Ottawa (Ontario), le 5 mars 2009
En présence de monsieur le juge Martineau
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur est un citoyen albanais. Il demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 31 mai 2008, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’est ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).
[2] Le demandeur affirme être homosexuel. Sa demande d’asile repose sur une allégation selon laquelle il craindrait d’être persécuté par les membres de la famille de son ex-petite amie qui l’auraient battu et menacé de mort après avoir appris qu’il était homosexuel.
[3] La Commission n’a tout simplement pas cru le récit du demandeur. Dans une décision de quinze pages, la Commission a motivé de façon détaillée ses conclusions défavorables quant à la crédibilité. La Cour ne doit pas annuler ces conclusions à moins qu’elle ne les considère déraisonnables dans les circonstances, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[4] Comme premier motif de contestation, le demandeur affirme que la Commission a violé son droit à l’équité procédurale en se fondant sur des questions et réponses mal traduites, alors qu’elle lui avait donné l’assurance qu’elle se fonderait seulement sur la version corrigée du dossier de l’audience de décembre 2006. Il ne fait aucun doute que « la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l’audition aurait vraisemblablement amené une décision différente » (Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, au paragraphe 23). Cela étant dit, après avoir examiné le dossier certifié du tribunal et entendu les observations des avocats, je suis convaincu que l’audience devant la Commission était équitable. De plus, je suis entièrement d’accord avec le point de vue du défendeur selon lequel le demandeur n’a pas établi que la Commission s’est fondée sur une traduction erronée pour tirer ses conclusions contestées quant à la crédibilité. Quoi qu’il en soit, les contradictions relevées entre la version de l’interprète et l’interprétation exacte des questions et réponses sont relativement peu importantes. En outre, comme il est expliqué ci-dessous, les conclusions défavorables tirées par la Commission relativement à la crédibilité peuvent fonder une contestation selon laquelle, eu égard à l’ensemble de la preuve, la Commission a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents ou a tiré des conclusions de façon abusive ou arbitraire.
[5] Cela m’amène au second motif de contestation du demandeur mettant en question le caractère raisonnable de la conclusion générale de la Commission. Je ne suis pas convaincu qu’il me faut analyser à la loupe les motifs de la Commission. Dans l’ensemble, suffisamment d’éléments contradictoires, incohérents et invraisemblables restaient inexpliqués dans le témoignage et la preuve présentés par le demandeur, que je n’ai pas besoin de répéter dans les présents motifs, pour appuyer une conclusion générale de non-crédibilité. Qu’il suffise de dire que les conclusions de fait de la Commission reposent sur la preuve et ne sont pas par ailleurs arbitraires ou abusives. Par conséquent, après avoir examiné minutieusement les observations écrites des parties, le dossier certifié du tribunal et la preuve documentaire, j’estime qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer son opinion personnelle à celle de la Commission en réévaluant la preuve soumise à cette dernière. Je rejette aussi l’argument du demandeur selon lequel la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en écartant l’affidavit de la mère du demandeur. Au vu des autres éléments de preuve appuyant ses conclusions défavorables quant à la crédibilité, il était loisible à la Commission de n’accorder aucune importance à une telle preuve corroborante provenant d’un proche parent.
[6] En conclusion, je suis d’avis que la conclusion générale de la Commission rejetant la demande d’asile du demandeur est entièrement raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour puisqu’elle « [appartient] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190), et qu’aucun manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale n’a été commis. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[7] Le demandeur propose les deux questions suivantes à certifier :
1. Est-ce une erreur pour un tribunal d’adopter une démarche linéaire dans l’appréciation de la preuve et d’écarter des éléments de preuve documentaire qui pourraient corroborer le témoignage du demandeur au motif que celui-ci n’est pas crédible?
2. Le manquement à l’équité procédurale doit-il être déterminant quant à l’issue de l’affaire pour justifier l’intervention de la Cour?
[8] À mon humble avis, ni l’une ni l’autre des questions proposées ci-dessus ne satisfont au critère établi pour la certification, parce qu’elles ne transcendent pas les intérêts des parties, qu’elles n’abordent pas des éléments ayant des conséquences importantes et qu’elles ne sont pas déterminantes quant à l’issue du contrôle judiciaire. J’ajouterais que les questions formulées sont trop générales et qu’aucune réponse ne pourrait vraisemblablement clarifier un point de droit de portée générale qui n’a pas été réglé. Les questions se rapportant à des conclusions relatives à la preuve ou à un manquement à l’équité procédurale sont pour la plupart fondées sur des faits et ne transcendent généralement pas les intérêts des parties au litige. La présente affaire ne fait pas exception. Aucune question ne sera donc certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2835-08
INTITULÉ : ERMAL ELEZAJ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 25 février 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge Martineau
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 5 mars 2009
COMPARUTIONS :
Jared Will
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Alexandre Tavadian
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jared Will Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |