Ottawa (Ontario), le 13 février 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
AMIR HAMIT MAHAMAT
HAMIT MAHAMAT ADOUM
demandeurs
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R., 2001, ch. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), rendue le 24 avril 2008, selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la loi.
Question en litige
[2] Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas crédibles?
[3] Pour les raisons qui suivent la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[4] Les demandeurs sont citoyens du Tchad et craignent L'Agence Nationale de Sécurité (ANS) en raison de l'appartenance de leur frère au Mouvement Rebelle du Front Uni pour le Changement (FUC). Ils allèguent avoir une crainte bien-fondé de persécution en raison de leurs opinions politiques imputées.
[5] Lorsqu’il est question de crédibilité, d’invraisemblances et d’appréciation de la preuve, il est bien établi en vertu du paragraphe 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, que la Cour n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou si la décision est rendue sans égard à la preuve.
[6] Le tribunal est un tribunal spécialisé et ses conclusions en matière de crédibilité sont des questions de fait. La Cour ne devrait donc intervenir qu’en cas d’erreur manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), 42 A.C.W.S. (3d) 886).
[7] L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relève de la compétence du tribunal administratif qui a à apprécier l’allégation d’une crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1ère inst.), 83 A.C.W.S. (3d) 264 au paragraphe 14.
[8] Avant la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable dans des circonstances semblables était celle de la décision manifestement déraisonnable. Depuis, il s’agit de la décision raisonnable.
[9] Dans le cas sous espèce, les demandeurs prétendent que le tribunal n’a pas bien compris que leur père n’avait pas les moyens financiers de faire sortir tous ses fils du Cameroun en même temps et que les citoyens du Tchad sont recherchés au Cameroun, donc ils devaient nécessairement fuir. Le tribunal a cependant exprimé des doutes au sujet du retour facile des demandeurs au Tchad pour obtenir des documents de voyage afin de fuir vers le Canada. Le tribunal a considéré que ce retour était incompatible avec leur crainte de persécution (Caballero c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 154 N.R. 345 (C.A.F.), 41 A.C.W.S. (3d) 707). Cette conclusion, compte tenu de la preuve, n'est pas déraisonnable.
[10] Le tribunal a aussi relevé de l'incohérence dans les témoignages des demandeurs au sujet de la santé précaire de leurs frères qui étaient restés avec leur père au Cameroun. Le tribunal s'est interrogé sur la capacité du père vivant en clandestinité, de s'occuper à ce que ces derniers aient accès à des soins médicaux. Le tribunal en a tiré une inférence négative. Je ne crois pas que l'intervention de la Cour soit justifiée ici.
[11] Le tribunal est le mieux placé pour évaluer les explications fournies par les demandeurs au sujet des contradictions et invraisemblances apparentes. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement aux conclusions de fait tirées par le tribunal (Singh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 181, 146 A.C.W.S. (3d) 325 au paragraphe 36; Mavi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1 (QL)).
[12] Quant au fait que les demandeurs aient attendu quelque temps avant de quitter le Cameroun, il faut admettre qu’une telle attente ne veut pas toujours dire qu'il n'existe pas de crainte subjective de persécution. L'explication ici, soit la situation financière précaire du père, n'a pas été jugée suffisante par le tribunal et ce dernier pouvait légitimement en tirer des conclusions défavorables (Espinosa c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1324, 127 A.C.W.S. (3d) 329).
[13] Le tribunal a aussi trouvé invraisemblable que les trois demandeurs aient pu quitter leur pays sans difficulté alors qu'ils avaient déclaré être recherchés (voir dossier du tribunal, photocopies des passeports des demandeurs, pages 92 à 105).
[14] Je suis d'avis que la décision contestée ne peut pas être caractérisée de déraisonnable. La conclusion du tribunal peut-être considérée comme rationnelle et acceptable eu égard à la preuve soumise (Dunsmuir, ci-dessus au paragraphe 47).
[15] Les parties n'ont pas soulevé de questions à certifier et ce dossier ne contient aucune.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2408-08
INTITULÉ : ABOULAYE HABIB HAMIT MAHAMAT
AMIR HAMIT MAHAMAT
HAMIT MAHAMAT ADOUM
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 10 février 2009
ET JUGEMENT: Le juge Beaudry
DATE DES MOTIFS : le 13 février 2009
COMPARUTIONS :
Stéphanie Valois POUR LES DEMANDEURS
Thi My Dung Tran POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stéphanie Valois POUR LES DEMANDEURS
Montréal (Québec)
John Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)