Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2008
En présence de madame la juge Snider
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur est un Tamoul de 27 ans de Jaffna, au Sri Lanka, qui réside en Inde. Il a demandé un visa de résident permanent au Canada en tant que membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de la catégorie de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières. Dans une décision rendue le 27 février 2008, un agent des visas (l’agent des visas) du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, a rejeté la demande. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] À la fin des observations orales, j’ai avisé les parties que j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire. Les motifs de ma décision sont les suivants.
[3] Dans la décision, l’agent des visas a rejeté la demande du demandeur sur le fondement que le demandeur n’avait pas fourni un compte rendu raisonnable et crédible de ses activités de 1999 à 2006 et de son expérience concernant le recrutement des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET). En conséquence, l’agent des visas a mis en doute d’autres aspects de la demande et n’était pas convaincu que le demandeur faisait partie d’un groupe méritant l’asile.
[4] La question déterminante est de savoir si l’agent des visas a mal compris la demande du demandeur ou a fait abstraction de certains aspects de sa demande.
[5] Il va de soi qu’un agent des visas doit examiner la totalité d’une demande. Un réexamen des observations écrites du demandeur démontre amplement que sa demande consistait non seulement en une crainte fondée sur ses activités et expériences personnelles, mais encore en son inquiétude qu’il puisse, en tant que jeune Tamoul, être pris pour cible par les autorités ou les forces para‑militaires du Sri Lanka comme membre ou sympathisant présumé des TLET. Dans la preuve documentaire présentée avec sa demande, le demandeur a inclu de nombreux articles qui semblent traiter de cette inquiétude. Ce deuxième aspect de la demande, selon le demandeur, n’a pas été évalué par l’agent des visas. En d’autres termes, l’agent des visas n’a pas pris en compte sa crainte prétendue des autorités ou des groupes para‑militaires du Sri Lanka qui visent les jeunes Tamouls parce que ceux‑ci auraient des liens avec les TLET.
[6] En revanche, le défendeur soutient que le demandeur a fondé sa demande sur ses expériences personnelles et familiales et non sur son identité personnelle.
[7] Je ne suis pas d’accord avec le défendeur lorsqu’il dit que la demande d’asile de M. Thangarajah repose uniquement sur les expériences personnelles et familiales de celui-ci plutôt que sur sa crainte, en tant que jeune Tamoul, des autorités et des groupes para‑militaires. Dans sa demande, M. Thangarajah a déclaré :
[traduction]
Je suis parti du Sri Lanka par peur pour ma sécurité en raison de la récente vague de violence et de meurtres. Le processus de paix a commencé [sic] en février 2002 est sérieusement menacé. L’ombre d’une guerre a des effets dévastateurs. Des personnes innocentes sont tuées presque quotidiennement soit par les forces de sécurité soit par les TLET […] J’ai peur pour ma vie. J’ai peur d’être victime d’extorsion et de traitements inusités aux mains des TLET. J’ai peur d’être arrêté, détenu et torturé par les forces de sécurité aussi. Dans les circonstances, je ne peux retourner au Sri Lanka. [Non souligné dans l’original.]
[8] En réponse à la question de savoir s’il pouvait recommencer une vie ailleurs au Sri Lanka, il a écrit :
[traduction]
En raison de mon appartenance ethnique, j’ai peur de ne pas pouvoir recommencer une vie paisible nulle part ailleurs que dans ma propre région. Je serai suspecté d’être un partisan des TLET à Colombo et dans les autres régions du Sud.
[9] Dans une déclaration écrite, le demandeur a fait remarquer :
[traduction]
En outre, la situation au Sri Lanka en général, et particulièrement dans les régions tamoules, s’est aggravée durant les derniers mois. On rapporte presque quotidiennement des meurtres d’innocents dans des endroits tels que Jaffna, Trinco et Batticaloa. Les personnes innocentes sont les plus touchées. Cela me fait peur, principalement parce que je suis un jeune Tamoul. [Non souligné dans l’original.]
[10] Après avoir lu la demande dans son ensemble, je parviens à la conclusion qu’elle traite du risque que le demandeur soit persécuté et torturé par les autorités et les forces para‑militaires du fait qu’il est un jeune Tamoul. L’agent des visas n’a pas tenu comme il se doit du risque auquel est exposé le demandeur. Conclure au manque de crédibilité d’un aspect de la demande n’exclut pas le besoin d’évaluer tous les aspects de la demande qui ne sont pas nécessairement visées par cette conclusion. Il était peut-être loisible à l’agent des visas de rejeter les préoccupations en question, mais c’était une erreur de sa part de les négliger.
[11] En conclusion, la demande sera accueillie. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question pour certification.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la présente affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.
2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2183-08
INTITULÉ : VISAKAN THANGARAJAH c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 novembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 7 novembre 2008
COMPARUTIONS :
Michael Crane
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Martin Anderson
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane Avocat Toronto (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |