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Date : 20081117

Dossier : IMM‑2113‑08

Référence : 2008 CF 1282

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

JUAN DAVID RUIZ CASTRO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur Juan David Ruiz Castro sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 16 avril 2008, qui lui a refusé la qualité de réfugié au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger.

 

I.          Points litigieux

[2]               Le demandeur soulève les points suivants :

1.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans sa manière d’interpréter l’article 96 de la Loi, lorsqu’elle a dit que le cas du demandeur n’est pas rattaché à la race, à la nationalité, à la religion, à des opinions politiques réelles ou supposées ni à un autre motif visé par la Convention, et qu’il n’est donc pas un réfugié au sens de la Convention?

2.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en disant que le demandeur dispose d’une possibilité de refuge intérieur?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

II.        Contexte

[4]               Le demandeur, un Mexicain âgé de 29 ans, voulait obtenir l’asile au Canada après avoir échappé à une bande criminelle qui s’adonnait au blanchiment d’argent.

 

[5]               Le demandeur, un entrepreneur autonome, a été embauché par une société appelée Mr. Money, laquelle est propriétaire d’une chaîne de commerces de prêts sur gages dans tout le Mexique. Il devait faire un audit de leurs activités afin d’analyser les prêts soupçonnés d’être entachés de fraude. Alors qu’il vérifiait les pratiques comptables de Mr. Money, le demandeur est tombé par hasard sur des documents qui montraient que certains employés de la société se livraient au blanchiment illégal d’argent. Les biens de consommation remis à l’établissement en échange d’argent étaient surévalués et vendus aux enchères, et les bénéfices excédentaires étaient distribués aux membres d’une bande criminelle.

 

[6]               En août 2005, le demandeur a alerté M. Hugh Salazar, qui était le chef du personnel d’encadrement de Mr. Money. M. Salazar lui a promis qu’il examinerait la situation, mais il ne l’a jamais fait.

 

[7]               Le demandeur a alors commencé de recevoir des appels téléphoniques anonymes chez lui et au travail, appels où on le priait de se départir de toute l’information en sa possession sur l’escroquerie qu’il avait découverte, sans quoi lui et sa famille seraient éliminés. Le demandeur a reçu plus de 50 appels de cette nature entre août et septembre 2005. Il a plus tard signalé l’affaire à la police, qui s’engagea à examiner plus avant la situation.

 

[8]               M. Salazar fut sommé de s’expliquer devant la police, mais il ne s’est jamais présenté. Le demandeur s’est plaint à nouveau auprès de la police parce qu’il continuait de recevoir des menaces par téléphone, mais aucune mesure concrète ne fut prise. Un jour, un policier de haut rang a conseillé au demandeur de mettre fin à ses plaintes parce que les gens à qui il avait affaire étaient trop puissants et trop dangereux pour qu’il s’en prenne à eux.

 

[9]               Le demandeur décida de s’installer à San Andres, Tuxtla, où lui et sa famille pouvaient être en sécurité. Cependant, il fut retrouvé à cet endroit et continua d’y recevoir des menaces de mort. Un jour, il fut mis à rançon à la pointe du fusil, et l’homme exigea qu’il lui remette les documents portant sur son enquête. Le demandeur pria sa secrétaire d’apporter l’information sur des disques compacts, qui furent remis au bandit armé.

 

[10]           Le demandeur est arrivé au Canada en novembre 2006, mais on lui a dit qu’il ne pouvait y rester parce qu’il serait détenu durant une longue période avant que son cas ne soit instruit s’il présentait une demande d’asile, et il est donc retourné au Mexique sans demander l’asile.

 

[11]           Une fois de retour au Mexique, il s’est rendu au cabinet du procureur général pour y laisser tous les documents et renseignements en sa possession. Plus tard, il dut à nouveau affronter un bandit armé, mais cette fois, la bande criminelle exigeait qu’il mêle son entreprise aux opérations de blanchiment d’argent puisqu’il était au courant des secrets de la bande.

 

[12]           À la suite de cet événement, le demandeur a estimé qu’il n’avait d’autre choix que de quitter le Mexique. Il a pris des dispositions pour donner l’impression qu’il se séparait de son épouse. Ses filles sont allées vivre chez sa mère, et son épouse est retournée vivre chez ses parents à elle. Le demandeur est arrivé au Canada le 26 janvier 2007, et il a présenté une demande d’asile le même jour.

 

III.       La décision contestée

[13]           S’agissant du premier point, la Commission a estimé que la crainte du demandeur n’était pas rattachée à la race, à la nationalité, à la religion, à des opinions politiques réelles ou supposées ni à un autre motif visé par la Convention.

 

[14]           Le demandeur disait qu’il craignait d’être persécuté par un groupe d’individus formant une bande criminelle organisée, et cela parce qu’il avait découvert leurs activités de blanchiment d’argent. La Commission a conclu que le demandeur était une victime d’activités criminelles et que cela ne lui permettait pas d’invoquer une crainte rattachée à un motif visé par la Convention.

 

[15]           S’agissant du deuxième point, la Commission a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, le demandeur pouvait vivre en sécurité à Mexico ou à Guadalajara sans être persécuté. C’est au demandeur qu’il appartient de prouver que la persécution est à craindre dans tout le pays, et plus précisément dans la région désignée comme possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

[16]           La Commission a conclu qu’une PRI s’offrait au demandeur, à Guadalajara, une ville peuplée de 1,8 million d’habitants, qui a la faveur des touristes étrangers, offrant ainsi un climat propice à la lutte contre la criminalité de manière à garantir un tourisme florissant. La Commission a jugé aussi qu’il était improbable que le demandeur soit recherché à Guadalajara et que, même s’il y était découvert, il pourrait obtenir rapidement une protection policière; il ne semblait pas non plus qu’il y avait à Guadalajara un établissement Mr. Money.

 

[17]           La Commission a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, le demandeur ne serait pas exposé à une menace à sa vie, ni à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner au Mexique, et elle a rejeté sa demande d’asile.

 

IV.       Analyse

A.        Norme de contrôle

[18]           S’agissant du premier point, le demandeur dit que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si la Commission a mal interprété l’article 96 de la Loi pour arriver à sa conclusion est celle de la décision correcte (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100, paragraphe 37). La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la manière dont un décideur a interprété une loi est la norme de la décision correcte (Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 95 A.C.W.S. (3d) 719 (C.F. 1re inst.), [2000] A.C.F. n° 300 (QL)).

 

[19]           Avant l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle à appliquer à une demande de contrôle judiciaire portant sur l’existence d’une PRI était, selon la jurisprudence et après analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 44, 136 A.C.W.S. (3d) 912, et Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, 238 F.T.R. 289).

 

[20]           Après l’arrêt Dunsmuir, la question de savoir s’il existe ou non une PRI doit toujours appeler la retenue de la Cour, et c’est une question qui est donc révisable d’après la nouvelle norme de la décision raisonnable. Par conséquent, la Cour n’interviendra dans la décision de la Commission que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47). Pour qu’une décision soit raisonnable, elle doit pouvoir se justifier, et le processus décisionnel doit être transparent et intelligible.

 

1. La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans sa manière d’interpréter l’article 96 de la Loi, en disant que le cas du demandeur n’est pas rattaché à la race, à la nationalité, à la religion, à des opinions politiques réelles ou supposées ni à un autre motif visé par la Convention, et que, par conséquent, il n’est pas un réfugié au sens de la Convention?

 

[21]           Dans ses observations écrites, le demandeur dit que, pour pouvoir être considéré comme un réfugié au sens de la Convention, selon ce que prévoit l’article 96 de la Loi, la norme de preuve à laquelle il doit satisfaire est moins exigeante que la prépondérance des probabilités, mais dépasse la simple possibilité de persécution après son retour dans son pays d’origine (Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, paragraphe 120; Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.F.)). La preuve ne doit pas nécessairement établir qu’il a subi ou subirait une persécution; elle doit montrer qu’il a de bonnes raisons de craindre la persécution (Seifu c. Canada (Commission d’appel de l’immigration), [1983] A.C.F. n° 34 (C.A.F.) (QL)). Le demandeur croit qu’il a davantage qu’une crainte raisonnable de risque imminent en cas de retour au Mexique.

 

[22]           Selon le demandeur, l’interprétation que donne la Commission de l’article 96 de la Loi, une interprétation qui l’exclut de toute protection parce que sa crainte n’est pas rattachée à un motif visé par la Convention, a pour effet d’exclure les demandeurs qui craignent la persécution ou qui sont exposés à la torture ou à des traitements cruels et inusités, dès lors qu’il n’y a pas de lien entre leurs demandes d’asile et l’un des motifs visés par la Convention. La décision de la Commission est donc fondée sur une interprétation erronée et trompeuse des faits, et repose sur une conclusion tirée de façon abusive ou arbitraire ou au mépris des éléments dont elle disposait.

 

[23]           Le défendeur fait valoir que la question de savoir s’il existe un lien entre le préjudice allégué et la définition de « réfugié au sens de la Convention » est une question de fait qui relève du champ d’expertise de la Commission. Rien ne prouve que la Commission a tiré sa conclusion d’une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments qu’elle avait devant elle, au point d’obliger la Cour à intervenir (Mia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 94 A.C.W.S. (3d) 970, [2000] A.C.F. n° 120 (C.F. 1re inst.) (QL); Lara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 86 A.C.W.S. (3d) 950, [1999] A.C.F. n° 264 (C.F. 1re inst.) (QL), paragraphe 16).

 

[24]           Selon le défendeur, la Cour a jugé que la situation des victimes d’actes criminels ne présente pas nécessairement de lien avec l’un des motifs visés par la Convention (Rawji c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 87 F.T.R. 166, 51 A.C.W.S. (3d) 1143 (C.F. 1re inst.); Mousavi‑Samani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 74 A.C.W.S. (3d) 655, [1997] A.C.F. n° 1267 (C.F. 1re inst.) (QL)), et le principe selon lequel la crainte de représailles criminelles ou d’une vengeance personnelle ne constitue pas une persécution fondée sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions politiques est bien établi (Suarez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 64 A.C.W.S. (3d) 1196, [1996] A.C.F. n° 1036 (C.F. 1re inst.) (QL); Marincas c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. n° 1254 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[25]           Il est admis en droit que, pour qu’une demande d’asile soit admise en vertu de l’article 96 de la Loi, le demandeur d’asile ne peut pas se limiter à montrer qu’il a subi ou qu’il subira une persécution dans son pays d’origine. Cette persécution doit également être rattachée à l’un des motifs visés par la Convention indiqués dans la définition de « réfugié », en application du paragraphe 2(1) de la Loi. Comme l’expliquait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 61 :

[…] les rédacteurs de la Convention ont limité les motifs énumérés de crainte justifiée de persécution à la race, à la religion, à la nationalité, à l’appartenance à un groupe social ou aux opinions politiques. Même si les délégués ont inclus la catégorie du groupe social afin de combler toute lacune possible laissée par les quatre autres groupes, cela n’amène pas nécessairement à conclure que toute association ayant certains points en commun est incluse. Si c’était le cas, il aurait été inutile d’énumérer ces motifs; la définition du mot « réfugié » aurait pu être limitée sans plus aux personnes qui craignent avec raison d’être persécutées. Les rédacteurs ont décidé d’énumérer ces motifs afin de fixer une autre limite intrinsèque aux obligations des États signataires. […]

 

[26]           Le demandeur prétend qu’il a de bonnes raisons de craindre un groupe d’individus impliqués dans le blanchiment d’argent, et cela parce qu’il est victime d’actes criminels. Ce motif n’entre pas dans l’une des catégories énumérées de la définition de « réfugié au sens de la Convention », et la décision de la Commission sur ce point est donc raisonnable.

 

2. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en disant que le demandeur dispose d’une possibilité de refuge intérieur?

 

[27]           Le demandeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle il pourrait obtenir de l’État une protection s’il allait s’installer à Guadalajara est manifestement déraisonnable. La Commission dit que la PRI retenue est une destination touristique, ce qui suppose une surveillance accrue de la police dans cette ville, mais c’est là une conclusion fautive qui ne saurait être confirmée, surtout compte tenu de la situation actuelle qui règne au Mexique, où des touristes ont été victimes d’actes criminels, certains ayant même disparu.

 

[28]           Selon le défendeur, le demandeur voudrait que la Cour admette d’office qu’il y a eu augmentation de la criminalité au Mexique, ce qui ferait de ce pays un endroit dangereux pour n’importe qui. Il peut être pris connaissance d’office de tout fait qui est connu ou admis d’une manière si générale qu’il ne saurait être raisonnablement mis en doute, ou de tout fait que l’on peut aisément confirmer ou vérifier en recourant à des sources dont l’exactitude ne saurait être raisonnablement mise en doute (R. c. Potts (1982), 36 O.R. (2d) 195, 66 C.C.C. (2d) 219 (C.A. Ont.).

 

[29]           Selon le défendeur, il est inopportun pour le demandeur, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, d’ajouter au dossier des preuves ou un témoignage portant sur les conditions qui régnent au Mexique (Lemiecha (Tuteur à l’instance de) c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 72 F.T.R. 49 (C.F. 1re inst.). Le demandeur n’a pas montré que l’information à laquelle il fait allusion concernant la situation générale au Mexique répond aux conditions requises pour que la Cour admette d’office cette information dans la présente affaire.

 

[30]           Le contrôle judiciaire d’une décision d’un tribunal administratif doit se faire en fonction de la preuve que le décideur avait devant lui. L’information qui apparaît dans le mémoire du demandeur et qui concerne un accroissement de la violence au Mexique au cours des dernières années ne figurait pas dans la preuve que le décideur avait devant lui.

 

[31]           Le demandeur croit que la Commission lui a imposé un fardeau excessif en s’attendant à ce qu’il obtienne de l’État une protection en dépit du climat de corruption des forces policières, qui par deux fois n’ont pu lui venir en aide. Le demandeur invoque la décision Franklyn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1249, 142 A.C.W.S. (3d) 308, affirmant qu’il est déraisonnable pour la Commission d’espérer de lui qu’il s’efforce encore une fois d’obtenir de l’État une protection après avoir essuyé une rebuffade ou avoir été ignoré.

 

[32]           Le défendeur dit que, pour réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État dans un pays démocratique comme le Mexique, le demandeur ne peut pas se limiter à prouver qu’il s’est adressé à la police locale ou à un policier en particulier pour obtenir une protection et qu’aucune aide véritable ou effective ne lui a été apportée. Dans les États démocratiques, les insuffisances occasionnelles des services policiers ne suffisent pas à établir que la protection offerte par l’État est inexistante. Le demandeur doit montrer qu’il a épuisé tous les recours raisonnables à sa disposition et qu’aucune aide ne lui a été apportée (N.K. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 206 N.R. 272, 143 D.L.R. (4th) 532) (C.A.F.)). Le défendeur invoque aussi l’arrêt rendu dans les causes Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) et Hughey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] A.C.F. n° 584, où la Cour d’appel fédérale écrivait ce qui suit, au paragraphe 44 :

Pour réfuter cette présomption, « il faut confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection » : Ward, à la page 724.

 

[33]           La Commission a fait observer à juste titre que le demandeur n’avait pas apporté une preuve convaincante appuyant son affirmation selon laquelle la police mexicaine est corrompue dans tout le pays. Le demandeur n’a pas montré qu’il avait épuisé tous les moyens raisonnables à sa disposition.

 

[34]           Le demandeur fait aussi valoir que la Commission n’a pas suffisamment examiné sa crainte particulière résultant de ses liens avec la bande criminelle au Mexique, ni les dangers ou conséquences qui découlent de ces liens du fait qu’il s’agit d’une bande perfectionnée qui n’abandonnera pas tant qu’elle n’aura pas trouvé le demandeur, vu qu’il détient une information qui a pour elle beaucoup de valeur. Le demandeur invoque le jugement Jawaid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 220, 122 A.C.W.S. (3d) 753, et il dit que ce genre d’erreur justifie l’intervention de la Cour.

 

[35]           Le défendeur soutient que, puisque le demandeur savait que Mr. Money n’avait pas d’établissements dans la ville de Guadalajara, il était raisonnable pour la Commission d’en déduire, se fondant sur le témoignage du demandeur, qu’il y avait des limites au pouvoir et à l’influence qu’exerçait la bande criminelle par l’entremise du réseau d’établissements Mr. Money au Mexique.

 

[36]           Finalement, le demandeur dit que la Commission a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte des circonstances particulières de la présente affaire et parce qu’elle a dit que, puisque sa famille vit au Mexique et qu’elle n’a pas été menacée, il est raisonnable de présumer que lui‑même pourrait habiter à Mexico ou à Guadalajara en toute sécurité.

 

[37]           Le défendeur affirme que, lorsqu’elle s’est demandé s’il existait à Guadalajara une PRI viable pour le demandeur, la Commission était fondée, après examen de l’ensemble de la preuve, à préférer une preuve objective et digne de foi concernant les conditions ayant cours dans la ville de Guadalajara, plutôt que le témoignage du demandeur, un témoignage non étayé et fondé sur des conjectures (Zvonov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 83 F.T.R. 138, 49 A.C.W.S. (3d) 573 (C.F. 1re inst.); Pacasum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 822, [2008] A.C.F. n° 1024 (QL), paragraphe 29).

 

[38]           Le défendeur explique que le critère qui permettrait d’affirmer que la PRI proposée est déraisonnable est un critère très rigoureux n’exigeant rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur au moment de sa réinstallation dans un lieu sûr (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.F.)). Le demandeur doit apporter la preuve réelle et concrète de conditions adverses et, dans la présente affaire, il ne s’est pas acquitté de l’obligation d’apporter cette preuve et n’a pas montré que la Commission a laissé de côté ou mal interprété une preuve, qu’elle a mal appliqué le critère juridique dans son analyse de la PRI ou qu’elle a tiré des conclusions abusives ou arbitraires.

 

[39]           La Commission a fait observer que le demandeur n’avait pu apporter aucune preuve concernant la présumée bande qui l’avait ciblé. Le demandeur affirmait que la bande exerçait une influence partout au Mexique, mais il n’existe aucune preuve convaincante appuyant ses dires. D’ailleurs, la famille du demandeur vit encore au Mexique, et il n’est pas établi que, depuis que le demandeur a quitté le Mexique, sa famille a été inquiétée par les auteurs des actes de blanchiment d’argent.

 

[40]           Je suis d’avis que la Commission n’a pas commis d’erreur. Il était loisible à la Commission de conclure que le demandeur ne serait pas exposé à un risque s’il se réinstallait avec sa famille à Guadalajara. Cette conclusion est fondée et justifiée par les motifs de la Commission.

 

[41]           Les parties n’ont pas proposé qu’une question soit certifiée, et aucune question du genre ne se pose ici.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2113‑08

 

INTITULÉ :                                       JUAN DAVID RUIZ CASTRO

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 OCTOBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 17 NOVEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bola Adetunji                                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Espejo Clarke                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bola Adetunji                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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