Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2009
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Le présent contrôle judiciaire porte sur une décision par laquelle Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté la demande du demandeur fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH).
II. CONTEXTE
[2] Le demandeur est citoyen du Portugal, dans le milieu de la cinquantaine, qui vit au Canada depuis dix ans avec sa mère, citoyenne canadienne.
[3] Le demandeur a deux sœurs et un frère, et aussi une tante au Portugal. Il vivait avec sa tante avant de venir au Canada. Son père est décédé.
[4] À l’appui de sa demande CH, le demandeur a invoqué ses problèmes de santé, à savoir troubles schizoaffectifs, troubles de l’œsophage de Barrett, emphysème et stéatose hépatique. C’est sa mère qui lui apporte le soutien financier, médical et affectif qui lui est nécessaire. Ses problèmes médicaux et le soutien apporté par sa mère constituent les motifs principaux de sa demande CH.
[5] Le demandeur est entré au Canada muni d’un visa de visiteur le 26 février 1998, et ce visa a été prolongé à de nombreuses reprises jusqu’au 27 novembre 1999. Par la suite, le demandeur est demeuré au Canada sans statut.
[6] Dans la décision de CIC, l’agent a reconnu et exposé les nombreux problèmes de santé du demandeur, et il a admis que le demandeur dépend du soutien financier, médical et affectif de sa mère. Il a en outre reconnu que le demandeur ne peut pas travailler. Les problèmes de santé du demandeur ont été confirmés dans l’évaluation d’un médecin de famille qui indiquait que l’état de santé du demandeur se détériorerait rapidement sans le soutien de sa mère.
[7] L’agent a reconnu qu’il serait préférable que le demandeur habite avec un membre de la famille. Il a également reconnu que ses deux sœurs au Portugal n’étaient pas en mesure de lui fournir un hébergement ou autre soutien, et que sa mère, d’âge avancé, pourrait avoir besoin d’aide pour continuer de lui prodiguer les types de soins qui lui sont nécessaires.
[8] L’agent a conclu que le demandeur avait suffisamment de liens au Portugal et qu’il recevrait suffisamment de soins médicaux de manière à ne pas subir de difficultés injustifiées ou excessives du fait de son renvoi. Enfin, l’agent a considéré la décision du demandeur de demeurer au Canada après l’expiration de son visa comme un « facteur très négatif ».
III. ANALYSE
[9] Je souscris au raisonnement de la juge Dawson dans l’affaire Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, en concluant que la norme de contrôle applicable à une décision CH est celle de la décision raisonnable, laquelle appelle une retenue. On reconnaît ainsi que la décision doit être raisonnable, qu’elle comporte un élément discrétionnaire important et qu’elle est en grande partie fondée sur les faits.
[10] Cette décision porte principalement sur la charge de la preuve qui incombe à un demandeur. Le motif à l’origine de la décision défavorable est l’omission du demandeur de s’acquitter de la charge de la preuve à l’égard des éléments essentiels de la demande.
[11] Le demandeur a allégué qu’un bon nombre des conclusions de l’agent reposaient sur des conjectures, notamment la capacité du Portugal d’offrir des soins médicaux et la présence d’un ou plusieurs membres de la famille au Portugal susceptibles de lui apporter un soutien financier et affectif. Le demandeur a aussi remis en question la conclusion de l’agent selon laquelle sa mère pourrait avoir besoin d’aide pour continuer de lui prodiguer des soins dans l’avenir.
[12] Les éléments conjecturaux de la décision découlent de l’omission du demandeur de produire une preuve contraire, comme il était tenu de faire. Lorsqu’il a conclu que le Portugal serait en mesure de fournir des soins médicaux, l’agent a sans aucun doute pris connaissance d’office du fait que le Portugal est membre de l’UE et qu’il est donc doté d’un système médical raisonnable. Le demandeur admet ne pas avoir fourni de preuve pour démontrer que les soins médicaux qui lui sont nécessaires n’étaient pas offerts au Portugal. Même s’il aurait pu être préférable que l’agent déclare tout simplement que le demandeur n’avait pas réussi à s’acquitter de la charge de la preuve à l’égard de cette question, la conclusion selon laquelle le Portugal, selon la prépondérance de la preuve, était en mesure de fournir des soins médicaux n’était pas déraisonnable.
[13] En ce qui concerne l’existence d’un soutien familial, le demandeur n’a pas fourni de preuve pour démontrer qu’aucun membre de la famille au Portugal n’était en mesure de lui apporter du soutien. L’agent a reconnu que ses deux sœurs n’étaient pas en mesure de lui fournir un hébergement ou autre soutien. Cependant, en l’absence de preuve sur l’incapacité des deux autres membres de la famille de lui apporter du soutien, l’agent a conclu que certains types de soutien pouvaient être fournis par l’un ou plusieurs des membres de la famille. L’agent a fondé sa conclusion non seulement sur le soutien offert par le frère du demandeur, mais également sur celui offert par sa tante chez qui il avait vécu avant son arrivée au Canada. Encore une fois, si l’agent avait déclaré tout simplement que rien dans la preuve ne permettait d’établir que certains membres de la famille ne seraient pas en mesure de s’occuper du demandeur, ce dernier n’aurait pas pu contester quoi que ce soit. Compte tenu de la preuve produite par le demandeur en l’espèce et de celle qui est absente, la conclusion de l’agent sur ce point était raisonnable.
[14] La conclusion de l’agent portant que la mère du demandeur pourrait avoir besoin d’aide dans l’avenir était une conclusion qui découlait logiquement de son âge et du contexte. Bien qu’elle puisse être quelque peu conjecturale, la décision n’est pas déraisonnable et ne porte pas un coup fatal à la présente instance.
[15] Le demandeur a également fait valoir que l’agent n’a pas saisi ou bien compris la nature de la preuve médicale. Cette preuve indiquait que le demandeur avait besoin à la fois de soins médicaux et des soins de sa mère pour prévenir la détérioration de sa santé.
[16] Le problème que pose la preuve médicale est qu’elle ne précise pas la nature des problèmes de santé ni le pronostic de traitement ou de contrôle. Elle n’indique également d’aucune façon les possibilités de traitements médicaux au Portugal ou de soutien par des membres de la famille proche comme ses frères et sa tante au lieu de sa mère. En conclusion, on indique que la situation actuelle est la meilleure, sans mentionner aucune solution de remplacement.
[17] Ainsi, il est inexact d’affirmer que l’agent n’a pas saisi la nature et la portée de la preuve médicale. Cette preuve médicale était insuffisante à l’égard de certains éléments essentiels de la demande CH.
[18] Enfin, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en accordant trop d’importance au long séjour illégal du demandeur au Canada. Bien que l’agent ait exagéré l’importance de la durée de la période, le sens véritable du commentaire de l’agent est que la durée de la période au Canada ne peut servir de fondement à une demande CH dans les circonstances. Même si, selon moi, l’expression qui décrit la durée de la période comme un « facteur très négatif » est erronée et regrettable, je ne vois rien de mal dans la conclusion finale.
[19] À mon avis, la conclusion quant à la durée de la période au Canada, dans la mesure où elle peut être contestable, n’est pas déterminante pour la décision. Elle ne constituait manifestement pas une partie essentielle de l’analyse de l’agent.
[20] La décision, lue dans son ensemble, est raisonnable à l’égard de tous ses éléments constitutifs importants et de sa conclusion.
IV. CONCLUSION
[21] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2737-08
INTITULÉ : ANTONIO PAULO DEL MELO GOMES
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 janvier 2009
DATE DES MOTIFS : Le 29 janvier 2009
COMPARUTIONS :
Ronald Shacter
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Jocelyn Espejo Clarke
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ronald Shacter Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |