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Date : 20090401

Dossier : IMM-4178-08

Référence : 2009 CF 335

Toronto (Ontario), le 1er avril 2009

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

Entre :

THIERRY ISHIMWE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIF DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Thierry Ishimwe (le demandeur) demande le contrôle judiciaire de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 20 août 2008. Dans cette décision, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, dans le cadre des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

 

[2]               Le demandeur, un citoyen du Burundi, a fui son pays de naissance le 14 avril 2006. Il est arrivé au Canada le 21 avril 2006 en transitant par Addis-Abeba en Éthiopie, par Washington et par Buffalo aux États-Unis. Il a déposé sa demande d'asile à la frontière du Canada avec les États-Unis le 21 avril 2006.

 

[3]               Le demandeur fonde sa demande d'asile sur la crainte d'être assassiné par des personnes récemment libérées de prison qui y avaient purgé des peines pour des infractions commises pendant la guerre civile qui a duré 10 ans au Burundi. Ces prisonniers ont été libérés lorsque le Conseil national pour la défense de la démocratie/les Forces de défence de la démocratie ont pris le pouvoir en 2005.

 

[4]               Les parents du demandeur ont été tués pendant la guerre civile. Le demandeur a affirmé que les gens qui ont tué ses parents étaient parmi les prisonniers qui ont été libérés en février 2006 et qu'il a vu un dénommé Delphin environ dix jours après sa libération. Ce Delphin, voyant le demandeur, l'aurait saisi à la gorge et lui aurait dit qu'il le tuerait.

 

[5]               Le demandeur affirme que les prisonniers qui ont été relâchés ont beaucoup de pouvoir au Burundi. Dans son Formulaire de renseignements personnels (le Formulaire), le demandeur mentionne que le frère de Delphin est un commissaire de police.

 

[6]               Le demandeur prétend que, après avoir rencontré Delphin dans la rue, il a reçu de nombreux appels téléphoniques anonymes qui l'avertissaient qu'il allait finir comme ses parents. Il dit que des gens ont commencé à se présenter chez lui à la fin de février. Il n'a pas signalé ces faits à la police en raison des relations de Delphin, dont faisait patie la police.

 

[7]               Le demandeur a demandé et obtenu son admission à une université des États-Unis, qui ont accepté de lui délivrer un visa le 6 avril 2006.

 

[8]               La décision de la Commission est fondée sur les conclusions défavorables qu'elle a tirées concernant la crédibilité du demandeur, notamment les incohérences dans son témoignage sur le moment auquel il avait eu l'intention de fuir le Burundi, les incohérences quant aux gens qui s'étaient présentés chez lui, le fait qu'il ait écrit dans le Formulaire que le frère de Delphin était commissaire de police alors qu'il en a parlé dans son témoignage devant la Commission comme étant le chef de la police nationale et, enfin, l'absence de preuve documentaire à l'appui de ses prétentions.

 

[9]               Sur ce dernier point, la Commission a jugé défavorablement l'omission du demandeur de produire la lettre d'acceptation de l'université des États-Unis qui l'aurait eu admis. La Commission s'est également interrogée sur la lettre d'offre d'emploi qu'aurait écrite un employeur canadien : la lettre n'était pas signée et aurait été rédigée en date du 17 mars 2006, soit avant le départ du demandeur pour le Canada.

 

[10]           Le demandeur allègue que la Commission a commis deux erreurs dans ses conclusions sur la crédibilité. Premièrement, il conteste la façon dont la Commission a compris sa preuve, tant celle du Formulaire que celle qu'il a fournie lors de son témoignage, concernant les fonctions du frère de Delphin, soit d'être à la fois un commissaire de police et le chef de la police nationale. Il affirme que la contradiction que la Commission y a vue est plus apparente que réelle.

 

[11]           Deuxièmement, il conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les universités des États-Unis n'accordent pas d'admission pendant la période qu'il a mentionnée. Il allègue également que la Commission a conclu sans preuve que l'ambassade des États-Unis au Burundi ne délivre pas de visas d'étudiant pendant cette période.

 

[12]           Pour sa part, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le défendeur) fait remarquer que le demandeur ne conteste que deux des conclusions que la Commission a tirées sur la crédibilité. Par ailleurs, ces conclusions sont raisonnables au vu de la preuve dont disposait la Commission et il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir.

 

[13]           Selon l'arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle qui s'applique aux décisions prises par des décideurs dans un cadre de droit administratif est soit la raisonnabilité, soit de la décision correcte. Cet arrêt a aussi établi que, lorsque la jurisprudence a déterminé la norme de contrôle, la cour de révision peut adopter cette norme. Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315, la Cour d'appel fédérale a statué que les conclusions quant à la crédibilité doivent être contrôlées au regard de la décision manifestement déraisonnable. Depuis l'arrêt Dunsmuir, cette norme a fusionné avec la décision raisonnable, maintenant appelée raisonnabilité. C'est cette norme qui sera appliquée à la présente affaire.

 

[14]           La Commission a demandé au demandeur pourquoi il avait d'abord dit que le frère de Delphin était un commissaire et, plus tard, qu'il était le chef de la police. Le demandeur a répondu qu'il avait [traduction] « donné l'explication en français. Nous appelons commissaire celui qui commande la police ».

 

[15]           Cette réponse n'a pas convaincu la Commission. Selon moi, la réponse n'explique pas l'incohérence. Le demandeur a rédigé le Formulaire en anglais. Il était loisible à la Commission de conclure qu'il y avait incohérence et de porter un jugement défavorable sur la crédibilité.

 

[16]           Pour ce qui est du moment de son départ et de la lettre d'admission, la Commission a donné l'occasion au demandeur de dissiper ses doutes. Il ne l'a pas fait. Il appartient au demandeur de produire la preuve documentaire corroborant les éléments clés de sa demande. Il était loisible à la Commission de rejeter l'explication du demandeur quant à savoir pourquoi il n'avait pas pu produire la documentation pertinente.

 

[17]           En définitive, la Cour n'a aucune raison d'intervenir. Elle rejettera donc la demande de contrôle judiciaire. L'affaire ne soulève aucune question susceptible de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et que l'affaire ne soulève aucune question susceptible de certification.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4178-08

 

INTITULÉ :                                       THIERRY ISHIMWE c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 3 MARS 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE HENEGHAN

 

DATE  DES MOTIFS :                     LE 1er AVRIL 2009

 

 

APPEARANCES:

 

Jack Davis

 

POUR LE DEMANDEUR

Melissa Mathieu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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