Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2008
En présence de monsieur le juge Orville Frenette
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée suivant l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), à l’égard d’une décision datée du 19 octobre 2007 par laquelle une agente d’immigration a refusé la demande présentée par la demanderesse en vue d’obtenir un permis d’études.
LE CONTEXTE
[2] Mme Wang est une citoyenne chinoise âgée de 21 ans. Elle a d’abord présenté en novembre 2006 une demande en vue d’obtenir un permis d’études pour fréquenter le Centennial College à Toronto, en Ontario. Ce permis a été refusé parce qu’elle n’avait pas fourni les examens médicaux requis; elle prétendait qu’elle n’avait pas reçu la lettre par laquelle on lui demandait de fournir de tels examens.
[3] Elle a par la suite été admise au Seneca College dans un programme d’anglais préparatoire d’un an qui devait être suivi, en cas de réussite, d’un programme de deux ans en administration des affaires.
[4] En 2007, elle a présenté une nouvelle demande en vue d’obtenir un permis d’études. Elle a déposé sa lettre d’admission, une preuve de disponibilité des fonds et des renseignements se rapportant aux emplois et aux revenus de ses parents. Avec ces documents, elle a inclus un papier intitulé [traduction] « Formulaire d’études », lequel ne comportait pas de date, de signature ou de lieu de référence.
[5] Dans le cours de l’évaluation de la demande présentée par la demanderesse, l’agente a commencé à avoir des préoccupations quant à la validité des lettres jointes aux renseignements sur les emplois de ses parents, étant donné qu’elles semblaient similaires, même si elles provenaient apparemment de sociétés différentes. En tentant de vérifier ces lettres, l’agente a constaté que ni l’une ni l’autre de ces sociétés n’étaient reconnues; l’inscription quant au numéro de téléphone indiqué sur la lettre du prétendu employeur du père était au nom d’une autre société et la personne qui a répondu à l’appel téléphonique a dit qu’il s’agissait d’un hôtel qui avait reçu de nombreux appels erronés; il n’y avait pas d’inscription quant au numéro de télécopieur indiqué sur la lettre du prétendu employeur du père et ce numéro n’était pas en service; il n’y avait pas d’inscription quant au nom de la société et au numéro fournis dans la lettre du prétendu employeur de la mère; la personne qui a répondu à l’appel téléphonique au dernier numéro a reconnu que la femme mentionnée travaillait à cet endroit, mais qu’elle n’était pas mariée, qu’elle était dans la vingtaine et qu’elle n’avait pas d’enfants.
[6] L’agente a alors envoyé à la demanderesse une lettre afin de l’informer qu’elle croyait qu’elle avait fait de fausses déclarations quant aux emplois de ses parents et aux renseignements les concernant et elle lui a accordé 30 jours pour répondre. Dans une lettre datée du 10 août 2007, la demanderesse a répondu en affirmant que les faits présentés étaient véridiques et elle a joint une lettre de son père contenant un nouveau numéro ainsi que des copies non traduites de permis d’entreprises; toutefois, il n’y était pas mentionné que le père travaillait dans ces entreprises et il n’y avait pas de signature d’un représentant autorisé. Le père déclarait avoir à la banque un solde créditeur de 111 995 $ (en dollars canadiens équivalents) en mars 2007.
[7] La demanderesse a prétendu que la personne qui a répondu à l’appel téléphonique effectué par l’agente chez l’employeur de sa mère a mal compris la question et qu’une lettre avait été envoyée à l’ambassade pour clarifier la situation. Toutefois, l’agente a déclaré dans son affidavit que, au moment où elle a rendu sa décision, elle ne disposait pas de la lettre – onglet C, page 46 du dossier de la demanderesse.
LA DÉCISION
[8] La demande présentée par la demanderesse en vue d’obtenir un permis d’études a été refusée par une lettre datée du 19 octobre 2007 au motif qu’elle n’était pas une véritable résidente temporaire et qu’elle ne quitterait pas le Canada à la fin de la période autorisée pour ses études.
LA NORME DE CONTRÔLE
[9] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, a récemment réexaminé la norme de contrôle applicable aux contrôles judiciaires et elle a combiné la norme de la décision manifestement déraisonnable et la norme de la décision raisonnable simpliciter en une norme unique de la raisonnabilité.
[10] Elle a établi que, dorénavant, deux normes devraient être utilisées : la décision correcte et la raisonnabilité. La décision correcte doit s’appliquer aux questions de droit ou d’équité procédurale et la raisonnabilité aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 62 : « Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle ».
LES QUESTIONS EN LITIGE
- Y a‑t‑il eu de fausses déclarations et si oui, s’agissait-il de déclarations importantes?
- La décision de l’agente était-elle raisonnable?
L’ANALYSE
1. Y a‑t‑il eu de fausses déclarations et si oui, s’agissait-il de déclarations importantes?
[11] La demanderesse soutient que les déclarations n’étaient pas fausses et que, de toute façon, elles n’étaient pas importantes quant aux conditions de sa demande présentée en vue d’entrer au Canada. Son avocat s’appuie sur la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 166.
[12] Le défendeur répond qu’il y a eu de fausses déclarations à l’égard de faits fondamentaux établissant la capacité financière de la demanderesse de payer ses études et de demeurer au Canada et à l’égard de sa crédibilité quant à savoir si elle quitterait le Canada une fois ses études achevées.
[13] Rien ne démontre qu’il y ait eu absence d’équité procédurale dans la présente affaire. Après avoir constaté les fausses déclarations évidentes quant aux emplois et à la capacité financière des parents de la demanderesse de financer son séjour au Canada, l’agente a envoyé à la demanderesse une lettre exposant ces préoccupations. La demanderesse a essayé de répondre à ces préoccupations, mais l’agente a conclu que les documents présentés étaient tout à fait inadéquats. Je souscris à son évaluation.
[14] Il s’agit d’une question de fait ou mixte de fait et de droit assujettie à un contrôle selon la norme de la raisonnabilité.
[15] Les faits connus et les documents présentés par la demanderesse et ses parents soulèvent de sérieuses préoccupations à l’égard de leur authenticité et de leur véracité.
[16] Par exemple, une lettre datée du 9 juillet 2007 renvoie à une vérification faite par téléphone la veille, c’est-à-dire le dimanche 8 juillet 2007; toutefois, l’ambassade n’a pas d’activités les dimanches, et les notes du STIDI indiquent que la vérification faite par téléphone a eu lieu le 10 juillet 2007 (un jour après la date de la lettre).
[17] Dans ces circonstances, l’agente a rendu une décision qui, selon les faits, était raisonnable. L’agente a en outre respecté l’obligation d’équité en accordant à la demanderesse la possibilité de répondre à ces préoccupations (Khwaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 522, au paragraphe 17; voir également Young c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1287.
[18] Je crois en outre que la déclaration de nature financière et les emplois des parents de la demanderesse étaient des faits importants parce que la capacité de la demanderesse de satisfaire au critère du caractère suffisant de la capacité financière suivant l’alinéa 40(1)a) de la LIPR dépendait de ces faits.
[19] La demanderesse s’appuyait sur la décision Ali dans laquelle un agent des visas a décidé qu’un demandeur d’asile était interdit de territoire en raison de fausses déclarations. Cette décision d’une page se fonde sur une conclusion voulant que même s’il y a eu de fausses déclarations, elles n’étaient pas importantes quant à la décision.
[20] La demanderesse s’appuie en outre sur la décision rendue par le juge O’Reilly dans Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 423, dans laquelle on a autorisé un contrôle judiciaire pour permettre une analyse de la preuve présentée quant au caractère suffisant des fonds d’un étudiant de la Chine. Cependant, dans la présente affaire, dans l’esprit de l’agente, il y avait à l’égard de la véracité de la demanderesse des doutes sérieux qui demeuraient non dissipés.
2. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?
[21] La demanderesse prétend que l’agente aurait dû tenter de vérifier de nouveau les renseignements fournis par sa mère et son père en réponse à la lettre exposant les préoccupations et que son défaut de le faire constituait un manquement à l’équité procédurale.
[22] Le défendeur soutient que l’agente a effectivement évalué la lettre de réponse et le document, mais qu’elle a estimé qu’ils ne constituaient pas une preuve convaincante.
[23] Je suis d’avis que les arguments du défendeur sont fondés; il appartenait à la demanderesse de fournir la preuve nécessaire pour appuyer ses affirmations, en particulier après qu’elle eut reçu une lettre exposant des préoccupations. La décision de l’agente était bien dans la gamme des décisions qui auraient pu être rendues selon la norme de contrôle établie dans l’arrêt Dunsmuir.
CONCLUSION
[24] Pour les motifs énoncés, la demande doit être rejetée.
JUGEMENT
- La demande est rejetée.
- Il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5287-07
INTITULÉ : XIN HUI WANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 29 septembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge suppléant Frenette
DATE DES MOTIFS : Le 15 octobre 2008
COMPARUTIONS :
Richard Wazana |
POUR LA DEMANDERESSE XIN HUI WANG
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Manuel Mendelzon |
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Richard Wazana Avocat 920, rue Yonge, bureau 510 Toronto (Ontario) M4W 3C7 Télécopieur : 416-513-1919 |
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Ministère de la Justice The Exchange Tower 130, rue King Ouest Bureau 3400, C.P. 36 Toronto (Ontario) M5X 1K6 Télécopieur : 416-954-8982 |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |