Federal Court |
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Cour fédérale |
Ottawa (Ontario), le 12 mai 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
demandeur
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R., 2001, ch. 27, à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 22 septembre 2008 qui a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.
[2] Pour les raisons qui suivent la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
[3] La Cour se déclare satisfaite au sujet des explications fournies par le demandeur afin d'obtenir une extension de délai pour déposer sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. En effet, c'est en raison de sa maladie, et de son impossibilité de rejoindre son procureur que sa demande a été produite tardivement.
[4] La demande d'asile du demandeur a été rejetée par le tribunal parce que son récit a été jugé non crédible et aussi parce que le tribunal n'a pas été convaincu qu'il y avait absence de protection par l'État mexicain.
[5] Dans cette cause, le demandeur est un journaliste qui craint de retourner dans son pays car il aurait été témoin du transport de cadavres d'enfants et en aurait déduit que c'était relié au trafic d'organes. Il aurait été menacé par la suite, et auraient subi un accident de voiture alors que certains membres de sa famille auraient été blessés. Des experts auraient déterminé que les freins de sa voiture avaient été enlevés.
Norme de contrôle
[6] Le défendeur souligne que la norme de contrôle applicable à la conclusion d’absence de crédibilité prononcée par le tribunal est cette de la décision déraisonnable (Garcia c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 707, [2008] A.C.F. no 893 (QL)).
[7] Lorsqu’il est question de crédibilité et d’appréciation de la preuve, il est bien établi en vertu du paragraphe 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, que la Cour n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou si la décision est rendue sans égard à la preuve (Aguebor c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), 42 A.C.W.S. (3d) 886).
[8] L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relèvent de la compétence du tribunal administratif qui doit apprécier l’allégation d’une crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1ère inst.), 83 A.C.W.S. (3d) 264 au paragraphe 14). Avant Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable dans des circonstances semblables était celle de la décision manifestement déraisonnable. Depuis, il s’agit de la décision raisonnable.
[9] La norme de contrôle applicable aux questions de protection de l’État est la décision raisonnable (Chaves c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 137 A.C.W.S. (3d) 392 aux par. 9 à 11; Gorria c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 284, 310 F.T.R. 150 au par. 14 et Chagoya c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 721, [2008] A.C.F. no 908 (QL) au par. 3).
[10] Dans la cause sous étude, le tribunal n’a tenu compte que de faits bien ciblés dans l’histoire du demandeur. Le FRP du demandeur contient pourtant plusieurs faits importants qui ont été omis et n'ont pas été analysés par le tribunal.
[11] De plus, le tribunal mentionne à deux reprises : « … Chose certaine, c'est que rien dans la preuve documentaire me permet de constater qu'au Mexique, les journalistes sont menacés à un point tel qu'ils sont assassinés et qu'il n'y a aucune protection de l'État possible en ce qui les concerne (sic) » (paragraphe 10 de la décision). Or, il existe des documents figurant dans le Cartable national du Mexique qui disent exactement le contraire. Ces documents n’ont pas été mentionnés ou considérés par le tribunal. Pourtant cet élément était au cœur même de la revendication.
[12] Le tribunal aurait dû examiner l’ensemble de la preuve, notamment la preuve documentaire, ce qui aurait peut-être permis de constater que les faits relatés par le demandeur étaient véridiques au sujet de sa crainte de persécution et la protection de l’État.
[13] Bien qu'il soit exact de présumer qu’un tribunal a examiné toute la preuve, lorsqu'il existe une preuve importante qui contredit la conclusion de ce dernier, il doit fournir des motifs pour expliquer pourquoi cette preuve n'est pas pertinente ou digne de foi (Simpson c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 970, [2006] A.C.F. no 1224 (QL) par. 44).
[14] Ce dossier ne soulève aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. Le dossier est retourné pour un nouvel examen par un tribunal nouvellement constitué.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4854-08
INTITULÉ : ERNESTO LOPEZ SALGUERO
et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 5 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : le 12 mai 2009
COMPARUTIONS :
Me Andrea C. Snizynsky
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Me Sébastien Dasylva
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Andrea C. Snizynsky Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
John H. Sims Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |