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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20081208

Dossier : IMM-5276-08

Référence : 2008 CF 1360

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

ENTRE :

GRATIANA DIONE EWANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une requête visant à obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi aux États-Unis fixée à 9 heures le 9 décembre 2008.

 

[2]               La demanderesse, originaire du Cameroun, est entrée au Canada depuis les États-Unis le 22 septembre 2002 et a demandé l’asile. Elle n’avait pas demandé l’asile aux États-Unis.

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile le 18 février 2004. La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée le 11 juin 2004.

 

[4]               La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Cette demande a été rejetée. Sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a été rejetée et les motifs lui ont été communiqués le 5 novembre 2008.

 

[5]               La demanderesse a demandé que l’exécution de la mesure de renvoi prise contre elle soit reportée, mais sa demande a été rejetée le 17 novembre 2008.

 

[6]               Elle demande maintenant un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur la demande de contrôle judiciaire visant la décision relative à l’ERAR et le refus du report.

 

[7]               La preuve au dossier montre que depuis qu’elle habite au Canada, la demanderesse occupe un emploi rémunéré et participe à des activités de sa collectivité et de son église.

 

[8]               En 2002, elle a rencontré M. Leslie Donova Black et a cohabité avec lui. Ils se sont mariés le 17 novembre 2008.

 

[9]               Dans l’arrêt Toth c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1988), 86 N.R. 302, la Cour d’appel fédérale a établi un critère conjonctif à trois volets pour déterminer si un sursis devait être accordé :

1.                  Il y a une question sérieuse à trancher.

2.                  Un préjudice irréparable sera causé si le sursis n’est pas accordé.

3.                  La prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis.

 

[10]           Le critère préliminaire pour établir qu’il existe une question sérieuse, selon le juge Pelletier dans Wang c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2001] 3 C.F. 682, au paragraphe 11, est le suivant : la question sérieuse n’est pas futile ou vexatoire; elle a plutôt des chances de succès dans la demande principale.

 

[11]           La demanderesse sollicite un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que soient tranchées les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision relative à l’ERAR et la décision de l’agent de renvoi. Elle soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en ne lui accordant pas une entrevue après avoir examiné la nouvelle preuve (c’est-à-dire un article de journal qui ne faisait pas partie de la preuve à l’audience à la Section de la protection des réfugiés en 2004) (voir Elezi c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 240).

 

[12]           Elle soutient que l’agent n’a pas évalué convenablement les difficultés extrêmes qu’elle rencontrerait si elle retournait au Cameroun. Elle plaide aussi que l’agent n’a pas évalué son établissement au Canada et les effets de son renvoi sur son mariage.

 

[13]           Le défendeur répond que l’agent d’ERAR n’a commis aucune erreur parce qu’il a examiné l’article de journal de 2006, qui montre une photo représentant la demanderesse comme une [traduction] « jeune personne agissant pour le compte de la SCYL et ayant eu une incidence sur ses activités ». Il affirme que c’est un article général qui ne fournit pas suffisamment de détails, qui fait probablement référence à des incidents antérieurs à avril 2002, et qui n’indique pas pourquoi il fait état de l’arrestation et de la détention de la demanderesse au Cameroun quatre ans après ces incidents.

 

[14]           L’agent a analysé toute la preuve et aucune raison valable n’exige que la demanderesse soit reconsultée à propos de la preuve qu’elle a présentée.

 

[15]           L’agent a aussi traité toutes les autres questions soulevées par la demanderesse.

 

[16]           Selon moi, aucune question n’a quelque chance de succès que ce soit dans le contrôle judiciaire.

 

[17]           La demanderesse affirme que l’agent d’ERAR n’a pas, comme il le fallait, traité les questions suivantes :

1.                  les effets psychologiques de l’expulsion;

2.                  les difficultés découlant de la séparation d’avec son mari et le Canada;

3.                  les difficultés et les risques d’un retour au danger établi au Cameroun.

 

[18]           Le défendeur soutient que l’agent d’ERAR a bel et bien traité toutes ces questions, qui sont hypothétiques, ce qui ne permet pas de les accepter (Atakora c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. 826 (1re inst.)). De plus, la demanderesse doit être renvoyée aux États‑Unis et aucune preuve n’a été fournie pour justifier une conclusion selon laquelle elle serait automatiquement expulsée au Cameroun.

 

[19]           Une analyse de ces observations permet de conclure que l’expulsion de la demanderesse lui causera du tort et des inconvénients. Par contre, ces conséquences habituelles ne peuvent être considérées en tant que « préjudice irréparable » dans une demande de sursis (Melo c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2000] A.C.F. 403 (1re inst.), aux paragraphes 20 et 21; Wright c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2002] A.C.F. 138 (1re inst.)).

 

[20]           La demanderesse a bénéficié des recours habituels prévus dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et le ministre a l’obligation d’appliquer les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent (voir le paragraphe 48(2) de la Loi). La demanderesse n’a avancé aucun moyen primant cette obligation.

 

[21]           Enfin, l’intérêt public voulant que des décisions définitives soient rendues sur le fond dans les affaires en matière d’immigration et de protection des réfugiés milite fortement contre l’octroi de sursis. Voir, par exemple, la décision Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Fast (2000), 188 F.T.R. 150, confirmée par la Cour d’appel fédérale (2001), 288 N.R. 8).

 

[22]           La demanderesse soutient que l’agent de renvoi a mal exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant de reporter la date d’exécution de la mesure de renvoi. Contrairement à l’agent d’ERAR, l’agent de renvoi n’a pas l’expertise ou le pouvoir d’évaluer les facteurs de risque et doit se limiter aux problèmes concrets dans les demandes de report. Il peut tenir compte de facteurs comme la maladie ou d’autres obstacles au voyage et peut-être de demandes CH de longue date qui ont été présentées en temps opportun et dont la décision doit encore être rendue. Ce n’est pas le cas de la présente affaire. Depuis 2002, la demanderesse a épuisé la plupart des recours judiciaires prévus par la Loi.

 

[23]           L’argument fondé sur l’attente d’une décision de contrôle judiciaire visant la décision relative à l’ERAR n’est pas un motif valable pour qu’un agent de renvoi reporte l’exécution de la mesure de renvoi (Simoes c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 187 F.T.R. 219, au paragraphe 12).

 

[24]           Vu les conclusions exposées ci-dessus, la requête est rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

 

 

            La requête visant à obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi fixée à 9 heures le 9 décembre 2008 est rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5276-08

 

INTITULÉ :                                       GRATIANA DIONE EWANG c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 décembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Frenette

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 8 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Tubie                                                 POUR LA DEMANDERESSE

 

Mary Matthews                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Tubie                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Woodbridge (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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