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Date : 20090129

Dossier : T-2009-07

Référence : 2009 CF 97

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION                                                                                             DE DOCUMENTS PRIVÉS (SCPCP)

 

demanderesse

 

et

 

 

RED COAST IMPORTS INC.

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Red Coast Imports Inc. (Red Coast) d’une décision du 26 novembre 2008 de la protonotaire Milczynski (la protonotaire) visant à radier son mémoire de défense conformément aux articles 97 et 227 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), et à obtenir des redressements accessoires et des dépens.

 

[2]               L’article 97 des Règles permet à la Cour d’ordonner la radiation d’un acte de procédure ou le rejet de l’instance lorsqu’une personne ne se présente pas à un interrogatoire oral ou refuse de produire un document demandé. L’article 227 des Règles donne également à la Cour le pouvoir d’ordonner la radiation d’un acte de procédure lorsqu’une partie ne présente pas un affidavit de documents exact.

 

Faits

[3]               Le 18 novembre 2008, la Société canadienne de perception de documents privés (SCPCP) a intenté une action devant la Cour en alléguant que Red Coast n’avait pas déclaré et payé à la SCPCP les redevances de copie privée certifiées par la Commission du droit d’auteur du Canada (la Commission), de la manière prévue par la Loi sur le droit d’auteur (la Loi) en raison de la fabrication ou de l’importation au Canada et de la vente ou autre aliénation par la défenderesse au Canada de supports audio vierges (bandes vierges) et cela pour une période commençant le 18 décembre 1999. La SCPCP a également demandé le paiement de la pénalité prévue par la loi, une comptabilité et des pouvoirs d’audit.

 

[4]               Le 7 janvier 2008, Red Coast a présenté son mémoire de défense. La SCPCP n’a pas déposé de réponse.

 

[5]               Le 10 avril 2008, la SCPCP a déposé et signifié son affidavit des documents et a demandé des renseignements à l’avocat de Red Coast au sujet de la disponibilité de son client pour l’interrogatoire préalable. Des conversations téléphoniques ont eu lieu entre les avocats. L’avocate de la SCPCP s’est enquise en avril/mai 2008 du moment auquel elle devrait recevoir l’affidavit des documents de la défenderesse dont la présentation a été retardée parce que le directeur de Red Coast était souvent à l’extérieur du pays en 2008. Selon le dossier, Monsieur Aminzada, le directeur de Red Coast, devait être de retour au Canada le 16 mai 2008.

 

[6]               Le 20 juin 2008, puisque la SCPCP n’a pas eu d’autres nouvelles de la défenderesse, elle a signifié et déposé une requête pour obliger la défenderesse à déposer un affidavit des documents et elle a demandé les dates d’interrogatoire préalable pour juillet et août 2008.

 

[7]               Le 7 juillet 2008, la protonotaire Morneau a rendu une ordonnance obligeant la défenderesse à [traduction] « présenter un affidavit des documents exact et complet dans les dix (10) jours suivant la présente ordonnance ». Selon cette ordonnance, Red Coast devait divulguer tous les documents pertinents relatifs à l’importation de bandes vierges au Canada par la défenderesse comme les bons de commande, les factures, les documents d’expédition, les documents douaniers, les journaux de paiement de décembre 1999 et tous les documents pertinents à l’achat et à la vente de ces bandes au Canada.

 

[8]               Le 5 août 2008, la défenderesse a produit un bref affidavit de M. Aminzada daté du même jour, déclarant ce qui suit :                                                                                                                             [traduction]

 

1)                  au mieux de ses connaissances, tous les documents pertinents relatifs à l’importation des bandes vierges importées au Canada ont été précédemment communiqués à l’avocat de la SCPCP;

 

2)                  aucune bande vierge n’a été achetée au Canada;

 

3)                  au mieux de ses connaissances, tous les documents relatifs à la vente de supports d’enregistrement audio vierges au Canada par la défenderesse avaient déjà été déposés auprès des avocats de la SCPCP. [Non souligné dans l’original.]

 

[9]               Dans la lettre d’accompagnement comportant l’affidavit qui, d’après le dossier, ne contenait pas la signature originale du déposant, mais une copie dactylographiée, même s’il s’agissait d’une copie certifiée conforme, l’avocat de Red Coast, Conrad Shatner, explique qu’une seule opération avait été effectuée. Il a indiqué que, s’il y avait des documents que la SCPCP estimait ne pas avoir, il l’obtiendrait. Il a indiqué que son client partirait de Montréal le 13 août 2008, et serait de retour pour tout le mois de septembre et qu’il organiserait des interrogatoires préalables s’ils étaient nécessaires.

 

[10]           Le 13 août 2008, l’avocate de la SCPCP a écrit à M. Shatner pour lui faire savoir que l’affidavit des documents qu’elle avait reçus ne respectait pas les Règles des Cours fédérales et ne respectait pas l’ordonnance du protonotaire du 7 juillet 2008. Il a reconnu le 5 septembre 2007 que Red Coast avait fourni de l’information concernant l’achat et la vente de bandes vierges, avait divulgué des ventes qui surpassaient en nombre les achats et n’avait pas fourni de factures d’achat. Il a également dit que la SCPCP avait conscience de 2005 ventes, mais n’avait pas de factures. Il a souligné l’obligation de Red Coast de présenter tous les documents pertinents.

 

[11]           Le 5 septembre 2008, Dana Hirsh, avocate plaidante interne de la SCPCP à Toronto, a communiqué avec M. Shatner pour l’aviser que, si la SCPCP ne recevait pas un affidavit complet et précis d’ici le 10 septembre 2008, elle serait forcée de déposer une deuxième requête pour contraindre un tel affidavit et demander d’autres recours en vertu de l’article 227 des Règles. Mme Hirsh a également indiqué que la SCPCP aimerait prévoir des interrogatoires préalables, qu’elle attendait les disponibilités de son client et demandait des dates.

 

[12]           Le 8 septembre 2008, M. Shatner a répondu à Mme Hirsh. Il a indiqué que son client était toujours à l’étranger, mais qu’il serait de retour [traduction] « vers la fin du mois ». Il a indiqué : [traduction] « J’ai communiqué avec son bureau afin de préparer un affidavit plus détaillé, mais, encore, il n’est pas ici ». M. Shatner a demandé un délai pour la production de l’affidavit jusqu’au retour de son client à Montréal et voulait organiser les interrogatoires préalables [traduction] « le plus tôt possible avant qu’il reparte ».

 

[13]           Le 12 septembre 2008, Mme Hirsh a accepté le décalage jusqu’au 30 septembre 2008 et a précisé que, si l’affidavit n’était pas prêt à ce moment, une deuxième requête de contrainte serait déposée. Elle a demandé la disponibilité de M. Aminzada pour un interrogatoire préalable.

 

[14]           Je résumerai les événements qui ont suivi. M. Aminzada n’est pas retourné à Montréal en septembre 2008 et, dans une lettre de M. Shatner datée du 24 septembre 2008, Mme Hirsh a été avisée qu’il reviendrait le 15 octobre 2008 et [traduction] « signerait l’affidavit requis ». Il serait disponible pour l’interrogatoire préalable les 20, 21 ou 22 octobre 2008. Mme Hirsh a répondu le 7 octobre 2008 en signifiant une directive pour assister à un interrogatoire préalable le 22 octobre 2008 qui comprenait un avis pour produire des copies de tous les bons de commande et de toutes les factures de ventes relatives à l’achat et à la vente ou à toute autre aliénation de bandes vierges. Elle a également rappelé la nécessité d’un nouvel affidavit des documents, exact et complet, et a précisé les déficiences du précédent. Elle a indiqué qu’il était impératif que la SCPCP reçoive l’affidavit au plus tard le 16 octobre 2008.

 

[15]           Le 17 octobre 2008, M. Shatner a écrit à Mme Hirsh pour confirmer une conversation téléphonique avec elle dans laquelle il a dit que son client n’était pas encore arrivé à Montréal, mais qu’il serait définitivement (il souligne) à Montréal le 17 novembre 2008. Il a fait la suggestion suivante :

[traduction]

 

J’ai compté sur vos bonnes grâces jusqu’à présent et je comprends parfaitement votre position. Je suggère donc ce qui suit : à savoir que vous procédez comme vous le feriez dans tout cas de défaut contre un défendeur qui ne se conforme pas. Si, en fait, mon client ne revient pas le 17 novembre, vous pourrez continuer les poursuites contre lui. Je lui ai fait part de l’urgence de sa présence au plus tard le 15 novembre [sic]. S’il ne se conforme pas, je serai en mesure de vous fournir toute la documentation nécessaire et de m’assurer que l’interrogatoire du directeur aura lieu dans la semaine suivant la production de la documentation requise. [Non souligné dans l’original.]

 

[16]           Apparemment en réponse à l’invitation de M. Shatner au début de novembre 2008, la SCPCP a signifié à M. Shatner une requête en radiation du mémoire de défense de son client à retourner à Toronto le 10 novembre 2008.

 

[17]           Le 6 novembre 2008, M. Shatner a écrit à la Cour pour indiquer qu’il n’était pas en mesure d’être à Toronto le 10 novembre 2008, mais qu’il serait prêt à y être le 17 novembre 2008.

 

[18]           Le 6 novembre 2008, la protonotaire Milczynski a rendu une ordonnance d’ajournement de l’audition de la requête en radiation à la séance générale qui devait avoir lieu à Toronto le 17 novembre 2000. Elle a justifié cette décision en citant le fait que la requête en radiation n’avait été signifiée à la défenderesse que dans l’après-midi du 6 novembre 2008, de même que la demande d’ajournement de la défenderesse.

 

[19]           Le 13 novembre 2008, le protonotaire Alto a rendu la directive suivante :

 

[traduction]

 

La requête en radiation de la demanderesse est ajournée pour une semaine afin de permettre la remise des documents à signifier à la demanderesse avant le jeudi 20 novembre, à défaut de quoi la requête se poursuivra le 24 novembre 2008. Si les documents sont remis, la requête sera ajournée pour une semaine supplémentaire afin de permettre l’interrogatoire de la défenderesse qui doit avoir lieu le 27 novembre 2008. Les parties doivent tenir la Cour informée de l’état de la requête en radiation. Dépens de 1460 $ payables à la demanderesse sans délai. [Non souligné dans l’original.]

 

[20]           Le 21 novembre 2008, soit un vendredi, M. Shatner a informé la Cour que son client était arrivé à Montréal le vendredi précédent (le 14 novembre 2008) et qu’il avait [traduction] « immédiatement entrepris de fournir les documents demandés par mon éminente collègue, qui s’est avéré être un travail plus difficile que prévu ». Il a expliqué pourquoi, en ajoutant [traduction] « mon client, à son arrivée à Montréal, avait d’autres engagements qui rendaient la tâche plus ardue ». Il a dit à la Cour que son client lui a [traduction] « garanti » que les documents seraient entre ses mains le lendemain (samedi 22 novembre 2008), en indiquant que [traduction] « puisque nous sommes samedi, je ne serai pas en mesure de préparer l’affidavit nécessaire et de transmettre les articles avant lundi (24 novembre 2008) afin que mon éminente collègue les reçoive au plus tard mardi ». Il a déclaré qu’il communiquerait avec la Cour lundi avant 9 heures pour vous faire savoir dès que j’aurai reçu les documents demandés.

 

[21]           Le dossier indique que la lettre de M. Shatner du 21 novembre 2008 a été montrée par le registraire à la protonotaire Milczynski, qui a ordonné que les deux parties soient avisées que la Cour entendrait la requête comme prévu, soit le 24 novembre 2008 à 9 h 30. Les entrées enregistrées pour cette action indiquent que le registraire a avisé les parties par téléphone ce jour-là que la question serait entendue.

 

[22]           Les entrées enregistrées montrent également que, le 24 novembre 2008, l’affaire a été entendue par la protonotaire Milczynski en l’absence de M. Shatner. La requête de radiation de la SCPCP a été admise. Le 26 novembre 2008, la protonotaire a signé une ordonnance officielle visant à radier le mémoire de défense de la défenderesse. Dans ses attendus, elle a remarqué ce qui suit :

 

[traduction]

 

En prévision de la séance générale tenue à Toronto, le greffe de la Cour a communiqué avec l’avocat de la défenderesse, qui a été mis au courant de la procédure d’aujourd’hui. L’avocat de la défenderesse n’a pas demandé d’ajournement et il n’a pas indiqué qu’il ne pourrait pas être présent. Je suis satisfaite des observations écrites et orales de la demanderesse selon lesquelles il y a eu de nombreux retards dans ce dossier pour lesquels aucune explication satisfaisante n’a été fournie. Par conséquent, l’ordonnance, telle que demandée, devrait être accordée. [Non souligné dans l’original.]

 

[23]           Le dossier de la requête de la SCPCP sur cet appel est soutenu par l’affidavit de Laurie Gelbloom, avocate générale de la SCPCP (l’avocate générale). Cet affidavit énonce essentiellement la chronologie présentée dans ces motifs. Il comprend également les deux paragraphes suivants :

[traduction]

 

33.               Le 25 novembre 2008, la SCPCP a reçu un dossier de documents de l’avocat de la défenderesse sans lettre de présentation. Le dossier comprenait principalement des factures d’achat et des connaissements et seulement quelques factures de vente.

 

34.               La défenderesse n’a jamais fourni à la demanderesse un affidavit des documents complet et exact. [Non souligné dans l’original.]

 

L’appel

[24]           Le 18 décembre 2008, la défenderesse a interjeté appel de l’ordonnance de la protonotaire. L’appel a été soutenu par un affidavit – celui de M. Shatner. Dans son affidavit, M. Shatner indique ce qui suit :

[traduction]

1)      Au paragraphe 8c), il a indiqué qu’il a informé la Cour le vendredi 21 novembre 2008 que [traduction] « les documents pourraient ne pas être disponibles avant le 24 novembre 2007 et j’ai demandé une suspension pour que les documents puissent être envoyés à la défenderesse ».

 

2)      Il se prononce en ces termes aux paragraphes 9 à 13 :

 

9.       L’avocat de la défenderesse a porté à l’attention de la protonotaire et on lui a demandé si l’avocat de la défenderesse serait présent à la Cour à Toronto le 26 novembre 2008 [sic].

 

10.  L’avocat de la défenderesse a informé la défenderesse qu’il prenait part à une affaire qui prendrait toute la journée le lundi à Montréal.

 

11.  Que, le matin du 26 novembre, la protonotaire a rendu le jugement, dont une copie est produite à la pièce A de la défenderesse.

 

12.  Le même jour, les documents demandés sont arrivés au bureau de l’avocat de la défenderesse et ont été livrés le lendemain.

 

13.  L’avocat de la défenderesse a communiqué avec le procureur de la demanderesse et a demandé la suspension de l’ordonnance et a proposé de rendre le directeur de la défenderesse disponible pour l’interroger comme prévu le 27 novembre.

 

14.  L’avocate de la demanderesse a refusé d’accorder la réparation et a indiqué que, en raison du jugement rendu par la protonotaire, elle ne voulait plus interroger la défenderesse, qui est ensuite repartie au Moyen-Orient. [Non souligné dans l’original.]

 

Discussion

a) L’objection préliminaire

[25]           Mme Hirsh, en citant l’article 82 des Règles des Cours fédérales, 1998 (les Règles), s’est opposée à ce que M. Shatner présente des arguments devant moi (par téléconférence) en raison de son propre affidavit. Selon cet article, il peut le faire seulement s’il en avait préalablement obtenu l’autorisation de la Cour. Rien, dans l’argumentation qui m’a été présentée, ne m’a convaincu que je devrais faire une exception dans cette affaire et j’ai également observé que M. Shatner avait pris la précaution d’avoir d’autres avocats avec lui pour présenter l’argument si nécessaire. J’ai maintenu l’objection.

 

[26]           L’avocate de la SCPCP a présenté une autre objection préliminaire. Elle a dit que je devrais ignorer l’affidavit de M. Shatner puisqu’il contenait un nouvel élément de preuve qui n’était pas devant la protonotaire. Je n’ai pas tranché ce point, puisque l’objection n’a pas été reprise pendant l’argument.

 

b) La norme de contrôle

[27]           Les arrêts de principe en ce qui concerne les appels interjetés devant la Cour, à la suite d’ordonnances discrétionnaires des protonotaires, sont les deux décisions suivantes de la Cour d’appel fédérale : Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488 (Merck & Co) et Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (Aqua-Gem).

 

[28]           Dans Merck, le juge Décary, au nom de la Cour d’appel fédérale, a recalibré le critère énoncé dans Aqua Gem qui s’applique aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires. Il s’est prononcé en ces termes au paragraphe 19 :

 

19                 Afin d’éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu’il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l’occasion pour renverser l’ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d’abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l’issue de l’affaire. Ce n’est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées J’énoncerais le critère comme suit :

 

Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a)  l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal,

 

b)  l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. [Non souligné dans l’original.]

 

[29]           Dans ses motifs, le juge Décary s’est également concentré sur ce que signifiait dans Aqua-Gem la phrase selon laquelle l’ordonnance de la protonotaire « porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal ». Après avoir cité les motifs du juge Mac Guigan dans Aqua Gem, aux pages 464 et 465, le juge Décary a écrit, au paragraphe 18 de Merk :

 

18     […]

 

C’est probablement pourquoi, selon moi, il utilise les mots « [l’ordonnance] porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, plutôt que « l’ordonnance] a une influence déterminante sur l’issue du principal ». L’accent est mis sur le sujet des ordonnances et non sur leur effet. Dans un cas comme celui de l’espèce, la question à se poser est de savoir si les modifications proposées sont en soi déterminantes, qu’elles soient ou non autorisées. Si elles sont déterminantes, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire de novo. [Non souligné dans l’original.]

 

[30]           La question soulevée par la requête de la SCPCP est de savoir si la conduite de Red Coast justifiait la sanction demandée – la radiation de son mémoire de défense. La question devant la protonotaire Milczynski était essentielle pour l’issue du principal, soit son règlement définitif. Je dois, par conséquent, exercer le pouvoir discrétionnaire établi aux articles 97 et 227 des Règles de novo (voir également Ferrostaal Metals Ltd. c. Evdomon Corp., [2000] 196 F.T.R. 66 (Ferrostaal)).

 

[31]            Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré, je dois examiner les deux articles des Règles invoqués par la SCPCP et la jurisprudence pertinente de la Cour et de la Cour d’appel fédérale sur l’application des deux articles des Règles, de même que la jurisprudence interprétant les versions antérieures de ces articles des Règles en ce qui concerne les affidavits des documents et l’interrogatoire préalable.

 

[32]           L’avocate de la SCPCP se concentre sur le fait que Red Coast contrevient à l’ordonnance du 7 juillet 2008 du protonotaire Morneau, qui précisait le genre de documents qui devraient figurer dans un affidavit des documents approprié et être produits aux fins de l’interrogatoire. L’avocate ajoute que ce que Red Coast a produit à ce jour constitue toujours une violation de l’ordonnance du protonotaire Morneau et il n’en demeure pas moins que la défenderesse n’a pas encore fourni à la SCPCP un affidavit des documents conforme aux Règles.

 

[33]           Les principaux points de la jurisprudence relative à la radiation d’une plaidoirie en cas de non-respect des règles de procédure ou d’une ordonnance de la Cour sont cohérents, remontent à deux décennies et sont les suivants :

 

1)    Le redressement demandé « est une mesure très radicale pour des défauts de procédure et il ne faudrait y recourir que dans les cas où il est bien évident que la partie défenderesse, de par sa conduite, a abusé des procédures de la Cour » (voir H. Smith Packing Corp. c. Gainvir Transport Ltd., [1991] 46 F.T.R. 62 (Smith Packing), une décision rendue par le juge MacKay, qui s’est fié au jugement du juge Muldoon dans Hansen et al. c. The Ocean Victoria et al, [1985] 1 C.F. 451).

 

2)    Dans Pioneer Grain Co. c. Far-Eastern Shipping Co., [1999] A.C.F. no 1968, le protonotaire Hargrave a écrit ce qui suit au paragraphe 15 :

 

15      Le point litigieux se rapporte à la violation de quatre ordonnances judiciaires; des explications ont été fournies à ce sujet, sans toutefois qu’une excuse soit donnée. En général, les tribunaux ne radient pas une demande lorsque la production de documents n’est pas conforme à une ordonnance judiciaire, car cette mesure serait draconienne. Pourtant, il faut obéir aux ordonnances dans la mesure où il est raisonnable de le faire. Lorsque le défaut d’observation constitue une conduite équivalant à un abus, il sera mis fin à l’action, et je citerai ici la décision Smith Packing Corporation c. Gainvir Transport Ltd., (1992), 46 F.T.R. 62, rendue par Monsieur le juge MacKay. Dans l’affaire Smith Packing, les demanderesses sollicitaient la radiation d’une défense parce qu’une liste de documents produite par la défenderesse, conformément à une ordonnance de la Cour, n’était pas conforme à l’ordonnance de la Cour et aux Règles de la Cour fédérale. Monsieur le juge MacKay a fait les remarques suivantes :

 

Le redressement demandé, soit la radiation de la défense produite, est une mesure très radicale pour des défauts de procédure et il ne faudrait y recourir que dans les cas où il est bien évident que la partie défenderesse, de par sa conduite, a abusé des procédures de la Cour. (Page 70)

 

3)  L’appel de la décision du protonotaire Hargrave a été rejeté par le juge Muldoon dans (2000), 181 F.T.R. 161 (voir également la décision du protonotaire Hargrave dans Haylock c. Norwegian Cruise Lines Ltd., 2005 CF 501, et la décision du protonotaire Morneau dans Ferrostaal Metals Ltd. c. Evdomon Corp., (2000), 181 F.T.R. 265); appel rejeté par le juge Denault dans (2000), 196 FTR 66, qui s’est prononcé en ces termes au paragraphe 7 :

 

7     La Cour suprême a depuis longtemps reconnu « qu’une partie ne doit pas être privée de son droit par l’erreur de ses procureurs, lorsqu’il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans injustice à l’égard de la partie adverse. » Mais encore faut-il que la partie ne soit pas elle-même largement responsable de ce retard. Or, en l’espèce, elle n’est sûrement pas à l’abri de tout reproche, n’ayant fourni à ses procureurs qu’à l’été 1999 les documents à l’appui d’une action intentée en 1995, alors même qu’un échéancier fixé par la Cour accordait aux parties jusqu’au 10 mai 1999 pour signifier leurs affidavits de documents.

  

4) En dernier ressort, la jurisprudence a établi que la question de savoir si la conduite de la défenderesse est si grave qu’elle justifie la radiation de sa défense tient aux faits et à toutes les circonstances pertinentes qui doivent être prises en considération.

 

c) Application aux faits de l’espèce

[34]           En appliquant la jurisprudence pertinente aux faits de l’espèce, je conclus que la requête en radiation de la SCPCP est justifiée même si la réparation est radicale. La conduite du directeur de Red Coast, M. Aminzada, doit être sanctionnée par la Cour. Il a fait preuve d’un mépris total à l’égard du processus de la Cour, au point qu’il a complètement et négligemment ignoré l’action de la SCPCP, malgré l’avertissement de son avocat qui, embarrassé, a endossé le recours que la SCPCP a finalement présenté pour radier la défense. Il n’a pas respecté les engagements et les promesses que son avocat a donné. Il n’était jamais disponible pour y répondre. D’autres affaires étaient bien plus importantes.

 

[35]           J’aurais peut-être été un peu plus favorable envers la défenderesse si, à la dernière minute, elle s’était conformée à l’ordonnance du protonotaire Morneau rendue six mois plus tôt. La preuve devant moi est qu’elle est toujours en défaut et ne l’a toujours pas respectée.

 

[36]           Au cours de l’audience, j’ai exprimé ma préoccupation à l’égard de la déclaration suivante aux paragraphes 10 et 11 de son affidavit, soit les paragraphes 9 et 10 de ce dossier de requête :

[traduction]

 

10.              L’avocat de la défenderesse l’a porté à l’attention de la protonotaire et a demandé si l’avocat de la défenderesse serait présent à la Cour à Toronto le 26 novembre 2008.

 

11.              L’avocat de la défenderesse a informé la défenderesse qu’il prenait part à une affaire qui prendrait toute la journée le lundi à Montréal.

 

 

[37]           Je craignais que cette information puisse être en contradiction avec le dossier de la Cour de deux façons : 1) après avoir reçu la lettre de M. Shatner du 21 novembre 2008, la protonotaire Milczynski a émis une directive ce jour-là pour indiquer que la requête de la SCPCP devait être entendue le lundi suivant, soit le 24 novembre 2008 et M. Shatner en a été avisé; (2) l’ordonnance de la protonotaire Milczynski déclare que M. Shatner n’a pas demandé d’ajournement et n’a pas indiqué qu’il ne pouvait pas y assister.

 

[38]           Après avoir examiné cette question, je crois que M. Shatner a peut-être été perplexe au sujet de sa demande d’ajournement. C’est évident de l’erreur relative à la date d’audience de la requête de la SCPCP. De plus, sa lettre du 21 novembre 2008, qui était devant la protonotaire Milczynski, ne demande pas d’ajournement et ne précise pas qu’il serait en Cour toute la journée du lundi 24 novembre 2008.

 

[39]           Mme Hirsh a demandé que je fixe les dépens à 1 920 $ en honoraires et à 390 $ en débours. Elle m’a fourni des détails appropriés. Je fixe le total des honoraires et des débours à 2 310 $, plus la TPS, payable immédiatement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que le présent appel de l’ordonnance du 26 novembre 2008 du protonotaire Milczynski radiant le mémoire de défense de la défenderesse Red Coast Imports Inc. et prévoyant d’autres mesures de redressement est rejeté avec dépens de 2 310 $, à payer immédiatement.

 

                                                                                               « François Lemieux »

                                                                                    ___________________________

                                                                                                            Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2009-07

 

INTITULÉ :                                       SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE DOCUMENTS PRIVÉS (SCPCP) c. RED COAST IMPORTS INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE

PAR CONFÉRENCE

TÉLÉPHONIQUE :                           Montréal (Québec) et Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE

PAR CONFÉRENCE

TÉLÉPHONIQUE :                           Le 12 janvier 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 janvier 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Dana M. Hirsh

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Conrad Shatner

Me Sol Apel

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocate plaidante interne

Société canadienne de perception de documents privés

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Conrad Shatner

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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