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Date : 20090408

Dossier : IMM‑4436‑08

Référence : 2009 CF 357

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

SOPHIA CLARKE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision relative à un examen des risques avant renvoi (ERAR) touchant une citoyenne jamaïcaine qui est résidente permanente depuis 1986. Dans la décision relative à l’ERAR, il fut conclut que la demanderesse ne serait exposée à aucun risque si elle retournait en Jamaïque malgré qu’elle ait passé de la drogue, infraction dont elle a été déclarée coupable en 1992.

 

II.         L’HISTORIQUE

[2]               La demanderesse est non seulement une résidente permanente du Canada, elle est également mariée à un Canadien et elle a fils né au Canada. Elle a présenté une demande de parrainage à titre de conjointe dont le traitement a été retardé parce qu’elle n’a pas encore obtenu sa réhabilitation quant à la déclaration de culpabilité d’importation de drogue prononcée contre elle en 1992. Le processus de réhabilitation n’a pas pu être entrepris parce que la demanderesse était recherchée en vertu d’un mandat lancé par les autorités de l’immigration, lequel mandat n’a été exécuté que lorsque la demanderesse s’est rendue aux autorités en juin 2008 et qu’elle présenté une demande d’ERAR.

 

[3]               En ce qui concerne la déclaration de culpabilité d’importation de stupéfiants de 1992, la demanderesse a prétendu qu’elle a été contrainte de transporter de la drogue entre la Jamaïque et le Canada. Lorsqu’elle a été arrêtée, elle a donné les noms des trafiquants de drogue à la police. Elle prétend que, depuis, on menace de la tuer si elle retournait en Jamaïque et qu’elle a dû changer de numéro de téléphone à plusieurs reprises.

 

[4]               Dans le cadre de sa prétention selon laquelle elle serait exposée à des risques si elle retournait en Jamaïque, la demanderesse a invoqué le fait que Sharon Vessel, une personne associée aux trafiquants qu’elle a dénoncés, l’a agressée et a été déclarée coupable de cette agression en 1992. Vessel est aujourd’hui décédée.

 

[5]               Une mesure d’expulsion a été prise contre la demanderesse en mai 1993. L’appel a été rejeté en octobre 1994 et la demande d’autorisation de contrôle judiciaire a été rejetée en mai 1995. Un mandat d’arrestation a été prononcé contre la demanderesse en août 1995 pour défaut de comparaître à une entrevue préalable au renvoi.

 

[6]               La réapparition de la demanderesse en juin 2008 indiquait que celle‑ci désirait régulariser son statut au regard de l’immigration.

 

[7]               Dans la décision relative à l’ERAR, l’agent a d’abord conclu que rien ne permettait d’affirmer que la demanderesse serait exposée à des risques à son retour. Deuxièmement, l’agent a conclu que la protection de l’État existait en Jamaïque. Enfin, l’agent a formulé un certain nombre d’observations quant à l’importance ou quant à la pertinence à accorder aux divers documents, notamment à la preuve psychologique.

 

[8]               La demanderesse affirme qu’elle a été privée de l’équité procédurale en raison de conclusions défavorables quant à la crédibilité, que la conclusion relative à la protection de l’État était déraisonnable et qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale car la décision a été prise en fonction d’un dossier certifié incomplet.

 

III.       L’ANALYSE

[9]               La première question en litige, celle des conclusions défavorables quant à la crédibilité, n’est pas une question d’équité procédurale mais une question de preuve. Elle est contrôlable selon la norme de la décision raisonnable (Aleziri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 38), comme l’est d’ailleurs la décision relative à l’ERAR. La conclusion relative à la protection de l’État est également contrôlable selon la norme de la décision raisonnable (Huerta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 586). Enfin, la question du dossier incomplet est contrôlable selon la norme de la décision correcte ou elle ne fait pas l’objet de l’analyse de la norme de contrôle (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[10]           La demanderesse prétend qu’on aurait dû lui accorder une audience parce que la question de la crédibilité était en cause. Toutefois, une interprétation adéquate de la décision relative à l’ERAR est que la demanderesse n’a pas eu gain de cause parce qu’elle n’a pas été capable de prouver qu’elle serait exposée à des risques. Il n’y a aucune obligation, en l’absence d’autres facteurs, de tenir une audience quant aux conclusions relatives à la suffisance (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872).

 

[11]           La demanderesse a eu tort d’invoquer la décision rendue par le juge Zinn dans Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, en tentant d’établir que les observations de l’avocat devraient être utilisées comme preuve. Le juge Zinn n’établissait pas un nouveau principe en matière de preuve, il ne faisait que souligner que, dans certaines circonstances, les observations de l’avocat quant à la situation factuelle (en l’espèce, la demanderesse était lesbienne) peuvent être considérées comme étant des éléments de preuve dont l’importance peut être discutable.

 

[12]           La conclusion relative à la protection de l’État était une conclusion subsidiaire. Comme la conclusion relative au caractère suffisant était raisonnable et déterminante, la conclusion relative à la protection de l’État n’est plus pertinente même si l’on peut prétendre que l’agent a eu tort de mettre l’accent sur les « efforts » qui sont faits en Jamaïque plutôt que sur le « caractère adéquat ».

 

[13]           La dernière question en litige porte sur le fait que le dossier en fonction duquel la décision fut prise ne comprenait pas le résumé de la police jamaïquaine concernant la déclaration de culpabilité prononcée contre Vessel pour voies de fait sur la demanderesse. Ce résumé a été reçu après le prononcé de la décision.

 

[14]           Compte tenu de l’importance de cet élément pour le dossier de la demanderesse, il est étonnant que la demanderesse n’ait jamais cherché à l’invoquer.

 

[15]           De toute façon, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale parce que l’agent a accepté, pour les fins de la décision, que la demanderesse avait été agressée par Vessel.

 

[16]           La présente affaire doit être distinguée de la décision que j’ai rendue dans Ortega c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1407, où les documents manquants touchaient le fondement même de la demande ainsi que les motifs invoqués pour rejeter l’ERAR. Si l’agent en l’espèce n’avait pas accepté l’existence de l’agression, le résultat en l’espèce aurait pu être différent.

 

[17]           Un dossier incomplet peut donner lieu à un manquement à l’équité procédurale, mais ce n’est pas toujours le cas, particulièrement lorsqu’aucune iniquité n’a vraiment été occasionnée, comme c’est le cas en l’espèce.

 

IV.       CONCLUSION

[18]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4436‑08

 

INTITULÉ :                                       SOPHIA CLARKE

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 8 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joshua Lang

 

POUR LA DEMANDERESSE

Mary Matthews

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ormston, Bellissimo, Rotenberg

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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