Date: 20081217
Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2008
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Le demandeur est un citoyen de Saint-Vincent-et-les-Grenadines (Saint‑Vincent) dont la demande d’asile, rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) était fondée sur les persécutions qu’il a subies dans son pays en raison de son homosexualité. Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SPR.
II. LE CONTEXTE
[2] Dans son témoignage, le demandeur a fait état d’une longue série de mauvais traitements dont il a été victime depuis l’âge d’environ treize ans à cause de son orientation sexuelle. Ainsi, il a notamment été chassé de la maison de sa mère, giflé et battu par plusieurs membres de sa famille, abreuvé d’injures et menacé de mort. Ces incidents ont atteint leur paroxysme quand le demandeur a été lapidé par un groupe d’hommes dont il a réussi à s’échapper.
[3] Selon le demandeur, harcèlement et discrimination constituent habituellement le lot des homosexuels à Saint‑Vincent. Cette affirmation est corroborée par une preuve documentaire.
[4] En 2004, le demandeur, alors âgé de 22 ans, a obtenu un emploi à bord d’un navire de croisière. Il est retourné è Saint‑Vincent à l’occasion depuis lors.
[5] À Saint‑Vincent, des dispositions législatives qui sont toujours en vigueur rendent illégal tout acte homosexuel.
[6] La SPR ajoute foi au témoignage du demandeur. Néanmoins, elle conclut qu’il a subi de la discrimination plutôt que des persécutions et ce, que les divers incidents relatés par le demandeur soient considérés isolément ou dans leur ensemble. Comme les menaces de mort n’ont pas été mises à exécution, la SPR n’y accorde pas d’importance.
III. ANALYSE
[7] La principale question en litige consiste à déterminer se la Commission a commis une erreur en statuant que les incidents décrits par le demandeur ne constituent que de la discrimination.
[8] Je souscris aux arguments du demandeur selon lequel, compte tenu des effets cumulés des incidents qu’il a relatés, il s’agit plutôt de persécution, d’autant plus que des menaces de mort dignes d’être prises au sérieux ont été proférées.
[9] La SPR a commis une erreur lorsqu’elle a écarté des allégations qu’elle avait pourtant jugées crédibles. En effet, comme personne n’avait attenté à la vie du demandeur, la SPR n’a pas tenu compte des menaces de mort, ce qui équivaut à rejeter les allégations s’y rapportant sans avoir déterminé au préalable si ces menaces étaient sérieuses.
[10] La SPR a omis d’aborder certaines questions : le fait que le demandeur n’ait pas sollicité la protection de l’État, qu’il se soit tout de même réclamé à nouveau de la protection de Saint‑Vincent et qu’il n’ait pas quitté son pays plus tôt. Ces questions pourront être examinées lors de la nouvelle audition de l’espèce.
[11] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SPR sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen. Aucune question ne fait l’objet d’une demande de certification.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.
« Michael L. Phelan »
Traduction certifiée conforme
Emmanuelle Dubois
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER: IMM‑2360‑08
INTITULÉ: ALEX HANIEL MUCKETTE
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 25 novembre 2008
DATE DES MOTIFS : Le 17 décembre 2008
COMPARUTIONS :
Kirk J. Cooper (Mandataire de Rodney L.H. Woolf)
|
|
Judy Michaely
|
AVOCATS AU DOSSIER :
RODNEY L.H. WOOLF Avocat Toronto (Ontario)
|
|
JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |