Ottawa (Ontario) ce 22e jour de décembre 2008
En présence de l’honorable juge Pinard
ENTRE :
LUZ MARIA SONIA CARRERA MENDEZ
DAFNE PAOLA FUJARTE CARRERA
AMANDA CLIO FUJARTE CARRERA
Demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 17 mars 2008, qui a déterminé que la demanderesse principale n’a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention, ni de personne à protéger.
[2] Luz Maria Sonia Carrera Mendez, la demanderesse principale, et ses deux filles mineures, Dafne Paola Fujarte Carrera et Amanda Clio Fujarte Carrera, sont citoyennes mexicaines.
[3] La demanderesse allègue qu’elle et ses filles sont persécutées et menacées de mort par son mari, Antonin Fujarte Victorio.
[4] Le tribunal a identifié deux questions déterminantes dans l’affaire : (1) la crédibilité des allégations de la demanderesse et (2), la protection de l’État mexicain.
[5] Sur la question de crédibilité, le tribunal, dans ses motifs comme à l’audience, a souligné plusieurs contradictions qui n’ont pas été expliquées de façon satisfaisante. Or, les tribunaux administratifs se voient accorder une large discrétion concernant les questions touchant aux faits, comprenant celles de la crédibilité (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 51; Aguebor c. ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 N.R. 315). De plus, il est bien établi qu’il n’appartient pas à cette Cour de substituer son raisonnement à celui du tribunal, tant que la décision tombe parmi « l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables » (Dunsmuir, ci-dessus, au paragraphe 47).
[6] En l’espèce, après révision de la preuve, on ne m’a pas satisfait que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments mis à sa disposition (voir l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7).
[7] Quant à la question de la capacité de l’État de protéger la demanderesse, cette dernière prétend que le tribunal n’a pas tenu compte de la preuve documentaire démontrant la violence conjugale au Mexique et la corruption endémique de la police et du système judiciaire dans ce pays.
[8] La norme de contrôle judiciaire qui s’applique à une décision de la SPR sur la protection de l’État est celle de la raisonnabilité (voir, entre autres, Gorria c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 284, 310 F.T.R. 150, au paragraphe 14; Chaves c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 193, aux paragraphes 9 à 12).
[9] Pour prouver l’incapacité de l’État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection, un demandeur doit « confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection » (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 724). En l'absence d'une telle preuve, la revendication doit échouer face à la présomption que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. En l’espèce, après révision de la preuve, je ne peux conclure que le tribunal a été déraisonnable dans sa conclusion que la demanderesse ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve.
[10] Selon le tribunal, « [l]a preuve documentaire indique que la violence à l’égard des femmes constitue, au Mexique, un problème grave, les cas de violence faite aux femmes étant répandus et les policiers hésitant à intervenir dans les cas de violence conjugale ».
[11] Toutefois, le tribunal note que la preuve documentaire démontre les efforts de l’État pour améliorer la situation, comprenant l’existence de mesures judiciaires de contrainte, la promulgation d’une loi fédérale contre la violence faite aux femmes prévoyant trois types d’ordonnances de protection et l’existence de nombreuses organisations gouvernementales et non-gouvernementales qui viennent en aide aux victimes de violence. Le tribunal conclut :
. . . à la lumière de la preuve documentaire, le Tribunal estime que, malgré sa fragilité personnelle, avec l’appui de sa propre famille et celui des organisations engagées dans la défense des droits des femmes, la demandeure [sic] principale pourrait tirer profit des mesures disponibles au Mexique si elle devait, à l’avenir, faire face à une forme quelconque de violence de la part de son mari. . . .
[12] Il est clair que le tribunal a pris en compte la totalité de la preuve devant lui. Je ne vois donc rien dans la décision qui justifie l’intervention de cette Cour.
[13] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 17 mars 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1806-08
INTITULÉ : LUZ MARIA SONIA CARRERA MENDEZ, DAFNE PAOLA FUJARTE CARRERA, AMANDA CLIO FUJARTE CARRERA c. LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 novembre 2008
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 22 décembre 2008
COMPARUTIONS :
Me Manuel Centurion POUR LES DEMANDERESSES
Me Alain Langlois POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Manuel Centurion POUR LES DEMANDERESSES
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada