Federal Court |
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Cour fédérale |
Date : 20090520
Dossier : IMM-4644-08
Ottawa, Ontario, le 20 mai 2009
En présence de monsieur le juge Martineau
ENTRE :
demandeur
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur est citoyen mexicain. Il attaque la légalité de la décision de la section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 30 septembre 2008, laquelle conclut qu’il n’est pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une personne à protéger selon les termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la loi).
[2] Le demandeur soutient avoir été séquestré pendant quelques heures alors qu’il rentrait chez lui le 23 mars 2007. Subséquemment, le 8 avril 2007, le demandeur aurait été menacé par ses ravisseurs lors d’un appel téléphonique reçu à son domicile où il résidait avec ses parents. Il se dit depuis menacé, par le biais de harcèlement téléphonique, par ces mêmes criminels dont l’identité demeure inconnue.
[3] Toute l’analyse de la Commission porte sur le statut de « personne à protéger » du demandeur, la demande d’asile de ce dernier n’étant justifiée par aucun des motifs de persécution énoncés à l’article 96 de la loi. Il s’agit en l’occurrence de déterminer si les conditions de l’article 97 étaient rencontrées. Bien que l’allégation d’enlèvement spontané ne soit pas mise en doute, la Commission ne croit pas l’histoire de menaces subséquentes. Lorsqu’initialement questionné à ce sujet lors de son témoignage devant la Commission, le demandeur a omis de faire référence aux menaces proférées contre lui le 8 avril 2007. Il est à noter que le demandeur a cependant témoigné au sujet de ces menaces lorsque interrogé par son avocate. Subsidiairement, la Commission conclut que le risque que représentent les criminels à l’origine de ces menaces à l’endroit du demandeur n’existe plus aujourd’hui. Autrement, il se serait déjà matérialisé puisque lesdits criminels possèdent suffisamment d’information pour localiser le demandeur.
[4] Aujourd’hui, le demandeur soutient que la Commission a omis de considérer la preuve documentaire au dossier, soit une dénonciation écrite formulée par le demandeur le 17 avril 2007 et déposée au parquet général de justice du district fédéral. Or, cette dénonciation corrobore le récit du demandeur quant aux menaces dont il aurait été victime. Par conséquent, il est soumis que le défaut par la Commission, de considérer cet élément de preuve lequel confirme la véracité des allégations du demandeur, justifie à lui seul l’intervention de cette Cour. La Commission aurait donc erré en jugeant le demandeur non crédible.
[5] La question de la crédibilité du demandeur et de l’évaluation de la preuve appelle un degré élevé de déférence envers la décision de la Commission, en ce qu’il n’appartient pas à cette Cour, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, d’apprécier la preuve à nouveau et de substituer son opinion à celle de la Commission (Aguebor c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL), 160 N.R. 315. En somme, cette Cour n’interviendra que si la décision de la Commission s’avère être basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou encore si la décision a été rendue sans que la Commission ne tienne compte des éléments de preuve dont elle disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir); Navarro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358, [2008] A.C.F. no 463 (QL) au para.14; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 (Khosa) au para. 46).
[6] L’arrêt de la Cour suprême dans Dunsmuir précise que le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. (Dunsmuir au para. 47; Khosa au para. 59).
[7] Or, la Cour n’a aucun motif valable pour intervenir ici, la décision de la Commission étant à tous égards raisonnable dans les circonstances.
[8] En l’espèce, malgré la preuve soumise, la Commission a jugé le demandeur non crédible. Son analyse fait clairement état des raisons pour lesquelles la Commission n’a pas cru à l’histoire de menaces du demandeur. Au soutien de cette conclusion d’absence de crédibilité quant à un élément essentiel de la demande, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle ne pouvait donner foi au témoignage du demandeur, soit l’omission et le manque de spontanéité des réponses du demandeur quant aux menaces dont il aurait été victime. Par conséquent, il était loisible pour la Commission de jauger la crédibilité du témoignage du demandeur et d’en tirer les inférences qui s’imposent même en présence de preuve documentaire soutenant les allégations jugées non crédibles (Hamid c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 au para. 20, 58 A.C.W.S. (3d) 469 (C.F. 1ère inst.); Songue c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1020 aux paras. 10-13, 66 A.C.W.S. (3d) 113 (C.F. 1ère inst.). Enfin, il est établi que la Commission n’a pas à mentionner expressément chacun des éléments de preuve analysés et la valeur probante attribuée à chacun d’eux (Ali c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 558, 112 F.T.R. 9 (C.F. 1ère inst.).
[9] Au surplus, la décision contestée fait également état de l’analyse de la Commission quant à l’existence d’éléments permettant d’établir l’objectivité du risque allégué, selon les termes de l’article 97 de la loi. En somme, il appartenait au demandeur d’étayer, selon la balance des probabilités, le risque personnalisé dont il se dit victime ainsi que d’établir en quoi, ce risque demeure à ce jour vraisemblable à la lumière des conditions et de l’étendue de la protection étatique dont bénéficie le demandeur dans son pays d’origine et selon les caractéristiques des agents qui personnifient en l’espèce le risque invoqué.
[10] Par conséquent, je suis d'avis que le demandeur ne s'est pas acquitté de son fardeau de démontrer que les conclusions de la Commission sont déraisonnables. La présente demande de révision judiciaire doit donc être rejetée. Les procureurs conviennent qu’aucune question d’importance générale n’est soulevée en l’espèce.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : JAIME ULISES SAHAGUN LOPEZ
c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 mai 2009
ET JUGEMENT : LE JUGE MARTINEAU
DATE DES MOTIFS : Le 20 mai 2009
COMPARUTIONS :
Claudette Menghile
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POUR LE DEMANDEUR |
Geneviève Bourbonnais
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Claudette Menghile Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r., Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |