Date : 20090212
Dossier : T‑1490‑07
Référence : 2009 CF 153
Ottawa (Ontario), le 12 février 2009
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
ADVANCE MAGAZINE PUBLISHERS INC.
demanderesse
et
FARLEYCO MARKETING INC.
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente demande est un appel d’une décision en date du 4 juin 2007 (la décision) par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a conclu qu’Advance Magazine Publishers Inc. (Advance) ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait en vertu du paragraphe 16(3) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) pour obtenir gain de cause dans son opposition à la demande 1199765 présentée par Farleyco Marketing Inc. (Farleyco) pour la marque de commerce canadienne Ghoulish Glamour.
[2] Advance affirme que le registraire a erré en concluant que :
1) Les éléments de preuve présentés par Advance au niveau de l’opposition étaient insuffisants pour démontrer que sa marque GLAMOUR avait droit à une protection étendue;
2) La marque GLAMOUR d’Advance et la marque en cause de Farleyco ne créaient pas de confusion;
3) Les éléments de preuve présentés par Advance au niveau de l’opposition étaient insuffisants pour lui permettre de s’acquitter du fardeau que lui imposait l’alinéa 16(3)a) de la Loi;
4) Advance ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la marque de Farleyco n’est pas distinctive;
5) Advance n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau qui lui incombait en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi.
CONTEXTE
[3] Le 16 décembre 2003, Farleyco a déposé une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce GHOULISH GLAMOUR en se fondant sur l’emploi projeté énoncé dans la demande 1119765. Farleyco était la requérante dans l’opposition à l’origine du présent appel. Les marchandises visées par la demande étaient [TRADUCTION] « des cosmétiques et accessoires à cils pour l’Halloween ».
[4] Advance était l’opposante dans l’opposition produite le 12 juillet 2004 à la demande 1119765 visant la marque GHOULISH GLAMOUR. Elle se fondait son usage de longue date de ses marques de commerce GLAMOUR qu’elle avait fait enregistrer en liaison avec un magazine et une série de marchandises et de services imprimés et électroniques connexes.
[5] Farleyco a produit une contre‑déclaration en réponse à la déclaration d’opposition d’Advance et Advance a déposé l’affidavit d’Elenita Anastacio à l’appui de sa prétention qu’elle utilisait et avait fait enregistrer la marque GLAMOUR.
[6] GHOULISH GLAMOUR est employée par Farleyco pour la vente de faux cils utilisés principalement pour l’Halloween et de pair avec des costumes depuis septembre 2004. Les faux cils en question sont vendus dans des pharmacies, des marchés d’alimentation et de grandes sufaces. Aucun cas de confusion entre les faux cils GHOULISH GLAMOUR et le magazine GLAMOUR n’a été signalé. Farleyco affirme qu’elle emploie le mot GLAMOUR comme terme descriptif sur d’autres produits pour indiquer de quel type de produit il s’agit.
[7] M. Reiken, un enquêteur engagé par Farleyco, a consacré une dizaine d’heures à l’examen de la question. Il a visité deux centres commerciaux ainsi qu’un magasin de Toronto et a repéré 31 produits GLAMOUR dans le secteur des cosmétiques, de la lingerie, des bijoux, des vêtements pour enfants, des jeux électroniques, de la musique, des livres et des jouets.
[8] On trouve par ailleurs dans le registre des marques de commerces du Canada environ 22 enregistrements certifiés et demandes présentées par des tiers pour des marques de commerce constituées du mot GLAMOUR ou incorporant ce mot pour des marchandises et des services dans divers domaines, dont les cosmétiques, la mode et les produits de beauté.
DÉCISION VISÉE PAR LE PRÉSENT APPEL
[9] La Commission des oppositions des marques de commerce a rejeté l’opposition d’Advance et a fourni le résumé suivant :
Après examen de l’ensemble des circonstances, j’estime que la requérante s’est acquittée de la charge de prouver suivant la prépondérance de preuve qu’il est peu probable que des deux marques soient confondues. Cette conclusion repose premièrement sur la faiblesse inhérente de la marque de l’opposante et sur les différences qui existent entre les marques, les marchandises et les voies de commercialisation des parties. La preuve de l’opposante n’a pas démontré que sa marque GLAMOUR a droit à une protection assez large pour rendre la marque de la requérante non enregistrable.
QUESTIONS EN LITIGE
[10] Advance soulève les questions suivantes dans le présent appel :
1) Farleyco, l’auteure de la demande de marque de commerce, s’est‑elle acquittée du fardeau ou de la charge que la loi lui imposait dans la présente opposition, en l’occurrence de prouver à la Cour qu’il n’y a aucun risque raisonnable de confusion entre sa marque de commerce GHOULISH GLAMOUR et la marque de commerce GLAMOUR d’Advance?
2) Advance a‑t‑elle présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle a droit à la large protection associée à une marque de commerce célèbre et bien connue?
3) Farleyco a‑t‑elle droit à l’enregistrement de la marque de commerce GHOULISH GLAMOUR en liaison avec des cosmétiques et faux cils d’Halloween?
NORME DE CONTRÔLE
[11] Advance fait valoir que le paragraphe 56(5) de la Loi permet, lors de l’appel, d’apporter une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et qu’il prévoit que la Cour fédérale peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.
[12] Advance soutient que, lorsque de nouveaux éléments de preuve importants lui sont soumis, la Cour devrait instruire l’affaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle audience fondée sur ce dossier élargi (Phillip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 17 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.); Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, au paragraphe 35; Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 24; Maison Cousin (1980) Inc. c. Cousins Submarines Inc. (2006), 60 C.P.R. (4th) 369 (C.A.F.), au paragraphe 7).
[13] Advance affirme aussi qu’elle a soumis d’importants nouveaux éléments de preuve portant sur les conclusions du registraire et soutient que la Cour n’a pas à faire preuve de retenue envers la décision de la Commission des oppositions. La Cour doit trancher elle‑même les questions en litige. Advance souligne que Farleyco a également déposé des éléments de preuve complémentaires dans le présent appel.
[14] Advance soutient que les éléments de preuve supplémentaires consistent en l’affidavit souscrit le 2 novembre 2007 par Mme Susan Goodall, rédactrice en chef du magazine GLAMOUR. Advance affirme que ces éléments de preuve vont bien au‑delà de ceux dont disposait le registraire et qu’ils démontrent que la Cour devrait trancher les questions litigieuses qui lui sont soumises en se fondant sur le nouveau dossier sans avoir à s’en remettre à ce qu’a décidé l’agent de la Commission des oppositions qui a présidé l’audience.
[15] Farleyco soutient que la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce est assujettie à la norme de la raisonnabilité en appel, sauf si de nouveaux éléments de preuve auraient substantiellement influé sur la décision de la Commission des oppositions (Mattel, au paragraphe 37).
[16] Farleyco fait valoir que les éléments de preuve supplémentaires présentés par Advance dans le présent appel n’auraient pas substantiellement influé sur la conclusion de la Commission suivant laquelle il n’y avait aucun risque de confusion entre les marques GLAMOUR et GHOULISH GLAMOUR. Farleyco affirme aussi que, pour exclure l’application de la norme de la raisonnabilité, il faudrait que les éléments de preuve supplémentaires d’Advance démontrent que la marque GLAMOUR n’était pas intrinsèquement faible ou qu’elle a acquis un caractère distinctif marqué, et que les marques, les marchandises et les voies de commercialisation des parties ne sont pas différentes. Il faudrait aussi que les éléments de preuve complémentaires d’Advance démontrent que sa marque GLAMOUR était tellement bien connue au Canada qu’elle fait obstacle à l’enregistrement de la marque GHOULISH GLAMOUR de Farleyco.
[17] Farleyco conclut que les éléments de preuve complémentaires présentés par Advance n’auraient pas substantiellement influé sur les conclusions de la Commission des oppositions suivant lesquelles la marque GLAMOUR d’Advance est intrinsèquement faible, que les deux marques sont différentes dans leur présentation et dans le son et les idées qu’elles suggèrent et que les marchandises des parties sont différentes et vendues par des voies de commercialisation différentes. La Cour ne devrait donc infirmer la décision de la Commission que si elle la juge déraisonnable.
[18] À titre subsidiaire, Farleyco soutient que, si la Cour accepte que les éléments de preuve complémentaires présentés par Advance auraient substantiellement influé sur la conclusion tirée par la Commission au sujet de la confusion, la norme de contrôle applicable est alors celle de la décision correcte. Farleyco soutient que la décision de la Commission était correcte parce qu’il n’existe aucun risque de confusion entre la marque GLAMOUR et la marque GHOULISH GLAMOUR.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Advance
Éléments de preuve présentés
[19] Selon Advance, les éléments de preuve présentés par Mme Goodall sont les suivants :
1) le magazine GLAMOUR est distribué sans interruption au Canada depuis 70 ans, soit depuis 1938, et est offert en vente dans plus de 200 pays, dont le Canada et les États‑Unis;
2) Même si, au départ, elle n’était employée que dans le domaine de l’édition, la marque GLAMOUR est employée en liaison avec l’ensemble des marchandises et services suivants :
1. un magazine;
2. des disques CD‑ROM interactifs ayant trait à des périodiques et à des magazines dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement, des disques compacts préenregistrés, à savoir des jeux et catalogues de magazine dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement, des cassettes audio et vidéo préenregistrées, des publications électroniques, à savoir des magazines et logiciels consultables ayant trait aux périodiques et aux magazines dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement;
3. des magazines et publications en ligne distribués sous forme électronique au moyen d’Internet et de l’exploitation d’un site Web d’Internet qui permet aux consommateurs de souscrire à des magazines d’intérêt général et permet aux annonceurs de promouvoir leurs biens et services au moyen d’Internet;
4. fournir de l’information axée sur les femmes et portant sur la mode, les produits de beauté, le style et la culture, par la télévision, par satellite, au moyen de réseaux informatiques audios, vidéos et mondiaux et offrir une vaste gamme d’informations par le biais de réseaux informatiques mondiaux et des médias sans fil.
3) GLAMOUR est un magazine mensuel qui est aussi offert sur Internet depuis juillet 1997. On peut se procurer la version imprimée par abonnement ou en achetant le magazine dans des kiosques à journaux. Le tirage annuel moyen dépasse 2 000 000 d’exemplaires aux États‑Unis et 80 000 au Canada;
4) Dans son affidavit, Mme Goodall cite des extraits représentatifs du contenu du magazine en ligne au fil des ans. Plus particulièrement, le magazine GLAMOUR et sa version Internet publient régulièrement des articles, des chroniques et de la publicité qui ont trait à la mode, aux cosmétiques, au maquillage, à des conseils en matière de beauté, etc.;
5) Advance a produit un extrait typique de ce qu’elle publie dans le magazine GLAMOUR à l’occasion de l’Halloween;
6) Un extrait du site Web de GLAMOUR montre des promotions typiques à l’occasion de l’Halloween en liaison avec la marque GLAMOUR et permet notamment de constater qu’Advance emploie la dénomination GHOULISH GLAMOUR;
7) La preuve montre également les moyens autres que les abonnements et la vente en kiosque dont se sert Advance pour faire la promotion de son magazine et de ses marchandises connexes au Canada. Advance organise notamment un concours appelé TOP TEN COLLEGE WOMEN dans une cinquantaine d’universités canadiennes, d’un océan à l’autre;
8) Advance a, depuis 1997, consacré plus de dix millions de dollars en dépenses promotionnelles pour annoncer le magazine GLAMOUR et la marque GLAMOUR en liaison avec ses produits et services connexes;
9) Le nombre de Canadiens qui visitent le site www.glamour.com illustre la popularité des services offerts en ligne par Advance en liaison avec la marque GLAMOUR. En ce qui concerne la version en ligne de GLAMOUR, les Canadiens consultent plus de 400 000 pages par mois, et ce, depuis juillet 1997;
10) Le site Web de GLAMOUR permet aux annonceurs, et en particulier aux fabriquant de cosmétiques et de produits de maquillage, de faire la promotion de leurs produits. Mme Goodall a exprimé l’avis, en se fondant sur son expérience dans le domaine, que les annonceurs participent au site Web de GLAMOUR parce qu’il est perçu comme un excellent véhicule de promotion de leurs produits;
11) Les recettes annuelles engrangées par Advance grâce à ses produits et services GLAMOUR dépassent largement la somme de 100 000 000 $ pour la période de 1997 à 2007. Le Canada représente environ 10 pour 100 de ce chiffre pour ce qui est des recettes.
[20] Advance soutient que les éléments de preuve de Farleyco, en particulier l’affidavit souscrit par M. Edward Reiken le 30 novembre 2007, ont une valeur limitée, étant donné qu’ils correspondent à une tournée des magasins de deux jours qui a eu lieu les 12 et 13 novembre 2007. On ne dispose d’aucun élément de preuve sur la période durant laquelle les produits repérés par M. Reiken étaient sur le marché ou s’ils ont récemment été mis sur le marché ou ont fait l’objet d’une autre mesure.
[21] Advance soutient aussi que l’affidavit souscrit le 3 décembre 2007 par Mme Patricia Farley‑Pope et déposé par Farleyco a une valeur probante limitée pour les raisons suivantes :
1) Mme Patricia Farley‑Pope n’a pas prêté serment avant de signer l’affidavit;
2) Bien que l’auteure de l’affidavit affirme que la marque GHOULISH GLAMOUR était employée, les ventes sont relativement récentes, minimes et saisonnières;
3) Le fait de mentionner les enregistrements existants de marque de commerce et les demandes présentées par des tiers n’offre que peu ou point d’éléments de preuve au sujet de l’emploi ou de la promotion des marques mentionnées ou des endroits où elles ont été employées. Il n’y a aucun contexte temporel qui permette de conférer une valeur quelconque à ces éléments de preuve.
[22] Advance souligne par ailleurs que les admissions suivantes ont été faites par M. Reiken lors de son contre‑interrogatoire :
1) Il ne connaissait pas le produit GHOULISH GLAMOUR de Farleyco et il ne l’a pas repéré dans le cadre de ses recherches;
2) Il connaissait depuis cinq à dix ans le magazine GLAMOUR d’Advance pour l’avoir vu dans des présentoirs de magazines;
3) Il croyait que le magazine GLAMOUR se rapportait [TRADUCTION] « à la mode, au vêtement et aux cosmétiques »;
4) Les magazines étaient vendus dans des épiceries et des marchés d’alimentation, des pharmacies, de même que chez Costco, où ils étaient visibles à la sortie et sur des présentoirs. On peut également se procurer des produits de beauté dans ces magasins;
5) Dans son affidavit, Mme Farley‑Pope parle de 22 demandes et enregistrements de marques de commerce canadiennes incorporant le mot GLAMOUR. La liste a été soumise à M. Reiken, qui a admis qu’il n’avait pas réussi à en trouver un seul dans les dix à douze heures de recherches qu’il avait effectuées. Il s’est même renseigné auprès de commis de magasins et il n’a réussi à trouver aucun de ces produits;
6) M. Reiken ignorait pendant combien de temps les produits qu’il avait trouvés sur le site Internet ou ceux qu’il avait repérés et qui étaient annexés à son affidavit ont existé ou été offerts sur le marché.
[23] Advance signale par ailleurs que Mme Farley‑Pope a admis les faits suivants :
1) On ne lui avait pas demandé de confirmer la véracité de son affidavit avant de le signer;
2) Les faux cils sont un accessoire cosmétique;
3) Elle a vu le magazine GLAMOUR d’Advance dans les magasins qu’elle a visités et qui vendent aussi le produit GHOULISH GLAMOUR de Farleyco;
4) La publicité et la promotion permettent de vendre des cosmétiques et elle connaît bien la publicité faite dans divers magazines au sujet des cosmétiques;
5) Elle a vu le magazine GLAMOUR d’Advance [TRADUCTION] « depuis le début de son existence »;
6) Les magazines et les cosmétiques sont vendus dans les mêmes magasins;
7) Les chiffres de ventes de Farleyco dont elle fait état dans son affidavit et à l’annexe D n’ont pas été compilés par elle (Advance soutient qu’ils constituent du ouï‑dire);
8) Aucune directive écrite ou note de service n’a été envoyée aux détaillants pour s’enquérir de la possibilité d’une confusion dans l’esprit des consommateurs entre la marque de commerce d’Advance et celle de Farleyco.
Confusion
[24] Advance soutient que le registraire a commis une erreur en déclarant que la marque GHOULISH GLAMOUR de Farleyco ne créait pas de confusion avec les marques GLAMOUR d’Advance, compte tenu en particulier des nouveaux éléments de preuve contenus dans l’affidavit de Goodall et des aveux obtenus des témoins de Farleyco.
[25] Advance affirme que la confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait qui vise à déterminer si le consommateur qui connaîtrait les marques GLAMOUR d’Advance croirait, en voyant la marque GHOULISH GLAMOUR, que les produits proviennent de la même source. Advance cite le paragraphe 6(2) de la Loi, où l’on trouve une définition de la confusion.
[26] Advance affirme aussi que les marchandises relativement auxquelles la marque GHOULISH GLAMOUR de Farleyco est employée se rapportent à celles visées par la marque GLAMOUR d’Advance ou les recoupent et qu’elles sont vendues par les mêmes voies de commercialisation.
[27] Advance maintient que, lorsqu’elle applique le critère de la confusion, la Cour doit tenir compte de l’ensemble des circonstance de l’espèce, y compris de celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux en question et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Les tribunaux ont précisé qu’il n’est pas nécessaire d’attribuer la même valeur à chacun de ces facteurs.
Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[28] Advance signale que le registraire a exprimé l’avis qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve permettant de conclure que l’une ou l’autre des marques des parties avait acquis une notoriété le moindrement importante. Le registraire a également conclu que les marques des deux parties étaient « suggestives » et qu’on pouvait les rendre plus solides en soumettant des éléments de preuve portant sur l’emploi et la promotion.
[29] Advance souligne qu’il ressort clairement de la doctrine et de la jurisprudence que le caractère distinctif acquis par le biais de l’emploi et de la promotion peut justifier un degré élevé de protection, même dans le cas des marques suggestives ou intrinsèquement faibles (Gill, Kelly et R. Scott Joliffe, Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition, 4e éd., (Toronto, Carswell, 2002‑2007) au paragraphe 8.2 (c), aux pages 8‑30 et 8‑31).
[30] Advance cite aussi l’arrêt Bohna c. Miss Universe, Inc. (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux pages 389 et 390 (C.A.F.), aux paragraphes 17 et 18 :
17 On aurait peut‑être pu dire, il y a trente ans, qu’il n’y avait rien de particulièrement distinctif dans les mots « Miss » ou « Universe » et dans l’expression « Miss Universe ». Mais au fil des ans, l’emploi et la promotion des deux mots liés ensemble en une seule expression atteignant des proportions mondiales, l’expression a acquis, pour citer le juge de première instance, « un caractère distinctif considérable ». Le nom est aujourd’hui bien et avantageusement connu.
18 Dans ces circonstances, on se serait attendu à ce que le juge de première instance ait examiné les faits en cause en partant du principe qu’il fallait accorder à la marque de commerce de l’appelante une protection particulièrement étendue, et qu’il était particulièrement difficile à l’intimé de s’acquitter de son obligation d’écarter toute probabilité de confusion, surtout dans le domaine des concours de beauté. À mon avis, le juge n’a pas agi dans ce sens. Ses motifs, que j’ai cités plus haut, ne démontrent aucune préoccupation de ce genre. Il semble avoir négligé le fait que l’intimé était un nouveau venu dans un domaine dans lequel l’appelante occupait déjà une place considérable, et qu’il empruntait de la sorte la totalité d’un nom déjà bien établi par l’appelante précisément dans le domaine en question.
[31] Advance maintient que même les marques qui « donnent une description claire » peuvent devenir notoirement connues par suite de leur utilisation et de leur promotion. Advance cite à ce propos la décision Molson Breweries c. Schenley Canada Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 543 (C.O.M.C.) (Molson) :
[TRADUCTION]
8. […] La marque de commerce GOLDEN de l’opposante donne une description claire de boissons alcooliques fermentées (voir la décision John Labatt Ltd. c. Molson Cos. Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 88 (C.A.F.)). La marque GOLDEN COOLER de la requérante est intrinsèquement faible, étant donné que COOLER est le nom des marchandises et que l’on peut soutenir que le mot GOLDEN décrit la couleur des marchandises.
9. Comme la requérante n’a pas présenté d’éléments de preuve, force m’est de conclure que sa marque n’a acquis aucune notoriété au Canada à l’époque en cause. L’opposante, en revanche, a soumis des éléments de preuve qui démontrent qu’elle emploie depuis longtemps et de façon systématique sa marque de commerce GOLDEN en liaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON’s relativement à des boissons alcooliques fermentées. Dans son affidavit, M. Moran fait état, dans le cas de l’opposante, de ventes de plus de 700 millions de dollars pour la période de 1970 à 1986 en ce qui concerne des étiquettes de bière arborant la marque GOLDEN. Ses dépenses publicitaires pour la même période dépassent la somme de 24 millions de dollars. Ainsi, à la date du dépôt de la présente demande, la marque de commerce GOLDEN de l’opposante était devenue bien connue au Canada.
[…]
11. […] Vu mes conclusions précitées, et compte tenu notamment des similitudes que présentent les marchandises, commerces et marques des parties et la mesure dans laquelle la marque de l’opposante est devenue connue, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, selon la loi, de démontrer qu’il n’existe pas de risque raisonnable de confusion entre sa marque GOLDEN COOLER et la marque GOLDEN de l’opposante […]
[32] Advance affirme que l’affidavit de Goodall établit que le magazine GLAMOUR d’Advance est bien connu, sinon célèbre, par suite de la promotion et de l’utilisation considérables dont elle a fait l’objet au Canada et partout dans le monde depuis la fin des années 1930. L’usage qu’Advance a fait de la marque GLAMOUR en liaison avec des magazines au Canada et aux États‑Unis remonte aussi loin qu’à 1938. Le magazine et les marchandises connexes d’Advance sont également offerts en vente dans plus de 200 pays dans le monde. Il ressort par ailleurs de l’affidavit de Goodall que le magazine GLAMOUR d’Advance a acquis une réputation enviable au cours des quelque 70 années durant lesquelles il a été distribué au Canada et que son tirage annuel moyen dépasse deux millions de copies aux États‑Unis et plus de 80 000 au Canada par numéro mensuel. Bien que GHOULISH GLAMOUR soit saisonnier et qu’il ait été vendu dans une certaine mesure dans certaines régions géographiques du Canada depuis 2004, M. Reiken ne connaissait pas la marque GHOULISH GLAMOUR de Farleyco et il ne l’a pas trouvée dans ses recherches sur Internet ou dans des magasins. Advance soutient que ce facteur milite en faveur d’Advance et démontre que sa marque GLAMOUR est bien connue, ce qui rend d’autant plus difficile pour Farleyco de s’acquitter du fardeau qui lui incombe de réfuter l’existence de tout risque de confusion.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[33] Sur cette question, Advance soutient que le registraire a estimé qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’Advance avait utilisé sa marque GLAMOUR sans interruption au Canada. Les nouveaux éléments de preuve contenus dans l’affidavit de Goodall établissent toutefois que GLAMOUR est employée au Canada de façon continue et constante depuis décembre 1938 et ce, sans interruption jusqu’à présent. Advance souligne que le magazine GLAMOUR est offert en ligne depuis au moins juillet 1997. Les ventes du magazine GLAMOUR en ligne font ressortir que les Canadiens ont consulté plus de 400 000 pages par mois chaque année depuis 1997. GHOULISH GLAMOUR, en revanche, n’a été lancée au Canada qu’en septembre 2004 et est vendue principalement en août, septembre et octobre, jusqu’à l’Halloween. Advance affirme que ce facteur joue de toute évidence en sa faveur.
Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce
[34] Advance soutient que, même s’il est clair que la conclusion à tirer au sujet de la confusion n’a rien à voir avec le fait que les marchandises et les services en litige ne font pas partie de la même catégorie générale, plus les liens sont étroits, plus il est difficile pour Farleyco de s’acquitter de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de risque de confusion (paragraphe 6(2) de la Loi).
[35] Selon Advance, l’affidavit de Goodall permet d’en savoir plus sur le genre du magazine GLAMOUR et des autres produits distribués par Advance qui portent la marque de commerce GLAMOUR. Il s’agit d’un [TRADUCTION] « magazine publié chaque mois qui se consacre à la mode, à la beauté et au divertissement, à la santé et au mode de vie, ce qui englobe nécessairement des produits de beauté, et notamment des conseils et des trucs liés aux produits de beauté, et notamment aux cosmétiques et au maquillage ». De plus, GLAMOUR [TRADUCTION] « publie régulièrement des articles, des chroniques et de la publicité qui ont trait à la mode, aux cosmétiques, au maquillage, à la beauté, à la santé et au mode de vie […] ».
[36] Advance adopte le point de vue que, bien qu’on puisse dire que les marchandises de chacune des parties sont différentes, elles appartiennent à la même catégorie générale de marchandises, en l’occurrence les cosmétiques, la mode et les produits de beauté. Mme Farley‑Pope admet que les marchandises associées à la marque GHOULISH GLAMOUR sont des accessoires à cosmétiques et que les produits des deux parties sont distribués par les mêmes voies de commercialisation au niveau de la vente au détail.
[37] Advance soutient aussi que le registraire a commis une erreur en estimant qu’il était moins probable que les cosmétiques pour l’Halloween se rapportent à la mode et à la beauté. Cet avis ne repose sur aucun élément de preuve. Le registraire n’a pas tenu compte de l’industrie des cosmétiques. L’affidavit de Mme Goodall démontre qu’il existe un recoupement et que la tendance en matière de cosmétiques est qu’on trouve de plus en plus dans les gammes de produits de maquillage offerts à la clientèle plus jeune des produits pour l’Halloween, et ce, à l’année longue et sur les étalages destinés à la clientèle générale.
[38] Advance conclut sur cette question en affirmant que le type de produits que vend Farleyco pourrait figurer dans le magazine GLAMOUR d’Advance ou dans sa version en ligne. En pareil cas, il est probable que le public conclurait que l’emploi, par Farleyco, de la marque GHOULISH GLAMOUR a été approuvé ou autorisé par Advance, ou qu’il existe un lien d’affaires quelconque entre elles. Advance soutient que ce facteur joue en sa faveur.
Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent
[39] Advance souligne que le registraire a reconnu le fait que Farleyco [TRADUCTION] « a pris la totalité de la marque de l’opposante et qu’elle l’a simplement fait précéder d’un autre mot ». Le registraire a toutefois conclu : « Dans l’ensemble, je suis d’avis que lorsqu’on examine les deux marques dans leur totalité, elles ne présentent pas un degré important de ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. »
[40] Advance explique que, pour en arriver à cette conclusion, le registraire a estimé que le mot « GHOULISH » dans la marque de Farleyco ne diminuait pas de façon significative sa ressemblance avec la marque Advance, surtout lorsqu’on tient compte de l’emploi de longue date de la marque GLAMOUR par Advance, la portée des marchandises et des services d’Advance qui sont vendus ou offerts en liaison avec la marque GLAMOUR, et l’ampleur des recettes, de la publicité, des sites Web, et ainsi de suite. Sur son site Web consacré à GLAMOUR, Advance emploie systématiquement les mots GHOULISH GLAMOUR de concert avec sa marque GLAMOUR.
[41] Advance affirme qu’avec un emploi qui remonte à presque 70 ans et avec le caractère distinctif que sa marque GLAMOUR a acquis, celle‑ci a droit à une protection étendue, ce qui devrait empêcher l’enregistrement de la marque GHOULISH GLAMOUR en liaison avec des cosmétiques et des faux cils pour l’Halloween.
État du registre et du marché
[42] Advance affirme qu’il faut produire en preuve des copies ou des copies certifiées conformes des enregistrements ou des demandes qui ont été déposées (décision Molson, citée dans le jugement Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 520, au paragraphe 6), ce qui n’a pas été fait en l’espèce. De plus, pour permettre à la Cour de tirer des inférences au sujet de l’état du marché, il faut repérer un nombre élevé d’enregistrements pertinents (Perks Coffee Ltd. c. Blue Tree Hotels Investment (Canada), Ltd. (2006), 51 C.P.R. (4th) 462 (C.O.M.C.), au paragraphe 25, et UFO Contemporary Inc. c. The Polo/Lauren Company, L.P. (2007), 60 C.P.R. (4th) 262 (C.O.M.C.), au paragraphe 34).
[43] Advance soutient qu’on devrait accorder peu ou pas de poids aux éléments de preuve présentés par Farleyco au sujet de l’état du registre des marques de commerce, car ces éléments de preuve ne démontrent pas que les marques déposées ont été employées sur le marché. M. Reiken n’a réussi à repérer aucun des déposants dont le nom figurait sur la liste obtenue à la suite des recherches sur l’état du registre (Del Monte Corp. c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 10; Gill, Kelly et R. Scott Joliffe, Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition, 4e éd., (Toronto, Carswell, 2002‑2007) paragraphe 8.7k), à la page 8‑76.11; Conde Nast Publications Inc. c. Hanz Schwarzkopf GmbH (1988), 20 C.P.R. (3d) 176 (C.O.M.C.); Kellogg et Advance Magazine Publishers Inc. c. Basco Building Products Corp. (1999), 86 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.)).
[44] Advance souligne que, pour apprécier le risque de confusion, le registraire a comparé la marque GLAMOUR à la liste soumise par Farleyco au sujet des marques déposées par des tiers ou des marques faisant l’objet de demandes émanant de tiers. Le registraire n’a pas examiné la question de savoir si ces marques déposées qui appartenaient à des tiers et qui incorporaient le mot GLAMOUR étaient suffisantes pour donner des indications au sujet de l’état du marché. Farleyco a fait peu ou point d’efforts pour améliorer ces éléments de preuve et il y a lieu d’en tirer une inférence négative.
[45] Advance souligne que les éléments de preuve présentés par Farleyco révèlent l’existence de quelques enregistrements et demandes composés du mot GLAMOUR; ces éléments de preuve ne démontrent toutefois pas que GLAMOUR est couramment employé sur le marché en liaison avec des marchandises se rapportant à des cosmétiques, à la mode et à la beauté. L’existence de ces enregistrements et de ces demandes sans preuve concrète de leur utilisation ne suffit pas pour permettre de tirer une conclusion ferme au sujet de l’état du marché.
[46] Advance rappelle à la Cour que le fardeau que la loi impose à Farleyco en matière de confusion l’oblige à établir que l’absence de confusion est plus probable que son existence, compte tenu des critères précis énumérés au paragraphe 6(5) et des circonstances de l’espèce. Advance affirme que les éléments de preuve présentés par Farleyco ne sont pas suffisants pour démontrer une absence de confusion avec la marque GLAMOUR d’Advance ou encore qu’il n’y a aucun risque de confusion.
[47] Advance soutient que, si la Cour n’est pas en mesure de tirer une conclusion définitive après avoir examiné la preuve et la loi, la question doit être tranchée à l’encontre de Farleyco. La marque de Farleyco devrait être refusée, car les éléments de preuve que Farleyco a soumis n’établissent pas qu’il n’y a aucun risque de confusion entre sa marque GHOULISH GLAMOUR et la marque GLAMOUR d’Advance.
Sens courant
[48] Advance souligne que le registraire a expliqué que la marque d’Advance « n’est constituée que du mot ordinaire "glamour", lequel suggère fortement le sujet des magazines d’[Advance] ». Le registraire n’a pas tenu compte des autres marchandises et services d’Advance qui comportaient la marque GLAMOUR. Toutefois, que le mot « glamour » soit ou non couramment employé en anglais, il ne suffit pas à restreindre les droits que l’enregistrement confère à Advance. À ce propos, Advance invoque la décision Frank T. Ross & Sons (1962) Ltd. c. de Leeuw (1997), 77 C.P.R. (3d) 51 (C.O.M.C.) :
[TRADUCTION]
14 La requérante fait valoir que je devrais également tenir compte du fait que le mot « nature » est courant en anglais et que nul ne peut le monopoliser. Toutefois, le fait que ce mot puisse ou non être couramment employé en anglais ne suffit pas pour me convaincre de restreindre les droits de l’opposante. Dès lors qu’elle est enregistrée, une marque confère à son titulaire le droit exclusif de l’employer en liaison avec les marchandises et services désignés (article 19 de la Loi). La seule question que la requérante peut soulever dans sa défense dans le cadre d’une opposition à une marque de commerce est celle de savoir si l’on en est venu à employer couramment le mot en question en liaison avec des marchandises analogues, ce que l’on démontre en soumettant des éléments de preuve au sujet de l’état du registre ou du marché. Si la requérante peut démontrer que le mot est couramment employé, on présume alors que les gens ont l’habitude d’associer ce genre de marque à ce genre de marchandises, de sorte que de légères différences entre les marques servent à les distinguer […]
Charge de présentation imposée à Advance
[49] Le registraire s’est également penché sur la question de savoir si Advance s’était acquittée de la charge de présentation qui lui incombait en ce qui concerne les motifs d’opposition. Pour pouvoir s’acquitter de la charge de présentation prévue à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, Advance devait présenter des éléments de preuve suivant lesquels elle employait sa marque GLAMOUR au Canada avant la date de la demande de Farleyco, laquelle remonte au 16 décembre 2003.
[50] Compte tenu de nouveaux éléments de preuve importants contenus dans l’affidavit de Mme Goodall et des pièces versées au dossier par Advance en appel, qui tendent à démontrer qu’elle a employé la marque GLAMOUR de façon constante et importante depuis au moins décembre 1938 et qu’elle en a fait la promotion depuis, Advance soutient qu’elle s’est amplement acquittée du fardeau de présentation qui lui incombait.
[51] Advance affirme que, pour s’acquitter de son fardeau de présentation en ce qui a trait au caractère distinctif, elle doit démontrer qu’à la date de l’opposition, sa marque était devenue suffisamment connue au Canada pour enlever tout caractère distinctif à la marque de Farleyco. Advance soutient qu’en raison des nouveaux éléments de preuve importants qui ont été présentés en appel, elle s’est acquittée de son fardeau de présentation en démontrant qu’au moment du dépôt de la déclaration d’opposition, sa marque de commerce enregistrée GLAMOUR était devenue bien connue, sinon célèbre, au Canada, aux États‑Unis et dans plusieurs pays dans le monde.
[52] S’agissant de l’alinéa 30i) de la Loi, Advance soutient que les nouveaux éléments de preuve important qui ont été présentés en appel démontrent que la marque d’Advance était devenue bien connue, sinon célèbre, au Canada en liaison avec des magazines qui fournissent de l’information dans le domaine de la mode, de la beauté, du maquillage et des cosmétiques avant la date du dépôt de la demande de Farleyco. Plus précisément, M. Reiken et Mme Farley‑Pope ont tous les deux volontiers admis qu’ils connaissaient la marque GLAMOUR d’Advance avant la date de la demande. Farleyco ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement de la marque demandée. Sa demande a par conséquent été déposée en contravention de l’alinéa 30i) de la Loi.
Farleyco
[53] Farleyco soutient que GLAMOUR et GLAMOR sont des mots descriptifs qui sont largement employés dans l’industrie des cosmétiques et des accessoires à cosmétiques pour décrire l’attribut d’un produit, en l’occurrence [TRADUCTION] « un charme ou un pouvoir de séduction » ou qui exerce [TRADUCTION] « une fascination ».
Critère légal de la confusion
[54] Farleyco fait valoir que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens du paragraphe 6(2) de la Loi lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale (Mattel, au paragraphe 51).
[55] Le paragraphe 6(5) de la Loi contient une liste de facteurs dont on doit tenir compte pour déterminer si des marques de commerce créent de la confusion. Cette liste n’est pas exhaustive et la valeur à accorder à chaque facteur dépend du contexte. Parmi les facteurs supplémentaires dont on peut tenir compte pour décider s’il y a de la confusion, mentionnons l’état du registre et du marché, ainsi que l’absence d’éléments de preuve de confusion malgré l’existence de marques de commerce dans la même région géographique (Kellogg Salada Canada Inc. c. Canada (Registraire de marques de commerce) (1992), 43 C.P.R. (3d) 349, aux pages 358 à 360 (C.A.F.), et Mattel, aux paragraphes 54, 55 et 89).
[56] Farleyco souligne que c’est sur Advance que repose la charge de présentation d’établir les allégations de fait destinées à appuyer chacun des motifs d’opposition et que Farleyco a pour sa part la charge d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion et que sa marque GHOULISH GLAMOUR est enregistrable.
Application du critère légal aux faits de l’espèce
Caractère distinctif inhérent
[57] Farleyco signale que la Commission des oppositions a conclu que ni l’une ni l’autre des marques GLAMOUR et GHOULISH GLAMOUR n’était intrinsèquement forte car elles suggéraient toutes deux les marchandises qui leur étaient associées. Les marques qui sont descriptives ou qui sont des expressions courantes ne devraient pas se voir reconnaître le même degré de protection que les marques inventées ou non descriptives. La marque GLAMOUR, d’après Farleyco, est intrinsèquement faible parce qu’elle suggère fortement l’objet même du magazine mensuel d’Advance, en particulier pour tout ce qui touche la mode, les produits de beauté, la santé et le mode de vie. Ce sont tous des éléments qui favorisent la perception d’« un charme ou d’un pouvoir de séduction ».
[58] Farleyco reconnaît que les marques descriptives peuvent, selon les circonstances, acquérir un caractère distinctif par leur emploi continu sur le marché. Pour établir que sa marque a acquis un caractère distinctif, le titulaire d’une marque de commerce doit démontrer que le consommateur reconnaît la marque et l’associe aux marchandises du titulaire en question (Mattell, au paragraphe 75, et Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224, à la page 239 (C.F. 1re inst.). Farleyco souligne que l’affidavit de Goodall n’établit pas que la marque GLAMOUR est célèbre ou même qu’elle est bien connue, surtout à l’extérieur du domaine restreint des périodiques mensuels. Farleyco invoque à cet égard le jugement Garbo Group, à la page 239 :
Afin de prouver l’acquisition d’un caractère distinctif, l’appelante a présenté un état des charges qu’elle a engagées au titre de la publicité et de la promotion au cours de la période allant de 1984 à 1998. Cependant, aucune preuve directe établissant que les consommateurs reconnaissaient la marque GARBO et l’associaient aux marchandises vendues par l’appelante n’a été produite.
[59] Farleyco invoque aussi le paragraphe 30 de l’arrêt Mattel :
Il ne fait aucun doute que certaines marques célèbres possèdent un pouvoir protéiforme (on a prétendu, par exemple, que la marque de commerce distinctive rouge et blanche « Virgin » a jusqu’à présent été employée en liaison avec une telle diversité de marchandises et de services qu’elle ne connaît pratiquement aucune limite), alors que d’autres marques célèbres désignent clairement un produit spécifique. On dit de « Apple » qu’elle est une marque de commerce très connue associée simultanément, dans des marchés distincts, à des ordinateurs, à une étiquette d’enregistrement et à des glaces d’automobiles. La conclusion de la Commission selon laquelle la notoriété de BARBIE se limite aux poupées et aux accessoires de poupées ne signifie absolument pas que l’aura de BARBIE ne peut transcender ces produits, mais la question de savoir si elle est ou non susceptible de le faire dans le contexte d’une procédure d’opposition relative à des services de restaurant, de traiteur et de banquet est une question de fait qui dépend de « toutes les circonstances de l’espèce » (paragraphe 6(5)) […]
[60] Farleyco soutient que l’affidavit de Goodall montre que la marque GLAMOUR d’Advance, en supposant qu’elle ait quelque notoriété que ce soit, n’est associée qu’au nom d’un magazine qui contient de l’information sur la mode, les produits de beauté, le divertissement, la santé et le mode de vie. Advance n’a soumis aucun élément de preuve relativement à l’emploi de sa marque en liaison avec quelque autre marchandise que ce soit, et elle n’a cité aucun exemple ou aucune pratique portant sur l’autorisation d’utiliser cette marque dans d’autres domaines. De plus, Advance n’a soumis aucun élément de preuve qui permettrait de penser qu’il est d’usage courant d’autoriser l’utilisation du nom d’un magazine comme marque de commerce.
[61] Farleyco soutient que la thèse d’Advance au sujet du caractère distinctif acquis méconnaît l’impact des nombreux autres usagers de la marque GLAMOUR en liaison avec des marchandises ayant trait à la mode, la beauté, le divertissement et le mode de vie. Il existe beaucoup d’autres marques de commerce enregistrées et non enregistrées composées du nom GLAMOUR qui ont trait à des marchandises dans les domaines sur lesquels Advance revendique des droits exclusifs.
[62] Farleyco affirme qu’il est de jurisprudence constante que le commerçant qui emploie une marque de commerce qui consiste en un élément qui est courant dans le commerce et qui est très descriptif (comme dans le cas du mot GLAMOUR) ou dont la marque incorpore un tel élément ne peut s’attendre à une protection étendue (Molson Cos. c. John Labatt Ltd. (1994), 58 C.P.R. (3d) 527, à la page 529 (C.A.F.), et Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée., (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.). Farleyco rappelle à la Cour que les droits conférés par les marques de commerce sont fondés sur l’emploi, citant à l’appui de cette thèse le paragraphe 83 de l’arrêt Mattel :
Ce qui importe, selon moi, c’est que le droit de marques de commerce est fondé sur l’emploi. Autrefois, il n’était pas possible d’enregistrer une marque en vue d’un emploi « projeté ». En l’espèce, l’expansion de la marque BARBIE dépasse la simple spéculation, mais si la marque BARBIE n’est célèbre qu’en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées dans une région où les deux marques sont employées, et si rien ne prouve que les titulaires d’une licence BARBIE, quels qu’ils soient, emploient sur le marché la marque BARBIE en liaison avec « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet », il est difficile de voir sur quel fondement la conclusion erronée est susceptible d’être tirée.
[63] Farleyco conclut sur ce point en affirmant que la protection conférée à la marque d’Advance ne devrait pas s’étendre au‑delà des marchandises pour lesquelles la marque est effectivement enregistrée et employée au Canada, en l’occurrence des magazines.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[64] Farleyco soutient que la période d’emploi d’une marque de commerce n’est importante que pour savoir si la marque de commerce est réellement et véritablement devenue distinctive (Mattel, au paragraphe 77). Advance affirme qu’elle distribue des magazines au Canada depuis fort longtemps, c’est‑à‑dire depuis 1938, mais les chiffres cités dans l’affidavit de Mme Goodall ne remontent qu’à 1996 en ce qui concerne la distribution et la publicité.
Genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce
[65] Sur cette question, Farleyco rappelle que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens du paragraphe 6(2) de la Loi lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale (The Conde Nast Publications Inc. c. C‑T‑L Uniforms Ltd. (1978), 40 C.P.R. (2d) 142, aux pages 143 et 144 (C.O.M.C.)).
[66] Farleyco invoque l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 R.C.S. 824, au paragraphe 33 :
Bien que l’impression ou l’aura que dégage la VEUVE CLICQUOT ne se limite pas nécessairement au champagne et aux articles promotionnels connexes, et puisse s’étendre à d’autres produits de luxe, aucun témoin n’a laissé entendre que les consommateurs ordinaires associeraient la marque à des vêtements de gamme intermédiaire pour dames. Ainsi, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, la juge de première instance était d’avis « que le facteur clef est la différence considérable entre les marchandises de la demanderesse et celles des défenderesses » et que « [l]es activités de la demanderesse et des défenderesses sont tellement différentes qu’il n’y a aucun risque de confusion chez les consommateurs » (par. 76). Dans son appréciation des facteurs énumérés au par. 6(5), elle pouvait effectivement mettre l’accent sur ce facteur dans le cas particulier qui nous occupe. Le paragraphe 6(2) reconnaît que le consommateur ordinaire plutôt pressé peut être amené à tirer une conclusion erronée « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale », mais il appartient toujours au tribunal de déterminer si, eu égard à toutes les circonstances, ces consommateurs sont susceptibles de le faire dans un cas particulier.
[67] Farleyco soutient qu’il est peu probable que les consommateurs soient amenés à conclure à tort que les cosmétiques et faux cils GHOULISH GLAMOUR d’Halloween sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués par Advance. Elle ajoute que les éléments de preuve soumis par Advance n’indiquent pas le contraire. Advance a mal interprété le témoignage de Mme Goodall et lui a accordé une importance exagérée. Son affidavit et les pièces versées au dossier ne démontrent pas qu’il existe une « tendance » en matière de gamme de produits de maquillage destinés aux plus jeunes, y compris des produits d’Halloween, dans les produits généraux offerts par Advance.
[68] Farleyco cite quatre numéros différents du magazine d’Advance dans lesquels le mot Halloween est employé :
1) La première citation est la suivante : [TRADUCTION] « Allez, il ne faut pas hésiter à lui demander de porter le costume de boniche pour l’Halloween s’il lui plaît à ce point ». Cet énoncé n’est pas formulé en liaison avec un article quelconque ou avec la promotion de costumes ou de cosmétiques pour l’Halloween;
2) La deuxième citation est la légende qui accompagne cinq photos de personnes qui font des grimaces : [TRADUCTION] « Cliché Glamour : Pour l’Halloween, faites votre grimace la plus terrifiante ! » Là encore, les photos et la légende ne sont pas publiées en liaison avec un article quelconque ou avec la promotion de costumes ou de cosmétiques pour l’Halloween;
3) La troisième citation se rapporte à un article dans lequel on explique que l’Halloween est l’une des fêtes où l’on assiste au plus grand nombre de ruptures de couples. Cet article n’est formulé en liaison avec aucun article ni avec la promotion de costumes ou de cosmétiques pour l’Halloween;
4) La dernière citation est également une légende qui accompagne des photos de gens célèbres : [TRADUCTION] « À l’occasion de l’Halloween, Glamour déclare que tout ce qui interdit est permis pour une journée. Bravo donc pour le maquillage tatoué de Tammy Fay ! » Là encore, contrairement à ce que prétend Advance, ces photos et cette légende ne font la promotion d’aucune marque de costume ou de cosmétiques d’Halloween.
[69] Farleyco relève que la mention des mots « GHOULISH Glamour » à l’annexe D de l’affidavit de Goodall provient de l’impression d’une page Web d’un site Internet britannique faisant la publicité de colliers axés sur le thème de l’Halloween. Les colliers sont annoncés en devises britanniques et rien ne permet de penser que les Canadiens peuvent se les procurer en s’adressant à Advance ou par le biais de son site Web. Farleyco souligne par ailleurs qu’Advance n’a soumis aucun élément de preuve au sujet de la date de la page et qu’elle n’a pas démontré que cette page avait déjà été vue par des Canadiens. La page Web semble employer les mots « Ghoulish Glamour » comme expression descriptive pour identifier le collier d’un tiers inspiré du thème de l’Halloween.
[70] La thèse de Farleyco est que l’annexe D de l’affidavit de Goodall n’a absolument rien à voir avec les questions en litige dans la présente opposition, sauf dans la mesure où l’expression anglaise « ghoulish yet stylish » [« lugubre mais chic »] confirme en fait la conclusion de la Commission des oppositions suivant laquelle la marque de Farleyco est un oxymoron et que celle‑ci peut être distinguée de celle d’Advance.
[71] Farleyco soutient en outre que les cosmétiques, les faux cils et les magazines d’Halloween sont achetés et utilisés pour des raisons fort différentes. Les cosmétiques et les faux cils d’Halloween de Farleyco sont des accessoires qui servent à composer un costume. Le magazine d’Advance est acheté et est lu en raison de l’information qu’on y retrouve. Les cosmétiques et les faux cils de Farleyco sont des articles saisonniers qui ne sont offerts en vente dans les magasins de vente au détail que dans les semaines précédant l’Halloween, tandis que le magazine d’Advance est distribué chaque mois, par la poste aux abonnés, ou en kiosque aux personnes qui n’y sont pas abonnées.
[72] Farleyco affirme que, bien qu’il ne soit pas impossible que les faux cils d’Halloween et le magazine d’Advance aient été vendus dans les mêmes épiceries et pharmacies, ils se retrouvent systématiquement dans des rayons différents de ces magasins. Les faux cils de Farleyco sont toujours offerts dans le rayon des cosmétiques ou dans les allées réservées aux produits saisonniers (l’Halloween, en l’occurrence), alors que le magazine d’Advance, s’il est vendu dans ces magasins, se retrouve dans un porte‑journaux situé dans une allée différente.
[73] Les marchandises de Farleyco sont annoncées dans des dépliants publicitaires distribués en magasin ainsi que sur des tableaux d’affichage, aux points de vente. Ses faux cils d’Halloween ne sont pas annoncés à la télévision ou dans des magazines. Les magazines d’Advance ne sont pas annoncés dans des dépliants publicitaires offerts en magasin. Compte tenu de ces différences, Farleyco soutient qu’il est difficile de concevoir comment les consommateurs pourraient être amenés à conclure par erreur que ces marchandises proviennent de la même source.
Degré de ressemblance entre les marques
[74] Farleyco souligne que le registraire a conclu que, lorsqu’on examinait les marques GLAMOUR et GHOULISH GLAMOUR, on constatait qu’elles « ne présentent pas un degré important de ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent ». La conclusion tirée par le registraire au sujet de ce facteur reposait sur son examen des deux marques dans leur totalité, pour déterminer leur ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent, et sur le principe suivant lequel le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif (Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes, (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188 (C.F. 1re inst.). Pour cette raison, tout élément de preuve complémentaire tendant à démontrer que la marque Advance a acquis un caractère distinctif n’aurait pas influencé sensiblement les conclusions tirées par la Commission au sujet du manque de ressemblance entre les marques de commerce.
[75] Farleyco estime que la conclusion de la Commission que les marques « ne présentent pas un degré important de ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent » est non seulement raisonnable, mais également bien fondée.
État du registre des marques de commerce et du marché
[76] La thèse de Farleyco sur cette question est que l’existence d’un élément commun aux deux marques de commerce en cause a des conséquences importantes sur la question de la confusion. En conséquence, l’état du registre et du marché en ce qui a trait aux éléments communs constitue une autre circonstance de l’espèce dont il y a lieu de tenir compte pour décider si des marques de commerce créent de la confusion ou sont distinctives (Kellogg Salada, aux pages 358 à 360; Kellogg, citant Pepsi‑Cola Co. of Canada c. Coca‑Cola Co. of Canada, [1940] R.C.S. 17; Advance Magazine Publishers Inc. c. 412233 Ontario Ltd. (2002), 24 C.P.R. (4th) 96, aux paragraphes 104 et 105 (C.O.M.C.); Telus Corp. c. Orange Personal Communications Services Ltd. (2005), 39 C.P.R. (4th) 389, aux pages 402 à 404 (C.F. 1re inst.), conf. par 47 C.P.R. (4th) 249 (C.A.F.); MEXX International B.V. c. NBC Fourth Realty Corp. (2003), 33 C.P.R. (4th) 562, à la page 571 (C.O.M.C.)).
[77] Farleyco a soumis au registraire des copies certifiées conformes de vingt‑deux enregistrements et demandes d’enregistrement de marques de commerce constituées du mot GLAMOUR ou incorporant ce mot et visant une foule de marchandises et de services, y compris des vêtements pour femmes et pour enfants, des bijoux et des accessoires, ainsi que des cosmétiques et des produits de beauté. À quelques rares exceptions près, une marque de commerce ne peut être enregistrée que si elle est employée. Advance aurait présenté une requête en annulation de ces enregistrements si elle avait eu la moindre chance d’obtenir gain de cause.
[78] Lorsque la preuve indique que les deux marques comportent un élément commun, on peut en déduire que les consommateurs sont habitués à porter davantage leur attention sur les autres caractéristiques des marques et à faire ainsi la distinction entre elles (Kellogg, aux pages 358 à 360, et Telus, à la page 404).
[79] Farleyco affirme que les consommateurs canadiens ont manifestement été exposés à une foule de produits arborant la marque de commerce GLAMOUR dans le domaine des cosmétiques, de la mode et des produits de beauté. Les consommateurs sont habitués à distinguer entre les marques et leurs multiples provenances. Il est peu probable que les Canadiens associent à tort la marque et les produits de Farleyco à Advance et à son magazine.
[80] La preuve d’une confusion réelle constitue une circonstance pertinente, et le tribunal peut conclure que l’allégation de confusion est injustifiée lorsqu’aucune preuve n’est soumise malgré le fait qu’il a été démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région (Mattel, aux paragraphes 55 et 89; Veuve Clicquot, au paragraphe 37). Advance n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer l’existence d’une confusion réelle. Farleyco affirme toutefois qu’elle a démontré que ses produits GHOULISH GLAMOUR se trouvent sur le marché canadien depuis presque quatre ans et qu’aucun cas de confusion avec la marque Advance n’a encore été signalé.
Conclusions
[81] Farleyco conclut qu’elle s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucun risque de confusion entre les marques GLAMOUR et GHOULISH GLAMOUR, et que l’allégation de confusion d’Advance est injustifiée. Qui plus est, les deux marques sont différentes dans leur présentation en général et dans le son et les idées qu’elles suggèrent. Le mot GHOULISH sert à distinguer la marque GHOULISH GLAMOUR de la marque d’Advance.
[82] Les faux cils d’Halloween de Farleyco sont différents du magazine d’Advance, et ces produits ne proviennent pas de la même source et ne sont pas annoncés par les mêmes moyens. La marque d’Advance est intrinsèquement faible. Elle est constituée d’un mot descriptif qui est couramment employé dans l’industrie de la mode, des produits de beauté et des cosmétiques. Il n’a pas été démontré que la marque d’Advance avait acquis un caractère distinctif ou une réputation suffisants, qui ne se limite pas aux magazines, de sorte qu’elle ne nuit en rien à la capacité de la marque de commerce GHOULISH GLAMOUR de distinguer les faux cils d’Halloween de Farleyco.
[83] Farleyco conclut que la marque GHOULISH GLAMOUR est enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi et que Farleyco a droit à l’enregistrement de sa marque en vertu de l’alinéa 16(3)a). Farleyco a également le droit d’employer la marque pour les fins précisées à l’alinéa 30i) de la Loi, et la marque de commerce GHOULISH GLAMOUR est distinctive des marchandises de Farleyco et apte à les distinguer de celles d’Advance.
ANALYSE
Décision de la Commission
[84] Il n’y a rien dans le dossier qui permette de penser que la commissaire n’a pas rendu une décision appropriée vu l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait. Elle a correctement examiné l’ensemble des circonstances conformément à la jurisprudence applicable et a conclu :
Après examen de l’ensemble des circonstances, j’estime que la requérante s’est acquittée de la charge de prouver suivant la prépondérance de preuve qu’il est peu probable que des deux marques soient confondues. Cette conclusion repose premièrement sur la faiblesse inhérente de la marque de l’opposante et sur les différences qui existent entre les marques, les marchandises et les voies de commercialisation des parties. La preuve de l’opposante n’a pas démontré que sa marque GLAMOUR a droit à une protection assez large pour rendre la marque de la requérante non enregistrable.
[85] Malgré la justesse de la décision de la commissaire compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait, le paragraphe 56(5) de la Loi permet, lors de l’appel, d’apporter une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et la Cour fédérale peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.
[86] Advance affirme qu’elle a soumis de nouveaux éléments de preuve importants dans le cadre du présent appel et soutient que les faits sur lesquels la commissaire s’est fondée pour rendre sa décision ont changé à tel point que la Cour devrait trancher elle‑même l’affaire sans faire preuve de retenue envers la décision de la commissaire. Farleyco adopte le point de vue que les éléments de preuve complémentaires déposés n’auraient pas substantiellement influé sur la décision de la Commission des oppositions, de sorte que je devrais simplement contrôler la décision de la commissaire en fonction de la norme de la raisonnabilité.
[87] Avant de pouvoir décider si elle doit reprendre l’examen de l’affaire depuis le début ou se contenter de vérifier si la décision de la commissaire est raisonnable, la Cour doit d’abord examiner les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés dans le cadre du présent appel.
Nouveaux éléments de preuve
[88] Advance a soumis des éléments de preuve complémentaires par le biais de l’affidavit souscrit le 2 novembre 2007 par Mme Susan Goodall, rédactrice en chef du magazine GLAMOUR. Advance affirme qu’à lui seul l’affidavit de Mme Goodall va bien au‑delà des éléments de preuve dont disposait le registraire. Mme Goodall n’a pas été contre‑interrogée au sujet de son affidavit.
[89] Farleyco a également déposé de nouveaux éléments de preuve par le truchement de l’affidavit que M. Edward M. Reiken a souscrit le 30 novembre 2007 et de l’affidavit souscrit le 3 décembre 2007 par Mme Patricia Farley‑Pope.
[90] Mme Farley‑Pope est la présidente de Farleyco et M. Reiken est le président d’Amera International Inc., un cabinet de détectives privés. L’avocat de Farleyco a retenu les services de M. Reiken pour qu’il identifie, repère et obtienne une série de produits arborant la marque de commerce GLAMOUR. Pour ce faire, M. Reiken a visité certains magasins du centre commercial Square One de Mississauga le 12 novembre 2007 et du centre commercial Yorkdale le 13 novembre 2007. Advance soutient, pour diverses raisons que j’aborde un peu plus loin, que les éléments de preuve soumis par M. Reiken n’ont aucune pertinence dans le présent appel.
Éléments de preuve soumis par Mme Goodall
[91] Lorsqu’on examine les éléments de preuve de Mme Goodall en fonction des critères et des lacunes relevés par la commissaire dans sa décision, on constate ce qui suit :
(A) Alinéa 6(5)a) ‑ Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues. Alinéa 6(5)b) ‑ Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[92] La commissaire a conclu qu’aucune des marques n’est intrinsèquement forte car elles suggèrent toutes deux les marchandises qui leur sont associées. Il n’y avait pas non plus d’éléments de preuve établissant qu’Advance avait employé la marque GLAMOUR de façon constante.
[93] Toutefois, comme la commissaire l’a souligné, il est possible de renforcer une marque en la faisant connaître par son emploi ou sa promotion. À l’étape de l’opposition, la commissaire ne disposait toutefois d’aucun élément de preuve lui permettant de conclure que l’une ou l’autre des marques des parties avait acquis au Canada une notoriété le moindrement importante.
[94] Cette lacune a depuis été corrigée et l’affidavit de Mme Goodall précise bien que :
a) le magazine GLAMOUR est distribué sans interruption au Canada depuis 1938, et est offert en vente dans plus de 200 pays, dont le Canada et les États‑Unis;
b) GLAMOUR est employée :
(i) depuis le 30 décembre 1938 en liaison avec un magazine périodique;
(ii) depuis le 5 juillet 2000 en liaison avec des disques CD‑ROM interactifs ayant trait aux périodiques et aux magazines dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement, en liaison avec des disques compacts préenregistrés, des jeux et catalogues de magazines dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement; des cassettes audio et vidéo préenregistrées, des publications électroniques, à savoir des magazines et logiciels consultables ayant trait aux périodiques et aux magazines dans les domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement;
(iii) depuis juillet 1997, en liaison avec des magazines et publications en ligne distribués sous forme électronique au moyen d’Internet et de l’exploitation d’un site Web d’Internet qui permet aux consommateurs de souscrire à des magazines d’intérêt général et permet aux annonceurs de promouvoir leurs biens et services au moyen d’Internet;
(iv) conformément à une demande récente d’emploi projeté, pour fournir de l’information axée sur les femmes et portant sur la mode, les produits de beauté, le style et la culture, par la télévision, par satellite, au moyen de réseaux informatiques audios, vidéos et mondiaux et offrir une vaste gamme d’informations par le biais de réseaux informatiques mondiaux et des médias sans fil.
c) GLAMOUR est un magazine mensuel qui est aussi offert en ligne depuis juillet 1997. On peut se procurer la version imprimée par abonnement ou en achetant le magazine dans des kiosques à journaux. Le tirage annuel moyen dépasse 2 000 000 d’exemplaires aux États‑Unis et 80 000 au Canada;
d) Le magazine GLAMOUR et sa version en ligne publient régulièrement des articles, des chroniques et de la publicité qui ont trait à la mode, aux cosmétiques, au maquillage, à des conseils en matière de beauté, etc.
[95] Farleyco soutient que les éléments de preuve contenus dans l’affidavit de Mme Goodall ne sont pas suffisants pour établir que la marque GLAMOUR est célèbre ou même qu’elle est bien connue, surtout à l’extérieur du domaine restreint des périodiques mensuels. À mon avis, les éléments de preuve produits par Mme Goodall démontrent que la marque GLAMOUR est largement employée en liaison avec la version imprimée et la version électronique du magazine de même qu’avec d’autres réseaux électroniques qui annoncent des produits et fournissent des conseils et de l’information aux femmes dans le domaine de la mode, des produits de beauté et du divertissement.
[96] Je ne trouve cependant pas d’éléments de preuve convaincants tendant à démontrer que les consommateurs associent les produits mis en vedette dans le magazine et ses diverses variantes électroniques avec la marque GLAMOUR. Et rien ne permet non plus de penser qu’Advance a déjà autorisé l’emploi de la marque GLAMOUR en liaison avec des marchandises et des produits.
[97] Ainsi que Mme Goodall le souligne, Advance publie le magazine GLAMOUR, lequel se consacre à la mode, à la beauté, au divertissement, à la santé et au mode de vie, ce qui implique nécessairement que des produits de beauté tels que des cosmétiques et du maquillage sont annoncés et offerts en vente dans le magazine et que le magazine offre des conseils, des articles, des chroniques et de la publicité qui se rapportent à la mode, aux cosmétiques, au maquillage, à la beauté, au divertissement, à la santé et au mode de vie.
[98] La réponse à la question de savoir si le fait de permettre à Farleyco d’employer GHOULISH GLAMOUR pour ses cosmétiques et accessoires à cils d’Halloween créera de la confusion dépend de l’ensemble des circonstances de l’espèce, mais je crois qu’il est évident à ce moment‑ci que les éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour au sujet de l’emploi qu’Advance fait de la marque GLAMOUR et de la mesure dans laquelle la marque est devenue connue vont bien au‑delà des éléments de preuve dont disposait la commissaire lorsqu’elle a rendu sa décision, de sorte que je dois reprendre l’examen de l’affaire depuis le début et trancher les questions qui me sont soumises en me fondant sur les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés.
(B) Alinéas 6(5)c) et d) ‑ Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce
[99] En ce qui concerne la marque GLAMOUR d’Advance, la commissaire a conclu que les marchandises de l’opposante étaient « essentiellement des magazines, imprimés ou électroniques, relevant des domaines de la mode, des produits de beauté et du divertissement » et que « aucun renseignement n’a été fourni au sujet des voies de commercialisation des parties, et il ne semble pas à première vue que les marchandises des parties emprunteraient les mêmes voies de commercialisation ». La commissaire a également souligné que « il n’y a pas d’élément de preuve établissant qu’il ait déjà été question de cosmétiques ou d’accessoires à cils pour l’Halloween dans les magazines de l’opposante ».
[100] Dans son affidavit, Mme Goodall soumet à notre examen les éléments de preuve importants suivants sous cette rubrique :
a) En plus de faire la promotion de son magazine et de ses variantes électroniques au Canada grâce aux abonnements et à la vente dans des kiosques à journaux, Advance tient également un concours intitulé TOP TEN COLLEGE WOMEN dans plus d’une cinquantaine d’universités canadiennes, d’un océan à l’autre;
b) Advance a dépensé plus de 10 000 000 $ depuis 1997 en publicité pour le magazine GLAMOUR et ses variantes, mais on n’a pas expliqué à la Cour comment ces chiffres devaient être ventilés entre le Canada, les États‑Unis et le reste du monde;
c) En ce qui concerne la version en ligne de GLAMOUR, les Canadiens ont consulté plus de 400 000 pages par mois depuis juillet 1997;
d) le site Web de GLAMOUR permet aussi à des annonceurs, y compris des compagnies de cosmétiques et de maquillage, de faire la promotion de leurs produits;
e) Les recettes annuelles d’Advance afférentes à ses produits et services GLAMOUR dépassent largement la somme de 100 000 000 $ pour la période de 1997 à 2007 et le Canada représente environ 10 pour 100 de ce chiffre pour ce qui est des recettes;
f) On trouve du contenu portant précisément sur l’Halloween dans le magazine GLAMOUR d’Advance, qui y a effectivement employé les mots GHOULISH GLAMOUR.
[101] Là encore, je crois qu’on a soumis à la Cour, au sujet de la nature des marchandises, des services et des voies de commercialisation, des éléments de preuve qui vont beaucoup plus loin que ceux dont disposait la commissaire et j’estime que la Cour devrait reprendre depuis le début l’examen de ces éléments de preuve dans le cadre des questions générales qui lui sont soumises.
[102] Après avoir examiné les éléments de preuve en question, et bien que Mme Goodall fasse état de disques CD‑ROM interactifs, de disques compacts préenregistrés, à savoir des jeux et catalogues de magazines, de cassettes audio et vidéo préenregistrées et de publications électroniques dans les domaines de la mode, des cosmétiques, des produits de beauté, du divertissement, de la santé et du mode de vie, il me semble que les éléments de preuve soumis par Advance démontrent que divers produits cosmétiques sont mis en vedette et annoncés dans le magazine GLAMOUR et dans ses variantes électroniques à l’occasion des conseils qu’Advance donne à ses lecteurs. Rien ne permet de penser que la marque est employée en liaison avec les produits cosmétiques qui sont mis en vedette et annoncés. Advance emploie GLAMOUR en liaison avec son magazine et ses variantes électroniques, lesquels constituent les marchandises pour lesquelles la marque est enregistrée au Canada.
[103] En ce qui concerne la pièce C‑1 jointe à l’affidavit de Mme Goodall et l’emploi du mot « Halloween », je ne constate aucun emploi en liaison avec quelque article ou promotion de costumes ou de cosmétiques d’Halloween. On ne fait allusion à l’Halloween qu’à une occasion. Et, comme le souligne Farleyco, la mention des mots « GHOULISH GLAMOUR » provient de l’impression d’une page Web d’un site Web britannique faisant la publicité de colliers axés sur le thème de l’Halloween. Les colliers sont annoncés en devises britanniques et rien ne permet de penser que des Canadiens peuvent se les procurer en s’adressant à Advance ou par le biais de son site Web. Les mots GHOULISH GLAMOUR sont employés comme expression descriptive pour identifier le collier d’un tiers inspiré du thème de l’Halloween et rien ne permet de penser que des Canadiens les ont déjà vus.
Résumé
[104] Compte tenu des nouveaux éléments de preuve soumis par Advance et Farleyco au sujet du paragraphe 6(5) de la Loi, voici mes conclusions :
a) Je confirme que ni l’une ni l’autre des marques des parties n’est intrinsèquement forte car elles suggèrent toutes deux les marchandises qui leur sont associées;
b) Advance a, depuis la décision du registraire, été en mesure de démontrer qu’elle emploie de façon constante la marque GLAMOUR au Canada depuis 1938;
c) La marque GLAMOUR d’Advance est employée en liaison avec des magazines, imprimés ou électroniques, et avec des marchandises et services connexes tels que des disques CD‑ROM, des disques compacts préenregistrés, des jeux, des catalogues, des cassettes audio et vidéo préenregistrées, des publications électroniques et logiciels consultables, lesquels ont tous trait au domaine de la mode, des produits de beauté et du divertissement et qui fournissent des conseils et de l’information aux femmes au sujet de la mode, de la beauté, du style et de la culture. Le magazine, les publications et le site Internet d’Advance permet aux consommateurs de s’abonner à ses magazines et aux annonceurs de faire la promotion de leurs produits et de leurs services;
d) Les marchandises et les services d’Advance sont vendus par abonnement et dans des kiosques à journaux et sont également accessibles en ligne sur Internet et sont distribués par la télévision, par satellite, et au moyen de réseaux informatiques audios, vidéos et mondiaux. Il ressort de la preuve de Farleyco que ses faux cils GHOULISH GLAMOUR d’Halloween sont vendus dans des pharmacies, des marchés d’alimentation et des grandes surfaces, comme Shoppers Drug Mart, WalMart, Loblaws et Zellers, où les produits GHOULISH GLAMOUR se retrouvent dans le rayon des cosmétiques ou dans la section réservée aux produits d’Halloween. Rien ne permet de penser que ces marchandises sont étalées près de magazines ou que toute personne achetant des marchandises GHOULISH GLAMOUR en a déduit ou serait raisonnablement susceptible d’en déduire que ces marchandises sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne qui fabrique, vend, donne à bail ou loue des marchandises ou des services en liaison avec la marque GLAMOUR. Il ressort également de la preuve que Farleyco annonce ses produits GHOULISH GLAMOUR dans des dépliants publicitaires distribués en magasin ainsi que sur des tableaux d’affichage, dans des points de vente et non à la télévision ou dans des magazines. En revanche, les marchandises et services de GLAMOUR ne sont pas annoncés dans des dépliants publicitaires offerts en magasin.
e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent est bien celui que la commissaire évoque dans sa décision et les nouveaux éléments de preuve ne permettent pas de penser que, prises globalement, ses conclusions suivant lesquelles les marques « ne présentent pas un degré important de ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent » étaient déraisonnables ou mal fondées. Après avoir examiné ce facteur de nouveau, j’en arrive aux mêmes conclusions;
f) En ce qui concerne les autres facteurs, on ne sait pas avec certitude à quoi correspondent réellement, sur le marché, les 22 autres enregistrements et demandes portant sur des marques constituées du mot GLAMOUR ou incorporant ce mot. Il ressort toutefois des éléments de preuve présentés par M. Reiken ainsi que de ceux soumis par Advance elle‑même que le mot « GLAMOUR » est couramment employé dans le domaine de la mode, des produits de beauté et des cosmétiques. Comme Farleyco le souligne, on peut en conclure que les consommateurs canadiens ont été exposés à une foule de marques de commerce comportant le mot GLAMOUR et qu’ils ont l’habitude de faire la différence entre les marques GLAMOUR et leur multitude de provenances. Ainsi que je l’ai déjà mentionné, je ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant l’existence d’une confusion réelle entre les marques en litige en l’espèce. Les produits GHOULISH GLAMOUR se trouvent sur le marché canadien depuis presque quatre ans et aucun cas de confusion avec la marque Advance n’a encore été signalé. Et rien ne permet non plus de penser que quiconque dans l’industrie des magazines autorise normalement l’emploi du nom de leur magazine en liaison avec des cosmétiques.
[105] La commissaire a conclu que, vu l’ensemble des circonstances, Farleyco s’était acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il était peu probable que les deux marques soient confondues :
Cette conclusion repose premièrement sur la faiblesse inhérente de la marque [d’Advance] et sur les différences qui existent entre les marques, les marchandises et les voies de commercialisation des parties. La preuve de l’opposante n’a pas démontré que sa marque GLAMOUR a droit à une protection assez large pour rendre la marque de la requérante non enregistrable.
[106] La commissaire a ajouté que sa conclusion ne changerait pas même si elle reconnaissait que « les enregistrements de l’opposante constituaient un emploi de minimis de sa marque au Canada depuis 1938 », et que sa conclusion demeurerait pareillement inchangée « que le nombre d’inscriptions de la marque GLAMOUR au registre soit considéré ou non comme suffisant pour tirer une conclusion sur l’état du marché ».
[107] Dans le cadre du réexamen de la présente affaire, il me faut encore vérifier dans quelle mesure les nouveaux éléments de preuve présentés par les deux parties au sujet de l’emploi démontrent que la marque GLAMOUR d’Advance a acquis un caractère distinctif par le biais d’un emploi et d’une promotion suffisants pour justifier une protection étendue, même dans le cas d’une marque suggestive et intrinsèquement faible.
[108] Farleyco souligne, à juste titre selon moi, que ses faux cils d’Halloween sont différents des marchandises et services offerts par Advance par le biais de son magazine, qu’ils ne proviennent pas habituellement de la même source et qu’ils sont annoncés et vendus par des moyens différents et dans des points de vente au détail différents. Le fait que des produits cosmétiques sont annoncés, traités ou autrement exposés dans le magazine d’Advance et dans ses marchandises connexes ne signifie pas pour autant, selon moi, que le caractère distinctif que la marque GLAMOUR a pu acquérir devrait englober de tels produits.
[109] Toutefois, comme Advance le souligne, le paragraphe 6(2) de la Loi précise clairement qu’il peut y avoir confusion, « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».
[110] Il est évident que, lorsqu’elle applique le critère de la confusion, la Cour doit tenir compte de l’ensemble des circonstance de l’espèce, y compris de celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, et il n’est pas nécessaire d’attribuer la même valeur à chacun de ces facteurs. Il est également de jurisprudence constante que le critère de la confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. Dans les arrêts Mattel et Veuve Clicquot, la Cour suprême du Canada a analysé la méthode à suivre pour évaluer l’ensemble des circonstances dont on doit tenir compte pour décider s’il y a confusion entre deux marques de commerce données.
Conclusions
[111] À mon avis, il ressort de la preuve (et notamment des nouveaux éléments de preuve présentés par Advance) que le mot « GLAMOUR » évoque toute une série d’activités culturelles et commerciales. À l’instar des mots « mode » et « beauté », le mot GLAMOUR peut revêtir un sens plus spécialisé dans certains contextes, mais dans le contexte du présent litige, le « glamour » est une qualité qu’une grande partie de la population souhaite de toute évidence acquérir, et Advance et Farleyco font toutes les deux partie d’une industrie qui désire faire de l’argent en procurant du « glamour » au public sous diverses formes.
[112] Dans ce contexte général, Advance a, par l’emploi constant de sa marque GLAMOUR en liaison avec des marchandises et des services particuliers, conféré à sa marque un certain caractère distinctif. GLAMOUR est distinctive d’un magazine particulier et est associée à ce magazine ainsi qu’à certains dérivés électroniques de ce magazine et des marchandises et services connexes. GLAMOUR est employée par Advance en liaison avec des marchandises et des services qui, dans un sens général, créent une culture et un discours qui s’insèrent dans des domaines connexes comme la mode, les produits de beauté, la santé, le mode de vie, le divertissement, etc. Mais je crois qu’il ressort à l’évidence de la preuve que la marque GLAMOUR d’Advance n’est pas associée à tous les produits et services qui constituent ce qu’on pourrait appeler « l’industrie du glamour » et que son caractère distinctif réside dans des produits et services qui contribuent à créer une culture, un esprit, une tribune, une façon de penser et un discours qui sont généralement associés à l’industrie du glamour. La culture et le discours créés par GLAMOUR visent à permettre à des tiers d’annoncer et de vendre leurs produits « glamour » et de générer des recettes pour Advance.
[113] À mon avis, il ressort à l’évidence de la preuve que, ce faisant, Advance ne livre pas concurrence à ses propres annonceurs en ce qui a trait, par exemple, à la fabrication, la promotion et la vente de cosmétiques. Les pièces versées au dossier font ressortir une nette distinction entre la culture et le discours créés par les produits et services GLAMOUR d’Advance et les produits cosmétiques qui sont assortis d’une promesse – expresse ou implicite – que ces produits donnent, créent, insufflent ou confèrent du glamour à celui qui les achètent.
[114] C’est la raison pour laquelle, à mon avis, il n’y a en l’espèce aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’Advance a accordé des licences autorisant des fabricants de produits à employer sa marque GLAMOUR ni même, à vrai dire, qu’il est d’usage courant dans l’industrie de le faire. C’est également la raison pour laquelle il n’y a aucune preuve concrète de confusion en l’espèce. Les personnes qui recherchent le glamour et les produits qui leur procureront du glamour sont bien au courant de la distinction entre la culture générale et l’esprit du glamour dont Advance se réclame, et la foule de cosmétiques et d’accessoires emballés qui sont annoncés dans le magazine GLAMOUR et ses dérivés électroniques et qui procurent du glamour.
[115] Les tentatives faites par Advance pour démontrer l’existence d’un « recoupement » entre, d’une part, son magazine et ses produits connexes et, d’autre part, les faux cils d’Halloween de Farleyco permettent de penser qu’Advance est au courant des distinctions que j’ai déjà évoquées et qu’elle souhaite ardemment invoquer tout usage possible pour l’Halloween qui lui permettrait de confirmer ce recoupement. Mais aucun des exemples cités ne fait cette démonstration.
[116] Même si les cosmétiques et les magazines peuvent être offerts en vente dans les mêmes commerces, la preuve présentée en l’espèce démontre que le magazine GLAMOUR et les produits de Farleyco sont vendus et annoncés de façons fort différentes et qu’ils sont achetés et employés de façons très différentes.
[117] Advance soutient que, même si l’on peut dire que les marchandises de chacune des parties qui sont en litige en l’espèce sont différentes, elles font quand même partie de la même catégorie générale de produits, à savoir les cosmétiques, la mode et les produits de beauté.
[118] La preuve ne démontre pas, selon moi, que les magazines et leurs dérivés électroniques entrent dans la même catégorie de marchandises que les cosmétiques. Je crois que ce qu’Advance veut dire ici, c’est que les fabricants de cosmétiques œuvrent dans la même industrie qu’Advance, qui publie un magazine consacré à la mode et à la beauté et qui annonce aussi des cosmétiques fabriqués par des tiers. Il n’y a pas, à mon avis, d’éléments de preuve qui permettent de conclure au recoupement qu’Advance cherche à établir pour conférer à sa marque GLAMOUR un caractère distinctif qui engloberait des cosmétiques du genre de ceux que Farleyco fabrique et vend.
[119] La preuve me donne à penser que les consommateurs sont régulièrement exposés à de nombreuses marques Glamour et à l’emploi constant du mot « glamour » dans l’industrie du glamour et le marché qui en découle. Je crois que l’on peut présumer, dans ce contexte, qu’ils deviennent extrêmement habiles à distinguer entre les marchandises et les services qui sont vendus et qui sont associés au mot « Glamour », soit isolément ou en combinaison avec d’autres mots, et qu’il est extrêmement peu probable qu’ils associent les produits d’Halloween GHOULISH GLAMOUR de Farleyco avec les marchandises et services GLAMOUR d’Advance.
[120] Pour ces motifs, après avoir pris en considération tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi et après avoir tenu compte des principes énoncés dans les arrêts Mattel et Veuve Clicquot et après examen de l’ensemble des circonstances portées à ma connaissance en l’espèce, et reprenant l’examen de l’affaire depuis le début, je crois toujours que Farleyco s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver suivant la prépondérance de la preuve qu’il est peu probable que les deux marques soient confondues.
[121] Pour ce qui est des motifs tirés de l’alinéa 30i), j’estime que les nouveaux éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance démontrent que Farleyco était au courant de l’existence de la marque GLAMOUR d’Advance au moment des faits, ce qui n’est pas incompatible avec la thèse de Farleyco, qui affirme qu’elle était persuadée qu’elle avait le droit d’utiliser la marque GHOULISH GLAMOUR parce que sa marque ne créait pas de confusion avec la marque d’Advance. Rien ne permet, à mon avis, de penser que Farleyco était de mauvaise foi.
JUGEMENT
1. L’appel est rejeté;
2. La décision en date du 4 juin 2007 par laquelle le registraire des marques de commerce a refusé l’opposition d’Advance à la demande de marque de commerce canadienne 1199765 est confirmée;
3. Les dépens du présent appel sont adjugés à Farleyco.
« James Russell »
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1490‑07
INTITULÉ : ADVANCE MAGAZINE PUBLISHERS INC. c.
FARLEYCO MARKETING INC.
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 décembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Russell
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 12 février 2009
COMPARUTIONS :
Kenneth McKay
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Brian W. Gray Cynthia D. Mason
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sim, Lowman, Ashton & McKay s.r.l. Toronto (Ontario)
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Ogilvy Renault s.r.l. Toronto (Ontario) |