Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2008
En présence de monsieur le juge Lemieux
ENTRE :
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
ET RATIOPHARM INC.
défendeurs
Dossier : T-1143-08
ET ENTRE :
LUNDBECK CANADA INC.
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET
COBALT PHARMACEUTICALS INC.
défendeurs
et
H. LUNDBECK A/S
défenderesse/brevetée
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
Introduction
[1] Dans la présente instance, deux sociétés fabricantes de médicaments génériques, Ratiopharm Inc. (Ratiopharm) et Cobalt Pharmaceuticals Inc. (Cobalt), sollicitent le rejet des demandes de contrôle judiciaire présentées par Lundbeck Canada Inc. (Lundbeck) en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales contre chacune d’elle et dans lesquelles Lundbeck demande le contrôle [traduction] « de la décision ou de l’action du ministre de la Santé (le ministre) d’accepter et d’examiner la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) de [Ratiopharm et de Cobalt] présentant le EBIXA, la marque de mémantine de la demanderesse, comme étant un produit de référence canadien (PRC). Lundbeck sollicite notamment une ordonnance annulant la décision ou l’action du ministre d’accepter chacune des présentations et chacune des PADN présentant le EBIXA comme étant un PRC et ordonnant au ministre de ne pas examiner les deux PADN et de ne délivrer aucun avis de conformité (AC) ou aucun avis de conformité avec conditions (AC-C) tant qu’un AC n’aura pas été délivré à l’égard de EBIXA. Lundbeck demande également à la Cour de déclarer que EBIXA est une « drogue innovante » au sens de la disposition pertinente du Règlement sur les aliments et drogues (RAD) ce qui aura pour conséquence que EBIXA ne pourra faire l’objet d’un examen pendant 6 ans après la délivrance d’un AC à son égard.
L’historique
[2] En 2002, Santé Canada a adopté une politique appelée « avis de conformité avec conditions (AC-C) ». L’application de cette politique est limitée aux produits médicamenteux indiqués pour les maladies ou les affections graves extrêmement débilitantes, pouvant menacer la vie, pour lesquelles il n’existe présentement aucun médicament sur le marché au Canada. La politique vise à favoriser un accès rapide de la part des médecins et des patients aux médicaments qui, selon Santé Canada, démontrent des signes encourageants d’efficacité clinique. Pour ces médicaments, la politique autorise le dépôt d’une présentation de drogue nouvelle (PDN) ou d’un supplément à une présentation de drogue nouvelle (SPDN) qui, s’ils sont approuvés, mènent à la délivrance d’un avis de conformité avec conditions (AC-C) plutôt qu’à l’avis de conformité (AC) ordinaire.
[3] Le 8 décembre 2004, Lundbeck Canada Inc. (Lundbeck) a reçu du ministre de la Santé (le ministre) un avis de conformité avec conditions (AC-C) à l’égard de son produit EBIXA en vertu de l’article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues (le Règlement). Les conditions rattachées à l’AC-C étaient celles qui étaient mentionnées dans la politique. EBIXA est indiqué pour le traitement de la démence de type Alzheimer moyenne ou grave. Son ingrédient médicinal est la mémantine.
[4] Le 24 décembre 2007, Ratiopharm a déposé auprès du ministre une PADN dans le but d’obtenir un AC lui permettant de commercialiser son produit ratio-Memantine. Dans sa PADN, Ratiopharm a comparé son produit à EBIXA (le produit de référence canadien ou PRC).
[5] Le 2 juin 2008, Cobalt a déposé une PADN auprès du ministre afin d’obtenir un AC lui permettant de commercialiser son produit co-Memantine. Le PRC de Cobalt était également EBIXA.
[6] Lundbeck a entrepris des procédures de contrôle judiciaire contre le ministre et contre Ratiopharm dans le dossier T-296-08 et contre le ministre et Cobalt dans le dossier T-1143-08. Dans les deux cas, comme je l’ai souligné, Lundbeck demande le contrôle « de la décision ou de l’action du ministre de la Santé (le ministre) d’accepter et d’examiner la présentation abrégée de drogue nouvelle » de Ratiopharm et de Cobalt « présentant EBIXA, la marque de mémantine de la demanderesse, comme étant un PRC ».
[7] Dans les deux demandes de contrôle judiciaire, Lundbeck sollicite les redressements suivants :
1. a) Une déclaration portant que EBIXA n’est pas un PRC en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 87, (RAD) et n’acquerra pas ce statut tant qu’un avis de conformité (AC) n’aura pas été délivré à son égard.
b) Une déclaration portant que la décision ou l’action du ministre d’accepter la soumission de la PADN présentant EBIXA […] comme étant un PRC et de l’examiner est illégale et invalide.
c) Une ordonnance annulant la décision ou l’action du ministre d’accepter la soumission de la PADN présentant EBIXA […] comme étant un PRC et de l’examiner et ordonnant au ministre de ne pas examiner et de rejeter la PADN.
d) Une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC ou un AC-C à […] quant à la PADN présentant EBIXA […] comme étant un PRC tant que le ministre n’aura pas délivré un AC (qui est différent d’un AC-C) quant à EBIXA.
2. a) Une déclaration portant que EBIXA est une « drogue innovante » au sens de l’article C.04.004.1 du RAD, modifié par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (protection des données), DORS/2006-241, 5 octobre 2006.
b) Une ordonnance interdisant au ministre et (ou) une déclaration portant qu’il est interdit au ministre d’accepter et d’examiner la PADN présentant EBIXA […] comme étant un PRC et ordonnant au ministre de rejeter la soumission de la prétendue PADN […] avant l’expiration d’un délai de six ans après la délivrance d’un AC quant à EBIXA.
3. À titre subsidiaire au redressement sollicité au paragraphe 2, une ordonnance interdisant au ministre et (ou) une déclaration portant qu’il est interdit au ministre de délivrer un AC quant à la PADN […] présentant EBIXA comme étant un PRC, avant l’expiration d’un délai de cinq ans après la délivrance d’un AC quant à EBIXA.
[8] À des fins d’exhaustivité, je décris les conditions qui étaient rattachées à l’AC-C. Ces conditions ont été incluses dans une lettre d’engagement remise par Lundbeck au ministre avant la délivrance de l’AC-C et mentionnaient que Lundbeck était tenue (1) d’effectuer une étude contrôlée pendant une période allant de six mois à un an sur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer modérée ou grave afin de confirmer les résultats quant à l’efficacité de deux études antérieures; (2) de fournir des mises à jour quant à la sécurité à tous les trois mois pendant les deux premières années et à des intervalles plus espacés au cours des années suivantes; (3) de faire état au ministre de tous les effets indésirables importants des médicaments; (4) de soumettre à l’acceptation du ministre un projet de lettre « Cher(ère) professionnel(le) de la santé »; (5) de fournir une ébauche de feuille de renseignements décrivant en termes simples les risques potentiels, les bienfaits et les effets secondaires de EBIXA pour l’indication relative au traitement symptomatique de la démence de type Alzheimer moyenne ou grave; (6) de soumettre à l’acceptation du ministre une ébauche d’une monographie du produit conforme aux exigences de la politique.
[9] Après avoir obtenu son AC-C, Lundbeck a demandé au ministre d’inscrire, en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement sur les AC), deux brevets au registre des brevets, lequel est tenu par le ministre. Le brevet canadien no 2,426,492 (le brevet 492) et le brevet canadien no 2,014,453 (le brevet 453) sont maintenus au registre quant aux comprimés de 10 mg de mémantine de marque EBIXA de Lundbeck.
[10] Lorsque Ratiopharm et Cobalt ont soumis leur PADN respective à Santé Canada, elles ont toutes les deux, comme l’exige le Règlement AC, signifié un avis d’allégation (AA) en conformité avec le Règlement AC qui, s’il est contesté par Lundbeck, donne droit à l’innovateur de déposer une demande d’interdiction en Cour fédérale contre les deux sociétés fabricantes de médicaments génériques. En vertu du Règlement AC, Lundbeck dispose d’un sursis automatique de 24 mois au cours duquel le ministre ne peut délivrer aucun AC à Ratiopharm ou à Cobalt. Lundbeck a intenté des procédures contre Ratiopharm le 13 mars 2008 dans le dossier T-414-08 et contre Cobalt le 8 août 2008 dans le dossier T-1226-08.
La position des parties
[11] Par requêtes préliminaires distinctes entendues ensemble, Ratiopharm et Cobalt, à titre de défenderesses, sollicitent le rejet des demandes de contrôle judiciaire de Lundbeck, et ce, pour les raisons suivantes :
1. Le défaut de qualité pour déposer les demandes de contrôle judiciaire parce que Lundbeck n’est pas une personne directement touchée par l’acte ou la décision ou l’action du ministre;
2. Les demandes de contrôle judiciaire sont prématurées car le ministre n’a pas encore rendu de décision quant aux PADN de Ratiopharm et de Cobalt;
3. Les demandes de contrôle judiciaire n’ont pas la moindre chance d’être accueillies sur le fond;
4. Les demandes de contrôle judiciaire constituent un abus de procédure parce que Lundbeck commercialise la mémantine, parce qu’elle a inscrit des brevets au registre des brevets et parce qu’elle a entrepris des procédures en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) quant à ces brevets.
[12] L’avocat du ministre s’est présenté aux auditions des requêtes mais n’a déposé aucun mémoire des faits et du droit. Il a soumis à la Cour une lettre datée du 20 octobre 2008 mentionnant que le ministre [traduction] « appu[yait] les requêtes déposées par les défenderesses Ratiopharm Inc. et Cobalt Pharmaceuticals Inc ».
[13] La société Ratiopharm ajoute un autre motif de radiation. Son avocat prétend que le ministre n’a pris aucune « décision » au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.
[14] Lundbeck, dans ses représentations écrites, a exprimé l’opinion que, le 8 décembre 2004, le ministre lui a accordé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, appelée avis de conformité avec conditions, quant à sa marque EBIXA. Cet avis de conformité avec conditions mentionne que la mise sur le marché de Lundbeck peut faire l’objet d’autres études afin de vérifier la sécurité et l’efficacité de son médicament et mentionne que ces études ne sont pas encore terminées et que [traduction] « Lundbeck ne détient encore qu’un AC-C et non pas un AC ».
[15] Lundbeck prétend qu’elle a déposé sa demande de contrôle judiciaire [traduction] « afin de régler la question de savoir si une société pharmaceutique de produis génériques a le droit, afin d’obtenir un AC, de comparer ses produits à un produit innovant qui n’a reçu qu’un AC-C » et elle a ajouté qu’elle a demandé à la Cour [traduction] « de déterminer si EBIXA, qui fait l’objet d’un AC-C peut être un produit de référence canadien (PRC) en conformité avec l’article C.08.001.1 de la RAD ». [Non souligné dans l’original.]
[16] Lundbeck affirme également que sa demande de contrôle judiciaire vise également à régler la question de savoir si les sociétés pharmaceutiques innovatrices qui doivent, en vertu de leur AC‑C, fournir des données additionnelles quant à la sécurité et quant à l’efficacité de leurs médicaments, disposent de la protection des données et, le cas échéant, à compter de quelle date et pour quelle durée.
[17] Lundbeck affirme, sur la foi de renseignements reçus de la part du ministre sur ordonnance par consentement, que les PADN de Ratiopharm et de Cobalt ont été acceptées lors de l’inspection. Elle affirme également que les AC-C n’ont jamais fait l’objet de procédures judiciaires au Canada et, à ce titre, les présentes procédures judiciaires [traduction] « soulèvent des questions nouvelles et controversées ».
[18] En ce qui a trait à ses arguments juridiques, Lundbeck affirme ce qui suit :
· Compte tenu de la jurisprudence de la Cour selon laquelle la radiation d’une demande de contrôle judiciaire à une étape préliminaire exige des circonstances exceptionnelles et qu’il ne devrait être fait droit à une telle demande de radiation que si la demande de contrôle judiciaire « n’a pas la moindre chance d’être accueillie », Lundbeck affirme que ni Ratiopharm ni Cobalt ne satisfont au critère relatif à la radiation de la demande de contrôle judiciaire dans le cadre de laquelle elles agissent à titre de défenderesses.
· En ce qui concerne la qualité pour agir, Lundbeck prétend qu’il incombe aux sociétés fabricantes de produits génériques de démontrer qu’elles ont qualité pour agir parce qu’elles sont directement touchées par la décision ou l’action du ministre et qu’elles ne disposent d’aucun autre recours. Elle affirme que ses droits reconnus par la loi sont touchés, que la décision impose des obligations juridiques et qu’elle porte atteinte à ses droits. Elle invoque le paragraphe 5(1) du Règlement AC et l’exigence qu’une deuxième personne comme Ratiopharm et Cobalt envoie un AA si elle dépose une PADN pour un AC et compare son médicament avec un autre médicament commercialisé au Canada en vertu d’un AC. Cela s’est produit dans chaque cas et il en résulte que la validité et l’absence de contrefaçon relativement au brevet inscrit au registre de Lundbeck quant à EBIXA sont en litige avec la conséquence que l’acceptation par le ministre de l’examen de la PADN a eu une incidence sur les droits de Lundbeck reconnus par la loi et a imposé des obligations juridiques quant à eux. Lundbeck invoque également la disposition de protection des données du RAD et prétend que le simple fait d’accepter le dépôt de la PADN constitue une violation de la protection juridique qui lui est accordée. Elle prétend que le fait que, à titre de société pharmaceutique innovatrice, elle sera moins encline à développer des médicaments innovateurs si elle sait que le ministre effectuera une étude de comparaison et lui refusera la protection des données milite clairement en faveur d’une conclusion selon laquelle elle a qualité pour agir. Elle prétend que, même si la Cour conclut qu’elle n’a qu’un intérêt commercial, cet intérêt suffit pour affirmer que le ministre ne trouve aucun appui dans la jurisprudence.
· Lundbeck prétend qu’elle n’a d’autres recours que de demander le contrôle judiciaire de la décision ou de l’action du ministre d’accepter les PADN pour dépôt et que les procédures d’AC actuelles ne lui offrent aucun recours parce que leur fondement est fondamentalement différent. En outre, Lundbeck ne dispose d’aucun moyen judiciaire pour faire valoir la violation de la protection des données.
· Lundbeck prétend que la demande de contrôle judiciaire n’est pas prématurée et affirme que l’argument selon lequel il n’y a eu aucune décision et que, s’il y a eu une décision, il s’agit d’une décision interlocutoire, n’a aucun fondement. Lundbeck prétend que la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire s’étend au‑delà des décisions.
· Lundbeck prétend que la décision n’est pas interlocutoire parce que, en acceptant la PADN de Ratiopharm et de Cobalt, le ministre a décidé de manière définitive que EBIXA était un PRC et que Lundbeck ne peut pas bénéficier de la forme particulière de protection des données accordée par le RAD qui, selon elle, interdit le simple dépôt de la PADN avant l’expiration d’un délai de six ans qui court à compter de la délivrance d’un AC. Elle ajoute que si un AC n’est pas délivré à Ratiopharm ou à Cobalt, ce ne sera pas parce que EBIXA n’est pas un PRC ou parce que [Lundbeck] n’a pas droit à la protection des données mais parce que les sociétés fabricantes de médicaments génériques n’ont pas démontré la bioéquivalence. De toute façon, elle prétend que les décisions interlocutoires peuvent être examinées dans des circonstances spéciales, notamment dans les cas de compétence. Ce que Lundbeck explique ici, c’est que si EBIXA n’est pas un PRC, le ministre n’a pas compétence pour examiner les PADN. En outre, si EBIXA a droit à la protection des données, le ministre ne peut pas accepter le dépôt de la PADN. Lundbeck prétend que ses données ne peuvent être protégées que si le ministre ne traite pas les deux PADN qui ont été déposées et prétend que l’obliger à attendre la délivrance d’un AC équivaut à nier complètement cette forme de protection. Elle conclut son argument sur ce point en déclarant que la jurisprudence en matière de décision interlocutoire est limitée aux tribunaux et que le ministre n’est pas un tribunal. Elle a affirmé ce qui suit en parlant du ministre : [traduction] « il exerce un pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé par la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application ». [Non souligné dans l’original.]
· Lundbeck prétend qu’on ne peut pas prétendre que sa demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance d’être accueillie et conteste l’argument selon lequel, en droit, l’autorisation de mise sur le marché accordée par le ministre doit être un AC parce que c’est la seule forme de mise sur le marché prévue dans le RAD. Lundbeck prétend que, par sa demande de contrôle judiciaire, elle vise à résoudre une question de droit inédite qui n’a jamais été tranchée par les tribunaux; il s’agit d’une question qui comporte des conséquences importantes car 40 produits ont été approuvés au Canada au moyen d’un AC‑C. Lundbeck invoque le paragraphe C.08.004(1) du RAD et affirme que celui‑ci prévoit que [traduction] « le ministre peut délivrer un AC ou prévenir le fabricant que la présentation n’est pas conforme ». Elle affirme ensuite que [traduction] « le ministre a fait plus que cela et a imposé des conditions à l’autorisation de mise sur le marché. Ceci n’est pas contesté par […] mais elle voudrait que la Cour fasse fi de la manière selon laquelle le ministre a choisi d’exercer ses pouvoirs aux fins des autres articles du RAD ». Elle affirme que ces conditions ont une incidence très importante sur l’autorisation de mise sur le marché en (1) empêchant les titulaires de brevet d’obtenir le remboursement du coût du médicament de la part des régimes publics de soins médicaux; (2) obligeant Lundbeck à consacrer beaucoup de temps, d’efforts et à engager des frais pour effectuer les études de confirmation [traduction] « alors que le fabricant de produits génériques peut en même temps inonder le marché avec des produits génériques ». Lundbeck invoque l’alinéa C.08.002.1d) du RAD qui exige que les conditions thérapeutiques relatives à la drogue nouvelle figurent parmi celles qui s’appliquent au produit de référence canadien, ce qui n’est pas possible en ce qui concerne un médicament qui a fait l’objet d’un AC‑C car l’utilisation, dans le cas de Lundbeck, est liée à l’exécution d’essais cliniques supplémentaires et à la soumission de résultats au ministre, ce que ni Ratiopharm ni Cobalt ne peuvent faire. En ce qui concerne la protection des données, Lundbeck prétend que sa marque EBIXA devrait être admissible en vertu de la nouvelle version de l’article C.08.04.1 parce que, manifestement, le 6 octobre 2006, lorsque cet article est entré en vigueur, Lundbeck n’avait pas soumis toutes les données exigées par le ministre et un investissement considérable est exigé pour compléter les données. Elle prétend que le ministre exige des données additionnelles qui amèneraient la Cour à décider que, dans ces circonstances, l’article empêche même Ratiopharm et Cobalt de déposer leur PADN.
· Enfin, Lundbeck réfute l’allégation selon laquelle sa procédure constitue un abus de procédure en affirmant que, dans la présente demande de contrôle judiciaire, un AC‑C n’est pas un AC et en déposant en même temps une demande d’interdiction en vertu du Règlement AC qui présume l’existence d’un AC pour lister des brevets au registre, ce qui déclenche l’application de l’ensemble du régime prévu dans le Règlement. Lundbeck prétend que la nature de sa demande de contrôle judiciaire et de sa demande d’interdiction, en vertu du Règlement AC, sont fondamentalement différentes. Elle prétend que la présente instance met en doute la validité de la PADN en vertu du RAD alors que l’instance en vertu du Règlement AC vise à contester des revendications liées à des brevets faites dans le AA signifié à Lundbeck par chacun des fabricants de médicaments. En outre, elle ajoute qu’il ne s’agit pas d’un cas de nouvelle instance, contrairement à l’argument qui était à la base des cas cités par Ratiopharm et Cobalt.
L’analyse et les conclusions
[19] Pour les motifs qui suivent, pour que soient accueillies les requêtes en radiation des demandes de contrôle judiciaire de Lundbeck présentées par Ratiopharm et Cobalt, trois motifs doivent être fondés : (1) l’absence de qualité pour agir de la part de Lundbeck; (2) l’incapacité de la part de Lundbeck à obtenir une décision interlocutoire; (3) la demande de contrôle judiciaire de Lundbeck est, sur le fond, futile et n’a aucune chance d’être accueillie.
(1) La qualité pour agir
[20] La jurisprudence enseigne ce qui suit :
1) Il est permis de traiter de la question de la qualité pour agir dans le cadre d’une requête en radiation, mais afin de faire cela, on doit évaluer si la Cour dispose de données suffisantes, c’est‑à‑dire d’énoncés de faits et de droit et d’arguments suffisants pour que l’on puisse bien comprendre la nature des intérêts de Lundbeck. Ce critère est satisfait : les faits importants ne sont pas contestés et le droit est bien établi.
2) L’absence de qualité pour agir dans le cadre d’une requête en radiation ne doit être invoquée que dans les cas les plus manifestes : la Cour ne doit avoir aucun doute que Lundbeck n’a pas la capacité de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire (Sanofi‑Aventis Canada Inc. c. Le ministre de la Santé et autres, 2008 CF 129, au paragraphe 19). Ce critère est également satisfait en l’espèce.
[21] Depuis 1986, la Cour d’appel fédérale et la Cour ont conclu qu’un fabricant de drogue innovante n’a pas qualité pour introduire une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, c’est‑à‑dire qu’il n’est pas directement touché par une décision du ministre de la Santé dans le cadre de l’application de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application lorsque celui‑ci examine une soumission faite par un fabricant de médicaments génériques afin d’obtenir l’autorisation de mettre son produit sur le marché, c’est‑à‑dire un AC (voir Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), 12 C.P.R. (3d) 438 (C.A.) et Glaxo Canada Inc. c. Le Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social et autres, 31 C.P.R. (3d) 29 (C.A.)).
[22] S’inspirant de cette jurisprudence, le juge Hugessen a affirmé ce qui suit dans Merck Frosst Canada Inc c. Canada (Ministre de la Santé), [1997] A.C.F. no 1847 (C.F.); 146 F.T.R. 249:
11 Dans certaines des décisions, on invoque à titre d’expédients des notions comme l’absence de qualité pour agir et la non-justiciabilité, pour décrire cette limitation des droits du breveté. Partant, les requérantes s’appuient sur des arrêts tels Canada c. Finlay, [1986] 2 R.C.S. 607, Canada c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575 et Opération Dismantle c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 441 pour faire valoir qu’elles ont la qualité requise pour agir et que les questions qu’elles soulèvent sont en fait justiciables. Les requérantes confondent la forme et le fond. Ce n’est pas l’absence de qualité pour agir ou de justiciabilité qui, au sens strict, les empêche de soulever l’inobservation des objectifs de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d’application en matière de santé et de sécurité; ces questions ne les concernent tout simplement pas et ne peuvent être soulevées par elles pour contester la décision du Ministre de délivrer un avis de conformité. Il incombe au Ministre de veiller lui‑même à la protection de la santé et de la sécurité publiques, et sa prétendue omission de s’acquitter de ses obligations vis-à-vis d’autres personnes ne confère aucun droit d’ordre privé aux requérantes. [Non souligné dans l’original.]
12 Toutefois, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) - le règlement « de liaison » -, confère aux requérantes Merck le droit, à tout le moins tacite, de contraindre Apotex et le Ministre à se conformer à ce règlement et de s’opposer à la délivrance d’un avis de conformité en cas d’inobservation de ce dernier. Le règlement de liaison n’a cependant pas pour effet d’intégrer à ses dispositions la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application en entier de façon à donner aux requérantes le droit de faire respecter ceux-ci. Il a manifestement pour objet de prévoir, au bénéfice du breveté, une mesure supplémentaire de protection du brevet et des droits de propriété intellectuelle et il n’a absolument rien à voir avec la santé et la sécurité publiques.
[23] Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans [1999] A.C.F. no 1536.
[24] L’adoption du Règlement AC n’a pas permis aux sociétés pharmaceutiques innovatrices de contester l’application par le ministre de la Santé de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application. C’est ce qu’a affirmé clairement la Cour d’appel fédérale dans Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 276 où elle a conclu qu’une société pharmaceutique innovatrice avait qualité pour contester la décision du ministre parce que celle‑ci avait été rendue dans le cadre de l’application du Règlement AC.
[25] Lorsqu’on examine l’avis de demande de Lundbeck, il est évident, selon moi, que tous les redressements demandés par elle ont trait à l’application faite par le ministre de la Loi sur les aliments et drogues à l’égard des PADN soumises par Ratiopharm et Cobalt. La demande de contrôle judiciaire de Lundbeck ne vise rien d’autre que d’empêcher que le ministre examine ces soumissions et que, si le ministre donne son autorisation à leur égard pour des motifs de santé et de sécurité, d’empêcher la délivrance d’un AC à leur égard. Lundbeck n’a pas qualité pour faire cela et cela comprend ses contestations fondées sur les dispositions relatives à la protection des données (les nouvelles et les anciennes) qui figurent au paragraphe C.08.004.1(1) du RAD.
[26] Deux décisions récentes portent sur l’absence de qualité de la part d’une société pharmaceutique pour contester la décision du ministre dans des affaires relatives à des soumissions d’AC faites par des fabricants de médicaments génériques et sur l’application de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application; il s’agit de Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Le ministre de la Santé, 2008 C.F. 1062 et de GlaxoSmithKline Inc. c. Procureur général du Canada, Dossier T-000-07, 21 décembre 2007).
(2) Le contrôle judiciaire de décisions interlocutoires
[27] Il est bien établi en droit que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, les décisions interlocutoires ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire (Prince Rupert Grain Ltd. c. Grain Workers’ Union, section locale 333, 2005 CAF 402, au paragraphe 2) et que, comme le juge O’Reilly l’a affirmé dans Fairmont Hotels Inc. c. Directeur de Corporations Canada, 2007 C.F. 95, au paragraphe 9 :
9 En règle générale, les décisions interlocutoires ne sont pas susceptibles d’appel ou de contrôle judiciaire. Les tribunaux sont soucieux de ne pas autoriser les parties à retarder ou fragmenter indûment les procédures ou encore à hausser inutilement les frais des procès. De plus, ils sont naturellement peu enclins à se prononcer sur des questions procédurales ou administratives qui peuvent se révéler superflues ou insignifiantes au moment où le différend est tranché au fond, ou dans les cas où il existe d’autres recours adéquats à ce stade : Szczecka c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 934 (C.A.) (QL); Zundel c. Citron, [2000] A.C.F. no 678 (C.A.F.) (QL); Prince Rupert Grain Ltd. c. Grain Workers’ Union, Section locale 333, 2005 CAF 401, [2005] A.C.F. no 2055 (C.A.) (QL); Sherman c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 715, [2006] A.C.F. no 912 (C.F.) (QL).
[28] La Cour d’appel fédérale a récemment répété cette jurisprudence dans CHC Global Operations, division de CHC Helicopters International Inc. c. Global Helicopter Pilots Association, 2008 CAF 344.
[29] La Cour a été informée que, dans les deux cas en l’espèce, le ministre est en train de traiter les PADN de Ratiopharm et de Cobalt. Il est rendu à l’étape de l’examen du processus qui comporte l’application de l’article C.08.002.1 et qui prévoit que le fabricant d’une drogue nouvelle peut déposer à l’égard de celle-ci une présentation abrégée de drogue nouvelle si, « par comparaison à un produit de référence canadien a) la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence », cette expression étant définie à l’article C.08.001.1 comme suit : « produit de référence canadien » selon le cas : a) une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l’article C.08.004 et qui est commercialisée au Canada par son innovateur ».
[30] En vertu du RAD, il incombe au ministre, qu’il s’agisse d’une PDN d’un innovateur ou d’une PDN d’un fabricant de médicaments génériques, de ne délivrer aucun AC – une autorisation de commercialiser un médicament au Canada, sauf s’il est convaincu de la sécurité et de l’efficacité de ce médicament (voir l’article C.08.004).
[31] Il est évident, vu les faits de l’espèce, que la décision rendue par le ministre après avoir examiné la PADN de Ratiopharm et de Cobalt, est une décision interlocutoire et non pas une décision définitive parce que le résultat final comporte la décision du ministre de délivrer ou non un AC en vertu du RAD sous réserve de l’applicabilité du Règlement AC.
[32] Je ne suis pas convaincu du bien‑fondé des arguments de Lundbeck selon lesquels il y a des circonstances exceptionnelles en l’espèce qui l’emportent sur la règle générale. L’avocat de Lundbeck a tenté de formuler à titre de question de compétence la question de EBIXA comme étant un PRC en vertu d’un AC‑C. Selon moi, aucune question de compétence n’est soulevée en l’espèce – la question de savoir si EBIXA est un PRC est une décision prise par le ministre dans le cours ordinaire de l’application de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d’application. Comme le juge Pelletier l’a affirmé dans Prince Rupert Grain Inc., la Cour devrait faire attention de ne pas qualifier trop facilement une question de droit de question de compétence.
(3) Les demandes de Lundbeck sont dénouées de fondement
[33] L’essentiel de l’argumentation sur le fond de Lundbeck est que l’autorisation de mise sur le marché qu’elle a reçue en décembre 2004 est une autorisation de mise sur le marché conditionnelle. Il ne s’agit pas d’un AC complet parce que Lundbeck doit effectuer des études de confirmation sur EBIXA, renseigner les médecins, soumettre des rapports de sécurité, des étiquettes et la monographie de produit comprenant des mises en garde, toutes des choses que Ratiopharm et Cobalt ne seront pas tenues de faire si elles obtiennent leur AC et qui, de toute façon, rend leur produit non comparable à EBIXA, c’est‑à‑dire pas un PRC. Sur ce dernier point concernant les conditions que le ministre peut attacher au produit de Ratiopharm ou de Cobalt l’argument de Lundbeck relève de la conjecture comme l’indique clairement la décision du ministre datée du 31 mars 2008, confirmée le 2 avril 2008, ainsi qu’un projet d’avis de politique devant être délivré le 2 avril 2008 quant aux genres de conditions que le ministre peut rattacher aux médicaments génériques comme l’AC de Ratiopharm et de Cobalt si un AC est délivré, une question qu’il reste à trancher.
[34] Il est clair en droit qu’une demande de contrôle judiciaire ne devrait être radiée sur le fond que si elle n’a aucune chance d’être accueillie (voir LJP Sales Agency Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2007 CAF 114, Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374 et Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CAF 163). Selon moi, les demandes de contrôle judiciaire de Lundbeck, dans ces deux dossiers, n’ont aucune chance d’être accueillies. Elles sont futiles.
[35] L’argument selon lequel un AC avec conditions appelé un AC‑C n’est pas un AC aux fins de la Loi sur les aliments et drogues y compris son lien avec le Règlement AC est un argument selon lequel, si on y ajoute foi, la forme l’emporte sur le fond.
[36] En fait, Lundbeck, le 8 décembre 2004, a reçu un AC (et rien d’autre) à l’égard de EBIXA formulé de la façon suivante :
[traduction]
La présente a pour but de vous aviser que, en vertu de l’article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, la présentation de drogue nouvelle susmentionnée est conforme aux exigences des articles C.08.002 et C.08.005.1 du Règlement. À titre de fabricant, nous vous rappelons les obligations auxquelles vous êtes tenue en vertu de l’alinéa C.08.002(1)d) et des articles C.08.007 et C.08.008. Ces obligations sont décrites en détail au verso du présent avis.
Vous vous êtes engagée à effectuer en temps opportun des études bien conçues afin de vérifier l’avantage clinique de ce médicament. Vous vous êtes également engagée à fournir le matériel pédagogique opportun et à respecter les exigences imposées quant au médicament en matière de surveillance après la mise en marché ainsi qu’en matière de publicité, d’étiquetage et de distribution. Le défaut de respecter l’un ou l’autre ou l’ensemble de ces engagements pourra être interprété comme donnant à penser, notamment, qu’il n’y a pas suffisamment de preuve, à ce moment‑ci, pour établir l’efficacité du médicament pour les fins recommandées. Par conséquent, il sera envisagé de prendre des mesures réglementaires et de retirer le produit du marché en application du Règlement sur les aliments et drogues.
[37] Au vu de la loi, Lundbeck ne pouvait pas se voir délivrer autre chose qu’un AC si elle voulait être autorisée à commercialiser EBIXA parce que c’est ce que la loi et le règlement exigent.
[38] L’article C.08.002 du RAD prévoit qu’il est interdit de vendre ou d’annoncer une drogue nouvelle, à moins que le ministre, aux termes de l’article C.08.004, a délivré au fabricant de la drogue nouvelle un avis de conformité et que cet avis de conformité n’a pas été suspendu.
[39] L’article C.08.004 prévoit que si le ministre est convaincu qu’une PDN, qu’une PADN ou qu’un supplément est conforme aux dispositions du RAD mentionnées dans cet article, il délivre un avis de conformité.
[40] Comme il a déjà été souligné, un PRC est lié à la délivrance d’un avis de conformité.
[41] Lorsqu’on examine la politique du ministre appelée « Ligne directrice et politique sur les avis de conformité avec conditions (AC‑C) », il est manifeste que celle‑ci a été conçue afin d’être intégrée dans le cadre réglementaire du RAD et qu’elle n’est pas une exception à celui‑ci. Dans cette optique, un AC‑C est tout simplement un mot qui a été inventé à des fins de commodité administrative. Cette expression n’a aucun effet juridique et ne peut en avoir aucun sauf si le RAD était modifié. Par contre, lorsque le ministre veut autoriser la vente d’un médicament autrement qu’au moyen d’un AC, il a recours à l’article C.08.010 et délivre une lettre d’autorisation pour le Programme d’accès spécial, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[42] La validité de la politique d’avis de conformité avec conditions (AC‑C) n’a été contestée par aucune des parties qui se trouvent devant moi. Comme je l’ai déjà déclaré, après avoir examiné le RAD dans son ensemble, je conclus que cette politique cadre bien avec l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre prescrit dans le RAD en vertu duquel il doit être convaincu de la sécurité et de l’efficacité des médicaments vendus sur le marché canadien et qui lui permet d’attacher des conditions appropriées dans des circonstances comme celles en l’espèce. Je souligne que, en vertu des dispositions liées à la PDN et à la PADN, le ministre peut exiger des renseignements ou des documents additionnels concernant la sécurité et l’efficacité du nouveau médicament. Voir l’article C.08.008.
[43] Le même raisonnement s’applique au redressement demandé par Lundbeck concernant les dispositions relatives à la protection des données figurant dans le RAD qui a été modifié le 5 octobre 2006 (le nouveau régime). Ces modifications ont considérablement amélioré la protection relative aux drogues innovantes qui contiennent un ingrédient médicinal qui n’a pas déjà été approuvé par le ministre et qui n’est pas une variation d’un ingrédient approuvé.
[44] L’ancien régime figurant à l’article C.08.004.1 a fait l’objet d’une interprétation judiciaire (voir le jugement rendu par le juge Evans, qui était alors juge à la Section de première instance, dans Bayer Inc. c. Canada (Procureur général), 84 C.P.R. (3d) 129 confirmé en appel dans Bayer Inc. c. Canada (Procureur général), 87 C.P.R. (3d) 293).
[45] En vertu de l’ancien régime de protection des données, la protection n’entrait en jeu que lorsque le ministre examinait les renseignements et les documents déposés auprès de lui dans le cadre d’une présentation par l’innovateur d’une drogue nouvelle qui contenait une substance chimique ou biologique dont la vente au Canada comme médicament n’avait déjà été approuvée et il se fiait à ces données afin d’établir la sécurité et l’efficacité de la PADN du fabricant de produits génériques. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale, l’application de cette disposition était soumise à une politique du ministre suivant laquelle il préviendrait le fabricant de médicaments génériques de son intention de se fier aux renseignements de l’innovateur afin de donner l’occasion à celui‑ci de fournir ses propres renseignements de telle sorte que n’entre pas en jeu la disposition relative à la protection des données qui empêchait le ministre de délivrer un AC au fabricant de médicaments génériques pendant une période de cinq ans à compter de la date de l’AC de l’innovateur. Le nouveau régime abolit l’exigence de l’ancien régime que le ministre examine les renseignements et les documents déposés auprès de lui et qu’il se fie à ceux‑ci et il établit un registre des médicaments auquel s’applique la nouvelle disposition.
[46] Je ne doute nullement que le nouveau régime ne s’applique pas à Lundbeck, et ce, pour deux raisons. Lundbeck n’a pas démontré que EBIXA était inscrit au registre tenu par le ministre. Plus important encore, l’article 2 du règlement modifié comprend une clause transitoire qui prévoit que l’ancien régime continue de s’appliquer à un médicament à l’égard duquel un avis de conformité a été délivré avant le 17 juin 2006, ce qui est le cas de EBIXA.
[47] Compte tenu de ces conclusions, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs soulevés par Ratiopharm ou Cobalt, en particulier l’argument d’abus de procédure.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que les demandes de contrôle judiciaire introduites par Lundbeck Canada Inc. dans les dossiers T-296-08 et T-1143-08 sont rejetées avec dépens distincts adjugés à chacune des sociétés de médicaments génériques défenderesses dans chacun des dossiers. Si la question des dépens ne peut pas être réglée entre les parties, l’une ou l’autre d’entre elles peut demander à la Cour de prévoir des soumissions des dépens. Une copie des motifs du présent jugement et une copie du jugement lui‑même seront déposées dans chacun des dossiers.
« François Lemieux »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : T-296-08 et T-1143-08
INTITULÉ : LUNDBECK CANADA INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET RATIOPHARM INC.
ET ENTRE
LUNDBECK CANADA INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET COBALT PHARMACEUTICALS INC. ET H. LUNDBECK A/S
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 octobre 2008
DATE DES MOTIFS : Le 16 décembre 2008
COMPARUTIONS :
Jean-Philippe Mikus Marek Nitoslawski
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Arthur B. Renaud
F.B. (Rick) Woyiwada
Tim Gilbert Shonagh McVean |
RATIOPHARM INC.
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA SANTÉ
POUR LA DÉFENDERESSE COBALT HARMACEUTICALS INC. |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin LLP Montréal (Québec)
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Bennett Jones LLP Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada
Gilbert’s LLP Toronto (Ontario)
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POUR LA DÉFENDERESSE RATIOPHARM INC.
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA SANTÉ
POUR LA DÉFENDERESSE |