Cour Fédérale |
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Federal Court |
Référence : 2009 CF 571
Toronto (Ontario), le 3 juin 2009
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Au mois de mai 2007, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que Mme Cruz était une résidente permanente interdite de territoire pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. En conséquence, Mme Cruz a demandé à la Section d’appel de l’immigration (la SAI), la prise d’une mesure discrétionnaire fondée sur des motifs d’ordre humanitaire contre la décision d’interdiction de territoire, en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR. La SAI a rejeté sa demande; la présente demande est une contestation de cette décision.
[2] La SAI a conclu que les faits non contestés qui sous-tendent la décision d’interdiction de territoire se présentent comme suit :
L’appelante est née aux Philippines le 24 juin 1965. Elle a été autorisée à entrer au Canada en vertu d’un permis de travail, en qualité de membre de la catégorie des « aides familiaux résidents » le 5 octobre 2000. Le 12 janvier 2002, durant une visite aux Philippines, elle épousait Rolando Dela Cruz. L’appelante est ensuite retournée au Canada et elle a demandé la résidence permanente le 30 octobre 2002, mais elle a omis de déclarer sur sa demande qu’elle était déjà mariée. Elle a également déclaré sur ladite demande que son nom de jeune fille était « Magtangob » au lieu du nom de famille Dela Cruz. L’appelante est devenue résidente permanente le 3 juillet 2003 et elle n’a pas divulgué son mariage à ce moment‑là, ayant obtenu le droit d’établissement sous le nom d’Anita Buendia Magtangob. Elle n’a pas indiqué que son état matrimonial était « mariée » jusqu’à ce qu’elle parraine son mari le 10 février 2004.
[Renvois omis]
(Décision de la SAI, à la page 3)
[3] La SAI est arrivée à la conclusion suivante relativement à l’explication de Mme Cruz quant à son omission de déclarer avec exactitude son état matrimonial :
Dans son témoignage, l’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas déclaré son mariage lorsqu’elle avait demandé la résidence permanente et elle l’a regretté. Toutefois, elle a imputé cette omission à une erreur courante de compréhension de la question figurant sur la demande, étant donné qu’elle pensait que la question portait seulement sur son état matrimonial lorsqu’elle est arrivée au Canada en 2000. Elle a également déclaré qu’elle avait demandé à une amie d’origine philippine de l’aider à remplir les formulaires.
(Décision de la SAI, à la page 6)
S’agissant de cette explication, la SAI a tiré une conclusion générale défavorable quant au témoignage de Mme Cruz qu’elle a trouvé non véridique, et a fondé la conclusion sur un certain nombre de caractéristiques de son témoignage aussi bien écrit qu’oral : elle n’a aucune difficulté avec la langue anglaise, elle ne s’est pas abstenue de déclarer son nouvel état matrimonial seulement une fois, mais plutôt à de multiples occasions et à différents endroits sur la demande de résidence permanente; même si elle était déjà mariée, elle a utilisé son nom de jeune fille dans ses formulaires de résidence permanente et n’a commencé à utiliser son nom marital que lorsqu’elle a parrainé son mari; et ce n’est qu’au moment où elle a interjeté appel auprès de la SAI, sur la base des motifs d’ordre humanitaire, qu’elle a retiré le parrainage de son mari. En se fondant sur ces facteurs, la SAI a conclu que Mme Cruz avait délibérément eu des réticences sur des faits importants, de manière à faciliter son établissement au Canada en qualité de célibataire et être en mesure de parrainer plus facilement son mari par la suite. De plus, la SAI a conclu que ses intentions réelles dès le début étaient de cacher son mariage, jusqu’à ce qu’elle devienne résidente permanente (décision de la SAI, aux pages 6 à 8).
[4] Pour tirer une conclusion quant à la demande de Mme Cruz basée sur des motifs d’ordre humanitaire, la SAI a accordé une importance prioritaire à une conclusion selon laquelle la fausse déclaration faisait partie d’un stratagème qui a duré le temps nécessaire à l’obtention de la résidence permanente et qui visait à se soustraire aux exigences de la LIPR. Il est aisé de comprendre comment la déclaration de Mme Cruz quant à son état matrimonial amènerait la SAI à s’inquiéter de la qualité de son explication. Je trouve cependant que, pour arriver aux conclusions audacieuses formulées par la SAI, il fallait faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande précaution dans l’appréciation de l’ensemble de la preuve. Plus particulièrement, la SAI devait, dans l’exécution de cette obligation, apprécier aussi bien la preuve tendant à croire en l’explication de Mme Cruz que celle tendant à ne pas y croire.
[5] Un élément de preuve essentiel quant à la capacité mentale de Mme Cruz a été présenté à la SAI par son conseil et soumis dans les conclusions finales en guise d’élément de preuve qui amène à croire en l’explication de Mme Cruz (dossier du tribunal, à la page 208). L’élément de preuve émane de Mme Susan Pearl, employeuse de Mme Cruz, et bien qu’il n’ait pas été présenté comme preuve d’expert, du moment qu’il provient d’une observatrice qui était une aide‑éducatrice spécialisée depuis plus de 25 ans, il requiert qu’on l’examine minutieusement et qu’on en tienne compte :
[Traduction]
R. Je dois admettre qu’en tant qu’aide‑éducatrice spécialisée, j’étais en mesure de constater que Mme Dela Cruz avait des difficultés. Probablement que dans notre système, elle aurait reçu un diagnostic d’une personne ayant des difficultés d’apprentissage ou d’étudiante faible. Elle ne comprend pas ce qu’on lui demande de faire et très souvent, lorsqu’elle travaillait chez moi, cela prenait trois ou quatre, parfois cinq ou six fois avant que je ne puisse faire passer une idée. Pour m’en sortir, je devais utiliser autant de moyens pour reformuler la même question. Et ça recommençait encore. Ça pouvait être exactement la même chose, mais elle était incapable d’y arriver la fois d’après.
Q. Avez-vous une idée de sa compréhension de la lecture en anglais?
R. Elle est faible. J’ai passé les choses en revue – nous parlions des articles de journaux que nous avions – que j’avais lus et d’autres choses semblables et elle était complètement hors sujet. Elle ne pouvait pas tirer parti de ce qu’on avait lu ou de ce dont on avait discuté et elle avait des problèmes avec ça.
Q. Pensez-vous qu’il y ait des raisons pour lesquelles elle aurait délibérément donné des renseignements inexacts dans les formulaires qu’elle aurait remplis pour l’immigration?
R. Je n’en vois pas et, lorsqu’elle était à mon service, elle était toujours honnête. Comme la plupart du temps, quand j’avais des personnes à mon service, si elles cassaient quelque chose, elles ne me le disaient pas. Elle a toujours été honnête; elle m’en parlait – même quand elle savait qu’elle pourrait s’attirer des ennuis, elle me disait ce qu’elle avait fait de répréhensible. Alors, je ne la vois pas faire exprès quelque chose de répréhensible. Ce n’est tout simplement pas son éthique.
(dossier du tribunal, aux pages 204 et 205)
À mon avis, le fait que la SAI n’ait pas apprécié cet élément de preuve, lorsqu’elle est arrivée à la conclusion défavorable quant à la crédibilité, constitue une erreur importante dans l’appréciation des faits. Par conséquent, je conclus que la décision rendue est déraisonnable, car elle ne se justifie pas au regard des faits et du droit.
ORDONNANCE
Par conséquent, la décision de la SAI est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que ce dernier statue à nouveau sur l’affaire.
Aucune question n’est certifiée.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Réviseur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5459-08
INTITULÉ : ANITA DELA CRUZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 juin 2009
ET ORDONNANCE : Le juge Campbell
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : Le 3 juin 2009
COMPARUTIONS :
RANDOLPH K. HAHN
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TAMRAT GEBEYEHU
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
GUBERMAN GARSON, BUSH Avocats Toronto (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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