Toronto (Ontario), 13 novembre 2008
En présence de monsieur le juge Hughes
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur est un homme adulte citoyen du Burundi. Il parle le kiroundi et dit être de plus en plus à l’aise en l’anglais sans l’être encore complètement. Son FRP indique qu’il parle le français comme langue seconde et son diplôme d’études secondaires a été imprimé en français. Il a quitté le Burundi et après avoir transité pendant quelques jours par l’Éthiopie, l’Italie et les États‑Unis au cours du même voyage, il est entré au Canada à partir des États-Unis et il a demandé l’asile. Une audience a eu lieu avec l’aide d’un interprète parlant le kiroundi et l’anglais devant un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Une décision écrite a été rendue le 14 avril 2008, le commissaire a rejeté le demande d’asile du demandeur. La présente demande vise le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande.
[3] Le mémoire des arguments supplémentaires du demandeur n’énonce pas clairement les questions en litige en l’espèce; il renferme plusieurs paragraphes imprécis et chauvinistes. Cependant, d’après les documents écrits fournis par les deux parties et la plaidoirie de leurs avocats, les questions en litige se ramènent à trois :
- La conclusion défavorable du commissaire en matière de crédibilité était-elle raisonnable?
- Le commissaire a-t-il omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents dont ceux de la preuve documentaire?
- Le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale à cause d’erreurs qui auraient été commises par l’interprète?
[4] Le récit du demandeur, tel qu’il l’a lui-même relaté, résume qu’il est d’ethnie tutsie et qu’il a vécu avec sa famille au Burundi pendant le conflit ethnique dont a souffert ce pays. Il allègue que plusieurs membres de sa famille ont été tués et qu’il a été torturé par les Hutus si durement qu’il a dû être hospitalisé. Il prétend avoir identifié ses assaillants et les avoir signalés à la police. Il affirme qu’il est retourné à l’école où il a rencontré l’un des Hutus qui avait tué un membre de sa famille. Sans décrire tous les faits allégués, d’autres actes de violence et menaces en auraient découlé. Finalement, quelques Hutus ont été arrêtés et emprisonnés. Le demandeur a poursuivi ses études au Burundi, notamment en suivant des cours universitaires. Il semble que certains des Hutus qui avaient été emprisonnés aient été relâchés et qu’ils aient continuellement exercé de la violence et des menaces contre le demandeur et les membres de sa famille. Le demandeur était membre d’une organisation internationale de sensibilisation au sida et a obtenu un visa des États-Unis pour participer à une conférence dans ce pays, ce qu’il a fait. À partir des États‑Unis le demandeur est entré au Canada où il a présenté une demande d’asile.
[5] Le commissaire a examiné la preuve produite par le demandeur. Il a jugé cette preuve incohérente, et il a ajouté qu’elle contenait des contradictions inexpliquées. Les explications données ne l’ont pas convaincu. En ce qui concerne les documents présentés à l’appui de la demande du demandeur, le commissaire a accordé peu de poids aux présumés certificats de décès produits par le demandeur. De plus, peu de poids a été accordé à la déclaration faite par un cousin du demandeur.
[6] En conclusion, le commissaire a jugé qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve crédibles au soutien de la demande du demandeur.
[7] La Cour ne réévaluera pas la preuve ni ne modifiera les conclusions tirées par un commissaire si celles-ci s’inscrivent dans les limites raisonnables établies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190. Lorsqu’il a été établi à la satisfaction de la Cour que des témoignages ou des documents auraient pu avoir une incidence sur la conclusion tirée par un commissaire, la Cour est susceptible d’intervenir. Cependant, dans ses motifs, le commissaire n’est pas tenu de mentionner chacun des documents ou des éléments de preuve au dossier.
[8] Dans la présente affaire, je ne suis pas persuadé que le commissaire n’a pas tenu compte des témoignages et des documents pertinents ou qu’il ne les a pas bien examinés. Les conclusions tirées par le commissaire sont raisonnables et ne devraient pas être modifiées.
[9] En ce qui concerne l’équité procédurale et, en particulier, la qualité de l’interprétation donnée à l’audience. Je me demande toujours pourquoi l’audience ne s’est pas déroulée en français.
[10] Le français est l’une des langues officielles du Canada et des ressources adéquates sont offertes pour la tenue d’audiences en français. L’avocat du demandeur affirme que c’est parce qu’il parle anglais et non le français que l’audience a eu lieu en anglais. C’est le besoin de la partie et non celui de l’avocat qui devrait prévaloir. On trouve de nombreux avocats francophones au Canada en mesure de s’occuper de ces audiences.
[11] Il faut souligner qu’aucune question sur la qualité de l’interprétation n’a été soulevée au cours de l’audience. C’est seulement lors du dépôt de la présente demande que la question de l’interprétation a été soulevée dans l’affidavit du demandeur où il a indiqué que son anglais s’est amélioré au point où il peut maintenant repérer des erreurs. Le demandeur a déposé une transcription en anglais du témoignage livré à l’audience et un affidavit de Henry Boyi qui affirme parler couramment le kiroundi et l’anglais. Cet affidavit déposé par le demandeur atteste en fait que l’interprétation de l’anglais au kirundi a été pertinemment et clairement faite et que l’interprétation du kiroundi à l’anglais était suffisamment bonne pour transmettre le message. Quelques erreurs et déclarations inexactes ont été relevées mais aucune n’est suffisamment importante de manière à avoir une incidence sur le récit du demandeur ou la décision du commissaire. Comme l’a indiqué la juge Snider dans Rafipoor c. Canada (MCI), 2007 CF 615, au paragraphe 11, la loi n’exige pas que la traduction soit parfaite. Je suis convaincu qu’aucune erreur importante n’a été commise dans l’interprétation en cause.
[12] La demande sera rejetée. Les questions soulevées en l’espèce sont inséparables des faits, et aucune question ne doit être certifiée. Il n’existe aucun motif spécial pour adjuger des dépens.
JUGEMENT
Pour les motifs exposés ci-dessus,
LA COUR STATUE :
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2148-08
INTITULÉ : RICHARD KWIZERA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 13 NOVEMBRE 2008
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE HUGHES
DATE DES MOTIFS : Le 13 novembre 2008
COMPARUTIONS :
Michael Loebach
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Jennifer Dagsvik
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Loebach Avocat London (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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