Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2009
En présence de madame la juge Snider
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Contexte
[1] Le demandeur, M. Muhammad Tariq, est un citoyen du Pakistan qui est entré au Canada comme résident permanent le 15 mars 2003. Il cherche à parrainer son épouse, avec qui il s’est marié le 13 mars 2002, et sa fille, née le 23 mars 2003, pour qu’elles viennent au Canada. À la suite de sa demande initiale de parrainage de son épouse et de sa fille, il a été avisé par Citoyenneté et immigration Canada (CIC) que son épouse était exclue de la catégorie du regroupement familial et qu’elle ne pouvait, par conséquent, être admissible au parrainage, parce que le demandeur n’avait pas divulgué son existence au moment de son établissement à lui au Canada, comme l’exige l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’Immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR).
[2] Le demandeur a tenté de contourner ce problème en divorçant, puis en se remariant avec son épouse. Une fois de plus, il a fait une demande de parrainage pour son épouse et sa fille. Cette deuxième demande a été refusée sur le même fondement juridique par voie d’une lettre datée du 9 janvier 2006. Le demandeur a interjeté appel de ce refus à la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a instruit l’affaire le 27 mai 2008.
[3] Au début de l’audience, le conseil du demandeur et le ministre ont convenu que le refus du parrainage de l’épouse du demandeur était valide en droit. L’épouse n’était par conséquent pas membre de la catégorie du regroupement familial parce qu’elle y était exclue par l’application de l’alinéa 117(9)d) du RIPR. En revanche, l’avocat du ministre a concédé que la décision de refuser le parrainage de la fille du demandeur et de épouse n’était pas valide en droit, puisque sa fille est née le 23 mars 2003, après la date à laquelle le demandeur est devenu résident permanent, soit le 15 mars 2003. Elle n’avait donc pas encore vu le jour à la date de l’établissement du demandeur et ne pouvait pas faire l’objet d’un contrôle avant qu’il ne s’établisse au Canada. Le conseil du demandeur et le tribunal étaient d’accord; ce dernier a conclu que, vu la preuve, la décision de l‘agent des visas n’était pas valide en droit en ce qui concerne l’enfant.
[4] À ce stade de l’audience, le conseil du demandeur a avisé le tribunal que son client poursuivait l’appel, parce que, même si la décision de l’agent des visas n’était pas valide en droit en ce qui concerne sa fille, il avait le droit de présenter des observations sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). D’une manière plus précise, le demandeur prétendait que l’intérêt supérieur de l’enfant, qui venait d’être déclarée membre de la catégorie du regroupement familial, exigeait que sa mère l’accompagne au Canada. Essentiellement, le demandeur a demandé à la SAI d’accueillir l’appel de son épouse en raison de la présence de motifs d’ordre humanitaire.
[5] Dans une décision datée du 12 novembre 2008, la SAI a rejeté l’appel au motif que les dispositions applicables de la LIPR ne permettaient pas à l’enfant du demandeur, dont l’appel à la SAI avait déjà été accueilli, de présenter d’autres observations sur des motifs CH afin de lui permettre de faire venir sa mère (l’épouse du demandeur) au Canada, en dépit de son exclusion de la catégorie du regroupement familial.
[6] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.
II. Questions
[7] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la SAI a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas la compétence voulue pour examiner les observations du demandeur sur les motifs CH lorsqu’elle s’est penchée sur le refus de la demande de parrainage du demandeur pour sa fille.
III. Dispositions législatives pertinentes
[8] Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes quant à la présente demande :
[9] Les dispositions du RIPR sont pertinentes quant à la présente demande :
IV. Analyse
[10] Le demandeur affirme qu’en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, la Commission avait l’obligation de donner au demandeur la possibilité de présenter les motifs CH qui touchaient la demande de parrainage de sa fille. Il prétend que cette obligation existe, même si la SAI avait déjà conclu que la décision de l’agent des visas de rejeter la demande de parrainage pour sa fille était erronée en droit. Si la SAI avait entendu les motifs CH, elle aurait pu décider si l’intérêt supérieur de la fille du demandeur exigeait que sa mère l’accompagne au Canada. Selon l’observation du demandeur, la « compétence en equity » accordée à la Commission par l’alinéa 67(1)c) lui permettrait de prendre des « mesures spéciales » qui s’étendent à la capacité de la SAI d’ordonner que l’épouse du demandeur soit admise au Canada, s’il est dans l’intérêt supérieur de sa fille qu’il en soit ainsi.
[11] Aussi créative que soit la proposition du demandeur, et en dépit d’observations fort adroites, je ne crois pas que le demandeur soit correct en droit.
[12] Selon moi, la SAI n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a refusé d’entendre les observations du demandeur sur les motifs CH. En cherchant à faire des observations sur des motifs CH se rapportant à son enfant, le demandeur tentait de faire appel du refus de la demande de résidence permanente de son épouse en produisant des observations sur un appel (celui de son enfant) qui avait déjà été accueilli par la SAI. Un examen des dispositions pertinentes de la LIPR et du RIPR nous enseigne sans équivoque que cela n’est pas permis.
[13] Le demandeur a interjeté appel en vertu de l’article 63 de la LIPR au sujet d’une demande de parrainage de sa femme au titre du regroupement familial. L’article 65 de la LIPR prévoit expressément que, dans le cas d’une demande déposée en vertu de l’article 63, les motifs CH ne peuvent être pris en considération si l’appelant en question n’est pas membre de la catégorie du regroupement familial. En ce qui concerne le demandeur, un agent des visas a conclu que son épouse n’était pas membre de la catégorie du regroupement familial en application de l’alinéa 117(9)d), parce que le demandeur ne l’avait pas déclarée lorsqu’il a fait sa propre demande de résidence permanente. Les parties ont convenu que cette conclusion était valide en droit. Par conséquent, si j’applique l’article 65 aux faits en l’espèce, les motifs CH ne pouvaient être pris en considération lors d’un appel visant la demande de résidence permanente de l’épouse du demandeur.
[14] Le demandeur prétend qu’en ce qui concerne son enfant, les observations portant sur les motifs CH pouvaient être présentées en vertu de l’alinéa 67(1)c). Je ne suis pas d’accord. Puisque la SAI avait déjà accueilli l’appel du refus par l’agent des visas de la demande concernant l’enfant, elle n’avait pas à tenir compte des motifs CH qui auraient pu justifier l’appel relatif à la demande de l’enfant. Il avait déjà été accueilli pour un autre motif. Dans la mesure où les observations CH auraient profité à l’épouse du demandeur, l’article 65 indique clairement qu’elles n’auraient pu être prises en considération par la SAI. Une fois cette décision prise, il serait absurde de permettre à l’épouse, qui venait d’essuyer un refus, d’entrer au Canada grâce aux observations d’un enfant. L’article 67 n’a jamais été conçu pour fournir à l’épouse une possibilité qui est clairement exclue à l’article 65.
V. Conclusion
[15] Le demandeur n’est pas sans recours. Son épouse peut demander le statut de résidente permanente pour des motifs CH de l’extérieur du Canada. Le demandeur possède un statut au Canada, et leur fille est membre de la catégorie du regroupement familial. Donc, en ce qui concerne une autre demande fondée sur des motifs CH, l’épouse aurait à première vue une bonne cause. J’ai été informé qu’une demande fondée sur l’article 25 a été déposée dans la présente affaire. À mon avis, il serait préférable que la famille du demandeur soit réunie grâce aux dispositions directement applicables de l’article 25 de la LIPR, plutôt que de tenter de dénaturer l’objet et le sens ordinaire des articles 65 et 67 de la LIPR.
[16] Le demandeur suggère que je certifie la question suivante :
[traduction]
L’article 67 de la LIPR est-il suffisamment large pour permettre qu’une personne par ailleurs inadmissible soit admise au Canada dans l’intérêt supérieur de l’enfant?
[17] La situation factuelle dans laquelle se trouve cette famille est unique. La demande de contrôle judiciaire est survenue en raison de : a) une épouse non déclarée à propos de laquelle il a été décidé qu’elle n’est pas membre de la catégorie du regroupement familial; b) d’un enfant né après que le demandeur soit entré au Canada; et c) la conclusion erronée d’un agent des visas que l’enfant n’était pas membre de cette catégorie. Si l’une de ces trois situations n’était pas survenue, la SAI n’aurait jamais été saisie de la question. De ce fait, je ne crois pas que la question proposée par le demandeur pour certification en soit une d’intérêt général. Je refuse de certifier la question.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5315-08
INTITULÉ : MUHAMMAD TARIQ c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 juillet 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 31 juillet 2009
COMPARUTIONS :
Marc J. Herman
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POUR LE DEMANDEUR |
David Joseph |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Herman & Herman Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |