Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
LA BANDE ET NATION INDIENNE D’ERMINESKIN
et
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Le présent contrôle judiciaire concerne le pouvoir du ministre des Affaires indiennes et du Nord (le ministre) de retenir des sommes payables en vertu du Partage du lac Pigeon (le Partage), au motif que le ministre voulait une justification additionnelle des fins auxquelles les sommes seraient employées.
[2] La présente instance a été rendue complexe en raison d’un changement constant des circonstances, plusieurs événements ayant rendu désuète une partie du contexte factuel depuis que la demande de contrôle judiciaire a été déposée. Ce qui finalement est demeuré en litige portait sur une somme d’environ 2,1 millions $, retenue par le ministère jusqu’à ce que la bande et nation d’Ermineskin (la bande d’Ermineskin) lui présente des renseignements complémentaires.
[3] La bande d’Ermineskin a déposé une requête en mandamus pour obliger le ministre à lui verser immédiatement la somme restante de 2,1 millions $.
II. LES FAITS
[4] La bande d’Ermineskin est une nation formée de peuples autochtones qui résident dans le centre de l’Alberta et qui sont parties au Traité n° 6.
[5] En 1896, la Réserve du lac Pigeon (située au sud‑ouest d’Edmonton) fut établie, conformément au Traité n° 6, pour quatre bandes indiennes – la bande de Sampson, la bande d’Ermineskin, la bande de Bull et la bande de Montana (les bandes).
[6] Des réserves pétrolières et gazières ont été découvertes dans le sous‑sol de la réserve du lac Pigeon et, en application du régime établi par la Loi sur les Indiens, la bande d’Ermineskin et les trois autres bandes désignées ont cédé à la Couronne leurs intérêts dans les droits miniers afin que ces terres puissent être données à bail pour l’avantage respectif des bandes. Les actes de cession ont été signés en 1946 et, quelques années plus tard, des quantités marchandes de pétrole et de gaz furent extraites.
[7] À partir de 1952, la Couronne rédigea et signa, avec des compagnies pétrolières et gazières, des baux qui allaient générer des redevances pour les quatre bandes. À toutes les époques pertinentes, les ressources pétrolières et gazières étaient et sont encore la propriété des bandes. Les redevances ont toujours été payées à la Couronne et gérées par la Couronne, au nom de chacune des bandes.
[8] Conformément à l’article 62 de la Loi sur les Indiens, l’argent des Indiens appartient soit au « compte de capital » (s’il provient de la vente de terres cédées ou de biens de capital d’une première nation) soit au « compte de revenu » (l’argent des Indiens qui n’appartient pas au compte de capital et qui provient d’une diversité de sources, notamment les intérêts gagnés sur le compte de capital et le compte de revenu). Les deux catégories sont gérées différemment et doivent être comptabilisées séparément. La Couronne conserve des comptes de capital et des comptes de revenu distincts pour l’argent des Indiens détenu au Trésor.
[9] Il y a des comptes de capital et des comptes de revenu distincts pour chacune des quatre bandes, ainsi que pour l’ensemble de la Réserve du lac Pigeon. Ces comptes sont détenus pour les bandes, et répartis périodiquement entre elles, en fonction de leurs populations respectives. C’est ce que l’on appelle le Partage du lac Pigeon (le Partage).
[10] Le compte de capital, qui comprend les redevances tirées de la Réserve du lac Pigeon, est géré en vertu de l’article 64 de la Loi sur les Indiens. Les sommes concernées sont portées au crédit du compte de capital de la Réserve du lac Pigeon, pour ensuite être réparties périodiquement dans les comptes de capital des quatre bandes, en application du Partage. À l’heure actuelle, la part de la bande d’Ermineskin dans le Partage, d’après la population de la bande, est de 27 p. 100.
[11] Les sommes détenues dans les comptes de capital peuvent être dépensées conformément à l’article 64 de la Loi sur les Indiens. L’article 64 (voir l’annexe A jointe aux présents motifs) énumère plusieurs types de dépenses dont le ministre peut, avec le consentement du conseil de la bande, autoriser le paiement. La disposition comporte une clause résiduaire, l’alinéa 64(1)k) :
64. (1) Avec le consentement du conseil d’une bande, le ministre peut autoriser et prescrire la dépense de sommes d’argent au compte en capital de la bande :
[…]
k) pour toute autre fin qui, d’après le ministre, est à l’avantage de la bande. |
64. (1) With the consent of the council of a band, the Minister may authorize and direct the expenditure of capital moneys of the band
…
(k) for any other purpose that in the opinion of the Minister is for the benefit of the band. |
[12] L’administration du fonds de revenu de la bande d’Ermineskin était en litige, mais le point principal soulevé dans la présente instance concerne l’argent du Partage destiné au compte de capital. En 1964, le gouvernement canadien avait pris, en vertu du paragraphe 69(1) de la Loi sur les Indiens, plusieurs décrets autorisant la bande d’Ermineskin à gérer elle‑même l’argent de son compte de revenu. C’est ce qu’elle a fait depuis. Il existe une procédure d’après laquelle l’argent destiné au compte de revenu est remis au conseil de bande, à certaines conditions. La légalité de ces conditions était en litige dans la présente instance; cependant, toutes les sommes en litige destinées au compte de revenu ont été payées. Le point principal soulevé dans la présente instance concerne donc les sommes du Partage destinées au compte de capital.
[13] Il y a deux grandes étapes à franchir pour l’utilisation des sommes liées au Partage. Comme l’écrivait le juge MacKay dans la décision Bande de Louis Bull c. Sa Majesté la Reine (3 septembre 1999), n° du greffe T‑2953‑93 (C.F. 1re inst.), la Couronne doit d’abord calculer le montant issu du Partage et les parts respectives et ensuite virer ces sommes aux comptes de capital des bandes respectives.
[14] L’autre procédure qui a son importance est que, dans les conditions normales, en ce qui a trait aux dépenses relevant de l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, toute proposition portant sur la dépense de sommes du compte de capital est en général faite par un conseil de bande, par présentation d’une résolution du conseil de bande (RCB) au ministre renfermant les détails de la proposition. La requête est étudiée par le ministre et, si le ministre l’approuve, la somme demandée est remise à la bande d’Ermineskin, sauf si celle‑ci donne d’autres directives.
[15] En 2007, le conseil de la bande d’Ermineskin a adopté deux résolutions sollicitant le transfert de la somme de 23 262 232,76 $ et de la somme de 7 700 000 $ pour le financement du budget de fonctionnement 2007‑2008 de la bande d’Ermineskin. Sur ce total, une somme d’environ 13 287 000 $ fut retenue parce que la présentation d’un rapport de vérification accusait un retard. Sur cette somme retenue, une somme d’environ 5 313 000 $ se rapportait au compte de capital.
[16] Par la présente procédure de contrôle judiciaire, introduite en septembre 2007, la bande d’Ermineskin sollicitait « une ordonnance de la nature d’un mandamus enjoignant au ministre des Affaires indiennes et du Nord de lui verser ce qui lui revient du fonds de revenu, y compris du Partage du lac Pigeon, au prorata de ses effectifs, conformément aux articles 18.1 et 44 de la Loi sur les Cours fédérales et aux articles 358 à 367 des Règles des Cours fédérales, et conformément à l’article 69 de la Loi sur les Indiens et au Décret sur les revenus des bandes d’Indiens, DORS/90‑297 […] »
[17] C’est l’emploi de l’expression « fonds de revenu » qui a été la source d’une confusion interminable.
[18] Dans le redressement qu’elle sollicite, la demanderesse affirme ce qui suit :
· la réserve indienne n° 138A du lac Pigeon a été mise de côté le 8 juillet 1896 pour les Indiens de l’Agence Hobbema;
· la bande d’Ermineskin fait partie des Indiens de l’Agence Hobbema;
· la Couronne a distribué les revenus de la Réserve indienne n° 138A du lac Pigeon à la nation crie d’Ermineskin notamment, au prorata de ses effectifs, chaque année depuis 1954, généralement en juillet ou en août de chaque année;
· les recettes pétrolières et gazières de la Réserve indienne n° 138A du lac Pigeon et les intérêts gagnés sur les capitaux détenus par la Couronne en fiducie pour la bande d’Ermineskin sont détenus dans le fonds de revenu, lequel est géré par la bande d’Ermineskin conformément à l’article 69 de la Loi sur les Indiens et au Décret sur les revenus des bandes d’Indiens, DORS/90‑297;
· la bande d’Ermineskin utilise le fonds de revenu pour financer son administration;
· la bande d’Ermineskin a exigé à plusieurs reprises, notamment le 24 septembre 2007, que le ministre des Affaires indiennes et du Nord lui verse ce qui lui revient du Partage du lac Pigeon et du fonds de revenu et le ministre ne l’a pas fait et a refusé de le faire.
[19] Comme il est indiqué au paragraphe 15 des présents motifs, le ministre a refusé de transférer à la bande d’Ermineskin une importante somme d’argent parce que la bande n’avait pas rempli une condition imposée par lui, à savoir la présentation d’un rapport de vérification au ministère. Au cours du litige, la bande d’Ermineskin a finalement produit le rapport de vérification, ce qui a permis le déblocage de la majeure partie de la somme à l’origine de la présente instance.
[20] Sur la somme de 5 313 000 $ qui était retenue et qui se rapportait au compte de capital, une somme d’environ 4,7 millions $ se rapportait au Partage. Le 26 mars 2008, le ministre a débloqué la somme de 2,6 millions $, environ 200 jours plus tard que ce qui, selon la bande d’Ermineskin, est la période normale de distribution, à savoir en juillet ou en août de chaque année. Outre la tardiveté du paiement, la somme de 2,1 millions $ reste impayée tant que le ministre n’aura pas reçu les renseignements qu’il exige.
[21] Dans la lettre du ministre datée du 26 mars 2008, qui débloquait la somme de 2,6 millions $, le ministère écrivait ce qui suit :
[traduction]
Le ministère attend encore les renseignements à l’appui des dépenses suivantes se rapportant au programme de gestion foncière :
Rénovations 869 100 $
Maisons endommagées par le feu 560 000 $
Nouvelles maisons – 0405 déficit 371 000 $
Nouvelles maisons – 4 258 308 $
Total 2 058 408 $
Il y a également une somme de 100 000 $ en litige à propos d’un camp qui relevait de la compétence provinciale. Ces sommes constituent le total d’environ 2 100 000 $ détenu par le ministre et actuellement en litige dans la présente instance.
[22] Lors de l’audition de la présente affaire, la bande d’Ermineskin a accordé une importance considérable aux faits suivants : la somme issue du Partage avait toujours été payée durant l’été de chaque année, la bande d’Ermineskin gérait elle‑même ses affaires financières, le ministre a l’obligation publique de verser ces sommes, du moins en sa qualité de fiduciaire. Outre le fait que les obligations se rapportant au Partage sont des obligations découlant d’un traité, la bande d’Ermineskin dit aussi que le ministre ne peut pas modifier la date de paiement de telles sommes.
[23] Le ministre a élevé plusieurs objections préliminaires se rapportant à la nature du présent litige, notamment en raison de la confusion qui entourait les questions en litige. Comme je l’ai dit plus haut, cette confusion concernait notamment l’expression « fonds de revenu » utilisée dans l’avis de requête. Le ministre a cru que l’expression « fonds de revenu » signifiait « compte de revenu ». Selon lui, toutes les sommes relevant du « compte de revenu » avaient été payées. Par conséquent, il était d’avis que le présent litige était essentiellement sans objet, d’une part parce que les sommes avaient été payées sur le compte de revenu et d’autre part parce que la condition des paiements antérieurs, à savoir le dépôt du rapport de vérification, avait été remplie.
[24] La Cour n’est pas insensible à la position du ministre – les faits et événements en cause étaient souvent opaques. Cependant, il y avait véritablement un litige portant sur la somme de 2,1 millions $ qui était retenue. Les circonstances qui faisaient que cette somme était retenue étaient parfaitement connues du ministre et elles dépendaient de lui. Je rejette donc l’argument selon lequel il serait injuste pour le ministre que la Cour examine le bien‑fondé de la rétention par lui des sommes restantes.
[25] À l’initiative des parties, la présente affaire s’est poursuivie en tant qu’instance à gestion spéciale. Les parties ont également eu l’occasion de préciser leurs positions ainsi que de modifier et mettre à jour leurs documents et arguments.
[26] La Cour n’est pas disposée à examiner les aspects portant sur l’exigence d’une vérification car cette exigence a été remplie et il ne s’agit donc pas d’un litige actuel. Le seul point restant que doit décider la Cour est celui de savoir si le ministre est habilité à retenir l’argent du compte de capital parce que la bande ne lui a pas communiqué les renseignements qu’il demandait.
[27] La Cour souligne que l’exigence d’une vérification figure dans l’article 8 du Règlement sur les revenus des bandes d’Indiens, C.R.C., ch. 953, pris conformément au paragraphe 69(2) de la Loi sur les Indiens. Il ne serait pas utile pour la Cour de se prononcer sur les conséquences de la non‑production d’un rapport de vérification, ou sur les conséquences de la production d’un tel rapport à une date plus tardive que la date fixée parce qu’un tel examen dépendra sans doute largement des circonstances particulières du dossier. C’est un aspect qu’il vaut mieux laisser en suspens pour le moment.
III. L’ANALYSE
[28] Le point que doit décider la Cour est celui de savoir si le ministre est habilité à refuser de débloquer certaines sommes issues du Partage et, dans l’affirmative, s’il a exercé ce pouvoir selon les règles.
[29] Puisque la question soumise à la Cour met en cause les décisions du ministre, il est nécessaire de considérer la norme de contrôle. Je fais mien le raisonnement exposé par la juge Dawson dans la décision Bande d’Ermineskin c. Canada (Affaires indiennes et du Nord), 2008 CF 741. La décision de la juge Dawson portait sur le pouvoir ministériel d’administrer un programme financé par les deniers publics, alors que, dans la présente instance, le pouvoir du ministre concerne l’emploi de fonds pour la construction de maisons (alinéa 64(1)j)) et à d’autres fins (alinéa 64(1)k)), mais je ne vois aucune différence importante en ce qui concerne le pouvoir à exercer ou la portée de ce pouvoir. Pour les mêmes motifs que ceux qu’exposait la juge Dawson, les décisions du ministre seront revues selon la norme de la décision raisonnable.
[30] Le point de départ de la présente affaire est le fait que la bande d’Ermineskin sollicite une ordonnance de mandamus. La norme de contrôle ne devient pertinente que pour l’aspect discrétionnaire des principes régissant le mandamus.
[31] Sur la question du mandamus, la Cour d’appel exposait ainsi, dans l’arrêt Apotex c. Canada (P.G.), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.F.), les principes applicables au mandamus :
1. Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public.
2. L’obligation doit exister envers le requérant.
3. Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :
a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;
b) (i) il y a eu une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle‑ci n’ait été rejetée sur‑le‑champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;
4. Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s’appliquent :
a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d’une manière qui puisse être qualifiée d’« injuste », d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »;
b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité », « absolu » ou « facultatif »;
c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes »;
d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l’exercice d’un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;
e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé », c’est‑à‑dire que le requérant a un droit acquis à l’exécution de l’obligation.
[Non souligné dans l’original.]
[32] Dans l’arrêt Bande et nation indienne d’Ermineskin c. Canada, [2007] 3 F.C.R. 245 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a exposé, aux paragraphes 63 et suivants de cet arrêt, le régime législatif présidant à la gestion des redevances reçues par la Couronne. La Cour d’appel fait observer que l’obligation du ministre est de veiller à ce que les sommes prélevées (en l’occurrence prélevées sur le compte de capital) soient dépensées au nom de la bande d’Ermineskin et d’une manière conforme à la Loi sur les Indiens.
[33] La bande d’Ermineskin dit que l’argent relevant du Partage est traité différemment de l’argent du compte de capital et du compte de revenu. D’après la preuve produite dans la présente affaire, je ne crois pas que la bande d’Ermineskin a démontré que tel est le cas. Tout aussi important est le fait que la Loi sur les Indiens ne fait pas une telle distinction – les sommes d’argent sont inscrites soit au compte de revenu soit au compte de capital. Il ressort de la preuve que les sommes tirées du Partage et revenant à la bande d’Ermineskin sont portées au crédit du compte de capital.
[34] Pour que la bande d’Ermineskin établisse son droit d’obtenir un mandamus, elle doit satisfaire aux conditions se rapportant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Vu l’obligation du ministre de veiller à ce que les sommes d’argent soient validement dépensées au nom de la bande d’Ermineskin, et d’une manière conforme à la Loi sur les Indiens, il n’y a rien qui soit injuste, oppressif ou de mauvaise foi à exiger que les dépenses proposées soient étayées. La bande d’Ermineskin n’a pas démontré que ce qui est exigé est déraisonnable ni qu’elle a un droit acquis à l’accomplissement de l’obligation au point que le pouvoir discrétionnaire du ministre serait « épuisé ».
[35] La bande d’Ermineskin a fait valoir que l’habitude de verser les sommes issues du Partage à la bande d’Ermineskin au cours de l’été de chaque année avait pour effet d’empêcher le ministre de reporter le paiement. Pour cela, la bande d’Ermineskin s’appuie plus précisément sur l’arrêt Ryan c. Moore, [2005] 2 R.C.S. 53, où sont exposées les trois conditions de la préclusion par convention.
[36] Cependant, cet arrêt s’applique aux relations entre particuliers, non aux situations régies par une loi. La préclusion ne peut avoir pour effet de vicier une obligation légale qui incombe au ministre.
[37] La bande d’Ermineskin n’a pas prouvé la nécessité de la délivrance d’une ordonnance de mandamus. Le paragraphe 64(1) dit clairement que les sommes d’argent du compte de la bande d’Ermineskin ne peuvent être décaissées qu’avec le consentement de la bande d’Ermineskin et du ministre. Dans la mesure où le ministre exerce son pouvoir raisonnablement – et dans la mesure où rien ne donne à penser qu’il était déraisonnable de sa part d’exiger que les dépenses prévues soient étayées – le ministre est habilité à ne pas approuver la dépense. Le refus du ministre d’autoriser la dépense ne peut pas faire l’objet d’un mandamus. Les sommes en cause ne sont pas des sommes issues du Partage qui n’ont pas été payées – ces sommes‑là ont été versées au compte de capital. Les sommes que la bande d’Ermineskin cherchent à obtenir se trouvent déjà dans ce compte. La bande d’Ermineskin cherche en réalité à obliger le ministre à autoriser la dépense de sommes d’argent du compte de capital.
[38] Je n’ai pas besoin d’affirmer, comme m’en a prié la défenderesse, que la présente demande de mandamus constitue un abus de la procédure au motif qu’elle est contraire à la position adoptée par la bande d’Ermineskin devant la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bande et nation indienne d’Ermineskin c. Canada, [2007] C.S.C.R. n° 86. D’abord, il n’est pas certain que les positions soient incompatibles. Deuxièmement, ce n’est pas montrer de la mauvaise foi que d’adopter des points de vue différents, surtout lorsque l’état du droit est encore incertain.
[39] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
ANNEXE A
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11
42. (4) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
[…]
«bénéficiaire » Personne physique ou morale, société de personnes ou organisme non doté de la personnalité morale qui a reçu, au total, au moins un million de dollars au cours de cinq exercices consécutifs au titre d’un ou de plusieurs accords de financement. Sont exclus de la présente définition :
[…]
c.1) les bandes, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, tout membre du conseil ou tout organisme de la bande, et les organismes autochtones qui sont parties à un accord d’autonomie gouvernementale mis en vigueur par une loi fédérale, ainsi que leurs organismes;
|
42. (4) The following definitions apply in this section.
…
"recipient" means an individual, body corporate, partnership or unincorporated organization that has, in any five consecutive fiscal years, received a total of one million dollars or more under one or more funding agreements, but does not include
…
(c.1) a band, as defined in subsection 2(1) of the Indian Act, any member of the council or any agency of the band or an aboriginal body that is party to a self‑government agreement given effect by an Act of Parliament or any of their agencies;
|
Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1763‑07
INTITULÉ : BANDE ET NATION INDIENNE D’ERMINESKIN
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 juin 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : Le 23 septembre 2008
COMPARUTIONS :
Priscilla Kennedy
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Sheila Read
|
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davis LLP Avocats Edmonton (Alberta)
|
POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada Edmonton (Alberta) |
POUR LA DÉFENDERESSE |