Ottawa (Ontario), le 1 mai 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
OLGA MARQUEZ VELAZQUEZ
ALBIA ALBINA MENDOZA MARQUEZ
GUSTAVO MOISES MENDOZA MARQUEZ
MONSERRAT MENDOZA MARQUEZ
demandeurs
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (la loi), à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du Statut de réfugié (le tribunal) rendue le 14 juillet 2008 selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.
Questions en litige
1. Est-ce que le tribunal a erré en concluant que les demandeurs ne sont pas crédibles?
2. Est-ce que le tribunal a erré en concluant qu’il y avait une possibilité de refuge interne pour les demandeurs?
[2] Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[3] Les demandeurs sont citoyens du Mexique. Le demandeur principal, Gustavo Mendoza Martinez, est né le 4 décembre 1971 alors que son épouse Olga est née le 6 mars 1980. Ils se sont épousés le 5 février 1999 et trois enfants sont nés de cette union. Le demandeur principal dit être victime de menaces et de harcèlement constant d’un groupe de personnes corrompues, complices des autorités et des fonctionnaires de l’État. Ils craignent pour leur vie s'ils sont retournés dans leur pays.
[4] Le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la revendication car les demandeurs d’asile ne sont pas crédibles quant à leur crainte subjective. Il est aussi d’avis qu’il existe une possibilité de refuge interne (PRI) dans les villes de Campeche ou de Monterrey.
Norme de contrôle
[5] Lorsqu’il est question de crédibilité et d’appréciation de la preuve, il est bien établi en vertu du paragraphe 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, que la Cour n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou si la décision est rendue sans égard à la preuve.
[6] L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relèvent de la compétence du tribunal administratif qui a à apprécier l’allégation d’une crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1ère inst.), 83 A.C.W.S. (3d) 264 au paragraphe 14).
[7] À la suite du jugement de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, les conclusions du tribunal quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile devraient continuer de bénéficier de la déférence de la Cour et sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir, précité aux par. 55, 57, 62 et 64; voir aussi Lin c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 698, 170 A.C.W.S. (3d) 161 au par. 11).
[8] Avant Dunsmuir, la norme de contrôle applicable aux questions de PRI était la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 44, 136 A.C.W.S. (3d) 912 et Chorny c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, 238 F.T.R. 289). Depuis Dunsmuir, la décision est maintenant révisée selon la nouvelle norme de la raisonnabilité. Conséquemment, la Cour n’interviendra que si la décision ne fait pas partie de la gamme des solutions possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, ci-dessus au par. 47). Le caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, à sa transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel.
[9] À l’audition, la procureure des demandeurs a déclaré qu'avec le consentement de ses clients elle s'en remettait aux prétentions écrites déjà déposées.
1. Est-ce que le tribunal a erré en concluant que les demandeurs ne sont pas crédibles?
[10] En l’espèce, le tribunal a retenu plusieurs problèmes dans le témoignage du demandeur :
- Il s’est contredit en affirmant à l’audience qu’il ne connaissait pas les personnes qui l’avaient agressé le 23 juillet 2007, alors qu’il a affirmé dans son FRP qu’il les avait reconnus.
- Il a omis d’indiquer dans son FRP qu’il avait commencé à recevoir des menaces téléphoniques à partir de mai 2007.
- Il a omis de mentionner dans son FRP qu’il avait été menacé près de 25 fois pendant les quelques semaines précédant son départ.
- Il a affirmé qu’au Mexique, il était possible de retracer n’importe qui via Internet à partir d’un seul numéro d’assurance sociale.
[11] Le tribunal est le mieux placé pour évaluer les explications fournies par les demandeurs au sujet des contradictions et invraisemblances apparentes. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement aux conclusions de fait tirées par le tribunal au sujet de la crédibilité des demandeurs (Singh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 181, 146 A.C.W.S. (3d) 325 au par. 36; Mavi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no. 1 (C.F. 1ère inst.) (QL)).
[12] En l’espèce, la conclusion du tribunal n’est pas déraisonnable compte tenu des multiples divergences dans le témoignage du demandeur principal.
2. Est-ce que le tribunal a erré en concluant qu’il y avait une possibilité de refuge interne pour les demandeurs?
[13] Dans Ranganathan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164, la Cour s’est prononcée ainsi au paragraphe 15 :
… Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d'un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’un emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.
[14] La décision du tribunal est basée sur le témoignage des demandeurs ainsi que la preuve documentaire. Les demandeurs n’ont pas réussi à convaincre ce dernier que la possibilité de refuge interne est déraisonnable. D’ailleurs, les demandeurs n’ont même pas soumis de représentations écrites au sujet de cette question.
[15] Aucune question à certifier n’a été soumise.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3438-08
INTITULÉ : GUSTAVO MENDOZA MARTINEZ
OLGA MARQUEZ VELAZQUEZ
ALBIA ALBINA MENDOZA MARQUEZ
GUSTAVO MOISES MENDOZA MARQUEZ
MONSERRAT MENDOZA MARQUEZ
c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 29 avril 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : le 1 mai 2009
COMPARUTIONS :
Me Gisela Barraza
|
POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Me Alain Langlois
|
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Gisela Barraza Montréal (Québec)
|
POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
John H. Sims Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |