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Date : 20080930

Dossier : IMM-5503-07

Référence : 2008 CF 1092

Toronto (Ontario), le 30 septembre 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

Pilar ATRIANO SALDANA

Alejandro ATRIANO RODRIGUEZ

Micaela Ma. Del Pilar RODRIGUEZ RODRIGUEZ

(alias Micaela M D P Rodriguez Rodriguez)

Jorge ATRIANO RODRIGUEZ

 

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou

la Commission) n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire en décidant que les éléments de preuve fournis par M. Atriano Saldana selon lesquels il avait été battu n’étaient pas crédibles. De plus, la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que Mexico offre une possibilité de refuge intérieur viable (PRI) pour trois des demandeurs ainsi qu’une protection adéquate de l’État pour le quatrième demandeur.

 

[2]        Pilar Atriano Saldana, son épouse, Micaela Ma. Del Pilar Rodriguez Rodriguez, et leurs fils adultes, Alejandro Atriano Rodriguez et Jorge Atriano Rodriguez, sont des citoyens autochtones du Mexique qui vivaient à Tlaxcala. Ils ont déclaré avoir été ciblés à Mexico par un gang de criminels qui croyaient que les demandeurs avaient beaucoup d’argent, étant donné que

M. Atriano Saldana travaillait chaque année au Canada dans le cadre d’un programme destiné aux travailleurs agricoles. Les demandeurs ont déclaré avoir reçu des appels téléphoniques de harcèlement et de menace et avoir été suivis. Le fils cadet, Alejandro, a déclaré avoir été suivi, en mai 2004, par un homme qui a essayé de le poignarder et qui a coupé son sac à dos lorsque Alejandro s’est retourné pour affronter son agresseur. M. Atriano Saldana a déclaré avoir été agressé et battu par deux hommes en février 2005. Le fils aîné, Jorge, a déclaré avoir déménagé à Mexico après que sa famille s’est installée au Canada. Le 4 janvier 2007, il a été enlevé à Mexico par trois hommes qui l’ont détenu pendant quatre jours et qui l’ont relâché en lui disant qu’il avait cinq jours pour leur verser 10 000 $.  De plus, tous les demandeurs d’asile ont déclaré qu’à titre de citoyens autochtones du Mexique ils ont été victimes de discrimination et qu’ils ne pouvaient bénéficier de la protection de la police. 

 

[3]        La SPR a rejeté leur demande d’asile parce qu’elle a conclu ce qui suit :

·        Le récit du demandeur d’asile père, selon lequel il a été battu, n’est pas crédible.

·        Trois des demandeurs d’asile n’ont pas subi de préjudice grave ou n’ont pas été victimes de persécution par le passé.

·        En soi, appartenir à un groupe ethnique, c’est-à-dire les Mexicains autochtones, ou encore aux Témoins de Jéhovah, ne démontre pas l’existence d’une possibilité sérieuse d’être victime d’un préjudice grave ou de persécution à Mexico.

·        Compte tenu de la nature des renseignements que le fils aîné a fournis, les efforts qu’il a faits pour obtenir de l’aide à Mexico ne réfutent pas la présomption selon laquelle l’État lui offrira une protection adéquate à l’avenir.

·        La preuve documentaire étaye la thèse selon  laquelle, pour des citoyens comme les demandeurs d’asile vivant dans le [District fédéral], l’État fait de sérieux efforts pour offrir une protection qui, bien qu’elle ne soit pas parfaite, est adéquate, advenant le cas où ils auraient besoin de cette protection à l’avenir.

 

 

[4]        Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis les erreurs suivantes :

 

1.         La Commission a commis une erreur en ne pas considérant crédible la déclaration de M. Atriano Saldana selon laquelle il a été battu.

 

            2.         La Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve fournis.    

 

3.         La Commission a commis une erreur en considérant que Mexico offre une possibilité de refuge intérieur viable pour tous les demandeurs d’asile.

 

4.         La Commission a commis une erreur en considérant que l’État offre une protection adéquate à Mexico.

 

1.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant l’allégation de M. Atriano

Saldana selon laquelle il avait été battu?

[5]        Les demandeurs soutiennent que la manière dont la SPR a interrogé M. Atriano Saldana  créait de la confusion et que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion négative du fait que M. Atriano Saldana avait initialement omis de témoigner au sujet de l’agression dont il avait été victime. Les demandeurs soutiennent que la SPR aurait dû accepter l’explication de

M. Atriano Saldana au sujet de cette omission.

 

[6]        À mon avis, cet argument n’est pas fondé. La transcription n’appuie pas l’allégation selon laquelle soit les questions posées par la SPR, soit la manière dont l’interrogatoire s’est déroulé créaient de la confusion. La manière dont s’est déroulé l’interrogatoire de la Commission n’a fait l’objet d’aucune objection et l’ordre dans lequel les demandeurs ont témoigné a été proposé par leur avocat.

 

[7]        De plus, la conclusion négative de la SPR en ce qui touche la crédibilité était également fondée sur sa conclusion selon laquelle l’attaque décrite par M. Atriano Saldana était invraisemblable. Cette dernière conclusion n’est pas contestée.

 

[8]        Les conclusions de la SPR en matière de crédibilité commandent une grande retenue. Il n’y a aucun motif pour que la Cour intervienne pour modifier les conclusions de la SPR en l’espèce. 

 

 

2.         La SPR a-t-elle fait abstraction de certains éléments de preuve?

[9]        La SPR a conclu que ni M. Atriano Saldana, ni son épouse, ni leur fils cadet n’ont subi de préjudice grave avant de quitter le Mexique. La SPR aurait en cela omis de tenir compte des éléments de preuve suivants :

 

  • Le fils cadet a été suivi par un agresseur qui brandissait un couteau et qui, en essayant de le poignarder, a coupé son sac à dos; 
  • La fille de M. Atriano Saldana a été agressée;
  • L’enlèvement du fils aîné était lié aux craintes des autres membres de la famille parce qu’ils avaient tous été ciblés; 
  • Les témoignages des demandeurs au sujet du traitement discriminatoire reçu de la part des autorités.

 

[10]      À mon avis, contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, la Commission n’a pas commis d’erreur. Il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs formulés par la Commission au microscope. La question est plutôt de savoir si la Commission comprenait bien les questions soulevées et les éléments de preuve dont elle disposait. 

 

[11]      En l’espèce, la nature de l’agression dont le fils cadet a été victime n’était pas grave à ce point que l’omission de la Commission d’y faire référence donne lieu à la conclusion que celle-ci n’a pas pris en compte cet élément de preuve. La Commission a eu raison de conclure que, heureusement, le fils cadet n’a pas subi de préjudice grave.

 

[12]      La SPR n’a pas omis de prendre en compte l’agression subie par la fille de M. Atriano Saldana, qui n’est pas une demandeure d’asile; elle l’a au contraire mentionnée à la page 2 de ses motifs. 

 

[13]      La SPR a bel et bien considéré l’agression contre le fils aîné comme étant liée aux craintes de toute la famille, car la Commission a indiqué que tous les membres de la famille croyaient avoir été ciblés et suivis par des ravisseurs. De même, la Commission s’est fondée sur les circonstances entourant l’enlèvement du fils aîné pour souligner que les éléments de preuve selon lesquels le père avait été battu étaient invraisemblables.

 

[14]      En ce qui concerne les craintes des demandeurs du fait de leur origine ethnique, ces derniers ont déclaré que la Commission n’a pas tenu compte d’une modification apportée à leurs Formulaires de renseignements personnels (FRP) à l’égard de leur origine ethnique et que [TRADUCTION] « il est difficile de savoir quelle aurait été la conclusion de la SPR si elle avait su qu’ils avaient soulevé la question et s’ils avaient pu en parler ».   

 

[15]      La Commission a déclaré que « [d]ans aucun des FRP il n’est mentionné que les demandeurs d’asile ont été victimes de discrimination du fait de leur origine ethnique. Dans les témoignages de vive voix, l’origine ethnique a été mentionnée comme étant une raison justifiant le fait de ne pas s’être adressés à la police après l’agression de février 2005 […] ».

 

[16]      La Commission aurait pu être plus claire en affirmant que les FRP avaient été modifiés à l’audience. Toutefois, la Commission a eu raison d’affirmer qu’aucun des demandeurs n’a soulevé initialement dans son FRP la question du traitement discriminatoire du fait de l’origine ethnique, mais qu’ils ont témoigné à ce sujet à l’audience. Même si la SPR n’a pas interrogé les demandeurs au sujet de la discrimination qu’ils affirmaient avoir subie et qu’elle leur a demandé de répondre aux questions précises posées par le commissaire, rien n’empêchait l’avocat des demandeurs de soumettre ultérieurement des éléments de preuve à cet égard. Aucune tentative n’a été faite en ce sens et aucune plainte ne peut être formulée à présent au sujet de cette omission. Les demandeurs avaient en tout temps l’obligation de soumettre tous les éléments de preuve qu’ils avaient l’intention d’invoquer à l’appui de leur demande d’asile.

 

 

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que Mexico offrait une possibilité de refuge intérieur viable pour les quatre demandeurs d’asile? 

[17]      Les demandeurs reprochent à la Commission deux erreurs. En premier lieu, ils allèguent que la SPR a commis une erreur en concluant que Mexico offrait une possibilité de refuge intérieur pour le fils aîné, Jorge, parce que c’est à Mexico qu’il a été enlevé. Deuxièmement, ils allèguent que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il était raisonnable pour les autres membres de la famille de s’installer à Mexico, alors qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que

M. Atriano Saldana ait jamais détenu d’emploi à Mexico et que ses antécédents de travail démontraient seulement son expérience comme travailleur agricole au Canada. 

 

[18]      Une fois de plus, je ne suis pas convaincue que la SPR ait commis d’erreur. 

 

[19]      En ce qui concerne la première erreur alléguée, la SPR a effectivement déclaré à la fin de ses motifs que « Mexico satisfait aux deux exigences relatives à une possibilité de refuge intérieur viable ». Cependant, je suis convaincue que la Commission n’a pas conclu à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur pour le fils aîné à l’endroit même où il avait été enlevé. La SPR a plutôt conclu qu’il bénéficierait d’une protection adéquate de l’État à Mexico. J’arrive à cette conclusion parce que, pendant l’audience, le commissaire a indiqué que la question à trancher est la suivante :

[TRADUCTION]  LE MEMBRE : Oui, d’accord. Alors, ce que je dis, c’est que le district fédéral offre une PRI viable pour les trois membres de la famille, donc [sic] c’est une région où le fils aîné pourrait retourner sans avoir à subir de préjudice grave et où une protection de l’État adéquate serait assurée.

 

 

[20]      Plus loin, à la page 3 de ses motifs, la Commission a écrit :

            Est-ce que le district fédéral (DF) de Mexico offre une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable pour le demandeur d’asile père, sa femme et leur fils cadet? Je suis convaincu que c’est le cas.

 

 

[21]      Par conséquent, la Commission n’a pas conclu que Mexico offrait une possibilité de refuge intérieur pour le fils aîné. 

 

[22]      Je vais maintenant me pencher sur le caractère raisonnable de la possibilité de refuge intérieur pour M. Atriano Saldana, son épouse et son fils cadet. Mon collègue le juge Kelen a eu récemment l’occasion de se pencher brièvement sur les règles de droit en matière de possibilité de refuge intérieur dans Farias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2008 CF 1035, au paragraphe 34.  Dans les motifs de sa décision, le juge Kelen a dit ce qui suit :

 

·        C’est au demandeur d’asile qu’il incombe de prouver que la possibilité de refuge intérieur est inexistante ou déraisonnable.

·        Pour établir que la possibilité de refuge intérieur est déraisonnable, il faut satisfaire à une norme élevée. 

·        Le fait qu’un demandeur d’asile risque de ne pas trouver d’emploi qui lui convienne dans son champ de compétence ne rendra peut-être pas la possibilité de refuge intérieur déraisonnable.

 

[23]      M. Atriano Saldana a fourni les éléments de preuve suivants :

                         [TRADUCTION]

Q.                Si vous et votre famille deviez vous installer à Mexico et éprouver le même genre de problèmes qu’antérieurement, en particulier dans le secteur de Mexico qui fait partie du district fédéral, pourquoi penseriez-vous ne pas être en mesure d’obtenir l’aide des autorités du district fédéral?

 

R.                 Les autorités aident la plupart du temps les Mexicains qui ont un statut social et économique bien établi. Je crois ne pas être en mesure d’obtenir la protection des autorités en raison de notre origine ethnique.

 

Q.        Existe-t-il de raison pour laquelle vous et votre famille ne pourriez vivre à Mexico?

 

R.         La raison en est la suivante : si nous retournons à Mexico, l’un  d’entre nous risque de se faire soit enlever soit tuer. Je suis venu au Canada pour travailler et pour donner le meilleur de ma vie. J’ai fait de mon mieux pour améliorer la qualité de mon travail et ces vingt années que j’ai comptées en 2005 et que j’ai travaillé en agriculture m’ont aidé à améliorer constamment la qualité de mon travail.

 

 

 

[24]      Le commissaire a répété plus tard sa question à M. Atriano Saldana comme suit :

                        [TRADUCTION]

Q.        Monsieur, existe-t-il une autre raison pour laquelle vous ne pouvez pas vivre à Mexico sur le territoire du district fédéral, autre que votre crainte que l’un des membres de votre famille ne se fasse enlever ou tuer, fait dont vous êtes convaincu et dont la raison serait, je crois, votre conviction que les autorités fédérales ne vous aideraient aucunement en raison de votre origine ethnique? Il n’y a pas d’autre motif?

 

R.         Il y a seulement la raison concernant la sécurité de ma famille. Je demande aux autorités canadiennes de tenir compte du fait que nous sommes des personnes ayant besoin de protection.

 

 

[25]      Le demandeurs n’ont pas présenté d’autre élément de preuve pertinent se rapportant au caractère raisonnable de la possibilité de refuge intérieur. Je conclus que les demandeurs ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait de démontrer que la possibilité de refuge intérieur proposée était déraisonnable. La décision de la SPR sur ce point du critère à deux volets n’était pas déraisonnable.

 

4.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pourraient obtenir la protection de l’État à Mexico?

[26]      Après avoir été relâché par ses ravisseurs, le fils aîné est allé à la police. Il affirme qu’il a dû attendre longtemps avant de voir un policier et que ce dernier lui a posé une série de questions avant de rédiger un rapport. Le policier lui a demandé ce qui s’était passé, s’il connaissait ses ravisseurs, s’il les avait vus auparavant et s’il pouvait décrire le véhicule dont s’étaient servis les ravisseurs. Le fils aîné n’a pas été en mesure d’identifier ses ravisseurs ni de fournir des renseignements sur ceux-ci, sur leur véhicule et sur l’endroit où il avait été détenu.

 

[27]      Lorsqu’il a rapporté les incidents, le fils aîné a demandé qu’une voiture de police soit postée devant sa maison, mais le policier lui a répondu qu’il n’y avait pas le personnel nécessaire. Le fils aîné a déclaré que le policier lui avait plutôt dit de rentrer chez lui et de faire attention.

 

[28]      La SPR a conclu ce qui suit :

 

·        Le fils aîné n’a été en mesure de fournir aucun renseignement utile à la police. « Même s’il est possible que la police ait pu faire davantage que de rédiger un rapport, il serait encore improbable de pouvoir procéder à une arrestation, compte tenu de ces éléments de preuve. »

·        Le fait que la police ait refusé de surveiller la maison du fils aîné ne signifiait pas que l’aide de la police lui serait refusée à l’avenir.

·        Dans cette partie de Mexico qui est située dans le district fédéral, l’État fait de sérieux efforts pour offrir une protection qui, bien qu’elle ne soit pas parfaite, est adéquate.

 

[29]      Les demandeurs prétendent que l’inertie policière constitue la preuve que la police n’était pas disposée à aider Jorge, ce et revient à admettre que la police était incapable d’offrir une protection contre les ravisseurs. Les demandeurs soutiennent aussi que la Commission a omis de tenir compte de la preuve documentaire et qu’elle a commis une erreur en ne se demandant pas si les lois et les procédures qui ont cours à Mexico sont efficaces.

 

[30]      Les principes suivant sont bien établis :

 

·        Il y a lieu de présumer que les États sont capables de protéger leurs citoyens.

·        Il faut établir par une preuve claire et convaincante l’incapacité de l’État à assurer la protection de ses citoyens.

·        La Cour ne peut pas exiger que la protection offerte soit d’une efficacité parfaite. Ainsi que le juge Hugessen l’écrivait pour la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Ministre de l’Emploi et de l’Immigration  c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232, au paragraphe 7 :

 

Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation. Le terrorisme au service d'une quelconque idéologie perverse est un fléau qui afflige aujourd'hui de nombreuses sociétés; ses victimes, bien qu'elles puissent grandement mériter notre sympathie, ne deviennent pas des réfugiés au sens de la Convention simplement parce que leurs gouvernements ont été incapables de supprimer ce mal. Toutefois, lorsque l'État se révèle si faible, et sa maîtrise sur une partie ou sur l'ensemble de son territoire est si ténue qu'il n'est qu'un gouvernement nominal, comme cette Cour a trouvé que c'était le cas dans l'arrêt Zalzali c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), un réfugié peut à bon droit affirmer être incapable de se réclamer de sa protection. Le demandeur qui fait valoir cette incapacité doit normalement invoquer la guerre civile, une invasion ou l'effondrement total de l'ordre au pays. Par contre, lorsqu'un État a le contrôle efficient de son territoire, qu'il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu'il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection. [Non souligné dans l’original, renvoi omis.]

 

[31]      Les observations du juge Hugessen s’appliquent également aux victimes d’actes criminels.

 

[32]      En droit, la question que la Commission devait trancher était de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, on pouvait toujours présumer que dans cette partie de Mexico relevant du district fédéral, l’État est capable de protéger les demandeurs. Les cas isolés d’agression ou d’enlèvement ne peuvent pas réfuter la présomption relative à la protection de l’État.

 

[33]      Parmi les éléments de preuve soumis à la Commission, la Réponse aux demandes d’information (RDI) MEX100642.EF précise ce qui suit : « Mexique : information sur les enlèvements contre rançon, y compris la complicité des policiers, les types d'enlèvements, l'efficacité des responsables de l'application de la loi et la protection offerte aux victimes (2004-2005). » Cette RDI signalait ce qui suit :

            De nombreux articles publiés par diverses sources en 2004 et en 2005 ont mentionné que les enlèvements contre rançon étaient fréquents dans tout le pays, en particulier dans les grandes zones urbaines comme Mexico (Canada 14 oct. 2005; États-Unis 26 juill. 2005; IHT 22 juill. 2005; EFE 10 juin 2004). Toutefois, même si, selon certaines sources, le nombre d'enlèvements a augmenté de façon considérable au cours des dernières années (ibid.; The Economist 17 juin 2004), le gouvernement mexicain rejette cette déclaration : il affirme que le nombre de délits de ce type s'est stabilisé et a même légèrement diminué (ibid.; El Universal 22 janv. 2004).

 

[…]

 

            Même si les enlèvements relèvent de la compétence des États, le président Fox a déclaré en juin 2004 que les autorités fédérales allaient travailler avec les gouvernements des États et des municipalités [traduction] « afin de coordonner les efforts de lutte contre les enlèvements » (Mexidata 14 juin 2004; EFE 10 juin 2004). Par conséquent, une grande partie des mesures d'application de la loi visant à lutter contre les enlèvements ont été prises principalement par des agences de police fédérales comme l'AFI (Reuter 22 sept. 2005; El Universal 22 janv. 2004; Latin American Weekly Report 22 juin 2004; Business Mexico sept. 2004). En septembre 2004, le magazine de Mexico, Business Mexico, a mentionné que les gens d'affaires mexicains avaient une meilleure opinion de l'AFI en ce qui concerne la façon dont elle traite les délits comme les enlèvements. Entre le moment de sa création, en décembre 2001, et le mois de juin 2004, l'AFI aurait démantelé 48 bandes de ravisseurs, arrêté 305 ravisseurs présumés et résolu 419 cas d'enlèvement (Latin American Weekly Report 22 juin 2004). En outre, l'AFI a aidé les autorités étatiques dans 91 cas d'enlèvement (ibid.). De plus, les autorités fédérales ont annoncé que, de janvier à août 2005, elles avaient mis en détention 72 ravisseurs présumés et avaient [traduction] « complètement démantelé » 11 bandes de ravisseurs (El Universal 4 août 2005).

 

 

[34]      À mon avis, cet élément de preuve appuyait les conclusions de la SPR portant que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption selon laquelle, à l’avenir, ils bénéficieraient de l’aide à Mexico, dans le district fédéral, s’ils en avaient besoin et que l’État offrait à ses citoyens une protection qui, bien qu’elle ne fût parfaite, était adéquate.

 

[35]      Je suis en outre d’avis que cet élément de preuve est davantage pertinent quant à la conclusion de la Commission que la documentation sur la situation du pays invoquée par les demandeurs. À cet égard :

 

·         Les rapports de Human Rights Watch et de Amnistie Internationale déposés en preuve par les demandeurs portent d’une façon générale sur la violation des droits de la personne dans les systèmes de justice pénale et de sécurité publique.

·        Le rapport du Département d’État des États-Unis déposé en preuve par les demandeurs porte de façon générale sur la protection des droits de la personne. 

 

[36]      Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que le présent dossier n’en soulève aucune.

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                      IMM-5503-07

 

INTITULÉ :                                                                      PILAR ATRIANO SALDANA et al.,

                                                                                             demandeurs

 

                                                                                         et

 

                                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                    ET DE L’IMMIGRATION, défendeur

                                                                   

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                              TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                             LE 4 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                            LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                                       LE 30 SEPTEMBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Geraldine MacDonald                                                           POUR LES DEMANDEURS

 

Tessa Anne Kroeker                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Geraldine MacDonald                                                             POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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