Cour fédérale |
|
Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 15 juin 2009
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande expose un défaut fondamental dans le processus de demande d’asile suivi dans le cas du demandeur lorsque celui-ci a fait ses déclarations initiales pour demander l’asile.
[2] L’entrevue initiale a été conduite avec l’aide d’un interprète cantonnais. Le demandeur faisait ses déclarations en cantonnais, qui étaient par la suite traduites en anglais par l’interprète et écrites en anglais par l’agent qui conduisait l’entrevue. Aucun autre moyen, tel qu’un enregistrement, n’était utilisé afin de vérifier ce qui était dit, autant par le demandeur que par l’interprète, ou si l’agent qui conduisait l’entrevue écrivait précisément ce que l’interprète disait. Ce « dossier d’interrogatoire » est au centre d’une controverse fondamentale dans la présente demande.
[3] À la suite de la préparation du Formulaire de renseignements personnels (le FRP) par le demandeur, avec l’aide de son conseil juridique qui le représente dans la présente demande, le dossier d’interrogatoire à été mis à la disposition du demandeur et de son conseil. Le demandeur a immédiatement affirmé à son conseil que le dossier d’interrogatoire ne relatait pas correctement ce qu’il avait dit au cours de l’entrevue, chose que le conseil du demandeur a fait savoir à la Section de la protection des réfugiés (la SPR) bien avant l’audience.
[4] Néanmoins, le commissaire de la SPR qui conduisait l’audience a décidé d’utiliser le dossier d’interrogatoire comme s’il était exact et s’est fondé sur les déclarations qui y étaient contenues afin de trouver des contradictions entre le dossier, le FRP et le témoignage oral produit au cours de l’audience. Cette démarche a mené à une conclusion négative quant à la crédibilité du demandeur. À mon avis, cette démarche constitue un manquement au principe de l’application régulière de la loi.
[5] En l’absence d’un enregistrement vérifiable de ce qu’a dit le demandeur au cours de son entrevue, j’estime que la SPR a manqué au principe de l’application régulière de la loi en acceptant le dossier d’interrogatoire comme étant fiable, en dépit de la déclaration sous serment contraire faite par le demandeur. À mon avis, le dossier d’interrogatoire est le résultat d’un processus fondamentalement vicié de tenue des dossiers et ne devrait pas être utilisé dans le cadre de la demande d’asile du demandeur.
[6] Compte tenu du manquement au principe de l’application régulière de la loi auquel j’ai conclu, j’estime que la décision qui fait objet du contrôle est entachée d’une erreur révisable.
[7] Se fondant sur l’argument voulant qu’une conclusion de manquement au principe de l’application régulière de la loi dans la présente affaire puisse avoir de larges implications sur le processus de demande d’asile, l’avocat du défendeur a présenté la question suivante pour certification :
[traduction]
La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié fait-elle entorse à la justice naturelle en se fondant sur un dossier d’interrogatoire rempli par un agent d’immigration dans son évaluation de la crédibilité d’une demande d’asile?
L’avocat du demandeur s’oppose à la certification de la question, parce que la conclusion de manquement au principe de l’application régulière de la loi en l’espèce repose sur les faits propres à la présente affaire. Je suis d’accord avec cet argument.
[8] À mon avis, le processus d’entrevue utilisé dans la présente affaire expose une décision future sur une demande d’asile à une contestation portant sur l’application régulière de la loi, mais le résultat de cette contestation dépendra des circonstances propres à chaque cas. En l’espèce, la SPR a été avisée au préalable d’une contradiction majeure entre les déclarations contenues dans le dossier d’interrogatoire et les déclarations du demandeur faites dans le FRP. Dans la situation factuelle qui nous occupe, j’estime qu’il était injuste de la part de la SPR de s’appuyer sur une contradiction non vérifiable pour tirer une conclusion négative quant à la crédibilité.
ORDONNANCE
Par conséquent, j’annule la décision qui fait l’objet du contrôle et je renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire, avec instruction de ne pas fonder sa décision sur le dossier d’interrogatoire.
Il n’y a pas de question à certifier.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4909-08
INTITULÉ : CAI BING ZHONG c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 juin 2009
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le juge Campbell
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : Le 15 juin 2009
COMPARUTIONS :
Mark Rosenblatt
|
POUR LE DEMANDEUR |
Nina Chandy
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mark Rosenblatt Avocat Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
|
POUR LE DÉFENDEUR |