T-1154-89
Entre :
JACK SEBASTIAN, CONSEILLER EN CHEF, GORDON SEBASTIAN,
MARVIN GEORGE et DOUGLAS TAIT,
CONSEILLERS DE LA BANDE, EN LEUR PROPRE NOM ET
AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES
DU CONSEIL DE LA BANDE HAGWILGET,
demandeurs,
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,
représentée par le MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN, LA ROMAN CATHOLIC EPISCOPAL CORPORATION
OF PRINCE RUPERT et LA CATHOLIC PUBLIC SCHOOLS OF
THE DIOCESE OF PRINCE GEORGE,
défendeurs.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
JOHN A. HARGRAVE
PROTONOTAIRE
Les présents motifs s'adressent à deux requêtes, la première présentée par Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (la «Couronne») et l'autre par les défenderesses, la Roman Catholic Episcopal Corporation of Prince Rupert et la Catholic Public Schools of the Diocese of Prince George (l'«Église»), demandant le rejet de l'action pour défaut de poursuivre comme le prévoit la Règle 440 de la Cour fédérale.
CONTEXTE
La présente action découle de l'acquisition d'un terrain à Hazelton par l'Église en 1958 pour la construction de ce qui est devenue l'école St. Mary, établissement fréquenté par des enfants indiens et non indiens. Le gouvernement du Canada a fourni 45 % du prix initial d'achat du terrain et de construction de l'école St. Mary, établi à 77 648 $; en retour, l'Église s'est engagée, par contrat signé le 11 juillet 1958, à accepter trente enfants catholiques romains, ayant le statut d'Indiens inscrits, dont les frais de scolarité seraient assumés par le gouvernement.
En décembre 1964, l'Église et le gouvernement du Canada, en vue d'agrandir l'école de St. Mary, ont signé un autre contrat aux termes duquel le gouvernement payait 50 % du prix des ajouts, incluant un gymnase ou une grande salle. La contribution totale du gouvernement, en vertu des contrats de 1958 et de 1964, s'élevait donc à quelque 98 000 $. En retour de la contribution de 1964, l'Église s'engageait à accepter chaque année à l'école St. Mary 80 enfants ayant le statut d'Indiens inscrits.
En 1979, les demandeurs ont réclamé l'accès total aux différents bâtiments de l'école St. Mary et particulièrement à la grande salle qui, à leur avis, a été construite avec des fonds indiens (selon la définition donnée dans la Loi sur les Indiens) réservés à la Bande Hagwilget, demanderesse, mais que le gouvernement a préféré allouer à la construction de l'école de l'Église. Les négociations en vue de donner accès à ces immeubles aux Indiens ont été rompues en 1983, et donné naissance à un litige.
L'action initiale des demandeurs, intentée devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique en 1983, s'est terminée par un règlement insatisfaisant quand la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, en mai 1989, a jugé que la Cour suprême de la Colombie‑Britannique ne pouvait être saisie de différends mettant en cause Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Par conséquent, les demandeurs ont intenté la présente action le 31 mai 1989.
Quelques interrogatoires préalables ont été faits dans la procédure intentée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et il semble que, par consentement, ils seront utilisés dans la présente action. Le reste des interrogatoires préalables, entre la Couronne et les demandeurs, ont eu lieu au cours de l'été 1991, bien qu'on attende toujours certaines réponses. Aucune procédure ne semble avoir été déposée dans la présente action à l'encontre de l'Église depuis 1989. À plusieurs reprises en 1991 et 1992, l'avocat de la Couronne a écrit à l'avocat des demandeurs, pour obtenir des réponses aux questions posées en interrogatoire préalable. L'avocat des demandeurs a écrit à l'avocat de la Couronne en 1991, pour lui demander des réponses semblables. Ces réponses n'ont toujours pas été fournies.
En 1993, les demandeurs ont entamé ce qui semble être une tentative unilatérale pour négocier un règlement directement avec l'Église, mais sans résultat.
Le père William Walker indique dans son affidavit déposé le 22 mai 1996, que l'école St. Mary, qui est composée de six classes et du gymnase ou de la grande salle, n'est plus utile et qu'en fait elle a besoin de réparations. La paroisse d'Hazelton aimerait démolir les classes. Elle envisage également d'utiliser la grande salle pour remplacer la petite église actuelle; toutefois, cette grande salle a besoin d'un nouveau toit, qui coûterait 20 000 $. En outre, le chauffage de la salle, sur une base permanente, coûte 20 000 $ par an à la paroisse. La paroisse d'Hazelton, une entité autonome, prétend subir un préjudice parce qu'elle assume les coûts du chauffage et qu'elle n'est pas prête à entreprendre les restaurations en raison du litige actuel et d'une autre affaire pendante déposée à l'encontre du titre de propriété par les demandeurs.
J'ai énoncé le contexte de façon assez détaillée, pas tant pour indiquer le temps qui s'est écoulé et le peu de progrès réalisé par les demandeurs, que pour démontrer que même si une partie de la preuve sera de nature documentaire, une autre partie importante sera fondée sur les souvenirs des personnes qui ont participé de près ou de loin au projet de l'école St. Mary depuis le tout début, c'est-à-dire il y a quelque 38 ans. C'est là, selon les défendeurs, que se situe le problème.
Le principal témoin de la Couronne devait être M. Allen Friesen, employé au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien entre 1954 et 1985, période pertinente en l'espèce, et qui a par la suite travaillé pour le ministère sur une base contractuelle pour aider au règlement du présent litige. En avril de cette année, M. Friesen a informé les parties qu'il ne pourrait plus les aider ou venir déposer à cause de problèmes de santé.
Les demandeurs ont suggéré que la Couronne pourrait s'appuyer sur la déposition d'un dénommé Ronald Penner qui a été, au même titre que M. Friesen, désigné par la Couronne pour les fins des interrogatoires préalables. Toutefois, ni la Couronne ni les demandeurs ne m'ont renseigné sur les connaissances de M. Penner ou sa participation à la construction de l'école St. Mary.
Au nom de l'Église, le père Walker énonce ce qui suit dans son affidavit :
[TRADUCTION]
[...] Le principal témoin des défendeurs catholiques serait l'ancien évêque du diocèse de Prince George, son Éminence Fergus O'Grady, O.M.I., maintenant âgé de 87 ans et à la retraite, avec qui je me suis entretenu et dont les souvenirs des circonstances et des événements donnant lieu au litige sont défaillants; [...] (paragraphe 27)
Le 23 avril 1996, l'avocat de l'Église a écrit à l'avocat des demandeurs pour les aviser qu'une demande de radiation pour défaut de poursuivre serait déposée s'ils ne prenaient pas les mesures nécessaires pour que l'action soit jugée. Les demandeurs n'ont pris aucune mesure pour poursuivre l'action.
Mme Dora Wilson, conseillère en chef de la bande Hagwilget, fait référence, dans son affidavit déposé le 17 juin 1996, à une réunion de la bande convoquée le 14 juin 1996 en vue de discuter de la question et de préparer une proposition de règlement. L'affidavit indique également que le conseil de bande a décidé de poursuivre l'action au cas où il serait impossible d'en venir à un règlement négocié et qu'elle a donné instruction à son avocat de faire inscrire l'action en vue de l'instruction. Étant donné que l'échec des négociations remonte à 1983 et peut-être même à 1979, il s'agit là d'une approche pragmatique, quoique peut-être un peu tardive.
ANALYSE
Le critère à appliquer pour trancher une requête en radiation pour défaut de poursuivre a été énoncé dans l'arrêt Allen v. Sir Alfred McAlpine & Sons Ltd., [1968] All E.R. 543, une décision de la Cour d'appel dans laquelle Lord Denning mentionne qu'il s'agit là d'une mesure sévère mais nécessaire pour accélérer les procédures lorsque celles‑ci tardent à être prises (p. 547). Le critère énoncé dans l'arrêt Sir Alfred McAlpine a été développé par la Chambre des lords dans l'arrêt Birkett v. James, [1978] A.C. 297, dans lequel Lord Diplock, qui siégeait en Cour d'appel au moment où la cause Sir Alfred McAlpine a été entendue, fait les observations suivantes concernant le pouvoir de radier une action pour défaut de poursuivre :
[TRADUCTION]
Le pouvoir ne doit s'exercer que si la Cour conclut soit (1) que le défaut a été intentionnel ou insolent, par exemple désobéissance à une ordonnance péremptoire de la Cour ou conduite équivalant à un abus des procédures de la Cour; soit (2) a) qu'il y a eu un retard excessif et inexcusable de la part du demandeur ou de ses avocats, et b) que ce retard risque vraiment de rendre impossible le jugement juste des points litigieux ou est tel qu'il causera ou a causé vraisemblablement un grave préjudice aux défendeurs, que ce soit entre eux et le demandeur ou entre eux-mêmes ou encore entre eux et une tierce partie. (p. 318)
La présente Cour a approuvé ce critère dans la décision Nichols c. Canada (1990), 36 F.T.R. 77, dans laquelle le juge Dubé la résume dans les termes suivants à la page 78 :
Le critère classique à appliquer pour résoudre cette question est triple. En premier lieu, le retard est-il excessif? En deuxième lieu, le retard est-il inexcusable? En troisième lieu, les défendeurs sont-ils susceptibles de subir un préjudice grave en raison de ce retard?
Ce résumé a été cité avec approbation par la Cour d'appel dans l'arrêt La Reine c. Aqua‑Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, aux pages 459 et 469.
Il y a une autre façon de formuler l'aspect préjudiciel du critère, savoir le fait que le retard rendra impossible un jugement équitable, qui a été savamment énoncée par Lord Griffiths dans l'arrêt Department of Transport v. Chris Smaller (Transport) Ltd., [1989] A.C. 1197, une décision de la Chambre des lords, aux pages 1207 et 1208 :
[TRADUCTION]
Les principes énoncés dans Allan v. McAlpine et Birkett v. James sont maintenant bien compris et je ne suis pas persuadé qu'un argument concluant ait été proposé en l'espèce pour rejeter la nécessité qu'il y a de démontrer que le retard postérieur à l'émission du bref aura pour effet soit de rendre impossible un jugement équitable soit de causer un préjudice au défendeur.
La référence dans le passage ci-dessus, tiré de l'affaire Chris Smaller, à un «retard postérieur à l'émission du bref» nous amène à un autre point soulevé par l'avocat de l'Église. Il prétend que je devrais tenir compte de l'effet cumulatif du retard étant donné que le litige dure depuis près de treize ans, si l'on tient compte de l'action intentée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, ou même depuis dix-sept ans, si l'on remonte au jour où le conflit concernant l'utilisation de la salle a pris naissance. L'avocat cite les arrêts Nichols c. Canada [précité], à la page 79, et McFetters et al. v. Drau Realty et al. (1986), 55 O.R. (2d) 722.
Dans la cause McFetters, l'action avait été intentée tout juste avant l'expiration du délai de prescription de six ans. Après les interrogatoires préalables, il y a eu un retard inexpliqué de quatre ans. Le juge a examiné le temps écoulé, d'un point de vue cumulatif, dans le contexte de son effet sur les souvenirs des témoins :
[TRADUCTION]
De toute façon, 13 ans après le fait, il faudrait à mon avis présumer que les souvenirs des témoins, concernant les événements, même si leur mémoire peut être ravivée par des déclarations antérieures, seront dans bien des cas vagues, confus et peu probants, si tant est que les intéressés ont gardé des souvenirs de ces événements, abstraction faite de leurs déclarations antérieures. (p. 726)
L'opinion plus conventionnelle veut que le retard excessif soit évalué à partir non pas de la date à laquelle la dernière mesure a été prise, mais plutôt en tenant compte de la totalité du temps écoulé depuis le début de l'action : voir Chris Smaller [précité] et Midland Lumber Co. v. Smoky Lake (Town), (1992), 5 C.P.C. (3d) 220, à la page 222.
Il n'existe pas de règle permettant de décider après combien d'années il faut considérer que le retard est excessif et cela vient, comme il se doit, de ce qu'il faut tenir compte de toutes les circonstances. En l'espèce, les demandeurs, du fait de leur action et de l'action pendante intentée à l'encontre du titre de propriété, empêchent non seulement l'Église d'entretenir la grande salle, mais l'obligent également à dépenser de l'argent pour chauffer cette salle au coût de 20 000 $, compte tenu du climat nordique de la paroisse d'Hazelton. Dans les circonstances de l'espèce, il est dans l'intérêt de toutes les personnes intéressées que l'affaire soit réglée le plus rapidement possible. Toutefois, cela ne revient pas à dire que les défendeurs sont tenus de presser les demandeurs peu enthousiastes à donner suite à l'action. La Couronne est dans une position un peu différente, bien qu'elle doive elle aussi assumer les coûts qu'entraîne le litige. La défection, à toutes fins pratiques, du témoin principal de la Couronne, entraînera également, si cette action se poursuit, d'autres coûts, aux dépens du contribuable. Et tout cela pour un litige qui aurait dû être réglé il y a plusieurs années. Du point de vue de l'Église et de la Couronne, le retard est excessif. Dans les circonstances, la période de sept ans, c'est-à-dire le temps écoulé depuis que la présente action a été intentée en Cour fédérale, constitue un retard excessif.
Le temps écoulé est également un facteur à prendre en compte pour évaluer le préjudice causé à l'Église et à la Couronne. Comme Mme le juge Reed le signalait dans la décision «Neekis», non publiée en date du 20 juillet 1994, n° de greffe T‑1557‑86, le retard en lui-même peut équivaloir à un préjudice. Elle poursuit en indiquant que même si les interrogatoires préalables ont eu lieu : «[...] je ne peux conclure que la preuve testimoniale aura si peu d'importance que les défenderesses ne subiront pas de préjudice grave du fait de l'écoulement du temps et des défaillances de la mémoire.» (p. 2)
En l'espèce, les interrogatoires préalables ont été faits et deux des principaux témoins, s'ils étaient en bonne santé et disponibles au moment de l'instruction, pourraient raviver leur mémoire. Toutefois, j'accepte que ces deux témoins, qui auraient apparemment été disponibles il y a plusieurs années, quand l'affaire aurait dû être réglée, ne le seront plus maintenant. Malgré l'importance que les documents auront dans la présente action, des témoignages verbaux directs, comme la déposition de l'évêque Fergus O'Grady, seront vraisemblablement importants. Comme les intérêts de la Couronne et ceux de l'Église ne sont pas opposés, le fait que ni l'évêque O'Grady ni M. Friesen ne seront disponibles pour témoigner cause un préjudice à ces deux parties.
Il est peut-être malheureux que la grande salle de l'Église n'ait pu être utilisée pendant de nombreuses années à cause de ce litige; toutefois, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un préjudice aussi grave que le fait de rendre impossible un jugement équitable. Cependant, j'ai également gardé à l'esprit les observations de Mme le juge Reed dans la décision «Neekis» [précitée], portant sur le fait que l'un des défendeurs a subi ou a peut-être subi un préjudice, étant donné que sa position financière s'est détériorée avec le temps. Il y a un parallèle à établir ici entre les coûts continus qu'entraîne le retard et le chauffage de la grande salle qu'a dû assumer l'Église et qu'elle continuera d'assumer si cette action se poursuit. Abstraction faite de ces observations, les deux défendeurs ont subi un préjudice étant donné que le retard excessif les a empêchés tous deux de présenter leur meilleure défense.
Le point qui me cause la plus grande difficulté consiste à déterminer s'il a une excuse raisonnable pour justifier ce retard. Les demandeurs ont intenté la présente action en mai 1989, c'est-à-dire très peu de temps après que la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique eut décidé que l'action aurait dû être intentée devant la présente Cour. Les interrogatoires préalables entre la Couronne et les demandeurs ont eu lieu au cours des vingt-six mois suivants. Au cours des neuf mois qui ont suivi, l'avocat de la Couronne a écrit à quatre reprises à l'avocat des demandeurs pour essayer d'obtenir des réponses aux questions posées pendant l'interrogatoire préalable, mais sans succès.
Mme Nikki Frumau, du bureau de l'avocat des demandeurs, dans un affidavit déposé le 17 juin 1996, affirme que les demandeurs ont obtenu des évaluations et un relevé de la grande salle en 1992 et 1993 et qu'en juin 1993 ils ont fait une proposition à l'Église. D'après les demandeurs, il n'y a eu aucune réponse à cette proposition, parce que l'Église avait loué la salle pour l'été de 1993. Les évaluations auraient été connues de l'Église. Toutefois, rien n'indique si les évaluations ou la proposition ont été encouragées par l'Église. En fait, l'absence de toute réponse à la proposition tendrait à établir le contraire. Ces évaluations unilatérales et une offre non demandée et restée sans réponse justifient-elles le retard? Je ne le pense pas.
J'ai examiné les points énoncés dans l'affidavit de Mme Dora Wilson, conseillère en chef de la bande Hagwilget. Les auteurs des affidavits devraient s'abstenir de déposer sous serment des éléments de preuve non pertinents, surtout lorsque ceux-ci sont apocryphes, étant donné qu'ils ne peuvent que nuire à la crédibilité de l'affidavit. Mme Wilson fait référence à une rencontre qui a eu lieu en mars 1993 avec l'évêque. En juin 1993, elle prétend qu'il y a eu d'autres négociations. Toutefois, il est manifeste que rien n'a découlé de toutes ces rencontres.
Il n'y a pas d'explication justifiant le temps écoulé entre l'été 1993 et le dépôt de la présente requête, à l'exception de l'affirmation suivante de Mme Wilson : [TRADUCTION] «Parce que la C.P.S. (Catholic Public Schools of the Diocese of Prince George) louait la propriété, Hagwilget a compris que la C.P.S. n'était pas intéressée à poursuivre les négociations tant que le bail ne serait pas expiré» (paragraphe 27). Je doute beaucoup de la valeur de cette excuse, compte tenu surtout du fait que les négociations passées avec la bande Hagwilget n'ont mené nulle part.
La bande Hagwilget a conclu, en temps et lieu, que le bail avait expiré en mars 1996. Peu après, elle a écrit à l'évêque Wiesner et a apparemment reçu une réponse le 29 mai 1996. Par la suite, la bande a tenu une réunion avec le conseil le 14 juin 1996. La bande estime avoir fourni une réponse complète à la présente demande en affirmant que l'Église n'a pris aucune mesure pour que l'action soit poursuivie. Il ne revient pas à un défendeur d'obliger un demandeur à poursuivre ses procédures judiciaires. De plus, il n'y a aucune preuve que l'Église ou la Couronne ait de quelque façon que ce soit trompé les demandeurs au cours des sept dernières années.
Les affidavits indiquent que l'avocat des demandeurs avait une lourde charge de travail en 1992 en raison de son rôle dans la préparation et la défense d'un appel dans la cause Delgamuukow c. La Reine en mai et juin 1992. Même si la charge de travail était une excuse acceptable, elle ne peut justifier qu'une partie des sept années écoulées.
Les demandeurs se plaignent également du court avis qui leur a été donné en l'espèce concernant la demande en radiation pour défaut de poursuivre. L'avocat de l'Église a donné un avis amplement suffisant les informant de la requête en radiation pour défaut de poursuivre, comme l'exige la Règle 440(2), par une lettre datée du 3 avril 1996. L'avocat de la Couronne a écrit une lettre semblable le 17 mai 1996. L'avocat de l'Église a fixé la date d'audition de la requête de son client en radiation pour défaut de poursuivre au 10 juin. La requête a ensuite été ajournée jusqu'au 17 juillet, pour être entendue en même temps que la requête de la Couronne demandant le même redressement. L'avis prévu à la Règle 440(2) a pour but de donner au demandeur la possibilité, en prenant les mesures qui s'imposent, de démontrer au défendeur et à la Cour qu'il souhaite toujours poursuivre le litige. En l'espèce, les demandeurs ne se sont pas prévalus de cette possibilité.
Au cours de la période écoulée entre le 3 avril 1996, date de la lettre que l'avocat de l'Église a adressée à l'avocat de la bande, et la date d'audition de la présente requête, le seul événement qui s'est produit, d'après les éléments de preuve déposés par affidavit, est une réunion de la bande le 14 juin 1996, à l'issue de laquelle une résolution a été prise indiquant que la bande était toujours disposée à essayer de résoudre la poursuite judiciaire au moyen des négociations, mais que le conseil de bande [TRADUCTION] «[...] réaffirme sa décision de poursuivre vigoureusement cette affaire devant les tribunaux». Cette résolution est bien tardive.
La décision de rejeter une action pour défaut de poursuivre ne doit pas être prise à la légère. C'est une mesure très sévère qui prive une partie de l'occasion de se faire entendre. Toutefois, dans tout litige, le demandeur a des obligations et le défendeur a des droits. L'une des obligations du demandeur est de poursuivre son action à un rythme raisonnable; le défendeur a le droit de s'attendre à ce que l'action soit jugée sans retard excessif, pour ne pas subir de préjudice en devenant incapable de présenter sa meilleure défense et, qu'il gagne ou qu'il perde, pour dissiper toute incertitude et avoir la possibilité de retourner à ses affaires dans un délai raisonnable.
En l'espèce, il y a eu un retard excessif qui a causé un préjudice aux défendeurs. Les demandeurs n'ont pas donné de raison acceptable pour justifier ce retard. En fait, l'action semble avoir si peu de priorité pour la bande Hagwilget que le conseil n'a rien fait pour faire avancer le litige pendant les deux mois dont il a disposé après la réception de l'avis de l'Église l'informant de l'intention de celle-ci de présenter une demande de radiation pour défaut de poursuivre.
L'action est rejetée pour défaut de poursuivre, et les dépens sont adjugés aux défendeurs.
John A. Hargrave
Protonotaire
VANCOUVER (C.-B.)
le 24 juin 1996
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ DE LA CAUSE :JACK SEBASTIAN (CONSEILLER EN CHEF) ET AUTRES c. LA REINE ET AUTRES
N° DU GREFFE :T-1154-89
LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :le 17 juin 1996
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR JOHN A. HARGRAVE, PROTONOTAIRE
DATE : le 24 juin 1996
ONT COMPARU :
Peter R. Grant pour le demandeur
Hutchins Soroka
J.R. Pollard pour la défenderesse
Richards Buell Sutton
P.M. Pakenhampour la défenderesse
Hope, Heinrich
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Peter R. Grant pour le demandeur
Hutchins, Soroka, Grant & Paterson
Hazelton (C.-B.)
J.R. Pollard pour la défenderesse
Richards, Buell, Sutton
Vancouver (C.-B.)
P.M. Pakenham pour la défenderesse
Hope, Heinrich
Prince George (C.-B.)