des honoraires qu’il n’aurait pas réellement payés.
[11] Les défendeurs avancent également que les avocats du demandeur réclament un trop grand nombre d’heures de travail. Ils soutiennent, par exemple, que le nombre d’heures réclamé est trop grand parce que, dans certaines circonstances, la participation de plus d’un avocat n’était pas nécessaire. Les défendeurs soulignent, comme exemple, l’audience à laquelle quatre avocats ont participé, bien que seulement deux d’entre eux aient présenté des observations orales. Ils soulignent également le trop grand nombre d’heures réclamé pour la préparation des contre-interrogatoires portant sur les affidavits, ce qui a été causé par le fait que plus d’un avocat a mené les contre‑interrogatoires. Les défendeurs s’interrogent également sur le bien‑fondé d’accorder certains débours réclamés; ils soutiennent que certains débours concerneraient d’autres litiges opposant le demandeur au gouvernement du Canada.
[12] Les défendeurs contestent également les heures non réellement et directement liées au litige. À cet égard, ils contestent les heures liées aux appels téléphoniques faits chaque jour à M. Abdelrazik.
[13] Les défendeurs soulignent aussi que les frais liés aux requêtes présentées avant l’audience ont déjà été établis comme étant des dépens suivant l’issue de l’affaire et, sur le fondement de l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc. (2006), 354 N.R. 355, 2006 CAF 324, ils soutiennent que je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de modifier le barème établi à cet égard.
[14] Enfin, les défendeurs avancent que l’offre de règlement a expiré le 15 septembre 2008, qu’elle ne renfermait aucun élément de compromis et que la Cour ne devrait donc pas en tenir compte.
[15] Les défendeurs soutiennent que le montant maximum pouvant être adjugé comme dépens suivant la colonne III du tarif B est de 24 827,40 $. De façon subsidiaire, ils avancent que si les dépens sont adjugés selon l’échelon supérieur de la colonne IV (à l’exception des dépens associés aux requêtes interlocutoires qui ont été établis comme devant être adjugés suivant la colonne III), les dépens devraient être adjugés à hauteur de 35 693,20 $. Ils allèguent que les débours légitimes, soit 3 380,93 $, doivent être ajoutés à ces dépens.
Analyse
[16] L’adjudication des dépens n’est pas une science exacte; elle doit reposer sur un fondement rationnel. Comme les défendeurs l’ont affirmé, la pratique habituelle de la Cour est d’adjuger les dépens selon la colonne III du tarif B. Cependant, le paragraphe 400(4) des Règles autorise la Cour à adjuger une « somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés ».
[17] L’adjudication par la Cour d’une somme globale représente un avantage important pour les parties, à savoir l’économie des frais qui seraient par ailleurs engagés lors du processus de taxation des frais. En l’espèce, je suis d’avis que l’adjudication d’une somme globale convient, étant donné les observations détaillées des parties et les circonstances uniques de l’espèce.
[18] Le paragraphe 400(3) établit les facteurs dont la Cour peut tenir compte lors de l’adjudication des dépens :
400.(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants : a) le résultat de l’instance; b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées; c) l’importance et la complexité des questions en litige; d) le partage de la responsabilité; e) toute offre écrite de règlement; f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421; g) la charge de travail; h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens; i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;
j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis; k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas : (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile, (ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection; l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense; m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes; n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299; o) toute autre question qu’elle juge pertinente.
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400.(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider
(a) the result of the proceeding; (b) the amounts claimed and the amounts recovered; (c) the importance and complexity of the issues; (d) the apportionment of liability; (e) any written offer to settle; (f) any offer to contribute made under rule 421; (g) the amount of work; (h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;
(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding; (j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit; (k) whether any step in the proceeding was
(i) improper, vexatious or unnecessary, or (ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;
(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;
(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily; (n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and
(o) any other matter that it considers relevant.
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[19] Les parties ont mentionné certains de ces facteurs dans leurs observations et j’ai tenu compte de ces facteurs dans l’adjudication des dépens qui suit.
L’importance et la complexité des questions en litige
[20] L’importance de l’affaire pour M. Abdelrazik est évidente. S’il n’avait pas eu gain de cause, M. Abdelrazik aurait très bien pu se retrouver au Soudan et devoir résider à l’ambassade du Canada pour le reste de ses jours. En outre, la question du droit des citoyens canadiens d’entrer au pays et l’obligation du gouvernement du Canada de délivrer des documents de voyage visant à faciliter leur retour constitue une question importante pour tous les Canadiens.
[21] Il s’agissait par ailleurs de questions complexes nécessitant une analyse et une compréhension du droit en vigueur, notamment de la Charte canadienne des droits et libertés, de la résolution no 1822 du Conseil de sécurité des Nations Unies, du Décret sur les passeports canadiens TR/81‑86, ainsi que des obligations du Canada en ce qui concerne les décisions des Nations Unies, de l’interaction du droit interne et du droit international et de la prérogative royale.
[22] Le présent facteur milite en faveur d’une augmentation des dépens.
La conduite des défendeurs
[23] Si la conduite d’une partie a été répréhensible, scandaleuse ou outrageante, il peut être bien fondé d’adjuger des dépens avocats‑clients : Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3.
[24] Le demandeur se fonde sur une conclusion qui se trouve dans le dossier de la Cour – à savoir que le SCRS s’était révélé complice de sa détention au Soudan et que les défendeurs ajoutaient toujours des conditions lorsque le demandeur tentait de revenir au Canada – afin de justifier sa demande de dépens avocat‑client. Je ne souscris pas au présent argument.
[25] La conduite dont il faut tenir compte dans le contexte de l’adjudication des dépens est la conduite d’une partie lors du litige – à savoir, une inconduite ayant lieu pendant le litige – et non celle qui a entraîné le litige. Si le critère que la Cour devait appliquer portait sur la conduite ayant entraîné le litige, alors presque l’ensemble des litiges satisferait à ce critère. Comme le juge Gibson l’a fait remarquer au paragraphe 16 de la décision Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1182 :
[…] [L]orsque comme en l’espèce une partie demande l’octroi des dépens avocat-client, la Cour doit garder présent à l’esprit que de tels dépens ne sont attribués qu’en de rares occasions et lorsque la partie contre laquelle ils sont demandés a fait preuve dans l’instance d’une conduite « scandaleuse » ou « outrageante », ou d’une inconduite « qui appelle le blâme ou une réprimande ».
[Non souligné dans l’original.]
[26] Le demandeur a allégué seulement deux pratiques répréhensibles dans la conduite des défendeurs lors du litige et aucune ne justifie l’adjudication de dépens avocat‑client.
[27] La première concerne des questions posées au demandeur pendant son contre‑interrogatoire et, en particulier, elle concerne des questions qui, selon le demandeur, donnaient à penser qu’il s’était lui‑même infligé ses blessures, qu’elles n’étaient pas dues à de la torture. Étant donné que le demandeur n’avait jamais mentionné qu’il avait été torturé, ces questions étaient pertinentes. En outre, l’avocate aurait desservi son client si elle n’avait pas posé ces questions.
[28] La deuxième concerne une allégation selon laquelle les défendeurs auraient tardé à produire les documents demandés dans une assignation à comparaître. Je souscris entièrement à la prétention des défendeurs, selon laquelle tout retard a été directement causé par la quantité de documents demandée par le demandeur. En définitive, aucune plainte portant sur le manque de document n’a été formulée lors de l’audience. Le demandeur n’a subi aucun préjudice en raison de tout retard allégué dans la production de documents.
[29] Par conséquent, je conclus qu’il n’y a eu aucune inconduite pendant le litige qui militerait en faveur de l’augmentation des dépens.
Avocats agissant bénévolement
[30] Selon les défendeurs, étant donné que les avocats du demandeur agissaient bénévolement et que le demandeur ne risquait pas d’avoir à payer des dépens dans toutes les instances (car les défendeurs n’avaient pas sollicité les dépens lors des diverses requêtes interlocutoires et de l’appel qu’ils ont gagnés, ni dans la demande principale), il convient d’adjuger les dépens suivant la colonne III du tarif B.
[31] Je ne peux voir aucun fondement rationnel justifiant le rejet catégorique d’une demande d’adjudication des dépens sur le seul motif que les avocats ont accepté d’agir bénévolement. Les avocats en l’espèce, faisant honneur à la grande tradition de la profession, se sont saisis de la cause de M. Adelrazik, alors que ce dernier ne pouvait pas le faire personnellement et était sans le sou. Je souscris aux observations données par la Cour d’appel de l’Ontario au paragraphe 35 de l’arrêt 1465778 Ontario Inc. c. 1122077 Ontario Ltd. (2006), 82 O.R. (3d) 757, selon lesquelles il y a des avantages à ce que les avocats agissant bénévolement reçoivent une certaine indemnisation pour leur service de la part de la partie déboutée :
[traduction]
[…] [F]aire en sorte qu’une partie représentée par un avocat agissant bénévolement puisse se voir accorder ou imposer les dépens habituels a deux avantages : 1) tant la partie représentée bénévolement que l’autre partie savent qu’elles ne peuvent pas abuser du système judiciaire sans crainte de faire l’objet d’une sanction imposée au moyen de l’adjudication des dépens; 2) l’accès à la justice est facilité en donnant l’occasion à davantage d’avocats d’agir bénévolement dans les affaires bien fondées et en les encourageant à le faire. Étant donné que le mérite potentiel d’une affaire constitue déjà un facteur dans la décision d’un avocat d’agir bénévolement, la Cour ne prévoit pas que la possibilité d’obtenir l’adjudication des dépens fera en sorte que les avocats accepteront seulement d’agir bénévolement dans les affaires où ils pensent pouvoir obtenir des dépens.
[32] Cependant, étant donné que les dépens sont adjugés à la partie ayant eu gain de cause et non à son avocat, la Cour, à mon avis, ne devrait adjuger des dépens que si elle est convaincue qu’une entente a été conclue entre la partie au litige et son avocat, selon laquelle tous dépens adjugés seront versés à l’avocat. S’il ne sont pas versés à l’avocat, les dépens adjugés à la partie au litige constitueraient un enrichissement injustifié. Comme la juge Layden-Stevenson, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, l’a mentionné au paragraphe 15 de la décision AB Hassle c. Genpharm Inc., 2004 CF 892 : « Les dépens ne doivent être ni punitifs ni extravagants. » Il serait extravagant et injuste qu’une partie au litige ayant obtenu des dépens puisse les garder alors qu’elle n’a payé aucuns honoraires.
[33] En l’espèce, M. Hameed a informé la Cour que M. Abdelrazik avait convenu que tous dépens adjugés seraient versés à ses avocats – à l’exception de M. Attaran, qui a accepté de renoncer à tout paiement pour ses services – et qu’il ne garderait rien. Dans ce cas, l’adjudication de dépens est appropriée malgré que les avocats aient agi bénévolement; cependant, en ce qui concerne les services offerts par M. Attaram, il ne serait pas approprié que la Cour adjuge des dépens parce que, à mon avis, cela serait injuste et inéquitable.
L’offre de règlement
[34] Le demandeur a effectivement présenté une offre de règlement. Il n’est pas contesté que l’offre ne donne pas droit au double des dépens suivant l’article 420 des Règles; cependant, selon le paragraphe 400(3), la Cour peut tenir compte de l’offre même si elle a expiré avant l’audience.
[35] Le demandeur conteste l’allégation des défendeurs, selon laquelle il n’y avait aucun élément de compromis dans l’offre, car, soutient‑il, il aurait renoncé à tous dépens si l’offre avait été acceptée. Cet élément de compromis allégué en l’espèce était négligeable étant donné le moment où l’offre a été présentée; cependant, la Cour ne devrait pas le négliger.
[36] Je conclus que l’offre constitue un facteur dont il faut tenir compte dans l’adjudication des dépens suivant le paragraphe 400(3) des Règles. Par ailleurs, vu les circonstances de l’espèce, je n’accorde que peu d’importance à l’offre. L’offre correspond pour l’essentiel à la réparation sollicitée. Même si le demandeur était prêt aux premières étapes du litige à renoncer aux dépens, la Cour doit tenir compte du fait que l’offre a été présentée dans le contexte d’une procédure où les avocats agissaient bénévolement, et où le demandeur ne renonçait personnellement à rien : ce sont ses avocats qui étaient d’accord pour renoncer à l’indemnisation.
Le bien‑fondé du nombre d’heures de travail et des débours réclamés
[37] À mon avis, le demandeur, dans son mémoire de frais, réclame des heures de travail qui ne donnent pas lieu à un remboursement par l’adjudication de dépens. Je n’ai aucune raison de douter de la sincérité de l’avocat, qui affirme que les appels téléphoniques faits chaque jour à M. Abdelrazik étaient importants pour établir un lien de confiance et servir de personne‑ressource dans les circonstances uniques avec lesquelles devait composer M. Abdelrazik. Cependant, ces appels n’étaient pas directement liés au litige et, si la Cour tenait compte du temps passé au téléphone dans le contexte de l’adjudication des dépens, cela constituerait une punition.
[38] Je suis également d’avis qu’il y a un certain nombre d’heures réclamées qui ne sont pas justifiées, et ce, même si le travail portait directement sur le litige. Même les affaires les plus complexes justifient rarement qu’une partie paye quatre avocats pour participer à une audience, surtout si seulement deux avocats présentent des observations orales. La Cour ne met pas en doute que les avocats n’ayant pas présenté d’observations orales aient aidé les avocats principaux; cependant, les défendeurs ne doivent pas supporter les honoraires de ces avocats.
[39] Bien qu’il ne fasse aucun doute qu’il y aurait eu économie de temps si l’ensemble des contre-interrogatoires avait été fait par un seul avocat, il ne revient pas aux demandeurs ou à la Cour de dicter comment les avocats agissant bénévolement devraient gérer leur dossier. Dans de telles circonstances, il est plus vraisemblable que le travail soit réparti – ce qui fait en sorte que les coûts personnels supportés par les avocats soient divisés – plutôt que d’imposer une charge de travail excessive à un seul avocat. Cette situation engendre nécessairement des répétitions. Dans ces circonstances, les répétitions étaient justifiées.
[40] Certains débours liés aux appels téléphoniques faits chaque jour ne donnent pas lieu à un remboursement. Sans une analyse coûteuse en temps de chaque appel, il est impossible de déterminer précisément le montant des débours qui doivent être accordés. Cependant, il s’agit de frais minimes et la vaste majorité des débours donnent lieu à un remboursement.
Conclusion
[41] Je suis d’accord avec les défendeurs qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire justifiant l’adjudication de dépens avocat‑client. Par ailleurs, l’allégation du demandeur, selon laquelle l’affaire était d’une importance capitale pour le demandeur et portait sur des questions juridiques fort complexes, est en partie fondée.
[42] La quantité de travail abattue par les avocats ressortait clairement de la quantité d’éléments de preuve déposés auprès de la Cour ainsi que des observations réfléchies présentées de façon orale et écrite. Ce travail mérite plus qu’une simple adjudication des dépens suivant la colonne III du tarif B.
[43] Je suis d’avis que l’adjudication en l’espèce doit refléter la complexité et l’importance des questions soulevées, la quantité de travail directement lié au litige abattu par les avocats et le fait que les avocats ont eu largement gain de cause.
[44] Reconnaissant que l’adjudication doit reposer sur un fondement rationnel et en tenant compte des observations et des facteurs mentionnés ci‑dessus, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et accorde une somme globale de 47 500 $ comprenant les honoraires d’avocats, les débours et la TPS, laquelle doit être payée par les défendeurs au demandeur. Étant donné ce que M. Hameed a mentionné à la Cour concernant l’entente conclue avec M. Abdelrazik, les dépens devront être payés par les défendeurs seulement après que M. Abdelrazik aura fourni un avis écrit aux défendeurs, selon lequel les dépens qui lui sont accordés en l’espèce doivent être directement versés au cabinet d’avocats Hameed Farrokhzad Elgazzar Brousseau, en fiducie pour Yavar Hameed, Khalid Elgazzar, Audrey Brousseau et Paul Champ.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que les dépens sont fixés à 47 500 $, soit une somme globale comprenant les honoraires d’avocats, les débours et la TPS, et qu’ils doivent être versés au demandeur seulement après que M. Abdelrazik aura fourni un avis écrit aux défendeurs, selon lequel les dépens qui lui sont accordés en l’espèce doivent être directement versés au cabinet d’avocats Hameed Farrokhzad Elgazzar Brousseau, en fiducie pour Yavar Hameed, Khalid Elgazzar, Audrey Brousseau et Paul Champ.
« Russel W. Zinn »
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-727-08
INTITULÉ : ABOUSFIAN ABDEKLRAZIK c.
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATES DE L’AUDIENCE : LES 7 ET 8 MAI 2009
MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES
DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : LE 11 AOÛT 2009
COMPARUTIONS :
Yavar Hameed Paul Champ Audrey Brousseau Halid M. Elgazzar
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Anne Turley Elizabeth Richards Zoe Oxaal
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POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hameedm Farrokhzad Elgazzar Brousseau Avocats Ottawa (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LES DÉFENDEURS |