Toronto (Ontario), le 9 septembre 2008
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
DIANA LORENO JIMENEZ LARA,
GADIEL DAVID FLORES JIMENEZ et
DIANA XIMENA FLORES JIMENEZ
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande vise une demande d’asile présente par des parents et leurs enfants, tous originaires du Mexique. La Section de protection des réfugiés (SPR) a estimé que les demandeurs ont prouvé les faits suivants :
Le demandeur d’asile principal [le père] soutient avoir été battu, s’être fait voler son argent et son taxi le 2 septembre 2006. À la suite de ce passage à tabac, il a perdu connaissance et a nécessité des soins médicaux. Le 11 septembre 2006, il a signalé à la police le supplice qu’il avait vécu. Il soutient que ses agresseurs étaient des agents de police, car il les a vus au poste de police.
Le demandeur d’asile principal soutient que, le 7 novembre 2006, il a été enlevé et agressé. Ses ravisseurs ont exigé une rançon de cent mille pesos ainsi que les papiers attestant le droit de propriété de son taxi. Le 12 novembre 2005, sa famille a remis aux ravisseurs les papiers attestant le droit de propriété et cinquante mille pesos. Le demandeur d’asile principal a été mis en liberté le lendemain; le demandeur d’asile principal et sa famille sont partis pour Veracruz, le lendemain de cet incident.
Le demandeur d’asile principal soutient que, le 21 novembre 2005, il a découvert une note selon laquelle les ravisseurs l’avaient trouvé et voulaient les cinquante mille pesos restants, sinon il serait tué. Le demandeur d’asile principal est retourné à Mexico afin d’obtenir son passeport. Il a reçu une autre lettre selon laquelle il n’était pas nécessaire de se cacher. Le demandeur d’asile principal est arrivé au Canada le 30 novembre 2006.
La demandeure d’asile soutient qu’après le départ du demandeur d’asile principal pour le Canada, le 30 janvier 2007, elle a été contrainte de monter dans une voiture, a été menacée et agressée sexuellement. Ses agresseurs ont exigé trois fois la somme qu’ils avaient voulu obtenir du demandeur d’asile principal lorsqu’ils l’avaient enlevé plus tôt. La demandeure d’asile n’a pas dénoncé l’incident à la police. Elle a appelé son mari, qui lui a dit de venir au Canada. [Non souligné dans l’original.]
(Décision de la SPR, p. 1)
[2] Compte tenu de ces faits, la SPR a posé la question suivante qui constitue, selon elle, le point essentiel dans le cadre de cette demande d’asile : « Les clients auraient‑ils eu recours à la règle de droit, compte tenu du fait que les supposés ravisseurs étaient des agents de la police judiciaire et que les supposés agresseurs de la demandeure d’asile auraient été des agents de la police judiciaire? » Compte tenu des conclusions de fait tirées par le tribunal, il convient de faire remarquer qu’on ne « prétend » pas que les ravisseurs du père sont des officiers de la police judiciaire : ils le sont. Ajoutons que les agresseurs de la mère ne sont pas « probablement » des officiers de la police judiciaire : ils le sont également. Cela étant admis, j’estime que la SPR a posé la bonne question. Ajoutons cependant que la SPR n’y a pas répondu dans les motifs de sa décision. Or, j’estime que cela constitue une erreur susceptible de contrôle.
[3] La SPR a rejeté la demande d’asile au motif que les demandeurs pourraient, au Mexique, se prévaloir de la protection de l’État. Cette conclusion se fonde sur diverses sources d’information concernant la structure démocratique en matière d’application de la loi au Mexique, y compris les graves problèmes causés par la corruption au sein de la police. La décision en cause ne dit pas un seul mot sur la manière dont les demandeurs pourraient chercher à se prévaloir de la protection d’un tel régime puisque leurs persécuteurs appartiennent à la police judiciaire.
[4] L’un des faits permet de saisir la sérieuse injustice qu’entraîne pour les demandeurs le fait que la SPR ne se soit pas penchée sur leur réelle volonté de chercher à se prévaloir de la protection de l’État. Parmi les faits constatés par le tribunal, rappelons que la mère a été « agressée sexuellement » par des policiers. En fait, la mère a déclaré qu’elle a été violée et on comprend fort bien qu’elle en soit traumatisée (voir le dossier du tribunal, page 363). Le fait que la SPR n’ait cherché ni à cerner de manière détaillée les circonstances entourant cette agression sexuelle ni à comprendre l’étendue des difficultés de tous genres qu'entraînerait pour la mère et le père la nécessité de chercher à se prévaloir de la protection des auteurs de ce viol exclut toute possibilité de conclure que les demandeurs d’asile et leurs enfants pourraient effectivement obtenir la protection de l’État au Mexique.
[5] Dans sa décision, la SPR affirme que le « tribunal a tenu compte de l’ensemble du témoignage des deux demandeurs d’asile adultes et a pris en compte les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe pour rendre sa décision. À l’évidence, son examen des directives comportait d’importantes lacunes.
ORDONNANCE
En conséquence, la décision visée par la demande de contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Douglas R. Campbell »
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-559-08
INTITULÉ : GADIEL FLORES ANGELES, DIANA LORENO
JIMENEZ LARA, GADIEL DAVID FLORES JIMENEZ
et DIANA XIMENA FLORES JIMENEZ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 9 SEPTEMBRE 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 9 SEPTEMBRE 2008
COMPARUTIONS :
Robert I. Blanshay |
POUR LES DEMANDEURS
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Leanne Briscoe |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Robert I. Blanshay Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |