Ottawa (Ontario), ce 29e jour de janvier 2009
En présence de l’honorable juge Pinard
ENTRE :
Demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration, datée du 30 juin 2008, refusant la demande de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire (« CH »), présentée par Jean Wilmarc Sagesse, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.
[2] Jean Wilmarc Sagesse (le demandeur) est citoyen haïtien. Son épouse, Marthine Clervoix, réside aux États-Unis avec leur fils.
[3] Le demandeur plaide d’abord que l’agente d’immigration ne s’est pas acquittée de son devoir d’équité lors de la mise à jour de son dossier. Il soumet qu’il n’a pu faire valoir son cas pleinement et entièrement parce que l’agente ne lui a pas donné l’occasion de fournir des documents manquants au dossier. Il réfère à la disposition suivante du manuel pour agents d’immigration chargés d’une demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (« IP 5 ») :
11.1. Équité procédurale
L’agent doit prendre ses décisions dans le respect de l’équité procédurale. L’agent doit :
- tenir soigneusement compte de toute l’information présentée;
- informer le demandeur, s’il évalue des renseignements de l’extérieur, pour lui donner la possibilité de présenter des observations;
- demander tout renseignement supplémentaire nécessaire;
- peser tous les faits selon leur importance;
- distinguer les faits en faveur d’une décision de difficulté de ceux qui ne le sont pas;
- tenir compte des objectifs de la Loi; et
- prendre des notes complètes au dossier (voir la Section 9.1).
[Mon soulignement.]
[4] Le demandeur cite aussi le paragraphe 17.1 du manuel IP 5, intitulé « L’obtention de renseignements supplémentaires pour rendre une décision ». Cependant, cette disposition concerne les mesures pour obtenir de tels renseignements et non pas l’obligation de les obtenir.
[5] Selon le paragraphe 11.1, cité ci-dessus, un agent doit « demander tout renseignement supplémentaire nécessaire ». En l’espèce, le demandeur a proposé lors de la mise à jour téléphonique de déposer le certificat de naissance de son fils et son acte de mariage. Toutefois, ni son fils ni son épouse ne sont mentionné dans sa demande d’asile. D’ailleurs, ils ne résident pas au Canada. Il n’est donc pas évident de voir comment il pouvait s’agir de renseignements « nécessaires ». D’ailleurs, les motifs pour lesquels la demande a été rejetée ne concernent pas le statut de l’enfant, ni celui de la femme.
[6] Quant aux documents manquants pour appuyer le motif d’établissement (relevés bancaires, déclaration d’impôt, etc.), je ne peux accepter l’argument du demandeur. Les documents fournis par celui-ci, c’est-à-dire les lettres des employeurs aux États-Unis, ont été soumis pour démontrer qu’il était « employable », ce qui n’est pas un motif d’ordre humanitaire et ne sert pas de preuve de son établissement au Canada actuellement. À part la simple affirmation par le demandeur dans sa demande qu’il est parfaitement intégré dans la société canadienne et qu’il a un degré d’établissement « au-dessus de la moyenne », il y a très peu dans le dossier pour soutenir sa position. Il me paraît que les documents manquants n’étaient pas d’ordre purement supplémentaire; il s’agissait de documents des plus élémentaires, nécessaires à l’établissement de cet aspect de sa demande. Par conséquent, je ne trouve pas que l’agente a manqué à son devoir d’équité procédurale.
[7] Par ailleurs, le demandeur reproche à l’agente d’immigration de ne pas avoir correctement évalué le degré de son établissement au Canada. À cet égard, il ne soumet aucun argument sérieux. D’ailleurs, je ne vois rien dans la décision de l’agente pouvant indiquer que son évaluation du niveau de l’établissement du demandeur est erronée.
[8] Enfin, le demandeur soumet que l’agente d’immigration a erré pour n’avoir fait aucune référence à l’intérêt de l’enfant.
[9] Or, la demande initiale du demandeur ne réfère d’aucune façon à ses relations avec son épouse ou son fils. D’ailleurs, ces derniers n’habitent pas au Canada, mais aux États-Unis. Lors de la mise à jour de son dossier, l’agente apprend tout simplement que, de temps à autre, ils visitent le requérant au Canada. Faut-il rappeler qu’il incombe au demandeur de prouver le bien-fondé de sa demande CH. S’il ne fournit pas suffisamment d’informations appuyant ses déclarations, il est loisible à l’agent(e) de conclure que ces dernières manquent de fondement. Dans les circonstances, je suis loin d’être satisfait que l’agente n’a pas exercé sa discrétion de façon raisonnable.
[10] Somme toute, après révision du dossier, je suis d’accord avec le défendeur que le demandeur n’a pas suffisamment documenté sa demande CH. La décision en cause m’apparaît plutôt raisonnable et l’agente d’immigration ne peut certes pas être critiquée pour la pénurie de preuve devant elle.
[11] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration, datée du 30 juin 2008, refusant la demande de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire, présentée par Jean Wilmarc Sagesse, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, est rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3177-08
INTITULÉ : JEAN WILMARC SAGESSE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 janvier 2009
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 29 janvier 2009
COMPARUTIONS :
Me Luc R. Desmarais POUR LE DEMANDEUR
Me Zoé Richard POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Luc R. Desmarais POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada