Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2008
En présence de monsieur le juge Kelen
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision d’« équité » rendue par le ministre du Revenu national (le ministre), qui a refusé d’accéder à sa requête en établissement de nouvelles cotisations concernant ses déclarations de revenus des années 1997 et 1998, conformément au paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi). Le demandeur voulait que le ministre enlève la somme de 1 106 000 $ de son revenu pour l’année d’imposition 1997 et la somme de 125 000 $ de son revenu pour l’année d’imposition 1998, au motif que ces sommes n’avaient jamais été reçues. Par l’entremise du « comité de l’équité », le ministre a estimé que la preuve ne permettait pas de dire que ces sommes n’avaient pas été versées au demandeur, et il a donc rejeté la requête.
LES FAITS
[2] Le demandeur est président de la société Southland Development Corp., qui s’occupe de promotion immobilière en Alberta. À toutes les époques intéressant la présente demande, le demandeur était également administrateur de Southland Development Corp. (Southland). Southland appartient à des sociétés liées au demandeur.
[3] Le cabinet d’experts‑comptables Coopers & Lybrand, plus tard appelé Price Waterhouse Coopers (les experts‑comptables antérieurs), a préparé les états financiers et déclarations de revenus de Southland pour les années d’imposition allant de 1996 à 1999, et les états financiers et déclarations de revenus du demandeur pour les années d’imposition 1997 et 1998.
[4] Lors de la préparation des états financiers et déclarations de revenus T2 de Southland pour l’année d’imposition 1996, les experts‑comptables antérieurs avaient déduit, comme dépense, un montant constaté par régularisation de 1 106 000 $ à titre de [traduction] « jetons de présence », payable au demandeur. Cette somme était déclarée comme revenu imposable sur la déclaration personnelle de revenus du demandeur pour l’année d’imposition 1997 (les jetons de présence de 1997). La déclaration de revenus de Southland pour 1998, préparée par les experts‑comptables antérieurs, faisait état de la déduction d’un montant constaté par régularisation de 125 000 $, à titre de [traduction] « jetons de présence ». Cette somme était déclarée comme revenu imposable dans la déclaration personnelle de revenus du demandeur pour 1998 (les jetons de présence de 1998).
[5] Le demandeur dit qu’il n’a jamais reçu les jetons de présence de 1997 ou de 1998.
[6] En 2000, sur les conseils de son avocat, le demandeur a engagé un autre cabinet d’experts‑comptables, Kingston Ross Pasnak (les experts‑comptables actuels), pour qu’il examine ses états financiers et déclarations de revenus, ainsi que ceux de Southland, et, au besoin, pour qu’il modifie les déclarations de revenus préparées auparavant par les experts‑comptables antérieurs.
[7] L’examen effectué par les experts‑comptables actuels a entraîné plusieurs rajustements. Les rajustements intéressant la présente demande ont consisté à :
a. supprimer du revenu imposable du demandeur les jetons de présence de 1997 pour l’année d’imposition 1997, et réduire la somme correspondante portée au crédit du compte de prêt du demandeur auprès de Southland;
b. supprimer du revenu imposable du demandeur les jetons de présence de 1998 pour l’année d’imposition 1998, et réduire la somme correspondante portée au crédit du compte de prêt du demandeur auprès de Southland.
[8] Forts de l’avis des experts‑comptables actuels, Southland et le demandeur ont présenté au ministre leurs demandes de rajustements. Ces demandes ont été soumises à la Section de la vérification du ministère. La demande de Southland résultait d’une divulgation volontaire, puisque le paragraphe 152(4.1) de la Loi ne s’applique pas aux personnes morales.
[9] Le ministre a procédé à la vérification de Southland et a établi de nouvelles cotisations pour ses années d’imposition 1996, 1998, 1999 et 2000. Les nouvelles cotisations ont entraîné un solde de 399 993,75 $ en faveur de Southland. Southland s’est opposée aux nouvelles cotisations. Brenda Solo, agente des appels travaillant pour le ministre, a examiné, puis finalement rejeté, les oppositions déposées par la société Southland. Southland n’a pas fait appel de cette décision à la Cour canadienne de l’impôt, comme elle aurait pu le faire.
[10] Par lettre datée du 10 février 2004, le demandeur a prié l’Agence du revenu du Canada, en application du paragraphe 152(4.2) de la Loi, d’établir de nouvelles cotisations pour ses déclarations de revenus de 1997 et 1998, par suppression des jetons de présence de 1997 et 1998 de son revenu imposable. En raison de son rôle antérieur, en tant qu’agente des appels, dans l’opposition à la nouvelle cotisation établie pour Southland, Mme Solo fut affectée à la requête du demandeur, qui souhaitait un remboursement d’impôts. Elle a rédigé un rapport à l’intention du comité de l’équité, qui comprenait Sandra Foy et Sheila Lusk.
[11] Après examen des documents et renseignements en sa possession, Mme Solo a recommandé au ministre de rejeter la requête du demandeur qui souhaitait un nouveau calcul de ses impôts pour les années 1997 et 1998. Le comité de l’équité a décidé, par lettre de Sandra Foy datée du 9 novembre 2005, que la demande de remboursement devait être rejetée. Le demandeur voudrait que cette décision soit annulée.
LA QUESTION EN LITIGE
[12] La question en litige dans la présente demande est de savoir si le ministre a validement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande d’équité du demandeur visant la suppression des jetons de présence de 1997 et 1998 de son revenu imposable personnel pour ces années d’imposition.
LA NORME DE CONTRÔLE
[13] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada a jugé, au paragraphe 62, que la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».
[14] Dans l’arrêt Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, 334 N.R. 348, la Cour d’appel fédérale a jugé que les décisions discrétionnaires rendues en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu sont susceptibles de contrôle d’après la norme de la décision raisonnable. En conséquence, la Cour examinera cette décision d’après la norme de la décision raisonnable.
[15] Dans l’examen de la décision du ministre selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47.)
ANALYSE
Les textes régissant les recours discrétionnaires à l’encontre des délais normaux prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’établissement de nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu, de manière à réduire l’impôt payable
[16] Le paragraphe 152(4.2) de la Loi donne au ministre le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation ou de rendre une nouvelle décision au‑delà de la période normale de nouvelle cotisation, à savoir trois ans, pour une année d’imposition prescrite, si demande lui en est faite par un particulier ou par une fiducie testamentaire, en vue d’obtenir un remboursement ou une réduction de l’impôt payable. Le paragraphe 152(4.2) prévoit ce qui suit :
152. (4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable — particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire — pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :
a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;
b) déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année. |
152. (4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining, at any time after the end of the normal reassessment period of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year, the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is ten calendar years after the end of that taxation year,
(a) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year; and
(b) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) or (3), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer’s liability under this Part for the year. |
[17] La Cour d’appel fédérale s’est référée à ce paragraphe dans le cadre d’un régime visant à intégrer l’équité dans nos lois fiscales. Voir l’arrêt Lanno, précité, rendu par la juge Sharlow, au paragraphe 2. Dans cet arrêt, au paragraphe 6, la juge Sharlow décrivait la décision discrétionnaire résultant du paragraphe 152(4.2) :
1. cette « disposition d’équité » vise à conférer aux contribuables une dispense d’application de certaines dispositions pouvant occasionner des difficultés excessives entraînées par la complexité des lois fiscales et des questions procédurales dans les cas où ils ont droit à un remboursement ou à une réduction de l’impôt payable, mais ont manqué les échéances normales prévues par les lois fiscales pour obtenir une telle dispense;
2. l’attribution du redressement est discrétionnaire;
3. il ne peut être fait appel de la décision discrétionnaire devant la Cour canadienne de l’impôt, uniquement devant la Cour fédérale, par contrôle judiciaire;
4. la décision est assujettie à la norme de la décision raisonnable.
[18] Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le ministre se fonde sur la circulaire d’information 92‑3 (remplacée plus tard par la circulaire 07‑1), qui renferme les Lignes directrices concernant l’émission de remboursements ou la réduction de montants payables au‑delà de la période normale de trois ans.
[19] La circulaire d’information 92‑3 dispose qu’un contribuable peut demander par écrit que le directeur du bureau de district d’impôt approprié examine la situation s’il est en désaccord avec la décision d’équité. Il existe donc un deuxième niveau d’examen, en plus de la décision initiale. Le demandeur n’a pas demandé un deuxième niveau d’examen à l’encontre de la décision contestée du 9 novembre 2005, alors même que le défendeur l’a explicitement invité à le faire.
La position du demandeur
[20] Le demandeur dit que le ministre a commis une erreur en rejetant la demande d’équité, et cela, pour les raisons suivantes :
a. le ministre n’a pas tenu compte des dispositions fiscales selon lesquelles, pour que le revenu tiré d’une charge ou d’un emploi soit imposable, il doit être reçu;
b. le ministre n’a pas tenu compte des documents qui établissent :
i. que l’emprunt et le prêt de fonds du demandeur à Southland n’était pas une source de revenu;
ii. que le véritable revenu imposable du demandeur pour les années d’imposition 1997 et 1998 est celui qui apparaît dans les calculs approfondis et détaillés faits par les experts‑comptables actuels.
c. le ministre a suscité une crainte raisonnable de partialité, parce que la même agente des appels, Mme Solo, s’est prononcée sur des questions identiques, qui concernaient à la fois le demandeur et Southland.
La position du défendeur
[21] Après examen du dossier du demandeur, Mme Solo a exposé, dans son rapport au comité de l’équité, les conclusions suivantes au soutien de sa recommandation de rejet de la demande d’équité faite par le demandeur :
a. il y avait, aux époques pertinentes, incertitude sur le solde du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur », pour Southland;
b. le demandeur n’a pas produit de documents propres à étayer les sommes portées au crédit du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur » pour les années d’imposition pertinentes de Southland;
c. les sommes portées au débit et au crédit du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur » ont été importantes au cours des années d’imposition 1996 à 2000 de Southland;
d. les garanties personnelles du demandeur en tant qu’administrateur n’ont pas été admises comme crédits valides au regard du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur »;
e. le demandeur a volontairement déclaré les jetons de présence dans ses déclarations de revenus de 1997 et 1998;
f. l’examen des déclarations de revenus de Southland n’était pas un examen approfondi du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur », mais se limitait plutôt à des postes évoqués dans les observations de Southland;
g. le [traduction] « journal des recouvrements » révélait que le demandeur avait souvent été un contribuable récalcitrant;
h. il était difficile de voir pourquoi Southland aurait remis des chèques au fisc au nom du demandeur si, à l’époque où ils ont été remis, le demandeur ne croyait pas qu’il devait payer tels impôts;
i. le demandeur proposait souvent à l’ARC des arrangements pour le paiement du solde intégral de ses arriérés d’impôt personnel. Ces paiements étaient faits par Southland et étaient portés au débit du compte [traduction] « Sommes dues à l’administrateur ».
[22] Le revenu total du demandeur indiqué dans sa déclaration de revenus de 1997 était de 1 725 610,80 $. À cette déclaration de revenus est annexé un feuillet T4A de Southland qui indique un revenu pour le demandeur de 1 106 000 $ à titre de jetons de présence.
La décision du comité de l’équité
[23] La décision du comité de l’équité qui est ici contestée, rendue le 9 novembre 2005 par Sandra Foy, chef d’équipe du Bureau des services fiscaux d’Edmonton, renfermait ce qui suit :
[traduction]
1. […] nous relevons que d’importantes sommes ont été portées au débit et au crédit du compte de prêt de l’administrateur, pour M. Berget.
2. Nous avons demandé la pièce vérifiant les importantes sommes portées au crédit du compte de prêt de l’administrateur et avons été informés que ce document n’était pas disponible.
3. Nous avons été mis en possession de deux versions des écritures passées dans le compte de prêt de l’administrateur (la version des experts‑comptables antérieurs de M. Berget et celle de ses experts‑comptables actuels) […] Nous avons relevé des contradictions entre les deux rapports pour ce qui concerne les sommes totales des débits et des crédits.
4. […] Le feuillet T4A de 1997 préparé par Southland n’indique aucun impôt retenu sur les jetons de présence de M. Berget. Deuxièmement, d’après le journal des recouvrements, c’est M. Berget qui a ordonné que le paiement de 1 075 000 $ (dont 700 000 $ sans provision) fait par Southland soit appliqué à sa dette fiscale personnelle. On se demande pourquoi Southland aurait remis des chèques au ministre en règlement de la dette fiscale personnelle de M. Berget si M. Berget ne croyait pas qu’il devait des impôts sur les jetons de présence de 1997 et 1998.
5. M. Berget a souvent montré de la résistance envers le ministre, et cela, depuis son année d’imposition 1985. Outre qu’il accuse des arriérés d’impôt pour ses années d’imposition 1997 et 1998 […] M. Berget a encore un solde impayé d’impôt pour ses années d’imposition 1999, 2001, 2003 et 2004 […]
6. On ne sait pas ce qu’est, à tel ou tel moment, le solde exacte du compte de prêt de l’administrateur, en raison du fait que les pièces justificatives ne peuvent pas être produites. Par conséquent, il m’est impossible d’admettre, contrairement à ce que vous dites, qu’un solde créditeur a toujours été maintenu. Votre affirmation selon laquelle une réduction du prêt de l’administrateur n’a pas eu lieu reste non prouvée.
[24] La décision du 9 novembre 2005 se terminait ainsi :
[traduction]
Les pièces produites ne suffisent pas à établir le solde exact du compte de prêt de l’administrateur à tel ou tel moment. Je rejette par conséquent votre demande d’équité au motif qu’il n’a pas été produit de pièces justificatives montrant que M. Berget n’a pas reçu les gratifications qu’il a déclarées pour ses années d’imposition 1997 et 1998.
[25] La lettre contenant la décision d’équité invitait ensuite le demandeur à solliciter un deuxième examen de la décision par le directeur du Bureau des services fiscaux d’Edmonton. Le demandeur n’a pas sollicité un deuxième examen.
Conclusion de la Cour
[26] La Cour a examiné les cinq volumes d’éléments de preuve se rapportant à la requête du demandeur en remboursement d’impôts pour les années d’imposition 1997 et 1998. La preuve établit que des centaines de paiements ont été faits au demandeur sur le compte de prêt de Southland au cours de la période considérée. Elle établit aussi que les déclarations personnelles de revenus du demandeur pour 1997 et 1998 faisaient état d’un revenu d’emploi à titre de [traduction] « jetons de présence », selon les sommes de 1 106 000 $ et 125 000 $ respectivement. Après examen de la preuve, la Cour est d’avis, pour les motifs suivants, que Sandra Foy, chef d’équipe du comité de l’équité, pouvait raisonnablement arriver à cette décision :
1. les inscriptions portées au grand livre montrent des centaines de sommes portées au crédit du compte de prêt de Southland en faveur du demandeur au cours de la période considérée. Ces inscriptions rendent compte de paiements faits par Southland au demandeur ou à des sociétés liées au demandeur. Pour les deux années d’imposition en cause, les sommes payées au demandeur dépassent les jetons de présence déclarés comme revenu par le demandeur et déduits comme dépenses par Southland pour ces années;
2. il ressort de la preuve que le demandeur a déclaré ces sommes dans sa déclaration personnelle de revenus et a payé des impôts sur ces sommes. Le demandeur ne déclarerait pas la somme de 1,1 million $ comme revenu à titre de jetons de présence ni ne paierait des impôts sur ce revenu s’il ne croyait pas avoir reçu ce revenu sous une forme ou une autre;
3. il ressort de la preuve que le cabinet Coopers Lybrand, un cabinet national d’experts‑comptables de bonne réputation, a préparé les états financiers de Southland, préparé les déclarations de revenus de Southland et préparé les déclarations personnelles de revenus du demandeur. Ces déclarations de revenus et états financiers furent préparés à l’époque où les événements considérés ici sont survenus. Le travail effectué par les experts‑comptables actuels l’a été après le fait, et c’est un travail de nature révisionniste. Si le cabinet Coopers Lybrand s’est trompé ou s’il s’est montré négligent ou incompétent dans la préparation de ces états financiers et déclarations de revenus, alors des comptes auraient dû lui être demandés. Il n’est pas établi que le cabinet Coopers Lybrand a été négligent ou s’est trompé dans la préparation des états financiers et déclarations de revenus, ni que le demandeur ou ses nouveaux experts‑comptables l’ont mis au fait de la situation et l’ont tenu pour responsable des déclarations personnelles de revenus qui indiquaient par erreur des revenus de 1,1 million $ et de 125 000 $ pour 1997 et 1998 respectivement.
[27] Dans la décision Gagné c. Le Procureur général du Canada, 2006 CF 1523, le juge Michel Beaudry, saisi d’une demande semblable de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi, écrivait ce qui suit, au paragraphe 24 :
Je suis d’avis qu’il était tout à fait raisonnable pour les autorités fiscales de refuser les demandes du demandeur en l’absence de pièces justificatives appropriées qui auraient permis de distinguer clairement entre les dépenses personnelles du demandeur de celles de son emploi ainsi que celles réclamées pour l’entreprise […]
[28] En l’espèce, je suis d’avis que l’agente de l’impôt qui a rédigé un rapport à l’intention du comité de l’équité a fait son travail avec application, consciencieusement et d’une manière approfondie, en vue de résoudre le problème, et cela, du 10 février 2004 (date de présentation de la demande d’équité) jusqu’au 9 novembre 2005, date de la décision. Son travail rigoureux est attesté par les 1 378 pages soumises au comité de l’équité, et aujourd’hui devant la Cour. Ces pages contiennent une information détaillée et complexe. Il est difficile de concilier les conclusions des experts‑comptables antérieurs et celles des experts‑comptables actuels. Il y a eu d’innombrables rencontres entre l’agente de l’impôt et les avocats du demandeur. L’agente de l’impôt a maintes et maintes fois posé des questions détaillées qui exprimaient ses doutes, lesquelles sont restées sans réponse.
[29] Pour les années d’imposition en cause, le chiffre d’affaires de Southland a dépassé 7 millions de dollars en 1996, 11 millions de dollars en 1997 et 13 millions de dollars en 1998. Cet argent transitait dans de nombreux comptes, y compris ceux du demandeur. Sans doute le demandeur est‑il sincère, honnête, dur à la tâche et doué pour la promotion immobilière, mais la comptabilisation des revenus, des dépenses, des frais et des autres transferts entre lui‑même personnellement et ses sociétés liées manquait de clarté, et les rapprochements entre ses affirmations et les documents fiscaux n’ont donc pas été possibles.
[30] Par conséquent, la Cour juge raisonnable la décision du comité de l’équité selon laquelle la preuve n’établit pas que le demandeur n’a pas reçu de Southland les jetons de présence en 1997 et 1998. Il appartient au demandeur de prouver ses prétentions, ce qu’il n’a pas pu faire alors même que l’agente de l’impôt, Mme Solo, a donné à son avocat maintes occasions de le faire.
La crainte de partialité
[31] Le défendeur a ici examiné soigneusement et attentivement la demande d’équité portant sur un remboursement après le délai de trois ans.
[32] Pour l’application de l’obligation d’agir équitablement selon le paragraphe 152(4.2), ni le législateur ni le ministre n’ont établi un tribunal indépendant ou une instance indépendante chargé d’examiner les demandes de remboursement après que le délai normal prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu a expiré pour l’établissement de nouvelles cotisations. On peut donc penser que l’employé du service fiscal qui connaît bien un sujet donné ou un dossier donné sera la personne‑ressource dans le traitement d’une telle demande de remboursement. Le fait que cette personne connaît bien le dossier et a rendu des décisions dans des affaires connexes ne signifie pas qu’elle est de parti pris. C’est une personne informée. La Cour rejette l’argument du demandeur selon lequel l’agente de l’impôt, Mme Solo, qui a travaillé sur ce dossier, a manqué à l’obligation d’équité en raison d’un parti pris ou en raison d’une crainte raisonnable de partialité du seul fait qu’elle connaissait bien le dossier et qu’elle avait rendu des décisions connexes.
[33] Mme Solo, l’agente de l’impôt bien au fait de la complexité du dossier, a rédigé un rapport à l’intention du comité de l’équité. Le comité de l’équité s’est prononcé sur le dossier le 9 novembre 2005. Le comité de l’équité est indépendant de l’agente des appels. En tout état de cause, le comité de l’équité a invité le demandeur à exercer un autre recours devant une instance indépendante, le [traduction] « deuxième niveau d’examen », mais le demandeur ne l’a pas fait. Le demandeur n’a aucune raison d’alléguer une partialité puisqu’il n’a pas exercé son droit à un examen indépendant.
[34] Le paragraphe 152(4.2) de la Loi est une disposition d’équité, en ce sens que le ministre doit examiner une demande de remboursement faite après l’échéance de trois ans. Cette disposition n’exige pas que le défendeur affecte au dossier une nouvelle personne, qui ne connaît pas le dossier, pour qu’elle rédige un rapport et présente une recommandation au « comité de l’équité ».
[35] Par ailleurs, le demandeur a renoncé à son droit d’invoquer la partialité en ne manifestant pas son opposition tout de suite en 2004, lorsqu’il s’est rendu compte que Mme Solo serait l’agente chargée de traiter sa demande.
[36] Pour les motifs qui précèdent, la Cour doit rejeter cette demande de contrôle judiciaire. Il ne sera pas adjugé de dépens.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Réviseur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑2176‑05
INTITULÉ : JOHN BERGET c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 15 OCTOBRE 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 3 NOVEMBRE 2008
COMPARUTIONS :
Douglas Forer |
POUR LE DEMANDEUR |
Margaret McCabe |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McLennan Ross LLP Edmonton (Alberta)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR |