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Date :  20081105

Dossier :  T-1891-07

Référence :  2008 CF 1236

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MARCEL YVON BEAULIEU

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Même si les investisseurs ignoraient qu’il s’agissait d’une fraude, ce n’était pas assez pour les exempter de responsabilité :

[60]      Je note en premier lieu que l’agente Lepage souligne dans son rapport que le ministre n’est pas responsable des agissements de tiers et qu’il ne doit pas assumer les risques pour les investisseurs. Bien que le demandeur ait respecté par le passé ses obligations fiscales, on ne peut affirmer qu’il s’agissait d’une situation indépendante de la volonté des investisseurs des sociétés minières concernées, qui ont assumé le risque de déductions auxquelles ils n’avaient pas droit. Comme point de départ d’une analyse à compléter par l’évaluation des faits particuliers relatifs au demandeur, cette prémisse m’apparaît certes raisonnable... 

 

(Lalonde c. Canada (Agence du revenu du Canada), 2008 CF 183, 2008 D.T.C. 6205.)

II.  Procédure judiciaire

[2]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (LIR) de la décision rendue par madame Lucie Cloutier, Directrice adjointe, Division de la vérification du Bureau des services fiscaux de la Montérégie-Rive-sud de l’Agence du revenu du Canada, datée du 1 octobre 2007, refusant la demande d’allègement pour les contribuables.

 

III.  Faits

[3]               Au cours de l’année 2001, le demandeur, monsieur Marcel Yvon Beaulieu, se représentant lui-même, a consenti à un accord avec le Canadian Corporation Creation Center Inc. (CCCC) lui permettant d’avoir accès aux fonds dans son compte de retraite immobilisé (CRI), qui est un régime enregistré d’épargne-retraite (RÉER). Monsieur Beaulieu a mandaté le CCCC pour effectuer des transferts de 25,616$ de son compte CRI. Le National Business Investment in Trust, Inc. (NBI in Trust), société conjointe de CCCC, a versé à monsieur Beaulieu des sommes équivalentes à environ 70% des fonds transférés par l’entremise de trois conventions de prêt remontant à 17,931$. NBI in Trust a retenu 30%, soit 7,685$ pour les besoins administratifs ainsi que pour transmettre les impôts dus aux différents paliers gouvernementaux.

 

[4]               Au cours du mois de septembre 2005, monsieur Beaulieu a reçu une nouvelle cotisation de l’Agence du Revenu du Canada (ARC) pour l’année d’imposition 2001. La nouvelle cotisation a ajouté aux revenus de monsieur Beaulieu le montant total des sommes retirées du CRI qui ont été transférées à la CCCC, soit 25,616$. L’ARC a renoncé aux intérêts payables pour la période du 15 juillet 2002 au 15 septembre 2005, soit la date de la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2001. Monsieur Beaulieu actuellement doit remettre 5,132.79$ à l’ARC. Tel est le montant contesté par monsieur Beaulieu dans cette présente demande.

 

[5]               C’est au moment de la réception de la nouvelle cotisation en septembre 2005 que monsieur Beaulieu apprit qu’il avait été victime de fraude et que le NBI in Trust n’avait pas payé ses impôts tel que promis. Suite à ses propres recherches sur internet, monsieur Beaulieu a découvert qu’en juillet 2001, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada (BSIF) avait publié une circulaire de préavis mensuel indiquant que le NBI in Trust n’était pas une institution de dépôt autorisée. En août 2001, la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) a révoqué l’agrément du régime de retraite de la CCCC. De plus, le surintendant adjoint des régimes de retraite fut nommé administrateur du régime avec la tâche de le liquider. La CSFO a déposé 55 accusations contre les administrateurs et promoteurs du CCCC en vertu de la Loi sur les régimes de retraite, L.R.O. 1990, Ch. P.8 concernant un stratagème frauduleux de déblocage de fonds des régimes de retraite. Tout ceci s’est déroulé dans la dernière moitié de l’année 2001, après que monsieur Beaulieu eu déjà engagé ses transactions avec la CCCC.

 

[6]               Le 10 juillet 2006, monsieur Beaulieu a fait parvenir un avis d’opposition selon le paragraphe 165(1) de la LIR à l’égard de la nouvelle cotisation du 15 septembre 2005 à l’ARC. Monsieur Beaulieu affirme alors que le retard de son avis d’opposition est dû au fait qu’il avait été mal conseillé par la firme comptable avec laquelle il a fait affaire. Par lettre, datée du 28 juillet 2006, sous la plume de Mme Joane Desfossés, chef d’équipe de la division des appels du bureau des services fiscaux de Laval, l’ARC informait monsieur Beaulieu que l’avis d’opposition n’avait pas été produit à l’intérieur des 90 jours suivants la date d’expédition du nouvel avis de cotisation. Elle l’a informé de son droit de demander une prorogation de délai pour soumettre l’opposition. Monsieur Beaulieu prétend qu’il n’avait jamais reçu cette dernière lettre ou qu’il l’avait égarée.

 

[7]               Le 28 mars 2007, suite à un appel au Service à la clientèle de l’ARC, un agent a fait parvenir à monsieur Beaulieu une copie de la lettre envoyée par Mme Desfossés à monsieur Beaulieu. Toutefois, la période au cours de laquelle monsieur Beaulieu pouvait demander une prorogation de délai était expirée.

 

IV.  Décision faisant l’objet de la demande

[8]               Le 13 juin 2007, monsieur Beaulieu a envoyé sa première demande d’allègement demandant la réouverture de l’année d’imposition 2001 malgré la prescription du délai pour la demander. Monsieur Beaulieu soutenait que les impôts payables avaient été prélevés par NBI in Trust au moyen d’une retenue à la source d’un pourcentage « qui n’a jamais été transmis au gouvernement ». Monsieur Beaulieu a affirmé qu’il ignorait que les sommes perçues faisaient partie d’un stratagème de fraude parce qu’il s’était fié au fait que le CCCC avait un numéro d’enregistrement obtenu auprès du régime de pension agréé de l’ARC.

[9]               Par lettre, datée du 30 juillet 2007, et signée par madame Annie Plouffe, l’ARC rejetait la demande d’allègement de monsieur Beaulieu en raison de l’absence d’une situation lui permettant de modifier sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2001. Dans le rapport des dispositions d’allégement pour les contribuables produit par le comité d’examen, le comité a conclu que la direction générale des Régimes enregistrés de Pension de l’ARC avait confirmé par écrit que l’agrément du régime de pension agréé obtenu par le CCCC avait été révoqué en date du 24 juillet 2000. Par conséquent, le comité considéra que le transfert de fonds du CRI en faveur de CCCC ne constituait pas un transfert de RÉER au sein d’un régime qui se qualifiait du régime de pension agréé. Le transfert ne correspondait pas à un transfert à un régime de pension agréé au sens du paragraphe 146(16) de la LIR. Le comité a conclu : « Il en découle que le CRI antérieurement détenu auprès [du CCCC] est considéré avoir été désenregistré et retiré. Par le fait même, le montant du retrait doit être inclus aux revenus du [M. Beaulieu] en vertu du paragraphe 146(8) et de l’alinéa 56(1)(h) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

 

[10]           Suivant ces conclusions, le comité a recommandé que la nouvelle cotisation du 15 septembre 2005 soit maintenue. Par lettre, datée du 30 juillet 2007, l’ARC a informé monsieur Beaulieu qu’il pouvait s’adresser au directeur du bureau des services fiscaux afin de demander un réexamen de la décision rendue.

 

[11]           Le 5 septembre 2007, l’ARC a reçu une seconde demande d’allègement de la part de monsieur Beaulieu visant à nouveau la modification de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2001. Dans cette seconde demande d’allègement, monsieur Beaulieu réitère les faits énoncés dans sa première demande et ajoute que NBI in Trust a eu « une pratique frauduleuse dans quatre provinces canadiennes ».

 

[12]           Le mandat d’examiner la demande d’allègement, datée du 31 août 2007, fut confié à monsieur Denis Audet, du Bureau des services fiscaux de la Montérégie-Rive-sud de l’ARC. Au sein de sa recommandation, monsieur Audet a défini les facteurs dont il a tenu compte en faisant sa recommandation. Il a examiné le dossier complet de monsieur Beaulieu, incluant les documents concernant la fraude par le CCCC.

 

[13]           Monsieur Audet a conclu au même titre que le comité d’examen pour la première demande d’allègement: soit que les transferts de fonds du CRI de monsieur Beaulieu à la CCCC ne constituaient pas des transferts à un régime de pension agréé au sens du paragraphe 146(16) de la LIR. Le montant total des retraits du CRI de monsieur Beaulieu en 2001 devait donc être inclus aux revenus en vertu du paragraphe 146(8) et de l’alinéa 56(1)(h) de la LIR. Par conséquent, monsieur Beaulieu n’a démontré aucune circonstance ayant justifié le fait d’apporter une modification à la nouvelle cotisation du 15 septembre 2005.

 

[14]           Par lettre, datée due 1 octobre 2007, suivant la recommandation de monsieur Audet, madame  Cloutier, a rejeté la demande d’allègement visée par la présente demande.

 

V.  Question en litige

[15]           Est-ce que le ministre a mal exercé le pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 152(4.2) de la LIR lorsqu’il a rejeté les demandes d’allègement du demandeur?

 

VI.  Norme de contrôle

[16]           Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision rendue par l’ARC rejetant une demande d’allégement pour les contribuables? L’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, a énoncé que le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Lors de la première étape, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions particulière.

 

[17]           Il y a déjà une catégorie correspondant au présent cas. Dans la décision Hillier c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 197, 273 N.R. 245, la Cour a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision prise par un agent du fisc à l’égard d’une dispense discrétionnaire visée par une autre partie de « dispositions d’équité » (Également, Comeau c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 271, 361 N.R. 141 au par. 17). La Cour d’appel fédérale a confirmé dans Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, 334 N.R. 348, au paragraphe 7, que cette norme de contrôle s’applique dans le cas des décisions rendues selon le paragraphe 152(4.2) de la LIR.

 

[18]           Dans l’arrêt Barron c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 97 D.T.C. 5121, [1997] A.C.F. no 175 (QL), la Cour d’appel fédérale a précisé les motifs sur lesquels se fonde le contrôle de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre. D’ailleurs le juge signal et réitère les propos du juge Louis Pratte :

[79]      [...] lorsque la demande de contrôle judiciaire porte sur une décision prise dans le cadre de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire n'est pas appelé à exercer le pouvoir discrétionnaire conféré à la personne qui a pris la décision et que "[l]a cour pourra intervenir et annuler la décision visée seulement si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si l'instance décisionnelle a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit".

 

(Comme cité par le juge J. François Lemieux dans l’arrêt Wyse c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2007 CF 535, 313 F.T.R. 161; également, Plattig c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1074, 239 F.T.R. 290 au par. 22.)

 

[19]           Dans un cas semblable, le juge Michel Beaudry a énoncé : « La Cour n’interviendra que si la décision est fondée sur une explication déraisonnable. La Cour doit vérifier si les motifs de la décision sont soutenables ». (Gagné v. Canada (Attorney General), 2006 CF 1523, 2007 D.T.C. 5087 au par. 15.)

 

[20]           Le paragraphe 152(4.2) de la LIR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’établir de nouveau l’impôt dû par un contribuable après l’expiration du délai normalement fixé pour l’établissement d’une nouvelle cotisation lorsqu’un contribuable le demande. Les expressions « dispositions en matière d’équité » et « dispositions législatives en matière d’équité » généralement utilisées pour décrire l’allègement qui fait l’objet de la circulaire d’information 07-1 « Dispositions d’allègement pour les contribuables » (IC07-1) seront graduellement remplacées par l’expression « dispositions d'allègement les contribuables ». Cette disposition permet au ministre d’octroyer une diminution des impôts payables ou rembourser un contribuable lorsque ce dernier n’est pas en mesure de respecter les délais établis par la loi.

 

[21]           Le paragraphe 152(4.2) de la LIR énonce :

Nouvelle cotisation et nouvelle détermination

152.      (4.2) Malgré les paragraphes (4) (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable — particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire — pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :

a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

Reassessment with taxpayer’s consent

152.      (4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining, at any time after the end of the normal reassessment period of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year, the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is ten calendar years after the end of that taxation year,

 

 

(a) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year; and

 

[22]           Cette disposition confère une large discrétion dans l’exercice de son pouvoir. Dans un arrêt récent de cette Cour au sujet d’une autre disposition liée de la LIR, le juge Douglas Campbell a expliqué la norme de contrôle raisonnable : « [...] si la décision n’est pas justifiée au regard des faits [...] et du droit [...] elle est déraisonnable ». (Nixon c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2008 CF 917, [2008] A.C.F. No 1146 (QL) au par. 2.). Pour qu’une décision soit déraisonnable, elle doit être jugée fautive au sens du paragraphe 18.1(4) de la LCF.

 

[23]           Les lignes directrices confirment cette interprétation de la norme de décision raisonnable dans ce contexte. Afin d’aider ses fonctionnaires à prendre les décisions requises en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables, l’ARC a révisé une politique retrouvée dans la Circulaire d’information 07-1 « Dispositions d’allègement pour les contribuables » (IC07-1). Cette nouvelle politique, révisé le 31 mai 2007, remplace l’ancien circulaire d’information IC92-3 « Lignes directrices concernant l'émission de remboursements en dehors de la période normale des trois ans ». Le paragraphe 6 de l’IC07-1 indique qu’il ne s’agit que de lignes directrices : « Celles-ci n’ont pas pour objet d’être exhaustives ni de restreindre l’esprit ou l’intention de la législation. » Néanmoins, les fonctionnaires qui appliquent le paragraphe 152(4.2) de la LIR doivent suivre les lignes directrices. L’article 71 de l’IC07-1, l’ARC décrit les exigences du paragraphe 152(4.2) de la LIR :

 

71.      L’ARC peut émettre un remboursement ou réduire le

montant dû si elle est convaincue qu’un tel remboursement ou

une telle réduction aurait été accordé si la déclaration ou la

demande avait été produite ou présentée à temps et à condition

que la cotisation à établir soit conforme à la Loi et qu’elle

n’ait pas déjà été accordée

71.      The CRA may issue a refund or reduce the amount

owed if it is satisfied that such a refund or reduction would

have been made if the return or request had been filed or made

on time, and provided that the necessary assessment is correct

in law and has not been already allowed.

 

 

[24]           Finalement, l’article 73 de l’IC07-1 définit la limite du paragraphe 152(4.2) de la LIR :

73.      Le but d'une demande de rajustement en vertu du paragraphe 152(4.2) n'est pas de contester ou de remettre en question l'exactitude ou la validité d'une cotisation antérieure. La capacité de l'ARC de permettre un rajustement de montants pour une année d'imposition frappée de prescription ne devrait pas être utilisée pour effectuer un nouvel examen des points en cause, tel qu'une nouvelle cotisation à la suite d'une vérification, lorsque le particulier ou la fiducie testamentaire a choisi de ne pas contester les points en cause au moyen des processus d'opposition et d'appel normaux ou lorsque les points en cause ont déjà été traités dans le cadre d'une opposition ou d'un appel.

73.      The purpose for requesting an adjustment under subsection 152(4.2) is not to dispute or disagree on the correctness or validity of a previous assessment. The ability of the CRA to allow an adjustment to amounts for a statute-barred tax year should not be used as a means to have issues reconsidered, such as an audit reassessment, where the individual or testamentary trust chose not to challenge the issues through the normal objection/appeals processes or where the issues were already dealt with under the objection/appeal. 

 

 

 

VII.  Analyse

[25]           Le demandeur n’a pas soumis d’arguments juridiques, mais selon la compréhension de la Cour, monsieur Beaulieu soutient essentiellement que le ministre a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve dans son dossier. Il semble que monsieur Beaulieu invoque que le ministre n’ait pas tenu compte de la preuve à l’effet que la CSFO a proposé la révocation de l’enregistrement du régime de retraite du CCCC seulement en août 2001. De plus, il semble que monsieur Beaulieu invoque que le ministre n’ait pas agi équitablement. Monsieur Beaulieu a fait confiance au numéro d’enregistrement du CCCC obtenu auprès du régime de pension agréé de l’ARC. Conséquemment, il a versé des sommes au CCCC afin de payer ses impôts.

 

[26]           Pour sa part, le défendeur constate qu’une modification ne peut être effectuée que dans la mesure où elle est conforme aux dispositions de la LIR. Le défendeur a présenté la question suivante: « même si le demandeur avait présenté une opposition dans le délai prévu à l’alinéa 165(1)(a) L.I.R., la nouvelle cotisation établie le 15 septembre 2005 aurait été ratifiée ». Ainsi, la première question qui se pose lors de l’évaluation de la raisonnabilité de la décision est de savoir si la nouvelle cotisation du 15 septembre 2005 est conforme à la loi. Dans l’affirmative, il n’y a alors aucune circonstance justifiant l’apport d’une modification à la nouvelle cotisation du 15 septembre 2005.

 

[27]           Le défendeur prétend que le transfert des fonds du CRI de monsieur Beaulieu au CCCC ne constituait pas un transfert à un régime de pension agréé au sens du paragraphe 146(16) de la LIR. Cette proposition est fondée sur leur détermination que l’agrément du régime de pension agréé obtenu par le CCCC avait été révoquée en date du 24 juillet 2000. En conséquence, le transfert des fonds était soumis à l’application du paragraphe 146(8) et de l’alinéa 56(1)(h) de la LIR. Ces deux dispositions obligent le contribuable à ajouter le montant des fonds retirés des régimes enregistrés à ses revenus. Monsieur Beaulieu devait donc ajouter le montant des fonds retirés à ses revenus pour l’année d’imposition 2001.

 

Application de la norme de contrôle aux faits : Le délégué du ministre a-t-il tenu compte de toutes les considérations pertinentes?

 

[28]           Dans son affidavit, monsieur Audet a énuméré les éléments dont il a tenu compte. Par contre, même s’il a considéré tous les documents pertinents, il y a un conflit des faits. La question soulevée par les documents est la suivante : l’agrément du régime de pension du CCCC avait été révoqué en 2000, avant que monsieur Beaulieu n’ait retiré l’argent de son compte du CRI, ou pendant la deuxième partie de l’année 2001, soit après que monsieur Beaulieu eu procédé au retrait des sommes de son CRI? Si l’agrément d’un régime de pension du CCCC avait été révoqué en 2000, même si monsieur Beaulieu prétend le contraire, la somme qu’il a retirée de son CRI doit être ajoutée à ses revenus pour l’année d’imposition 2001. Au contraire, si l’agrément d’un régime de pension du CCCC avait été révoqué pendant la deuxième partie de l’année 2001 comme monsieur Beaulieu le prétend, la somme qu’il a retirée de son CRI était valable au sens de la LIR.

 

[29]           Il est bien établi que seuls les renseignements qui ont été présentés au décideur peuvent être examinés par une cour de révision dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, la Cour ne doit pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve. La preuve soumise devant le fonctionnaire monsieur Audet quant à la date de la révocation de l’agrément du CCCC était constituée du rapport des dispositions d’allégement pour les contribuables rédigé par un comité d’examen de l’ARC, soit le fondement de la première décision de l’ARC. Dans ce rapport, le comité a écrit : « Le 7 avril 2005, nous avons obtenu la confirmation écrite de la Direction générale des Régimes enregistrés de Pension à l’effet que l’agrément du RPA obtenu par CCCC avait été révoqué en date du 24 juillet 2000 ». Cette confirmation écrite de la Direction générale des Régimes enregistrés de Pension n’était pas dans le dossier de la Cour.

 

[30]           En considérant le niveau de déférence que la Cour doit accorder au décideur administratif, il ne s’agit pas de savoir si la Cour en serait venu à une autre conclusion. Il faut considérer si la décision du 1 octobre 2007 est appuyée par la preuve. Dans ce cas, il semble que le fonctionnaire a adéquatement tenu compte du rapport du comité et des conclusions ci-incluses.

 

[31]           Finalement, monsieur Beaulieu demande que les fonds de CCCC administrés par le surintendant adjoint des régimes de pension de l’Ontario servent à payer l’impôt dont il est redevable. Cette Cour n’a pas le pouvoir de rendre une telle ordonnance pour deux raisons. Le paragraphe 18.1(3) LCF explique que les pouvoirs de la Cour fédérale sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire s’appliquent seulement auprès de l’office fédéral en cause. La Cour n’a pas la juridiction afin d’ordonner à une tierce partie à la présente action de payer les impôts de monsieur Beaulieu. De plus, dans le cas où la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, même si la Cour établit que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, la Cour ne peut pas remplacer la décision de l’ARC par la sienne. La Cour a l’obligation de renvoyer la décision au tribunal administratif pour qu’elle soit reconsidérée par un autre fonctionnaire délégué. (Lalonde, ci-dessus, au par. 72; également, IC07-1 au par. 107.)

 

VIII. Conclusion

[32]           Monsieur Beaulieu n'a pas présenté de preuves à l’effet que la décision de madame Cloutier avait omis de tenir compte de faits pertinents, qu’elle avait tenu compte de faits non pertinents, ou que la décision était erronée en droit. Madame Cloutier n'a pas commis d'erreurs dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

 

[33]           D’ailleurs, monsieur Beaulieu ne conteste pas la légalité de l’imposition des sommes retirées de son CRI, mais demande plutôt que les fonds de la CCCC administrés par le surintendant adjoint des régimes de pension de l’Ontario servent à payer l’impôt dont il est redevable. Cette Cour n’a pas le pouvoir de rendre une ordonnance en ce sens.

 

[34]           De plus, quelques aspects de l’arrêt Lalonde, ci-dessus, ressemblent au présent cas. Dans Lalonde, les promoteurs d’un abri fiscal sont trouvés coupables d’avoir, entre autres, volontairement permis à des investisseurs de réclamer des dépenses inadmissibles alors qu’ils savaient que les financements réalisés n’étaient pas des financements accréditifs au sens de la LIR. Même si les investisseurs ignoraient qu’il s’agissait d’une fraude, ce n’était pas assez pour les exempter de responsabilité :

[60]      Je note en premier lieu que l’agente Lepage souligne dans son rapport que le ministre n’est pas responsable des agissements de tiers et qu’il ne doit pas assumer les risques pour les investisseurs. Bien que le demandeur ait respecté par le passé ses obligations fiscales, on ne peut affirmer qu’il s’agissait d’une situation indépendante de la volonté des investisseurs des sociétés minières concernées, qui ont assumé le risque de déductions auxquelles ils n’avaient pas droit. Comme point de départ d’une analyse à compléter par l’évaluation des faits particuliers relatifs au demandeur, cette prémisse m’apparaît certes raisonnable...

 

 

[35]           Bien que le résultat soit malheureux pour monsieur Beaulieu et qu’il aurait pu en être décidé autrement, il n'y a aucun fondement justifiant une intervention de la Cour. La décision prise par la Directrice adjointe de la Division de la vérification du Bureau des services fiscaux de la Montérégie-Rive-sud de l’Agence du revenu du Canada est raisonnable et il n’y a donc pas matière à révision.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans frais.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1891-07

 

INTITULÉ :                                       MARCEL YVON BEAULIEU

                                                            c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 23 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 5 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Marcel Yvon Beaulieu

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Louis Sébastien

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MARCEL YVON BEAULIEU

Lachenaie (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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