OTTAWA (Ontario), le 11 février 2009
En présence de L'honorable Louis S. Tannenbaum
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Je suis saisi d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi), de la décision d’un agent d’immigration datée du 14 février 2008, par laquelle la demande de résidence permanente basée sur des considérations humanitaires de la demanderesse fut refusée.
[2] La demanderesse, Stephanie Mu Wong, est citoyenne française et a habité la Polynésie française, plus particulièrement Tahiti, avant son entrée au Canada.
[3] Elle est arrivée au Canada le 31 août 2006, ayant auparavant visité à quatre reprises le père de son enfant, M. Kolobay Twanga. Le 9 novembre 2006, la demanderesse donne naissance au Canada à son troisième enfant, une fille nommée Tikahana Sofia Twanga. M. Twanga serait le père de deux des enfants de Mme Wong.
[4] Le père de l’enfant, Kolobay Twanga, est citoyen du Congo. Il est prêtre dans l’Église catholique et est présentement au Canada comme étudiant au doctorat à l’Université de Sherbrooke. M. Twanga ne détient qu’un visa de résidence temporaire pour le Canada.
[5] La demanderesse dit qu’elle s’est séparée de M. Twanga en raison du fait qu’il était abusif.
[6] Le 14 novembre 2007, la demanderesse fait une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Dans sa demande, elle allègue qu’il est dans l’intérêt supérieur de sa fille de rester au Canada pour qu’elle puisse maintenir une relation avec son père et pour avoir une meilleure vie matérielle.
[7] Le 13 février 2008, l’agente d’immigration a appelé la demanderesse pour confirmer quelques points dans son dossier. Durant cette conversation, la demanderesse a expliqué qu’elle avait eu une audience de garde la journée même et que le père de l’enfant n’avait pas vu sa fille depuis plus d’un an.
[8] La demanderesse allègue qu’elle croyait que cet appel téléphonique visait une « petite mise à jour de certaines questions » et explique qu’elle « n’était pas préparée à une entrevue finale pour la détermination de [son] dossier ».
[9] Elle explique qu’elle n’a pas eu l’opportunité de déposer des documents supplémentaires ou l’occasion de communiquer avec son avocat avant que l’agent d’immigration rende sa décision le 14 février 2008.
[10] Le 15 juin 2008, la Cour supérieure de l’Ontario (Cour de la famille) a émis une ordonnance confirmant que la demanderesse a la garde temporaire de sa fille et que cette garde lui permet de voyager à l’étranger. De plus, l’ordonnance a donné à M. Twanga le droit de visite supervisée avec sa fille.
[11] La question centrale dans cette révision judiciaire est à savoir si l’agent d’immigration a violé le droit à l’équité procédurale de la demanderesse en l’interviewant sans la présence de son avocat et en omettant de demander des documents supplémentaires.
[12] Cette Cour doit également déterminer si l’agent d’immigration a erré en concluant qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour accorder un visa de résidente permanente à la demanderesse.
[13] La demanderesse prétend que l’agent d’immigration aurait violé son droit à l’équité procédurale lors de l’entrevue téléphonique du fait qu’elle n’avait pas l’occasion d’avoir son avocat présent et que l’information relatée durant cette entrevue était de nature primordiale à l’évaluation de son dossier. Elle souligne que, malgré le fait qu’elle aurait indiqué à l’agent d’immigration qu’une procédure en cour familiale avait été initiée, ce dernier n’a pas cru bon de demander une copie de l’ordonnance et de s’enquérir sur la nature de la procédure. Par conséquent, la demanderesse est d’avis que son droit d’équité a été violé et que son représentant aurait insisté pour fournir ces documents avant qu’une décision soit prise.
[14] Le défendeur soutient que l’ordonnance du 13 février 2008 n’aurait pas eu d’influence déterminative quant à la décision de l’agent d’immigration. L’ordonnance est relative à deux requêtes qui ont été déposées par M. Twanga : la première demande que la Cour ajoute sa sœur comme partie à la procédure relative à la garde de l’enfant; et la deuxième a pour but de permettre que M. Twanga puisse avoir des visites supervisées avec sa fille chez sa sœur.
[15] Je souligne toutefois que M. Twanga a tenté par voie de requête à la Cour supérieure de l’Ontario (cour de la famille) d’attribuer ses droits parentaux à sa sœur. Il est également important de souligner que la demanderesse affirme que M. Twanga a eu très peu d’entretiens avec l’enfant depuis sa naissance et que c’est par le biais d’une requête qu’il tente d’établir son droit de visite avec sa fille.
[16] L’agent d’immigration note dans ses motifs qu’il serait raisonnable de croire qu’avec son éducation et son expérience professionnelle, la demanderesse serait en mesure de subvenir aux besoins de ses trois enfants à l’étranger. De plus, elle souligne qu’il est raisonnable de croire que le père pourrait payer une pension alimentaire à sa fille même si elle habite avec sa mère à l’étranger.
[17] Lors de l’entrevue et selon les notes de l’agent, la demanderesse indique : « j’allais quittée [sic] le Canada une fois que ma fille est née; mais le père de ma fille ne voulais me donner permission de prendre ma fille ». (Dossier du Tribunal, p. 17)
[18] Pour tous ces motifs, je trouve que la décision de l’agent d’immigration est raisonnable. Malgré la prétention de la demanderesse, je ne crois pas qu’il y a eu un bris de son droit d’équité procédurale. Je trouve que les motifs de l’agent démontrent qu’elle avait pris connaissance des procédures devant la Cour supérieure de l’Ontario de sorte qu’une preuve additionnelle n’était pas nécessaire afin de prendre sa décision.
[19] La demande de résidence permanente de la demanderesse se fonde principalement sur le fait que la demanderesse croit qu’il est dans l’intérêt supérieur de sa fille qu’elle reste au Canada. Lorsqu’un enfant est touché par une décision, un agent d’immigration est juridiquement tenu de se montrer « réceptif, attentif, et sensible » à l’intérêt supérieur de cet enfant.
[20] La demanderesse affirme qu’elle a quitté M. Twanga car il l’aurait abusé. Elle explique que M. Twanga a tenté par voie de requête à la Cour supérieure de l’Ontario (cour de la famille) d’attribuer ses droits parentaux à sa sœur et que celui-ci a eu très peu d’entretiens avec l’enfant depuis sa naissance et que c’est par le biais d’une requête qu’il tente d’établir son droit de visite avec sa fille.
[21] Depuis son entrée au Canada la demanderesse n’a pas travaillé, elle reçoit présentement l’assistance sociale afin de subvenir à ses besoins. Elle détient toutefois une formation de professeur de français.
[22] En rejetant la demande, l’agent d’immigration a considéré les éléments suivant :
a. le fait que la demanderesse allègue que le père de sa fille était abusif;
b. la fille de la demanderesse avait 1 an et 3 mois lorsque la décision a été prise;
c. la preuve produite n’était pas suffisante pour établir que l’enfant avait une relation avec son père, en fait la preuve démontre que l’enfant n’avait pas eu de contact avec son père pour plus d’un an;
d. la demanderesse détient la garde temporaire de l’enfant et a la permission de voyager à l’extérieur du Canada avec celle-ci;
e. le père ne désire pas obtenir la garde de sa fille;
f. le père désire que sa fille soit adoptée par sa sœur (la tante de l’enfant);
g. la demanderesse est éduquée et a de nombreuses opportunités d’emploi en France;
h. la demanderesse a la capacité de supporter sa fille si elle vivait à l’étranger;
i. l’enfant pourrait obtenir la citoyenneté française si elle retourne en France avec sa mère;
j. il est raisonnable de croire que l’enfant pourrait visiter son père et que celui-ci pourrait également la visiter même si elle vit à l’étranger.
[23] Compte tenu des éléments considérés par l’agent d’immigration, il est évident que l’intérêt de l’enfant a été examiné et que l’agent a été « réceptif, attentif et sensible ». La décision de l’agent appartient donc aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, je suis satisfait que la décision est raisonnable et que l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.
JUGEMENT
Pour les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été soumise pour certification.
Juge suppléant
AUTORITÉS CONSIDÉRÉES PAR LA COUR
- Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 FC 429
- Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 165
- Abu Laban v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 661
- Alexander c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1147
- Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 985
- Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817
- Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9
- Hawthorne c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CAF 475
- Legault c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CAF 125
- Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1327
- Spencer v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 990
- Thompson-Blake c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 572
- Zambrano v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 481
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1001-08
INTITULÉ : Stephanie Mu-Wong v. Le Ministère de l’immigration et de la Citoyenneté
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Ontario
DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 décembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT : TANNENBAUM J.S.
DATE DES MOTIFS : Le 11 février 2009
COMPARUTIONS :
Me Négar Achtari
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POUR LA DEMANDERESSE |
Me Talitha A. Nabbali
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Négar Achtari Avocate & notaire 24 Bayswater Avenue Ottawa, Ontario
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POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |