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Date : 20090206

Dossier : T-717-07

Référence : 2009 CF 124

Ottawa (Ontario), le 6 février 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

KRISTOFER DRAGUNOWSKI

demandeur

et

 

ONTARIO POWER GENERATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F-7, porte sur une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), datée du 26 mars 2007 (la décision), par laquelle la Commission, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R., 1985, ch. H-6 (la LCDP), a rejeté la plainte du demandeur au motif que les résultats de l’enquête n’étayaient pas les allégations selon lesquelles il aurait été harcelé au point de devoir prendre un congé de maladie et licencié en raison de son âge, de son origine nationale ou ethnique et de sa déficience.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur a quitté la Pologne et est arrivé au Canada en 1972.

[3]               Lors du dépôt de sa plainte, le demandeur était un employé temporaire de l’Ontario Power Generation (l’OPG) pour laquelle il a travaillé du 19 février 2003 au 31 mars 2004. Il occupait le poste de « dessinateur » et travaillait au Bureau de dessin B du secteur de la conception à Pickering. Il était représenté par le Syndicat des travailleurs et des travailleuses du secteur énergétique (le STTSE) - le Syndicat canadien de la fonction publique (le SCFP) CCT local 1000 à toutes les époques pertinentes.

[4]               Les conditions de travail d’un employé temporaire sont régies par les dispositions de la convention collective conclue entre l’OPG et le STTSE. La convention collective énonce que les employés temporaires peuvent être engagés pour une période de 12 mois et, dans certaines circonstances, qu’ils peuvent être engagés pour une période additionnelle de trois mois.

[5]               M. Lagambina, l’un des gestionnaires du demandeur, n’a pas recommandé la prolongation du contrat du demandeur après le 31 décembre 2003. Toutefois, le demandeur a été embauché par le chef de section, Brian Finnie, qui a prolongé son contrat jusqu’au 31 mars 2004. Le contrat du demandeur n’a pas été prolongé au-delà du 31 mars 2004, étant donné que les grands projets de conception sur lesquels il travaillait étaient venus à terme à la fin de 2003.

[6]               En tant qu’employé temporaire, le demandeur allègue que M. Lenny Lagambina lui a lancé des injures et qu’il l’a harcelé du fait de son origine nationale ou ethnique et de son âge. Il affirme que c’est la raison pour laquelle il a souffert de stress et de dépression et qu’il a pris congé en mars 2004. Il allègue qu’il a été ridiculisé par des commentaires discriminatoires tels que « perche », « stupide », « lent », et que M. Lagambina s’est également moqué de ses vêtements et qu’il s’est amusé à imiter son accent polonais. Il allègue également que M. Lagambina s’en est pris à lui au sujet de ses pause-repas et du fait qu’il quittait tôt le travail. M. Lagambina lui aurait dit à maintes reprises qu’il serait difficile de le garder en raison de son âge et qu’il pourrait être remplacé par un employé plus jeune et au salaire moins élevé. M. Lagambina rejette toutes les allégations de harcèlement ou de différence de traitement soulevées par le demandeur au cours de sa période d’emploi à l’OPG.

[7]               Le demandeur allègue qu’il n’a pas été informé des prestations d’emploi offertes par l’OPG et qu’il a été licencié même s’il a fourni les rapports de ses médecins. Depuis ce temps, il affirme ne pas avoir été en mesure de se trouver un emploi en raison de sa déficience.

[8]               En tant qu’employé temporaire, le demandeur soutient également qu’il n’était pas autorisé à déposer un grief sous le régime de la convention collective. Bien qu’il ait tenté de communiquer avec le Service des ressources humaines de l’OPG pour déposer une plainte à l’interne, il n’a pas reçu de réponse. Mme Judy Wakeman, consultante en ressources humaines à l’OPG, affirme qu’il n’y a aucune preuve indiquant que le demandeur a communiqué avec le Service des ressources humaines à propos du harcèlement qu’il aurait subi de la part de M. Lagambina au cours de son emploi à l’OPG.

 

[9]               En 2004 ou vers cette période, le demandeur a consulté le protecteur du citoyen de l’OPG qui s’est penchée sur ses allégations de harcèlement et de discrimination. Après avoir examiné le dossier, y compris interrogé des témoins, le protecteur du citoyen a refusé d’accepter les allégations du demandeur.

 

[10]           Le 26 septembre 2004 ou vers cette date, le demandeur a déposé une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne qui a été transférée à l’organisme fédéral compétent au cours du mois de mars 2005.

 

[11]           La défenderesse a formulé une plainte par lettre datée du 6 octobre 2005 et la Commission a nommé un enquêteur chargé de l’examiner. Le 7 octobre 2005 ou vers cette date, la Commission a écrit au demandeur lui demandant de donner suite à la réponse de la défenderesse. Le demandeur a répondu par lettre le 14 octobre 2005.

 

[12]           En février 2006 ou vers cette période, un enquêteur a été nommé par la CCDP. Le 20 février 2006 ou vers cette date, le demandeur a fourni à la CCDP la liste de ses témoins. Le 1er août 2006 ou vers cette date, la CCDP a écrit à l’OPG pour solliciter des entrevues avec certains employés et lui demander de fournir certains renseignements et documents. L’OPG a acquiescé à la demande.

 

[13]           L’enquêteur a interrogé les témoins de sa liste ainsi que ceux figurant sur la liste du demandeur. Le 4 décembre 2006 ou vers cette date, la Commission a délivré le rapport de l’enquêteur, dans lequel on lui recommandait de rejeter la plainte.

 

[14]           Le demandeur a eu l’occasion de présenter d’autres observations concernant le rapport de l’enquêteur, ce qu’il a fait le 14 janvier 2007 ou vers cette date. Le 26 mars 2007 ou vers cette date, la Commission a rejeté la plainte étant donné que les résultats de l’enquête n’étayaient pas les allégations.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[15]           La Commission a rejeté la plainte en application de l’alinéa 44(3)b) de la LCDP puisqu’une enquête plus poussée n’était pas justifiée. Les résultats de l’enquête n’étayaient aucune des allégations selon lesquelles il aurait été harcelé au point de devoir prendre un congé de maladie ou licencié en raison de son âge, de son origine nationale ou ethnique et de sa déficience.

 

Témoins

 

[16]           La Commission a interrogé les dix témoins du demandeur, dont neuf étaient des collègues de travail (l’un d’eux était également le délégué syndical) et un témoin externe, un ami du demandeur. Aucun des neufs collègues de travail du demandeur n’a entendu les commentaires qu’aurait faits M. Lagambina à l’égard du demandeur sur son origine nationale ou ethnique, son âge ou tout autre motif, comme il a été allégué. Aucune de ces personnes n’a été témoin du harcèlement pratiqué par M. Lagambina à l’égard du demandeur, ni n’a affirmé que M. Lagambina avait traité le demandeur différemment. Aucun des témoins n’a été victime de harcèlement par M. Lagambina en raison de son origine nationale ou ethnique, de son âge ou d’autres motifs. Huit des neuf témoins ne savaient pas que le demandeur avait été absent pour cause de maladie jusqu’à ce qu’il communique avec eux pour les informer au sujet de sa plainte.

 

[17]           La Commission fait observer que M. Ed Lau, un délégué syndical, a affirmé que le demandeur avait choisi de lui parler de M. Lagambina même si son délégué syndical était M. Don Picola. Le demandeur n’a mentionné à M. Lau aucun des actes reprochés, à savoir la différence de traitement et le harcèlement qu’aurait exercés M. Lagambina. Il a plutôt affirmé : [traduction] « M. Lagambina m’a rabaissé et je me demande pourquoi M. Lagambina traite tout le monde comme de la merde? » Bien que M. Lau se soit offert pour représenter le demandeur, discuter de ses préoccupations avec M. Lagambina et agir comme médiateur pour régler la présumée différence de traitement par M. Lagambina, le demandeur a refusé toute participation du syndicat. Le demandeur a répondu à M. Lau qu’[traduction] « en tant qu’employé temporaire, il ne voulait pas faire de vagues. »

 

[18]           M. Lau a affirmé que, lorsqu’il ne travaillait plus, le demandeur lui a téléphoné pour l’informer qu’il avait été licencié et qu’il souffrait de troubles médicaux à cause du stress et de la différence de traitement dont il avait été victime de la part de M. Lagambina. Étant donné que les problèmes sont survenus après coup et que l’emploi temporaire du demandeur était venu à terme, le syndicat n’a pas déposé de grief en son nom.

 

[19]           Le témoignage de M. Lau a été corroboré par le délégué syndical en chef, M. Steve Labash. M. Picola, l’autre délégué syndical, a confirmé que le demandeur ne lui avait pas parlé au sujet de M. Lagambina. Le demandeur a plutôt téléphoné à M. Picola à la fin de son contrat et lui a demandé quels étaient ses droits aux termes de la Convention collective.

 

[20]           M. Picola affirme qu’il exerçait aussi la fonction de gestionnaire adjoint de première ligne (le GAPL) et qu’il était chargé d’attribuer des tâches au demandeur. Ce dernier était lent et imprécis dans son travail. M. Picola devait vérifier le travail effectué par le demandeur assez souvent, c’est pourquoi il ne lui attribuait que des tâches simples et faciles à faire.

 

[21]           M. Lagambina a été décrit par certains témoins comme « autoritaire ». Les neuf collègues de travail du demandeur ont témoigné que la main‑d’œuvre à l’OPG est diversifiée. Les employés proviennent de diverses origines ethniques et sont de tous les âges. Plus précisément, les employés permanents de l’OPG sont plus âgés que les autres, comptent de nombreuses années de services et sont sur le point de prendre leur retraite. Les travailleurs externes sont généralement plus jeunes.

 

[22]           Le témoin du demandeur qui n’était pas un de ses collèges de travail a affirmé que le demandeur était très stressé à cause de la façon dont M. Lagambina l’avait traité. En outre, il a indiqué que le comportement du demandeur avait changé en 2003 et 2004.

 

[23]           Le protecteur du citoyen de l’OPG, Mme Mundy McLaughlin, a été interrogée par la Commission et, dans son rapport, elle a indiqué que le demandeur avait déposé auprès d’elle une plainte relative aux droits de la personne à la fin de son contrat et que lorsqu’il ne travaillait plus pour l’OPG elle a fait enquête sur ses allégations de harcèlement et de discrimination. Dans le cadre de son enquête, elle a interrogé M. Lagambina, les témoins figurant sur la liste fournie à la Commission par le demandeur, ainsi que les délégués syndicaux. Aucun des témoins n’a corroboré les allégations du demandeur. Selon le rapport du protecteur du citoyen, M. Lagambina n’a absolument pas adopté de comportement abusif. Le rapport indique aussi que le comportement du demandeur a beaucoup changé au début de 2003. Il s’est replié sur lui-même et il est devenu affligé et nerveux. Ce changement coïncide avec certains problèmes familiaux qu’éprouvait le demandeur.

 

Déficience

 

[24]           Le demandeur a allégué qu’il a été licencié parce qu’il était en congé de maladie depuis le 4 mars 2004 pour cause de stress au travail. La défenderesse a répondu qu’elle n’a pas mis un terme à l’emploi du demandeur à cause de sa déficience. C’est plutôt parce que son emploi temporaire était venu à terme conformément aux conditions précises de la convention collective, ainsi qu’au STTSE applicable aux employés temporaires. Les employés temporaires qui travaillent à l’OPG sont engagés pour une période maximale de 12 mois. Dans un petit nombre de cas, leur période d’emploi peut être prolongée de trois autres mois, pour un total de 15 mois. Une fois que la période de prolongation de trois mois s’est écoulée, les employés deviennent des employés permanents ou leur contrat prend fin.

 

[25]           Deux rapports médicaux d’absence (le RMA) datés du 8 mars 2004 indiquaient que le demandeur souffrait d’angoisse et de dépression. Le premier RMA, rédigé par le médecin du demandeur, Dr David Wong, établissait un diagnostic [traduction] « d’angoisse et de dépression » chez le demandeur et ajoutait que ce dernier était « actuellement inapte à exercer quelque type de travail que ce soit ». Dans le second RMA fourni par un spécialiste, le Dr Dennis Martin a diagnostiqué que le demandeur souffrait « d’angoisse accompagnée d’une dépression entièrement liée au travail » et qu’il était « actuellement inapte à exercer quelque type de travail que ce soit ».

 

[26]           La Commission a interrogé le Dr Wong et, dans son entrevue, il a confirmé que le RMA datant du 8 mars 2004 établissait que le demandeur souffrait d’angoisse et de dépression. En octobre 2004, le Dr Wong a vu le demandeur qui lui a dit qu’il se sentait mieux. Ce fut la dernière visite du demandeur chez le DWong.

 

[27]           DDennis Martin a également été interrogé et a affirmé que le dossier médical du demandeur lui a été remis lors de sa retraite en mai 2006. Il ne se rappelait pas avoir vu le demandeur avant son départ à la retraite et, puisque le demandeur avait d’autres problèmes, il ne pouvait pas confirmer que le trouble anxieux était la seule conséquence découlant du harcèlement de son nouveau patron. Il s’est rappelé que le demandeur s’était ensuite vu offrir un emploi après son départ de l’OPG, mais qu’il l’avait refusé pour des raisons de transport, parce que c’était trop loin.

 

Prestations d’emploi

 

[28]           La Commission a souligné que le demandeur était membre du STTSE et qu’il était libre de parler à son délégué syndical en tout temps au sujet des préoccupations ou des questions qu’il avait concernant le régime d’assurance-santé de l’OPG. Le demandeur n’a pas abordé la question des prestations avec M. Lau ni M. Finnie.

 

[29]           Le demandeur n’a jamais communiqué avec le Service des ressources humaines de l’OPG pour lui poser des questions ou lui faire part de ses inquiétudes concernant le régime d’assurance‑santé. De plus, au moment de leur embauche, les employés reçoivent une séance d’information au cours de laquelle leurs avantages sociaux leur sont expliqués. Les employés temporaires obtiennent des congés de maladie et des vacances, et ils peuvent obtenir des avantages supplémentaires en déboursant un certain montant, mais ce genre de demande est rare.

 

Question soulevée après la plainte : Refus de la cote de sécurité pour travailler chez un entrepreneur externe

 

[30]           Le demandeur affirme qu’à un moment donné en 2005, il s’est vu refuser une cote de sécurité même s’il en avait obtenu une précédemment. Ce refus signifiait qu’il ne pouvait pas travailler pour un entrepreneur externe à l’OPG. Lorsque le contrat d’un employé avec l’OPG prend fin, sa cote ou son laissez-passer de sécurité est révoqué puisque l’employé n’est plus en service.

 

[31]           Insatisfait du rapport du protecteur du citoyen, le demandeur a écrit au président de l’OPG, M. Jake Epp, exprimant ses préoccupations et menaçant d’entreprendre toutes les démarches nécessaires si le problème ne se réglait pas. Le demandeur a également allégué que les conditions de travail de l’OPG à Pickering étaient dangereuses. Il a appelé ses collègues de travail pour obtenir des renseignements sur M. Lagambina et l’OPG. Une ou plusieurs fois, ses collègues se sont plaints à M. Lagambina des appels du demandeur.

 

[32]           La défenderesse a dit à la Commission que M. Scott Martin, directeur de la sécurité de l’entreprise, avait fait enquête sur la question et qu’il n’avait pas trouvé d’infractions à la sécurité. Le témoin assigné par le demandeur, qui travaillait pour l’entrepreneur externe, n’a pas corroboré les allégations du demandeur, et il a confirmé que les normes et les pratiques de l’OPG en matière de sécurité étaient loin d’être souples. Compte tenu de ces incidents, l’OPG a refusé d’accorder au demandeur une cote de sécurité. Il n’était pas facile de savoir si le demandeur s’était vu offrir un emploi par un entrepreneur externe qui détenait un contrat avec l’OPG. En se fondant sur ces incidents, l’OPG a refusé d’accorder au demandeur une cote de sécurité.

 

Conclusions de la Commission

 

[33]           La Commission a conclu que le demandeur avait été engagé temporairement à titre de dessinateur principal-électricité pour aider à la conception en électricité pendant une période précise. La date de fin de son contrat a été prorogée une seule fois. Le contrat du demandeur n’a pas été prolongé quand le travail s’est terminé et quatre employés temporaires qui travaillaient à la conception ont obtenu une prolongation de trois mois additionnels pour poursuivre le travail.

 

[34]           Même si le demandeur a fourni le 8 mars 2004 des rapports médicaux de son médecin de famille et d’un spécialiste qui établissaient qu’il souffrait du trouble anxieux, la preuve médicale n’attribuait sa déficience supposément liée à son trouble anxieux qu’au stress qu’il aurait subi au travail.

 

[35]           Le demandeur allègue qu’il a été harcelé au point de devoir prendre un congé de maladie par son gestionnaire de première ligne, M. Lenny Lagambina, en raison de son âge, de son origine ethnique et nationale et de sa déficience. Il a également allégué qu’il a été licencié à cause de sa déficience. Cependant, la preuve documentaire et les témoignages n’étayent pas ces allégations.

 

[36]           L’allégation du demandeur selon laquelle son superviseur, M. Lagambina, l’aurait harcelé au point où il a dû prendre un congé de maladie pour cause de trouble anxieux n’a pas été corroborée par les témoins. La preuve médicale indique que le diagnostic de trouble anxieux du demandeur n’était pas seulement attribuable au stress qu’il aurait subi au travail et que le demandeur était également traité pour d’autres problèmes.

 

[37]           Le demandeur ne pouvait pas déposer un grief auprès de l’OPG puisqu’il était un employé temporaire, et il a refusé que le syndicat intervienne pour régler le présumé problème avec son gestionnaire. Les parties n’ont pas participé à la médiation.

 

[38]           Le demandeur sollicite ses prestations et son salaire en entier jusqu’à l’âge de la retraite, ainsi que le remboursement intégral des frais médicaux et une indemnisation complète pour souffrances et douleurs s’élevant à plus de 1 000 000 $, étant donné qu’il est atteint d’une déficience et incapable de travailler. La défenderesse offre 3 000 $.

 

[39]           L’intérêt public est en cause dans la présente plainte dans la mesure où il porte sur l’obligation de l’employeur de garantir un environnement de travail exempt de harcèlement.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[40]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1)                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

2)                  La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle?

3)                  La Cour devrait-elle écarter la preuve présentée par le demandeur qui ne faisait pas partie du dossier dont disposait la Commission?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[41]           La disposition suivante de la LCDP s’applique à la présente instance :

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

 

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

 

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

 

 

b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[42]           La norme de contrôle applicable à l’égard d’une décision de la Commission est celle de la décision raisonnable simpliciter : Corbiere c. Wikwemikong Tribal Police Services Board, [2007] C.A.F. 97; Garvey c. Meyers Transport Ltd., [2005] A.C.F. n1684 (C.A.F.) et Lindo c. La Banque royale du Canada, [2000] A.C.F. no 1101 (Sect. 1re inst. C.F.) (décision Lindo).

 

[43]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable se distinguent théoriquement, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 44). La Cour suprême a donc conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de la raisonnabilité.

 

[44]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision entreprend un examen des quatre éléments faisant partie de l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[45]           De ce fait, compte tenu de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir et de la jurisprudence antérieure de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la question qui est en litige en l’espèce est la décision raisonnable. Pour la cour de révision qui analyse une décision en fonction de cette norme, le caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable du fait qu’elle n’appartenait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[46]           Les questions d’équité procédurale sont examinées en fonction de la norme de la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CSC 1.

 

L’ARGUMENTATION

            Le demandeur

[47]           Le demandeur a fourni à la Cour un mémoire des faits et du droit. Cependant, il n’a pas présenté d’arguments juridiques dans ce mémoire qui reprend simplement les faits exposés dans son affidavit.

 

La défenderesse

Erreur susceptible de contrôle

[48]           La défenderesse soutient que la Commission a respecté les règles d’équité procédurale. La Commission a nommé un enquêteur qui a interrogé les personnes assignées comme témoins par la défenderesse et le demandeur. L’enquêteur a rédigé un rapport et a donné la possibilité aux deux parties de l’étudier et de formuler des observations. Avant d’arriver à sa conclusion définitive, la Commission a examiné ces observations.

 

[49]           La défenderesse affirme qu’en fournissant au demandeur le rapport des enquêteurs, qu’en lui donnant l’occasion d’y répondre et qu’en examinant la réponse avant de rendre sa décision, la Commission a satisfait à son obligation d’équité en rejetant la plainte : Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] A.C.F. no 385 (C.A.F.).

 

[50]           La défenderesse soutient qu’une très grande déférence est généralement accordée aux enquêteurs et à une décision de la Commission. C’est seulement lorsque des omissions déraisonnables se sont produites qu’un contrôle judiciaire s’impose. Le demandeur n’a invoqué aucune omission déraisonnable de la part de l’enquêteur ou la Commission : Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] A.C.F. n181 (C.F. 1re inst.), confirmé par [1996] A.C.F. no 385 (C.A.F.).

 

[51]           La défenderesse poursuit en affirmant que la Commission avait déjà été saisie de la demande du demandeur de tenir une audience de manière à ce que les témoins prévus à sa liste comparaissent lorsqu’elle a rendu sa décision. Une enquête approfondie n’était pas justifiée et il est raisonnable de conclure que la Commission a tenu compte de ce point et qu’elle l’a rejeté : décision Lindo.

 

[52]           La défenderesse soutient également que la Commission a le droit et est tenue de scruter de près la preuve avant de décider si, eu égard aux circonstances de l’espèce, la tenue d’une audience devant un tribunal des droits de la personne est justifiée. La LCDP ne confère pas automatiquement le droit à une audience : décision Lindo; Morisset c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1991] A.C.F. no 946 (C.F. 1re inst.); Williams c. First Air, [1998] A.C.F. no 1844 (C.F. 1re inst.); Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1986] A.C.F. no 718 (C.A.F.), confirmé par la CSC, [1989] A.C.S. no 103 et Larsh c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 508 (C.F. 1re inst.).

 

[53]           La défenderesse fait valoir que la Commission a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire et que la présente demande devrait être rejetée.

 

Preuve à écarter

 

[54]           La défenderesse soutient que le contrôle judiciaire d’une décision d’un tribunal se limite à l’examen d’une question en se fondant sur les documents dont disposait le tribunal lorsqu’il a rendu sa décision. Les affidavits fournis par le demandeur après la décision ne devraient pas être pris en compte dans le cadre de la présente demande. Le certificat de la Commission canadienne des droits de la personne est un compte rendu exact de ce qui a été présenté devant la Commission : Mianowski c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2003] O.J. n3790 (Cour div. de l’Ont.).

 

[55]           La défenderesse termine en demandant que la présente demande soit rejetée avec dépens.

 

ANALYSE

 

[56]           Le demandeur s’est représenté lui-même dans la présente affaire et a comparu à l’audience relative au contrôle judiciaire à Toronto le 16 décembre 2008.

 

[57]           Malheureusement, le demandeur a mal compris la nature de la demande de contrôle judiciaire. Il est en désaccord avec la décision de la Commission et voudrait que la Cour réexamine de novo toute l’affaire et qu’elle tire une conclusion qui lui est favorable.

 

[58]           J’ai examiné soigneusement la décision de la Commission, ainsi que la preuve et les motifs exposés dans le rapport de l’enquêteur. J’ai aussi revu attentivement les observations écrites du demandeur (telles qu’elles ont été formulées) et j’ai interrogé celui-ci à l’audience sur son insatisfaction quant à la décision et sur les motifs pour lesquels il voudrait que la Cour intervienne et lui accorde réparation.

 

[59]           Le demandeur soutient que la Commission a seulement tenu compte des intérêts de l’OPG et qu’elle a complètement écarté tous les faits importants de son dossier. Il soutient aussi que ses témoins et leurs témoignages ont été ignorés, ainsi que la preuve médicale. Il affirme que les témoins les plus importants n’ont pas été interrogés et que les témoignages de ceux qui l’ont été [traduction] « ont été déformés ». Il ajoute que tous les témoins ont été intimidés par la direction de l’OPG, ce qui les a empêchés de dire la vérité, parce qu’ils craignaient de perdre leur emploi.

 

[60]           Malgré l’insatisfaction du demandeur devant toute cette procédure, le dossier révèle que sa plainte a fait l’objet d’une enquête, que ses témoins ont été interrogés, que la preuve médicale et d’autres preuves ont été examinées et que les commentaires mêmes du demandeur ont été pris en compte. La Cour ne dispose d’aucune preuve démontrant que les témoins ont été intimidés. En fait, le demandeur a déposé des affidavits supplémentaires de deux témoins dans le cadre de la présente demande. Aucun de ces témoins n’a affirmé avoir été intimidé ni n’a fourni de preuve compromettant la décision de la Commission.

 

[61]           Le demandeur n’a rien présenté à la Cour (dans ses observations tant écrites qu’orales) laissant entendre que la décision est déraisonnable ou que la Cour devrait intervenir pour une raison autre que ses propres assertions non prouvées. Les plaintes du demandeur ont fait l’objet d’une enquête, ses témoins ont été interrogés et il a eu amplement l’occasion d’exposer sa cause et de commenter le rapport. Évidemment, il n’aime pas la décision parce qu’elle le prive de prestations auxquelles il estime avoir droit. Cependant, il n’a présenté aucun motif qui puisse permettre à la Cour d’intervenir ou de conclure à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans la décision.

 

[62]           Dans la décision Lindo, au paragraphe 11, le juge Gibson a exposé la procédure requise pour assurer l’audition équitable d’une plainte déposée auprès de la Commission :

Selon les décisions Slattery c. Commission canadienne des droits de la personne et Miller c. Commission canadienne des droits de la personne et al. de notre Cour, le contenu de l’obligation d’équité à laquelle est tenue la Commission dans les cas comme celui-ci, est raisonnablement limité. L’enquête effectuée pour la Commission doit être juste et minutieuse; elle doit prendre en considération les intérêts respectifs des parties, et doit être neutre. Le rapport d’enquête doit être communiqué aux parties avant d’être soumis à la Commission, et celles-ci doivent se voir accorder la possibilité raisonnable de le commenter par écrit. Toute observation faite doit être transmise à la Commission pour examen en même temps que le rapport d’enquête lui-même.

 

[63]           La preuve dont je dispose montre que tout cela a été fait. Le demandeur a eu l’occasion de commenter et de critiquer le rapport qui a été remis à la Commission. Il n’aime pas le résultat de la décision mais cela ne la rend pas déraisonnable.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.      La demande est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse, l’Ontario Power Generation.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-717-07

 

INTITULÉ :                                       KRISTOFER DRAGUNOWSKI et

ONTARIO POWER GENERATION                     

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

KRISTOFER DRAGUNOWSKI

 

 

POUR LE DEMANDEUR

MELANIE D. MCNAUGHT

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

KRISTOFER DRAGUNOWSKI

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, C.R.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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