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Date : 20090116

Dossier : IMM-337-08

Référence : 2009 CF 39

Montréal (Québec), le 16 janvier 2009

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

PAZ ARAUJO, JUAN

partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Le demandeur sollicite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), la révision judiciaire de la décision rendue le 27 mars 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR) de ne pas lui reconnaître la qualité de « réfugié », ni celle de « personne à protéger » conformément au sens des articles 96 et 97 de la Loi, et en conséquence de rejeter sa demande d’asile.

[2]               Bien qu’avisé de la date d’audition, le demandeur a fait défaut de coopérer avec la procureure retenue pour le représenter et n’a pas cru bon de se présenter à la Cour pour démontrer le bien-fondé des reproches dirigés contre la décision de la SPR.

 

[3]                Le défendeur de son côté se dit prêt à procéder et produit un document tendant à démontrer que le demandeur, plutôt que de se présenter, aurait tout simplement décidé de quitter le pays. Le défendeur insiste dans les circonstances pour que la Cour décide sur vu du dossier et procède au rejet de la requête du demandeur.

 

[4]               La présente décision résulte donc de l’étude du dossier et des prétentions écrites des parties.

 

II.         Les faits

[5]               Citoyen du Mexique, le demandeur allègue, pour réclamer l’asile au Canada, craindre pour sa vie suite aux menaces que lui aurait faites un client en refusant d’acquitter certaines pièces de machinerie acquises du demandeur.

 

[6]               La SPR a décidé que le demandeur ne s’était pas déchargé de son fardeau de réfuter par une preuve claire et convaincante la présomption à l’effet que l’État mexicain, un pays démocratique, est capable de protéger ses citoyens et d’offrir au demandeur une protection adéquate tenant compte de sa situation personnelle (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S 689, aux pages 724 et 725).

 

III.       Question en litige

[7]               La SPR a-t-elle commis une erreur déraisonnable dans son appréciation négative de la crédibilité à accorder au demandeur et dans son refus de lui reconnaître le statut de « réfugié » et de « personne à protéger »?

 

IV.       Analyse

            Norme de contrôle judiciaire

[8]               Les cours doivent traiter avec déférence les décisions des tribunaux administratifs spécialisés bénéficiant comme la SPR d’une expertise dans les affaires où s’exerce leur juridiction (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[9]               La norme de la décision raisonnable s’applique au présent cas, de sorte que pour justifier son intervention, la Cour doit se demander si la décision contestée est raisonnable, compte tenu de sa justification, et de son appartenance aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, ci-dessus, par. 47).

 

[10]           À l’intérieur de cette norme de contrôle et sur la base des faits mis en preuve, la Cour peut-elle conclure que la SPR commet une erreur déraisonnable en décidant de refuser au demandeur le statut de « réfugié » et de « personne à protéger » et en concluant qu’il n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État?

 

             L’absence de crédibilité

[11]           La SPR bénéficiait de l’avantage d’avoir entendu le demandeur et pouvait ainsi mieux juger de la crédibilité de celui-ci au moment de peser la valeur de la preuve offerte par ce dernier au soutien de ses prétentions. Or après avoir considéré ses contradictions, la SPR n’a pas jugé l’essentiel des prétentions du demandeur crédible.

 

[12]           En tant que tribunal spécialisé, il revenait à la SPR et non à cette Cour d’apprécier la preuve testimoniale et documentaire offerte par le demandeur et de conclure tant sur le poids à accorder à celle-ci que sur la crédibilité de ce dernier.

 

[13]           Cette Cour n’a pas à refaire le travail de la SPR, mais doit seulement vérifier si sa décision est raisonnable, compte tenu de sa justification, et de son appartenance aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit. À défaut par le demandeur de démontrer en quoi et pourquoi la SPR aurait commis une erreur déraisonnable, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.

 

[14]           Le demandeur ne conteste pas les contradictions et omissions que lui reproche la SPR et ne démontre pas plus en quoi et pourquoi ses conclusions de fait quant à sa crédibilité seraient arbitraires, déraisonnables ou non fondées sur la preuve au dossier.

 

[15]           La SPR pouvait conclure au manque de crédibilité du demandeur en se basant sur les invraisemblances contenues dans son récit, le bon sens et la raison (Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 206).

 

[16]           La Cour doit se limiter à vérifier si la décision de la SPR est justifiée et raisonnable dans le sens indiqué par l’arrêt Dunsmuir, ci-dessus. Les décisions touchant la crédibilité d’une partie constituent « l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits », de sorte que ces décisions doivent recevoir une grande déférence lors d'un contrôle judiciaire. Elles ne sauraient être infirmées à moins qu'elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Siad c. Canada (Secrétaire d'État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, 67 A.C.W.S. (3d) 978, au par. 24; Dunsmuir, ci-dessus), ce qui n’est pas le cas ici.

 

[17]           La Cour se doit d’aborder avec beaucoup de déférence les conclusions de la SPR sur la crédibilité du demandeur, ce qui laisse à sa charge un lourd fardeau pour convaincre cette Cour d’annuler la décision qu’il attaque.

 

[18]           Bref, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la décision attaquée se fonde sur des conclusions de fait tirées de manière abusive ou arbitraire ou que la SPR a rendu sa décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. La SPR pouvait rejeter la revendication du demandeur sur la seule base de son comportement incompatible avec ses prétentions, et partant de là conclure qu’il n’était pas crédible. En conséquence, la conclusion de la SPR quant à la crédibilité du demandeur s’avère raisonnable et ne justifie pas l’intervention de cette Cour.

 

Protection de l’État

[19]           La SPR conclut de façon subsidiaire que le demandeur n’a pas repoussé la présomption de l’existence d’une protection étatique pour lui au Mexique. N’ayant pas prêté foi à son récit pour arriver à conclure ainsi qu’il ne pouvait bénéficier du statut de réfugié ni de celui de personne à protéger, il devenait superflu et non nécessaire pour la SPR de se prononcer sur la présomption de protection de l’État mexicain que le demandeur n’avait par surcroit pas réfutée. Mais même si la SPR s’est prononcée, elle n’a pas erré pour autant.

 

[20]           En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique mexicain, il faut présumer que celui-ci peut protéger ses citoyens y compris le demandeur. De plus, cette protection n’a pas à être parfaite de sorte que le demandeur devait offrir une preuve claire et convaincante quant à son besoin de protection et l’incapacité ou le refus de l’État mexicain de le protéger (voir Ward, ci-dessus). Non seulement il a failli avec ce fardeau, mais il n’a même pas réussi à convaincre la SPR du besoin de protection allégué.

 

[21]           Malgré les problèmes étatiques mexicains rapportés, il incombait au demandeur de recourir d’abord à l’aide et à la protection disponible dans son pays avant de rechercher celle du Canada. Comment peut-on aujourd’hui conclure à l’inefficacité de la protection offerte par le pays du demandeur alors qu’il n’a jamais cherché de façon sérieuse à tester celle-ci? Il n’est donc pas déraisonnable de conclure que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve à cet égard.

 

[22]           La Cour ne voit pas en quoi la conclusion de la SPR sur la question de protection disponible dans l’État mexicain serait déraisonnable, d’autant plus que la SPR n’avait pas à se prononcer sur celle-ci compte tenu de sa conclusion antérieure quant à la crédibilité à accorder au récit du demandeur.

 

V.        Conclusion

[23]           La Cour conclut que la décision contestée par le présent recours est justifiée au regard des faits et du droit; bref, qu’il s’agit d’une décision raisonnable ne justifiant pas l’intervention de cette Cour.

 

[24]           Aucune question importante de portée générale n’ayant été proposée, aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-337-08

 

INTITULÉ :                                       PAZ ARAUJO, JUAN c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Bassam Khouri

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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