Toronto (Ontario), le 18 septembre 2008
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Par la présente demande, le demandeur conteste une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) le 22 février 2008, cette décision faisant suite à une audience de novo s’accorde avec la décision antérieure d’un agent d’immigration, qui a estimé que le mariage en question n’était pas authentique.
[2] L’élément essentiel de la décision considérée est que le mariage, décrit comme un mariage arrangé en Inde, n’était pas conforme à certains critères traditionnels et, par conséquent, il n’a pas été jugé authentique.
[3] La SAI a exprimé ses critères concernant les éléments essentiels d’un mariage traditionnel arrangé en Inde de la façon suivante :
• négociation approfondie précédant la finalisation des dispositions entre les deux parties;
• compatibilité des époux en termes d’âge, d’éducation, d’antécédents matrimoniaux, de capacité de gagner sa vie, de religion et de contexte social;
• cérémonie tenue en présence des membres de la famille, des parents, des amis et des voisins des deux côtés, le couple étant habillé avec recherche, et le mariage célébré au domicile de la famille de la mariée;
• échange de cadeaux à cette occasion.
Quant à ces critères, la SAI a déclaré ce qui suit :
D’après le témoignage de l’appelant et les déclarations de la demandeure lors de son entrevue, le tribunal est d’avis que le présumé mariage « arrangé » des époux est loin de répondre à ces critères :
• l’appelant a proposé le mariage à la demandeure après seulement une demi-heure de négociation;
• la demandeure a huit ans de moins que l’appelant, est plus éduquée, n’a jamais été mariée auparavant et n’a donné aucune raison quant à savoir pourquoi elle a accepté de se marier avec l’appelant, lequel est divorcé et a deux enfants;
• le mariage a eu lieu loin de la résidence de la famille de la demandeure, ce qui donne l’impression de vouloir éviter la publicité;
• seulement quelques personnes étaient présentes au mariage;
• l’appelant portait des jeans à sa cérémonie de mariage et non la tenue traditionnelle;
• aucun cadeau n’a été échangé, aucune célébration n’a eu lieu et il n’y a pas eu de lune de miel.
(Décision de la SAI, aux pages 6 et 7.)
[4] Tel que je l’ai mentionné au cours de l’audition de la présente demande, à mon avis, la conclusion d’invraisemblance de la SAI quant aux éléments du mariage en question n’est pas conforme au droit établi comme suit dans la décision du juge Muldoon, dans Valtchev :
6. Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.
7. Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22]. [Non souligné dans l’original.]
Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. n° 1131.
[5] L’erreur susceptible de contrôle réside dans le fait que, même si la SAI a fixé une norme de comparaison, la décision rendue ne fait état d’aucune analyse valable de la preuve présentée par le demandeur pour traiter des questions soulevées par la norme. Sans cette analyse, j’estime que la décision considérée est entachée d’une erreur susceptible de contrôle.
ORDONNANCE
Par conséquent, la décision considérée est annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu’il statue à nouveau sur l’affaire.
Juge
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1371-08
INTITULÉ : NARESH KUMAR DUA c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 septembre 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le juge Campbell
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : Le 18 septembre 2008
COMPARUTIONS :
Alesha Green |
POUR LE DEMANDEUR |
John Provart |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Green Willard LLP Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |