Ottawa (Ontario), le 1 mai 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
demandeur
et
ET DE L'IMMIGRATION
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision datée du 3 juillet 2008 selon laquelle l’agent de l’évaluation des risques avant renvoi Mélanie Daigle (l’agent) a rejeté la demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) présentée par le demandeur.
Questions en litige
[2] L’agent ERAR a-t-elle omis d’observer les motifs de la Cour dans les dossiers 2007 CF 749 et 2008 CF 135?
[3] Pour les raisons qui suivent la demande ordre judiciaire sera accueillie.
[4] Le demandeur, âgé de 28 ans, est de nationalité guatémaltèque. Il arrive au Canada le 30 janvier 2006 à la frontière de Lacolle en provenance des États-Unis et revendique l’asile. Arrivé directement d’un « pays tiers sûr », la demande d’asile du demandeur est jugé irrecevable en vertu du paragraphe 101(1)(e) de la loi et ce dernier est retourné aux États-Unis le même jour.
[5] Le 20 juillet 2006, il se présente en compagnie de son épouse (une citoyenne canadienne) au point d’entrée St-Armand et revendique de nouveau. Encore une fois, la demande est jugée irrecevable en vertu du paragraphe 101(1)(b) mais un formulaire ERAR lui est remis.
[6] Le 25 août 2006, il dépose une demande ERAR. Il bénéficie de l’étude de sa demande malgré le fait qu’il ne rencontre pas les exigences du paragraphe 112(2) de la loi. Le 8 mai 2007, sa demande est rejetée.
[7] Le 13 juillet 2007, une première requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi est accueillie par le juge Shore (Galan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 749, [2007] A.C.F. no 998 (QL) (Galan, 2007)). Dans ses motifs de jugement, le juge Shore s'exprime ainsi aux paragraphes 9 et 10 :
Sachant que le demandeur n'a jamais été entendu par un tribunal ou une autorité administrative, ça aurait été nécessaire, dans ce cas, rare, d'espèce, de demander pour des éclaircissements suite aux dangers possibles au demandeur.
Comme la preuve signalait la possibilité du danger direct ciblant le demandeur, selon le principe de justice naturel (sic) dans ce cas d'espèce, certains éclaircissements auraient été essentiels pour tester les prétentions du demandeur et, donc, pour s'assurer que l'équité procédurale soit tenue.
[8] Le 5 février 2008, la demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agent ERAR est accueillie par le juge Shore. Le dossier est retourné pour être réévalué (Galan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 135, [2008] A.C.F. no 166 (QL) (Galan, 2008)). Le juge répète que le demandeur n'a jamais été entendu par un tribunal ou une autorité administrative (par. 17) et que la crédibilité du demandeur n'a jamais été évaluée ou jugée par aucune autorité ou tribunal (par. 20).
[9] Le 3 juillet 2008, une autre agente ERAR rejette la demande du demandeur. Il s’agit de la décision contestée en l’espèce.
[10] Le 30 septembre 2008, le demandeur dépose une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire contestant cette décision négative.
[11] Considérant les motifs du jugement du juge Shore dans Galan, 2007 et Galan, 2008, dans lesquels il indique que le demandeur devrait faire l’objet d’une entrevue par l’agent ERAR dans cette affaire qu’il a qualifiée de rare et d’une cause d’espèce et considérant que l’agent ERAR n’a pas procédé à l’entrevue du demandeur et n’a pas expliqué ses raisons de ne pas donner suite aux motifs du juge Shore, une deuxième requête en sursis est accueillie par le juge en chef de cette Cour le 20 octobre 2008. Ce dernier accorde aussi le 10 février 2009 la demande d'autorisation du demandeur malgré qu'elle soit tardive. Le défendeur soumet que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée parce que la demande a été introduite 12 jours en retard. Cette question avait déjà fait l'objet de représentations écrites lors de la demande du sursis en octobre 2008.
[12] Étant donné que c'est le juge en chef qui a entendu la demande de sursis et qui a accordé lui-même la demande d'autorisation, je présume qu'il a tenu compte de cette argumentation et malgré tout a accordé l'autorisation. Les faits dans la présente cause peuvent être distingués de ceux dans Deng c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ministre de la Sécurité Publique et de la Protection Civile), 2008 CF 603, [2008] A.C.F. no 774 (QL).
[13] Dans sa décision, la nouvelle agente mentionne que le 5 février 2008, la demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'agent ERAR est accueillie par le juge Shore de la Cour fédérale et que le dossier est retourné pour une réévaluation de la demande.
[14] Elle ne convoque pas le demandeur pour une entrevue et ne commente pas ou n’explique d'aucune façon pourquoi elle ne donne pas suite aux motifs du juge Shore.
[15] En présence de faits semblables, la Cour n’a d'autre choix que de retourner le dossier pour être réévalué de nouveau par un agent différent avec instruction de convoquer le demandeur pour qu'il soit entendu et qu'il fasse valoir ses arguments.
[16] Les parties n'ont pas proposé de questions à certifier et ce dossier n’en contient aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que le dossier soit retourné pour être réévalué par un agent différent avec instruction de convoquer le demandeur pour qu'il soit entendu et qu'il fasse valoir ses arguments. Aucune question n'est certifiée.
« Michel Beaudry »
Législation pertinente
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :
72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.
(2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :
a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;
b) elle doit être signifiée à l’autre partie puis déposée au greffe de la Cour fédérale — la Cour — dans les quinze ou soixante jours, selon que la mesure attaquée a été rendue au Canada ou non, suivant, sous réserve de l’alinéa 169f), la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance;
c) le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour;
d) il est statué sur la demande à bref délai et selon la procédure sommaire et, sauf autorisation d’un juge de la Cour, sans comparution en personne;
e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d’appel.
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72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.
(2) The following provisions govern an application under subsection (1):
(a) the application may not be made until any right of appeal that may be provided by this Act is exhausted;
(b) subject to paragraph 169(f), notice of the application shall be served on the other party and the application shall be filed in the Registry of the Federal Court (“the Court”) within 15 days, in the case of a matter arising in Canada, or within 60 days, in the case of a matter arising outside Canada, after the day on which the applicant is notified of or otherwise becomes aware of the matter;
(c) a judge of the Court may, for special reasons, allow an extended time for filing and serving the application or notice;
(d) a judge of the Court shall dispose of the application without delay and in a summary way and, unless a judge of the Court directs otherwise, without personal appearance; and
(e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment. |
101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants:
a) l’asile a été conféré au demandeur au titre de la présente loi;
b) rejet antérieur de la demande d’asile par la Commission;
c) décision prononçant l’irrecevabilité, le désistement ou le retrait d’une demande antérieure;
d) reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé;
e) arrivée, directement ou indirectement, d’un pays désigné par règlement autre que celui dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;
f) prononcé d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux — exception faite des personnes interdites de territoire au seul titre de l’alinéa 35(1)c) — , grande criminalité ou criminalité organisée. |
101. (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if
(a) refugee protection has been conferred on the claimant under this Act;
(b) a claim for refugee protection by the claimant has been rejected by the Board;
(c) a prior claim by the claimant was determined to be ineligible to be referred to the Refugee Protection Division, or to have been withdrawn or abandoned;
(d) the claimant has been recognized as a Convention refugee by a country other than Canada and can be sent or returned to that country;
(e) the claimant came directly or indirectly to Canada from a country designated by the regulations, other than a country of their nationality or their former habitual residence; or
(f) the claimant has been determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality, except for persons who are inadmissible solely on the grounds of paragraph 35(1)(c). |
112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).
(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :
b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e); |
112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).
(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if
(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible; |
113. Il est disposé de la demande comme il suit :
b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires; |
113. Consideration of an application for protection shall be as follows:
(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required; |
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 :
167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :
a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;
b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;
c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection. |
167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:
(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;
(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and
(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.
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Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 :
10. (2) Le demandeur signifie à chacun des défendeurs qui a déposé et signifié un avis de comparution un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :
d) un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l’appui de sa demande, et le dépose avec la preuve de la signification. |
10. (2) The applicant shall serve on every respondent who has filed and served a notice of appearance, a record containing the following, on consecutively numbered pages, and in the following order
(d) one or more supporting affidavits verifying the facts relied on by the applicant in support of the application, and and file it, together with proof of service. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4256-08
INTITULÉ : DAVID ANTONIO GARZA GALAN
et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 29 avril 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : le 1 mai 2009
COMPARUTIONS :
Me Claude Brodeur
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Me Steve Bell
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Claude Brodeur Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
John H. Sims Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |