Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2009
En présence du juge en chef
ENTRE :
et
LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES
ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] En 1987, le défendeur, le ministre des Ressources humaines et du Développement social (le ministre), a rejeté la demande du demandeur visant à obtenir des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (le Régime). La demande se rapportait principalement à une blessure au dos. Le demandeur n’a pas demandé un réexamen de la décision défavorable du ministre, bien qu’on l’ait informé qu’il pouvait le faire.
[2] En 1995, la deuxième demande du demandeur visant à obtenir des prestations d’invalidité a été rejetée. Le ministre a confirmé son rejet à la suite de la demande de réexamen du demandeur.
[3] En 1997, le tribunal de révision a conclu que le demandeur n’était pas invalide au sens du Régime et a rejeté son appel de la décision du ministre de rejeter sa deuxième demande. Un avocat représentait le demandeur et les témoignages de sa femme et de son médecin ainsi qu’une preuve documentaire importante appuyaient sa procédure d’appel. L’autorisation de porter cette décision en appel a été refusée.
[4] En 2002, le ministre a rejeté la troisième demande du demandeur visant à obtenir des prestations d’invalidité. En réponse à la demande de réexamen présentée par le demandeur, le ministre a confirmé le rejet de la troisième demande. En 2004, quelque dix-huit mois plus tard, le tribunal de révision a rejeté l’appel interjeté par le demandeur contre le troisième rejet du ministre. Ce même tribunal a aussi conclu qu’il n’y avait pas de « faits nouveaux », contrairement à ce que prétendait le demandeur, et a rejeté sa demande visant à faire rouvrir la précédente décision défavorable rendue par le tribunal de révision en 1997.
[5] En septembre 2004, le demandeur a demandé que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai applicable au dépôt d’une demande de réexamen du premier rejet en 1987. Entre 2004 et 2006, le demandeur a reçu environ quatre réponses lui expliquant que le ministre n’était pas autorisé par la loi à réexaminer le rejet de la première demande visant l’obtention de prestations d’invalidité. Les réponses s’appuyaient principalement sur le caractère obligatoire de la décision rendue par le tribunal de révision en 1997, selon laquelle le demandeur n’était pas invalide au sens de la loi.
[6] La présente demande de contrôle judiciaire sollicite un mandamus qui forcerait le ministre à rendre « une décision » relative à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation de délai pour le réexamen du premier rejet du ministre en 1987.
[7] À mon avis, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, appuie les arguments du ministre selon lesquels la présente demande doit être rejetée.
[8] Premièrement, toute demande du demandeur visant à obtenir une décision lui accordant une prorogation de délai serait considérée comme une contestation incidente de la décision rendue par le tribunal de révision en 1997 : Hogervorst, aux paragraphes 21 et 42. Deuxièmement, si la prorogation de délai était accordée, une décision favorable sur le réexamen du rejet de 1987 donnerait lieu à des décisions contradictoires : Hogervorst, au paragraphe 22. Troisièmement, une décision favorable rendue maintenant violerait le principe du caractère définitif des diverses décisions défavorables rendues depuis 1987 : Hogervorst, aux paragraphes 27 et 42. Enfin, même si la loi l’autorisait, accorder une prorogation de délai d’environ dix-sept ans serait considéré comme un exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire par le ministre : Hogervorst, au paragraphe 30. Voir aussi : Dillon c. Canada (Procureur général), 2007 CF 900, au paragraphe 24, et Kabatoff c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social), 2007 CF 820, aux paragraphes 7 et 8.
[9] L’arrêt Hogervorst étaie amplement les réponses antérieures du ministre voulant que la décision rendue en 1997 par le tribunal de révision avait force exécutoire et écartait tout pouvoir légal d’examiner la demande de prorogation de délai. L’absence de toute obligation légale d’agir porte un coup fatal à la demande de mandamus présentée par le demandeur.
[10] Dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, l’application d’une analyse plus libérale ou « réaliste » à l’évaluation de l’invalidité a été acceptée. Pour le demandeur, le critère de l’arrêt Villani est une [traduction] « nouvelle question » qui devrait être portée à l’attention du ministre compte tenu de son dossier médical resté inchangé. Même si cette question avait été soulevée dans les observations écrites du demandeur, je la rejetterais en principe, parce qu’elle exigerait une application rétroactive de la jurisprudence à des décisions définitives antérieures.
[11] En tout état de cause, dans les circonstances particulières de la présente affaire, le tribunal de révision, en 2004, a tenu compte de l’incidence de l’arrêt Villani sur la situation du demandeur :
[traduction]
Malgré l’arrêt Villani, il n’y a pas de faits nouveaux qui pourraient convaincre le tribunal de rouvrir la décision précédente en application de l’article 84(2) de la loi.
[12] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Comme je l’ai mentionné à l’audience, je n’étais pas disposé à allouer des dépens si le demandeur n’avait pas gain de cause en l’espèce.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Il n’y aura pas d’allocation des dépens.
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-856-07
INTITULÉ : FERENC SABO c. LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
LIEU DE L’AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 9 décembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 5 janvier 2009
COMPARUTIONS :
Wayne Onchulenko
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POUR LE DEMANDEUR |
Allan Matte
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levene Tadman Gutkin Golub LLP
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |