Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2009
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL
ENTRE :
EILLEN NOR LUMAYNO
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision en date du 10 octobre 2008 (la décision) par laquelle une agente des visas (l’agente) a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse dans la catégorie des aides familiaux.
CONTEXTE
[2] La demanderesse, née le 25 mars 1977, est citoyenne des Philippines. Elle vit actuellement au Canada à titre de résidente temporaire en vertu d’un permis de travail délivré dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants.
[3] La demanderesse est titulaire d’un baccalauréat ès sciences en commerce, avec majeure en administration des affaires, de la University of St. La Salle, aux Philippines. En raison de la pénurie d’emplois aux Philippines, elle a décidé de devenir aide familiale au Canada afin d’apporter un soutien financier à sa famille et de tenter de se bâtir une vie meilleure. Elle a suivi le cours de six mois dispensé par le Lifeline International Caregivers Training Center aux Philippines, de façon à remplir les conditions requises pour adhérer au Programme concernant les aides familiaux résidants du Canada. Le 26 novembre 2002, elle a obtenu un diplôme attestant qu’elle a terminé le cours d’aide familiale.
[4] La demanderesse a une tante qui a été admise au Canada dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants. Celle-ci a conseillé la demanderesse sur la façon de présenter sa demande et l’a mise en communication avec une agence. L’agence a aidé la demanderesse à remplir sa demande et à trouver un emploi au Canada. La demanderesse a demandé un visa de résident temporaire au Canada, et sa demande a été acceptée.
[5] La demanderesse est arrivée le 9 mars 2004; un permis de travail lui a été remis à l’aéroport de Vancouver, au moment de sa correspondance vers Toronto.
[6] La demanderesse avait un contrat d’emploi avec M. Fitzroy McLeish et sa famille. Elle avait obtenu cet emploi par l’intermédiaire de l’agence. Son permis de travail était valide jusqu’au 9 mars 2005.
[7] À son arrivée à Toronto, la demanderesse a été accueillie à l’aéroport par sa tante, qui l’a amenée chez elle. La tante a appelé l’agence pour prendre les dispositions nécessaires pour que la demanderesse commence à travailler au service de la famille McLeish, mais on l’a informée que le délai de traitement de la demande avait été si long que l’employeur avait décidé qu’il ne pouvait attendre et avait engagé une autre personne. La demanderesse est demeurée chez sa tante à Thornhill, en Ontario; après quelques jours passés à se remettre du choc, elle s’est rendue à l’agence pour explorer d’autres possibilités d’emploi. L’agence lui a cherché un nouvel emploi et la demanderesse s’est présentée à cinq entrevues, mais n’a décroché aucun emploi.
[8] La tante était mécontente de l’agence, qui, à son avis, ne déployait pas suffisamment d’efforts pour trouver un emploi à la demanderesse. Cette dernière a cessé d’utiliser les services de l’agence et a cherché un emploi dans les journaux et sur des sites Web. Elle est demeurée sans emploi de mars 2004 à novembre 2004. La tante a appris que la famille Waldman cherchait une aide familiale. La demanderesse a obtenu une entrevue avec la famille Waldman, et elle est entrée au service de cette famille en décembre 2004.
[9] La demanderesse a eu certains différends avec la famille Waldman au sujet du salaire, et M. Waldman a fini par l’informer qu’il ne pouvait plus l’employer. La demanderesse a travaillé pour cette famille jusqu’à la fin de février 2005, soit un total de trois mois.
[10] En mars 2005, la demanderesse, qui était sans emploi, a fait appel à des agences tout en cherchant elle-même du travail. Elle a finalement trouvé un emploi chez Mme Inna Levitan en juillet 2005 et elle travaille depuis comme aide familiale au sein de cette famille. Elle travaille pour la famille Levitan depuis trois ans et demi, et son emploi lui plaît.
[11] La demanderesse a déposé une demande de résidence permanente au Canada dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants en mars 2008.
DÉCISION CONTESTÉE
[12] L’agente a conclu que la demanderesse était entrée au Canada le 9 mars 2004 mais qu’elle n’avait pas établi avoir occupé un emploi durant au moins 24 mois entre le 9 mars 2004 et le 9 mars 2007. L’agente a communiqué avec le représentant autorisé de la demanderesse et a lui demandé de prouver 24 mois d’emploi au cours de cette période. Le 8 octobre 2008, le représentant autorisé a télécopié d’autres documents à l’agente.
[13] L’agente a relevé que la demanderesse n’avait pas établi avoir travaillé pour son employeur ou avoir reçu un salaire entre le 8 mars 2004 et le 9 mars 2005. La demanderesse, qui était autorisée à travailler pour Leonard et Natalie Waldman du 6 décembre 2004 au 27 octobre 2005, a produit une télécopie de son État de la rémunération payée (T4) de 2005 comportant le nom de son employeur et faisant état d’une rémunération de 2 541 $. Cependant, elle n’a présenté aucune preuve de la durée exacte de son emploi chez les Waldman.
[14] La demanderesse a été autorisée à travailler pour Mme Inna Levitan du 13 juillet 2005 à ce jour. L’agente n’a pas tenu compte de l’emploi occupé par la demanderesse après la période initiale de trois ans, qui prenait fin le 8 mars 2007.
[15] La demanderesse, précise l’agente, a présenté les documents suivants pour démontrer qu’elle a travaillé 24 mois au cours de ses trois premières années au Canada : 1) une lettre dactylographiée non signée de Mme Inna Levitan attestant l’emploi de la demanderesse depuis juillet 2005 jusqu’à ce jour; 2) une copie des T4 pour les années 2005, 2006 et 2007; 3) des états de la rémunération payée indiquant le nom de l’employeur et le revenu d’emploi. Aucune des déclarations de renseignements pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007 ne contenait le nom de l’employeur ni la durée de l’emploi.
[16] L’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas établi avoir travaillé au moins 24 mois dans les 3 ans suivant le 9 mars 2004, date de son entrée au Canada. Elle a refusé la demande de résidence permanente de la demanderesse. Elle a par ailleurs précisé que le statut de résident temporaire de la demanderesse est valide jusqu’au 5 mai 2010.
QUESTIONS EN LITIGE
[17] La demanderesse demande à la Cour de répondre aux questions suivantes dans le cadre de la présente demande :
a. L’agente a-t-elle commis une erreur en calculant en termes de jours plutôt qu’en termes de mois le temps de travail admissible effectué par la demanderesse aux fins de la résidence permanente dans la catégorie des aides familiaux?
b. L’agente a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse n’a pas produit une preuve suffisante pour établir qu’elle a travaillé à titre d’aide familiale durant la période prescrite de deux ans?
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[18] Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont applicables à la présente instance :
113. (1) L’étranger fait partie de la catégorie des aides familiaux si les exigences suivantes sont satisfaites :
a) il a fait une demande de séjour au Canada à titre de résident permanent;
b) il est résident temporaire;
c) il est titulaire d’un permis de travail à titre d’aide familial;
d) il est entré au Canada à titre d’aide familial et, au cours des trois ans suivant son entrée, il a, durant au moins deux ans :
(i) d’une part, habité dans une résidence privée au Canada,
(ii) d’autre part, fourni sans supervision, dans cette résidence, des soins à domicile à un enfant ou à une personne âgée ou handicapée;
e) ni lui ni les membres de sa famille ne font l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire ou d’une enquête aux termes de la Loi, ni d’un appel ou d’une demande de contrôle judiciaire à la suite d’une telle enquête;
f) son entrée au Canada en qualité d’aide familial ne résulte pas de fausses déclarations portant sur ses études, sa formation ou son expérience;
g) dans le cas où l’étranger cherche à s’établir dans la province de Québec, les autorités compétentes de cette province sont d’avis qu’il répond aux critères de sélection de celle-ci.
(2) Les deux ans visés à l’alinéa (1)d) peuvent être passés au service de plus d’un employeur ou dans plus d’une résidence dès lors qu’ils ne le sont pas simultanément.
199. L’étranger peut faire une demande de permis de travail après son entrée au Canada dans les cas suivants :
a) il détient un permis de travail;
b) il travaille au Canada au titre de l’article 186 et n’est pas un visiteur commercial au sens de l’article 187;
c) il détient un permis d’études;
d) il détient, aux termes du paragraphe 24(1) de la Loi, un permis de séjour temporaire qui est valide pour au moins six mois;
e) il est membre de la famille d’une personne visée à l’un des alinéas a) à d);
f) il se trouve dans la situation visée aux articles 206 ou 207;
g) sa demande de permis de travail présentée avant son entrée au Canada a été approuvée par écrit, mais le permis ne lui a pas encore été délivré;
h) il demande à travailler à titre de négociant ou d’investisseur, de personne mutée à l’intérieur d’une société ou de professionnel, selon la description qui en est donnée respectivement aux sections B, C et D de l’annexe 1603 de l’Accord, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain, et son pays de citoyenneté — partie à l’Accord — accorde aux citoyens canadiens qui présentent dans ce pays une demande du même genre un traitement équivalent à celui qu’accorde le Canada aux citoyens de ce pays qui présentent, au Canada, une telle demande, notamment le traitement d’une autorisation d’entrées multiples fondée sur une seule demande;
i) il détient une déclaration écrite du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui confirme que celui-ci n’a aucune objection à ce qu’il travaille à une mission étrangère au Canada.
200. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :
a) l’étranger a demandé un permis de travail conformément à la section 2;
b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;
c) il se trouve dans l’une des situations suivantes :
(i) il est visé par les articles 206, 207 ou 208,
(ii) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205,
(iii) il s’est vu présenter une offre d’emploi et l’agent a, en application de l’article 203, conclu que cette offre est authentique et que l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien;
d) [Abrogé, DORS/2004-167, art. 56]
e) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.
(2) L’alinéa (1)b) ne s’applique pas à l’étranger qui satisfait aux exigences prévues à l’article 206 ou aux alinéas 207c) ou d).
(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :
a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;
b) l’étranger qui cherche à travailler dans la province de Québec ne détient pas le certificat d’acceptation qu’exige la législation de cette province et est assujetti à la décision prévue à l’article 203;
c) le travail spécifique pour lequel l’étranger demande le permis est susceptible de nuire au règlement de tout conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit, à moins que la totalité ou la quasi-totalité des salariés touchés par le conflit de travail ne soient ni des citoyens canadiens ni des résidents permanents et que l’embauche de salariés pour les remplacer ne soit pas interdite par le droit canadien applicable dans la province où travaillent les salariés visés;
d) l’étranger cherche à entrer au Canada et à faire partie de la catégorie des aides familiaux, à moins qu’il ne se conforme à l’article 112;
e) il a poursuivi des études ou exercé un emploi au Canada sans autorisation ou permis ou a enfreint les conditions de l’autorisation ou du permis qui lui a été délivré, sauf dans les cas suivants :
(i) une période de six mois s’est écoulée depuis les faits reprochés,
(ii) ses études ou son travail n’ont pas été autorisés pour la seule raison que les conditions visées à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c) n’ont pas été respectées,
(iii) il est visé par l’article 206,
(iv) il s’est subséquemment vu délivrer un permis de séjour temporaire au titre du paragraphe 24(1) de la Loi.
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113. (1) A foreign national becomes a member of the live-in caregiver class if
(a) they have submitted an application to remain in Canada as a permanent resident;
(b) they are a temporary resident;
(c) they hold a work permit as a live-in caregiver;
(d) they entered Canada as a live-in caregiver and, for a cumulative period of at least two years within the three years immediately following their entry,
(i) resided in a private household in Canada, and
(ii) provided child care, senior home support care or care of a disabled person in that household without supervision;
(e) they are not, and none of their family members are, the subject of an enforceable removal order or an admissibility hearing under the Act or an appeal or application for judicial review arising from such a hearing;
(f) they did not enter Canada as a live-in caregiver as a result of a misrepresentation concerning their education, training or experience; and
(g) where they intend to reside in the Province of Quebec, the competent authority of that Province is of the opinion that they meet the selection criteria of the Province.
(2) The cumulative period referred to in paragraph (1)(d) may be in respect of more than one employer or household and need not be without interruption, but may not be in respect of more than one employer or household at a time.
199. A foreign national may apply for a work permit after entering Canada if they
(a) hold a work permit;
(b) are working in Canada under the authority of section 186 and are not a business visitor within the meaning of section 187;
(c) hold a study permit;
(d) hold a temporary resident permit issued under subsection 24(1) of the Act that is valid for at least six months;
(e) are a family member of a person described in any of paragraphs (a) to (d);
(f) are in a situation described in section 206 or 207;
(g) applied for a work permit before entering Canada and the application was approved in writing but they have not been issued the permit;
(h) are applying as a trader or investor, intra-company transferee or professional, as described in Section B, C or D of Annex 1603 of the Agreement, within the meaning of subsection 2(1) of the North American Free Trade Agreement Implementation Act, and their country of citizenship — being a country party to that Agreement — grants to Canadian citizens who submit a similar application within that country treatment equivalent to that accorded by Canada to citizens of that country who submit an application within Canada, including treatment in respect of an authorization for multiple entries based on a single application; or
(i) hold a written statement from the Department of Foreign Affairs and International Trade stating that it has no objection to the foreign national working at a foreign mission in Canada.
200. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that
(a) the foreign national applied for it in accordance with Division 2;
(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;
(c) the foreign national
(i) is described in section 206, 207 or 208,
(ii) intends to perform work described in section 204 or 205, or
(iii) has been offered employment and an officer has determined under section 203 that the offer is genuine and that the employment is likely to result in a neutral or positive effect on the labour market in Canada; and
(d) [Repealed, SOR/2004-167, s. 56]
(e) the requirements of section 30 are met.
(2) Paragraph (1)(b) does not apply to a foreign national who satisfies the criteria set out in section 206 or paragraph 207(c) or (d). (3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if
(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;
(b) in the case of a foreign national who intends to work in the Province of Quebec and does not hold a Certificat d'acceptation du Québec, a determination under section 203 is required and the laws of that Province require that the foreign national hold a Certificat d'acceptation du Québec;
(c) the specific work that the foreign national intends to perform is likely to adversely affect the settlement of any labour dispute in progress or the employment of any person involved in the dispute, unless all or almost all of the workers involved in the labour dispute are not Canadian citizens or permanent residents and the hiring of workers to replace the workers involved in the labour dispute is not prohibited by the Canadian law applicable in the province where the workers involved in the labour dispute are employed;
(d) the foreign national seeks to enter Canada as a live-in caregiver and the foreign national does not meet the requirements of section 112; or
(e) the foreign national has engaged in unauthorized study or work in Canada or has failed to comply with a condition of a previous permit or authorization unless
(i) a period of six months has elapsed since the cessation of the unauthorized work or study or failure to comply with a condition,
(ii) the study or work was unauthorized by reason only that the foreign national did not comply with conditions imposed under paragraph 185(a), any of subparagraphs 185(b)(i) to (iii) or paragraph 185(c);
(iii) section 206 applies to them; or
(iv) the foreign national was subsequently issued a temporary resident permit under subsection 24(1) of the Act. |
NORME DE CONTRÔLE
[19] Avant l’arrêt Dunsmuir, la jurisprudence avait établi que la norme de contrôle applicable aux décisions d’un agent des visas était celle de la décision raisonnable simpliciter : Castro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 659, au paragraphe 6, et Ram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 855. Toutefois, lorsqu’un agent des visas refuse de délivrer un permis de travail pour des motifs relevant uniquement de l’interprétation de la loi, la norme de contrôle est celle de la décision correcte : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 684, au paragraphe 8, et Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1632, au paragraphe 4.
[20] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, même si la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable sont distinctes sur le plan théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » : arrêt Dunsmuir, au paragraphe 44. Par conséquent, la Cour suprême du Canada a décidé qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de « raisonnabilité ».
[21] La Cour suprême du Canada a également jugé, dans Dunsmuir, qu’il n’est pas nécessaire de procéder dans tous les cas à l’analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche s’avère infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.
[22] Par conséquent, compte tenu de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir et de la jurisprudence antérieure de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la seconde question soulevée par la demanderesse est celle de la décision raisonnable. Dans un contrôle, l’analyse du caractère raisonnable d’une décision s’attache « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
[23] La première question a trait à l’interprétation de la loi, et j’ai analysé les points soulevés en fonction de la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments) c. Porcherie des Cèdres Inc., [2005] A.C.F. no 273 (C.A.F.)), ainsi qu’à l’application de la loi aux faits de l’espèce, aspect que j’ai examiné suivant la norme de la décision raisonnable. Voir Baldrey c. H & R Transport Ltd., [2005] A.C.F. no 729 (C.A.F.), et Herrada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1004.
ARGUMENTS
La demanderesse
Jours ou mois
[24] La demanderesse soutient que l’agente a commis une erreur en calculant son expérience de travail à titre d’aide familiale en termes de jours plutôt qu’en termes de mois. Plus précisément, l’agente a élaboré une méthode de calcul qui combine les mois et les jours.
[25] La demanderesse fait valoir qu’elle a accumulé 24 mois d’emploi à titre d’aide familiale dans les trois ans qui ont suivi son arrivée au Canada. Elle affirme avoir accumulé les mois de travail suivants :
a. 2004 : décembre
b. 2005 : janvier, février, juillet à décembre
c. 2006 : janvier à décembre
d. 2007 : janvier à mars
[26] La demanderesse fait remarquer qu’en dépit des 24 mois de travail, l’agente a calculé le nombre de jours travaillés en ce qui touche les mois durant lesquels elle n’a pas travaillé tout le mois. Or, dit la demanderesse, rien n’indique que l’expérience de travail admissible d’une aide familiale doit être calculée en termes de jours. La disposition réglementaire qui prescrit une expérience de travail de deux ans n’exige pas que l’expérience soit calculée en jours. La demanderesse soutient que le législateur n’avait pas l’intention, en édictant la prescription relative aux deux ans, d’imposer un nombre précis de jours. Si tel avait été le cas, la loi l’aurait énoncé clairement.
[27] La demanderesse cite le passage suivant du Guide IP4 de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) intitulé Traitement des aides familiaux résidants au Canada (le Guide), sur lequel elle s’appuie :
Dans le calcul des deux années d’emploi, on fait abstraction de toute période où le demandeur se trouvait à l’extérieur du Canada, de toute période de chômage et de toute période de travail à temps partiel, de maladie et de congé de maternité. Par contre, on ne déduira pas les vacances accordées aux termes des normes d’emploi provinciales ou territoriales.
[28] Subsidiairement, la demanderesse prétend que si l’agente était tenue de calculer le nombre de jours durant lesquels elle a travaillé, elle n’a pas effectué ce calcul correctement et sa méthode de calcul n’est pas claire. La demanderesse fait valoir qu’aucun élément n’indique que l’agente a tenu compte de jours de repos ou de vacances; de ce fait, elle a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a calculé l’expérience de travail de la demanderesse.
Preuve
[29] La demanderesse plaide également que l’on ne saurait dire si l’agente a estimé que la preuve fournie était insuffisante ou si elle a jugé que l’expérience de travail alléguée était insuffisante pour satisfaire à l’exigence formulée dans le Règlement. Quoi qu’il en soit, la demanderesse affirme qu’elle a satisfait à l’exigence relative aux deux ans d’expérience de travail et qu’elle a aussi présenté une preuve suffisante pour étayer sa prétention.
[30] La demanderesse indique qu’à l’époque où elle a déposé sa demande de résidence permanente, les exigences de CIC concernant la preuve d’emploi étaient moins rigoureuses et offraient certains choix quant aux documents à fournir pour établir l’expérience de travail. Elle dit que selon le guide en usage à l’époque de sa demande de résidence permanente, elle devait remplir les formulaires de demande, inclure ses antécédents d’emploi au Canada et tous les permis de travail qu’elle avait détenus pendant son séjour au Canada, et produire le contrat en cours avec son employeur actuel ainsi que les renseignements relatifs à ses déclarations de revenus pour les années 2005, 2006 et 2007.
[31] En octobre 2008, le représentant de la demanderesse a communiqué avec cette dernière et, à la suite de leur conversation téléphonique, celle-ci a fourni ses T4 pour les années 2005, 2006 et 2007 ainsi que des lettres de référence de son employeur actuel. Les T4 mentionnaient l’employeur, comme c’est généralement le cas.
[32] Malgré les renseignements additionnels, la demanderesse a reçu une lettre de refus le 10 octobre 2008. L’avocat de la demanderesse a ensuite soumis d’autres renseignements pour tenter de démontrer que la demanderesse avait complété 24 mois d’emploi. La demanderesse a décrit les deux années d’expérience de travail exigées et a joint une lettre de la famille Waldman. L’avocat de la demanderesse a demandé le réexamen de la décision. Toutefois, la demanderesse devait déposer une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire avant tout réexamen.
[33] La demanderesse insiste sur le fait qu’elle a présenté la preuve nécessaire pour établir qu’elle satisfait aux exigences relatives à l’emploi à titre d’aide familiale.
[34] La demanderesse souligne également qu’aucune indication, dans le Guide ou dans les formulaires fournis aux demandeurs de résidence permanente dans la catégorie des aides familiaux, ne donne à penser que l’évaluation de l’expérience de travail admissible se fera en fonction d’un nombre strict de jours. Toute la documentation fait état explicitement d’années ou de mois; elle ne traite jamais de jours.
Le défendeur
[35] Le défendeur fait observer que la demanderesse prétend avoir travaillé pour la famille Levitan six mois en 2005, à un salaire équivalant à 180,59 $ par semaine. Ce salaire se situe bien en deçà du salaire minimum pour un emploi à temps plein. En 2006, la famille Levitan lui a versé 14 901,90 $, soit 287,57 $ par semaine. La demanderesse n’a pas expliqué cette situation, remarque le défendeur, qui souligne que le travail à temps partiel ne peut pas être inclus dans les 24 mois d’emploi prescrits. De plus, le contrat conclu avec la famille Levitan consiste à s’occuper d’enfants de 15 et 17 ans, et la preuve ne permet pas de comprendre pourquoi des enfants de cet âge auraient besoin de services de garde d’enfants.
La décision n’est pas erronée
[36] Le défendeur soutient que la demande de résidence permanente de la demanderesse a été refusée en raison des lacunes dans la preuve visant à établir qu’elle a complété 24 mois d’emploi cumulatif dans les trois ans suivant son entrée au Canada. Le calcul des jours n’a été mentionné qu’après le refus, lorsque l’agente a examiné les nouveaux arguments de l’avocat de la demanderesse et conclu que sa décision devait être maintenue.
[37] Le défendeur fait remarquer que la demanderesse n’a cité aucun précédent ni doctrine portant qu’il est interdit de compter les périodes de travail en termes de jours. L’agente n’aurait pas pu calculer la période de travail en années, parce que l’expérience de travail aurait été exprimée en fractions d’années. Il incombait à la demanderesse de soumettre des documents établissant le nombre exact de jours travaillés; or, elle n’a produit ni relevés d’emploi ni lettres de ses employeurs mentionnant une date d’entrée en fonction ou une date de départ. La demanderesse est mécontente de l’évaluation de sa demande, mais elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même, puisqu’elle n’a pas fourni la documentation exigée par le Guide pour prouver ses périodes d’emploi.
[38] Le défendeur soutient en outre que même si l’agente avait calculé la période d’emploi de la demanderesse en mois, celle-ci n’aurait pas satisfait à l’exigence relative aux 24 mois, parce qu’elle a été sans emploi durant plus de douze mois au cours de cette période de trois ans. La demanderesse est demeurée sans emploi du 9 mars 2004 au 30 novembre 2004, ce qui représente huit mois et 2/3 de chômage. La demanderesse déclare aussi avoir été sans emploi de mars à juin 2005, soit quatre mois. Elle a commencé à travailler en juillet 2005, mais elle n’a pas précisé la date. Par conséquent, elle est demeurée sans emploi au moins 12 mois et 2/3 durant la période prescrite de 36 mois.
[39] Le défendeur fait valoir que la Loi et le Règlement ne permettent pas aux agents de déroger à l’exigence prescrivant 24 mois de travail dans la période indiquée de 36 mois. La demanderesse a peut-être complété près de 24 mois, mais cela ne suffit pas : Laluna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 271 (C.F. 1re inst.).
[40] Le défendeur signale également que selon la description donnée, le travail de la demanderesse, de décembre 2004 à février 2005, a consisté à effectuer des travaux d’entretien ménager et du repassage, à promener le chien de l’employeur et à préparer des repas. Ces tâches ne correspondent pas à la définition réglementaire d’aide familial. Par conséquent, l’agente s’est montrée très libérale (probablement par inadvertance) en portant cette période d’emploi à l’actif de la demanderesse. Si on en fait abstraction, la demanderesse ne peut justifier que de 20 mois d’expérience de travail dans la période de 36 mois.
[41] Le défendeur soutient par ailleurs que la demanderesse a manifestement présenté une preuve insuffisante de ses 24 mois d’emploi. Aux termes de l’article 9.5 du Guide, les documents suivants doivent être produits :
9.5. Preuve acceptable de la période d’emploi de deux ans
Cette preuve doit notamment inclure :
• une lettre de l’employeur actuel indiquant la date de début de l’emploi et confirmant que le demandeur est actuellement employé;
• un relevé d’emploi : Aux termes du Règlement sur l’assurance-emploi, un employeur est tenu de produire un relevé d’emploi chaque fois qu’un employé subit un arrêt de rémunération attribuable à la résiliation du contrat de travail, à une maladie ou une blessure de l’employé. Le demandeur devrait être muni d’un relevé d’emploi pour chacun de ses emplois précédents, mais n’en aura pas pour son emploi actuel. Le CRHC peut venir en aide aux demandeurs qui éprouvent de la difficulté à obtenir un relevé d’emploi;
• une fiche de paye indiquant les heures travaillées et les retenues faites par l’employeur sur le salaire de l’employé;
• un registre des salaires faisant état des sommes perçues au nom de l’Agence des douanes et du revenu du Canada;
si le demandeur est toujours à l’emploi du même employeur et que l’un des documents ci-dessus n’est pas disponible, il peut faire une déclaration solennelle faisant état des modalités de son emploi le plus récent.
Note : Dans le calcul des deux années d’emploi, on fait abstraction de toute période où le demandeur se trouvait à l’extérieur du Canada, de toute période de chômage et de toute période de travail à temps partiel, de maladie et de congé de maternité. Par contre, on ne déduira pas les vacances accordées aux termes des normes d’emploi provinciales ou territoriales.
Les aides familiaux résidants ont le droit d’être protégés par le régime d’indemnisation des accidents du travail; toutefois, ces périodes de chômage ne sont pas prises en compte dans le relevé d’emploi de deux ans.
[42] La demanderesse n’a pas fourni tous les renseignements demandés et elle ne s’est pas conformée aux instructions. Le défendeur est aussi en désaccord avec l’argument de la demanderesse selon lequel les exigences actuelles ne devraient pas s’appliquer. Les exigences relatives aux documents ont été changées le 30 novembre 2007, quatre mois avant que la demanderesse présente sa demande. Il n’y a aucune raison pour qu’elle-même ou son avocat n’aient pas été au courant du changement.
[43] De l’avis du défendeur, il n’est pas contesté que la version actualisée de l’article 9.5 du Guide s’applique en l’espèce. La demanderesse n’a pas produit un relevé d’emploi de son ancien employeur, la famille Waldman, qui aurait établi la date du début et la date de la fin de son emploi. Aucune déclaration, dans l’affidavit de la demanderesse, n’indique que celle-ci a même demandé un tel relevé aux Waldman ou qu’elle s’est adressée au CRHC local pour que l’organisme l’aide à obtenir un relevé d’emploi des Waldman.
[44] Le défendeur observe que la demanderesse a produit, au soutien de sa demande de résidence permanente, des feuillets T4 et des déclarations fiscales montrant son salaire et les retenues effectuées. Toutefois, elle n’a présenté aucune fiche de paye indiquant le nombre d’heures travaillées et/ou les dates à l’intérieur desquelles ces heures ont été travaillées.
[45] Le défendeur relève aussi le fait que la demanderesse n’a pas produit un contrat d’emploi exposant les modalités de son emploi pour la période de juillet 2005 au 28 mars 2008, et qu’elle n’a produit aucun document établissant qu’elle avait travaillé à titre d’aide familiale durant au moins deux ans au moment de sa demande de résidence permanente. Or, ces documents sont obligatoires.
[46] L’avocat de la demanderesse n’a jamais demandé de bénéficier de temps supplémentaire pour obtenir des documents, et rien n’indiquait, dans les observations que l’avocat a présentées le 7 octobre 2008, avant la prise de décision, que d’autres documents suivraient. Aucune indication ne donnait non plus à penser que des documents avaient été demandés aux Waldman ni n’expliquait pourquoi il aurait pu être difficile d’obtenir des documents des Waldman étant donné que la demanderesse ne résidait plus dans cette famille. Le défendeur insiste sur le fait qu’il appartenait à la demanderesse de fournir une documentation satisfaisante et que l’agente n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a décidé que la demanderesse ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir la résidence permanente.
[47] Le défendeur avance qu’il incombait également à la demanderesse d’établir qu’elle exerçait des fonctions d’aide familiale dans le cadre de son emploi. Il invoque à cet égard la décision Bondoc c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 842, dont il relève les paragraphes 16 et 19 :
16 […] Il incombe à l’agente des visas d’évaluer l’intention des deux parties au contrat. Quant aux obligations envisagées par le contrat d’emploi, l’agente des visas n’a pas tiré une conclusion déraisonnable en concluant que les obligations de la demanderesse consisteraient davantage à accomplir des tâches ménagères qu’à prodiguer des soins sans supervision aux enfants.
[…]
19 La preuve que l’agente des visas avait devant elle était la suivante : les futurs employeurs n’avaient jamais embauché une aide familiale pour leurs enfants, les enfants n’avaient pas besoin d’une aide spéciale pour cause de handicap physique ou mental, et, même si les vacances d’été approchaient, la famille avait toujours, par le passé, traversé cette période sans recourir à une aide familiale. Rien ne permet de dire qu’une aide spéciale était soudain devenue nécessaire. Par ailleurs, l’horaire de travail prévu de la demanderesse était tel qu’elle n’allait avoir la responsabilité des enfants qu’une heure par jour, de 8 h à 9 h du matin. Compte tenu de la preuve soumise à l’agente, la Cour est convaincue que la décision contestée est raisonnable.
Selon le défendeur, les mêmes principes devraient s’appliquer à toute évaluation de fonctions exercées dans le passé.
[48] Le défendeur rappelle aussi à la Cour le pouvoir discrétionnaire limité dont jouit un agent pour accorder la résidence permanente à un demandeur qui est incapable de justifier d’un minimum de deux années de travail à titre d’aide familial. Il cite à cet égard les paragraphes 11 à 13 de la décision Laluna :
11 La demande de résidence permanente a été refusée au motif que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences prévues dans la Loi et le Règlement sur l’immigration (le Règlement) concernant la durée de son emploi à titre d’aide familial résidant depuis son admission au Canada.
12 L’objectif du Programme concernant les aides familiaux résidants a été décrit par le juge en chef adjoint Jerome dans la décision Turingan c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration3, dans laquelle il a dit :
[...] il conviendrait de reconnaître que le but premier du Programme concernant les aides familiaux résidants est d’encourager des personnes à venir au Canada pour combler une lacune de notre marché du travail. En contrepartie de leur engagement à travailler dans le secteur des soins à domicile, les participants au programme sont pratiquement assurés d’obtenir le statut de résident permanent s’ils travaillent pendant la période obligatoire de vingt‑quatre mois. L’agent d’immigration a, par conséquent, un pouvoir discrétionnaire limité en ce qui concerne le rejet d’une demande de résidence permanente une fois qu’il est établi que le participant a travaillé pendant la période requise. [Non souligné dans l’original.]
13 En l’espèce, contrairement à l’argument que la demanderesse a présenté, la décision Turingan n’étaye pas la prétention que l’agent d’immigration a un quelconque pouvoir discrétionnaire lorsque l’aide familial résidant ne satisfait pas à l’exigence de 24 mois. En fait, elle fait ressortir la nécessité de satisfaire à l’exigence prévue par la loi. Considérant la clarté des exigences prévues dans la Loi et le Règlement, je suis d’avis que l’agent a convenablement appliqué le Règlement.
[49] Le défendeur est d’avis que la conclusion de la Cour dans Laluna s’applique en l’espèce. L’agente n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder la résidence permanente à la demanderesse si celle-ci n’avait pas établi qu’elle avait travaillé à titre d’aide familiale durant la période requise. Le défendeur souligne également que la Cour fédérale, tant dans Turingan que dans Laluna, a fait état d’une exigence de « 24 mois » de travail, non de « deux ans » de travail. Selon lui, la Cour fédérale a déjà démontré qu’il est possible d’évoquer en termes de mois l’exigence relative à la période de travail.
[50] Le défendeur conclut que la demanderesse n’a pas satisfait aux exigences applicables à la catégorie des aides familiaux et que c’est à juste titre que sa demande de résidence dans cette catégorie a été refusée.
ANALYSE
[51] La lecture de la décision contestée montre clairement que la demande de résidence permanente de la demanderesse a été refusée parce que celle-ci n’a pas produit la documentation requise par le guide des politiques pour établir qu’elle avait travaillé comme aide familiale au moins deux ans au moment de la présentation de sa demande de résidence permanente.
[52] Dans le cadre de la présente demande, la demanderesse a formulé diverses objections concernant la décision et a fait plusieurs suggestions sur la façon dont sa demande de résidence permanente aurait dû être traitée. Aucune de ces objections et suggestions, cependant, n’a pour effet de surmonter le problème fondamental auquel était confrontée l’agente et qui découle de la demanderesse et de son défaut de fournir la documentation voulue.
[53] La demanderesse prétend qu’il y a incertitude quant à la méthode de calcul utilisée et quant à la façon dont le calcul devrait être effectué, et plaide qu’elle devrait pouvoir bénéficier de l’optique flexible et constructive de la politique à l’origine du programme des aides familiaux. Toutefois, elle s’est abstenue de préciser les dates du début et de la fin de son emploi et semble être d’avis que le nombre de jours durant lesquels elle peut avoir travaillé au cours d’un mois donné est sans importance. Elle n’a cependant cité aucune source étayant cette position et n’a toujours pas expliqué pourquoi elle ne veut, ou ne peut, fournir les dates pertinentes.
[54] Mon examen du dossier révèle que l’agente s’est montrée flexible et constructive. Celle-ci a très clairement indiqué à la demanderesse et à son avocat quels renseignements devaient être fournis en vue de sa décision. Elle leur a donné du temps pour répondre. Aucun délai supplémentaire n’a été demandé. Les renseignements n’ont tout simplement pas été fournis.
[55] De plus, je ne crois pas que l’agente aurait pu compléter le calcul à partir d’inférences tirées des renseignements fournis. La demanderesse n’a pas expliqué pourquoi elle ne pouvait préciser les dates du début et de la fin de son emploi ni pourquoi les relevés d’emploi n’ont pas été présentés. Aucune indication ne donne à penser qu’elle a même tenté d’obtenir ces documents de la part de ses employeurs. En fait, l’agente a tenté d’effectuer un calcul à partir des renseignements fournis après la décision, mais, finalement, elle a dû conclure que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle remplissait les conditions requises.
[56] Les renseignements fournis après que la décision a été rendue n’ont pas aidé et, à vrai dire, la lettre des Waldman fait naître un doute quant à savoir si la demanderesse a bien exercé des fonctions d’aide familiale au sein de cette famille.
[57] Il incombe à la demanderesse de fournir des documents satisfaisants pour établir qu’elle remplit les conditions requises pour obtenir la résidence permanente. Les conditions sont précisées dans le guide des politiques applicable. De plus, l’agente a demandé des renseignements et des documents qui n’ont pas été produits par la demanderesse.
[58] L’agente n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder la résidence permanente à une personne qui avait complété moins de deux ans de travail à titre d’aide familiale (voir Laluna).
[59] J’ai examiné la documentation soumise ainsi que chacune des objections formulées par la demanderesse à l’égard de la décision, et j’ai analysé le processus qui a mené à la décision. Aucun élément au dossier ne permet de penser que la décision est erronée ou déraisonnable. La demanderesse a tout simplement omis de produire la preuve nécessaire pour établir qu’elle a travaillé à titre d’aide familiale durant la période prescrite.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4788-08
INTITULÉ : EILLEN NOR LUMAYNO
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 juin 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RUSSELL
DATE DES MOTIFS : Le 27 juillet 2009
OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :
Shannon Kampf POUR LA DEMANDERESSE
Nicole Rahaman POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shannon Kampf POUR LA DEMANDERESSE
Avocate
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada