Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 8 juin 2009
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
HELI TECH SERVICES (CANADA) LTD., CORPORACION LA CAMPANA
DE LA VILLA S.A.
ET PHILIP JARMAN
et
WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED/
COMPANIE WEYERHAEUSER LIMITEÉ
FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE CASCADIA
FOREST PRODUCTS,
FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE
ISLAND TIMBERLANDS,
CASCADIA FOREST PRODUCTS LTD.,
ISLAND TIMBERLANDS GP LTD.,
TIMBERWEST FOREST CORP.,
BRASCAN TIMBERLANDS MANAGEMENT GP INC.,
550777 B.C. LTD. faisant affaire sous la raison sociale « R.E.M. CONTRACTING »,
CANADIAN AIR-CRANE LIMITED, VIH LOGGING LTD., ET INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS LIMITED
ET ENTRE :
VIH LOGGING LTD.
demanderesse reconventionnelle
et
HELI TECH SERVICES (CANADA) LTD.,
CORPORACION LA CAMPANA DE LA VILLA S.A.
ET PHILIP JARMAN
défendeurs reconventionnels
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
I. Introduction
[1] Les défenderesses Brascan Timberlands Management GP Inc. et Island Timberlands GP ont demandé au protonotaire Lafrenière la radiation de plusieurs paragraphes de la déclaration des demandeurs pour le motif principal qu’ils ne révèlent aucune cause d’action fondée contre elles. Le protonotaire Lafrenière a accueilli leur demande dans une ordonnance datée du 21 novembre 2008. Les demandeurs interjettent appel de cette ordonnance. Ils allèguent que le protonotaire Lafrenière a conclu à tort que les demandeurs n’avaient pas énoncé dans leur déclaration des faits importants qui soutiendraient leur affirmation que Brascan et Island Timberlands étaient responsables d’une contrefaçon de brevet.
[2] Le brevet en cause comporte une forme particulière de récolte par hélicoptère appelée la méthode de « troncs à la verticale ». La récolte des troncs à la verticale consiste à préparer un arbre à la récolte en coupant sa cime et en enlevant ses branches, en faisant des traits de scie horizontaux dans le tronc, en stabilisant le tronc avec des coins d’appuis, et en récoltant ensuite le tronc depuis le sommet à l’aide d’un hélicoptère survolant à basse altitude et d’un grappin suspendu pour saisir l’arbre. Le brevet vise à la fois le grappin et la méthode elle-même.
[3] Les demandeurs allèguent que Brascan et Island Timberlands ont contrefait leur brevet en utilisant cette méthode elles-mêmes ou en incitant d’autres à le faire. Ils soutiennent que les omissions dans leur déclaration antérieure (et dans ses modifications) ont été corrigées dans leur deuxième déclaration remodifiée (la DDR) et laissent entendre que le protonotaire Lafrenière a commis une erreur en ne reconnaissant pas que les problèmes des versions antérieures de la déclaration ont maintenant été corrigés.
[4] Le protonotaire Lafrenière a conclu que les allégations à l’encontre de Brascan constituaient [traduction] « de simples affirmations dépourvues de faits importants ». En outre, il a conclu que la preuve dont il disposait sur la requête ne révélait aucune contrefaçon directe ni tentative d’incitation par Brascan. De même, il a conclu que la preuve concernant Island Timberlands montrait qu’un sous-traitant était responsable de la coupe de troncs à la verticale, non Island Timberlands. De plus, il n’y avait aucune preuve démontrant que Island Timberlands avait incité une quelconque contrefaçon par un sous-traitant.
[5] Brascan et Island Timberlands soutiennent que la DDR souffre des mêmes défauts que les observations déjà présentées et allèguent que le protonotaire Lafrenière a eu raison de radier les allégations portées contre elles.
II. La norme de contrôle
[6] Puisque la question que le protonotaire Lafrenière devait trancher était essentielle à une dernière question (c’est-à-dire, la question de savoir si l’action peut être poursuivie contre Brascan et Island Timberlands), je dois me pencher sur la question de novo : AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 43, au paragraphe 6.
III. Motifs valides
[7] Un déclaration doit énoncer des faits étayant la revendication par un demandeur d’un droit juridique particulier, ainsi que des faits démontrant que le défendeur a violé ce droit : Dow Chemical Co. c. Kayson Plastics & Chemicals Ltd. (1966), 47 C.P.R. 1 (C. de l’É.). Dans une action en contrefaçon de brevet, le demandeur doit établir des faits décrivant le schéma allégué de violations du défendeur. Il n’est pas suffisant de simplement alléguer que le défendeur a contrefait les revendications du brevet : Harrison c. Sterling Lumber Company, 2008 CF 220. Un demandeur ne peut pas non plus simplement faire des allégations spéculatives dans l’espoir d’en apprendre davantage lors de l’étape de l’interrogatoire préalable de l’action : Caterpillar Tractor Co. c. Babcock Allatt Ltd. (1982), 67 C.P.R. (2d) 135 (C.F. 1re inst.), pages 138-139.
[8] Le critère applicable pour une requête en radiation dans une déclaration est de savoir s’il est « évident et manifeste » que les allégations particulières énoncées par le demandeur contre le défendeur sont vouées à l’échec : Prentice c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2005 CAF 395, au paragraphe 23.
IV. Ls allégations des demandeurs
[9]
Les
demandeurs affirment que, depuis 2005, Brascan et Island Timberlands ont
utilisé la méthode des troncs à la verticale dans la région du lac Elsie sur
l’île de Vancouver (DDR, paragraphe 53, les paragraphes cités sont
présentés à l’Annexe A). Les demandeurs affirment également que les
défenderesses ont, de façon générale, contrefait le brevet en utilisant une
technique qui correspond à la méthodologie qui y est présentée (DDR,
paragraphe 59). La DDR comporte une description complète de cette
méthodologie (paragraphes 57.1, 57.2).
[10] Les demandeurs soutiennent également qu’Island Timberlands a incité [traduction] « un sous-traitant non connu » à effectuer la coupe de troncs à la verticale d’une manière qui a contrefait le brevet en embauchant l’entrepreneur pour effectuer cela (DDR, paragraphe 60 (e)).
V.
La
décision du protonotaire
[11]
Le
protonotaire Lafrenière a examiné ls plaidoiries, les observations écrites
des parties et la preuve produite dans le cadre de la requête. Comme je l’ai
mentionné, il a conclu que les allégations contenues dans la DDR à l’encontre
de Brascan constituaient [traduction]
« de simples affirmations dépourvues de faits importants » et dénuées
de toute preuve pour les soutenir. Plus particulièrement, il n’a trouvé aucune
preuve d’une contrefaçon directe ou d’incitation.
[12]
En
ce qui concerne Island Timberlands, le protonotaire Lafrenière a conclu
que les allégations des demandeurs étaient plus détaillées et qu’elles ne
devraient pas être radiées en vertu de l’alinéa 221(1)a) (voir
l’Annexe B) (parce qu’elles ne révèlent aucune cause d’action valable). Toutefois,
il n’a pas non plus relevé d’élément de preuve soutenant l’allégation selon
laquelle Island Timberlands avait incité d’autres personnes à contrefaire le
brevet ou qu’elle était elle-même responsable d’une contrefaçon. Les éléments
de preuve à ces égards étaient reliés à une contrefaçon alléguée par un
entrepreneur au nom de R.E.M. Contracting, et non Island Timberlands.
[13]
VI. Conclusion
et décision :
Les demandeurs soulignent qu’il est extrêmement difficile d’établir un
fondement pour leurs allégations, puisque la coupe de troncs à la verticale est
généralement effectuée dans des régions éloignées. En outre, ils suggèrent que
la responsabilité de Brascan et de Island Timberlands peut être déduite des
liens d’affaires entre les différentes défenderesses (dont Weyerhauser,
Cascadia, Island Timberlands et Brascan); de la mobilité des employés d’une
société vers une autre; de leur gestion de grandes opérations forestières; et
de leurs relations de mandataire avec les sous-traitants. De plus, les demandeurs
font remarquer que Brascan et Island Timberlands sont des entreprises
sophistiquées qui pourraient facilement se décharger de toute responsabilité en
ayant recours à des sous-traitants disposant de ressources limitées et servant
de boucliers.
[14] J’ai examiné les circonstances et les observations des demandeurs, mais ne peux conclure qu’elles méritent une dérogation aux exigences relatives à la suffisance des actes de procédure. De plus, après avoir examiné les documents présentés au protonotaire Lafrenière, ainsi que ceux qui m’ont été présentés, je ne peux trouver aucune erreur dans sa décision. Les actes de procédure n’ont clairement pas établi des faits importants étayant les allégations de contrefaçon directe et d’incitation. Je suis d’avis qu’il est évident et manifeste que les demandeurs ne peuvent pas avoir gain de cause contre Brascan ou Island Timberlands en ce qui a trait aux allégations énoncées dans les actes de procédure. Conclure autrement équivaudrait à autoriser les demandeurs à se servir du processus d’interrogatoire préalable pour explorer les motifs potentiels de leur action en contrefaçon. La Cour ne peut pas permettre cela.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
- L’appel est rejeté avec dépens.
- L’ordonnance du 21 novembre 2008 du protonotaire Lafrenière est confirmée.
Annexe « A »
{0><}0{>Deuxième déclaration remodifiée (DDR), déclaration modifiée originale déposée le 2 mars 2006
[traduction]<0}
53.
En se fondant sur des renseignements qui lui ont été
fournis par Weyerhaeuser, La défenderesse, Brascan, dans la région du
lac Elsie, sur l’île de Vancouver, emploie le système de récolte de
tronc unique par hélicoptère pour ses opérations d’exploitation forestière
depuis 2005 au moins, avec les défenderesses Cascadia et Island Timberlands,
c’est‑à‑dire la méthode visée par l’une ou plusieurs des
revendications du brevet de système de récolte.
57.1
Les
défenderesses ont utilisé un système, visé par le brevet de récolte, qui permet
de récolter un tronc à la fois par hélicoptère. Ce système fait appel à une
méthode de préparation et de récolte au moyen d’un hélicoptère muni d’un
grappin suspendu, où l’on arrache les arbres de leur souche au lieu de les
récolter après les avoir abattus. La méthode utilisée consiste à écimer l’arbre
debout, à l’ébrancher et à en entailler le tronc près du sol sur au moins deux
côtés, permettant ainsi à la partie non coupée (charnière) de maintenir l’arbre
debout. Lorsque l’hélicoptère survole le tronc et que le grappin pend près de
sa partie supérieure, on active le grappin pour saisir fermement le tronc, puis
on applique une force, habituellement à l’horizontale, à la partie supérieure
du tronc de façon à rompre la charnière. L’hélicoptère transporte ensuite le
tronc suspendu à une zone de collecte choisie.
57.2 D’autres détails concernant l’utilisation par les défenderesses du système de récolte de troncs à la verticale visé par le brevet comprennent :
(a)
En
ce qui concerne le premier aspect de l’invention, les défenderesses ont utilisé
une méthode de récolte faisant appel à un véhicule aérien muni d’un grappin
suspendu, qui consiste à couper la cime de l’arbre, à enlever les branches et à
couper l’arbre près du sol sur au moins deux côtés du tronc, permettant ainsi à
la partie non coupée de maintenir l’arbre debout à l’aide des méthodes choisies
définies, à déplacer le véhicule aérien au-dessus du tronc en plaçant le
grappin à côté de la partie supérieure du tronc, à appliquer une force,
habituellement à l’horizontale, à la partie supérieure du tronc de façon à
rompre la charnière, à transporter le tronc suspendu à l’aide du véhicule
aérien à la zone de collecte, et à larguer le rondin dans cette zone.
(b)
Concernant
le deuxième aspect de l’invention, les défenderesses ont utilisé un grappin de
récolte d’arbres par hélicoptères comprenant un dispositif de soutien doté
d’une partie supérieure et de deux parties latérales, une aile fixée à chacune
des parties latérales du dispositif de soutien qui se prolonge vers l’extérieur
de façon à former un creux pouvant recevoir un arbre entre les ailes et le
dispositif de soutien, et une pince pivotante fixée à chaque aile dont les bras
mobiles peuvent passer de la position ouverte à fermée et qui s’étendent à
travers le creux de façon à retenir l’arbre dans le grappin.
(c) Pour ce qui est du quatrième aspect de l’invention, les défenderesses ont fait appel à une méthode de préparation de l’arbre qui permet de récolter les troncs à la verticale directement à partir de la souche. Cette méthode comprend l’écimage de l’arbre, la coupe du tronc en faisant deux traits de scie horizontaux parallèles séparés par une charnière et l’enfoncement des coins d’appui pour stabiliser le tronc.
59. En
raison de l’utilisation par les défenderesses du système de récolte de tronc
unique par hélicoptère, les défenderesses ont violé le droit, la faculté
et le privilège exclusif des demandeurs à l’égard d’une ou de plusieurs
revendications parmi les revendications no 1 à 35 du brevet de
système de récolte.
60. Les défenderesses et chacune d’entre elles, à l’exception de la défenderesse VIH Logging Ltd., ont incité la contrefaçon des revendications de la méthode no 1 à 16 et no 26 à 35 du brevet de système de récolte de la façon suivante :
[…]
(e) La défenderesse, Island Timberland, a incité un entrepreneur inconnu à utiliser les méthodes de l’inventeur décrites aux paragraphes 31, 32, 34 et 57.1, en retenant ses services pour récolter du bois d’une façon qui porterait atteinte aux droits de brevets de la demanderesse ou en agissant avec insouciance en sachant qu’il utiliserait les méthodes de l’inventeur.
Annexe « B »
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 Requête en radiation 221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas : a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable; b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant; c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire; d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder; … f) qu’il constitue autrement un abus de procédure. Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.
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Federal Courts Rules, SOR98/106
Motion to strike 221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it (a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be, (b) is immaterial or redundant, (c) is scandalous, frivolous or vexatious, (d) may prejudice or delay the fair trial of the action, […] (f) is otherwise an abuse of the process of the Court, and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.
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COUR FÉDÉRALE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T- 56-06
INTITULÉ : HELI
TECH SERVICES (CANADA) LTD., ET AL c. WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED, ET AL
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 23 avril 2009
ET ORDONNANCE : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 8 juin 2009
COMPARUTIONS :
Derek C. Creighton |
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J. Kevin Wright
Mark S. Oulton Jacqueline D. Hughes
Mark Fancourt-Smith |
POUR LES DÉFENDERESSES ISLAND TIMBERLANDS GP LTD. ET BRASCAN TIMBERLANDS MANAGEMENT GP INC
POUR LES DÉFENDERESSES CASCADIA FOREST PRODUCTS LTD., TIMBERWEST FOREST CORP.; INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS LIMITED
POUR LA DÉFENDERESSE CANADIAN AIR-CRANE LIMITED |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :