Date: 20030612
Dossier : T-549-02
Référence : 2003 CFPI 731
Ottawa (Ontario), le 12ième jour de juin 2003
EN PRÉSENCE DE L’HONORABLE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
CARL FURLONG,
Demandeur,
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
Défendeur,
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Introduction
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du 15 janvier 2002 du Comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (« Comité d’appel ») rejetant une deuxième demande de réexamen d’une décision du Comité d’appel datée du 31 mai 1999.
Faits
[2] Le demandeur, M. Furlong, né en 1957, a servi dans les Forces régulières de l’armée canadienne du 8 mai 1975 au 6 novembre 1979. Durant son service, le demandeur, a été affecté en Égypte du 11 octobre 1978 au 12 avril 1979 pour le maintien de la paix.
[3] Pendant cette période en Égypte, alors qu’il était chez le barbier, le demandeur aurait été menacé par un rasoir appuyé sur sa gorge et aurait été traumatisé par cet événement. Toutefois, il appert des décisions du Tribunal que cet événement n’aurait pas été déclaré avant 1997.
[4] Le 21 avril 1986, le demandeur a déposé une demande de pension pour invalidité pour anxiété chronique, dépression et alcoolisme lesquels seraient imputables à son service effectué en Égypte. Le 11 septembre 1986, l’ancienne Commission canadienne des pensions rejeta la demande de pension. Le 27 mai 1987, un comité d’examen de l’ancienne Commission canadienne des pensions a partiellement accueilli la demande de pension en accordant un droit à une pension de 1/5 pour l’anxiété chronique et dépression et 1/5 pour l’affection de dépendance à l’alcool comme étant consécutive à l’anxiété chronique.
[5] Le demandeur a interjeté appel de la décision du comité d’examen devant le Tribunal des anciens combattants (le « Tribunal »). Le 14 juin 1988, le Tribunal a modifié la décision rendue par le comité d’examen et a conclu au droit à une pension de 2/5 pour l’anxiété chronique et une pleine pension pour la dépendance à l’alcool.
[6] Le 1er avril 1997, le demandeur a déposé une nouvelle demande de pension d’invalidité pour un syndrome de stress post-traumatique qui serait attribuable à son affectation dans une zone de service spécial en Égypte, notamment, l’incident expliqué ci-haut.
[7] Le 10 octobre 1997, le Ministère des Anciens combattants a conclu que les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour établir que le demandeur souffrait de cette affection.
[8] En vertu de l’article 84, de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, le demandeur a déposé une demande de révision devant un comité de révision du Tribunal. Le 24 novembre 1998, le Tribunal a rejeté la demande de révision pour le motif que l’anxiété de type post-traumatique, telle que décrite dans le rapport médical du Dr. Duguay, est une variété d’anxiété chronique pour laquelle le demandeur était déjà pensionné.
[9] Se prévalant de l’article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la « Loi sur le TAC »), le demandeur a porté cette dernière décision devant un Comité d’appel du Tribunal et, le 31 mai 1999, ce comité a confirmé la décision rendue par le comité de révision.
[10] Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette dernière décision, puis a fait suspendre la procédure “jusqu’à ce que jugement soit prononcé et passé en force de chose jugée dans le dossier du Tribunal des anciens combattants - section réexamen....” puisqu’il avait entre-temps présenté au Comité d’appel du Tribunal une première demande de réexamen de la décision du 31 mai 1999.
[11] Le 29 mars 2000, le Comité d’appel a rejeté la demande de réexamen et le 6 octobre, 2000, le demandeur, par ailleurs, s’est désisté de sa demande de contrôle judiciaire.
[12] Le 5 juin 2001, le demandeur a présenté au même Comité d’appel une deuxième demande de réexamen de sa décision du 31 mai 1999 soumettant quatre éléments de preuve à l’appui de cette demande. Finalement, le 15 janvier 2002, le Comité d’appel a encore rejeté sa demande de réexamen en raison que les éléments de preuve additionnels n’apportaient rien de nouveau au dossier. Cette dernière décision fait l’objet de cette demande de contrôle judiciaire.
Questions en litige
[13] Le défendeur prétend que le demandeur ne peut attaquer, par la présente demande, les décisions du 31 mai 1999 et du 29 mars 2000. Afin de bien cerner la présente demande, il vaut mieux se pencher d’abord sur la question suivante:
1. Quelle(s) décision(s) est ou sont visé(es) par la présente demande de contrôle judiciaire?
La Cour pourra ensuite étudier les questions suivantes:
2. Le Comité d’appel a-t-il commis une erreur de droit ou de fait manifestement déraisonnable justifiant l’intervention de cette Cour :
a) en déterminant que le demandeur n’ait subit l’événement psychologique traumatisant sévère en Égypte;
b) dans son appréciation de « nouveaux éléments de preuve » au dossier.
3. Y a-t-il appréhension de partialité lorsque les membres se trouvent à siéger en appel et en réexamen de leur propre décision?
Norme de contrôle
[14] Cette Cour doit faire preuve de grande retenue à l’égard des décisions rendues par le Comité d’appel décidant de ne pas procéder au réexamen d’une de ses décisions.
[15] La jurisprudence de cette Cour a établi que la Cour ne pourra intervenir que dans la mesure où la décision contestée est manifestement déraisonnable, fondée sur une erreur de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments de preuve soumis au Comité d’appel. [MacDonald c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. 346 (C.F.); Tousignant c. Canada (Ministre des Anciens combattants), [2001] A.C.F. No. 1083 (C.F.); Hull c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. No. 890 (C.F.) Confirmé par [1999] A.C.F. 1800 (C.A.F.)].
Analyse
1. Quelle décision est visée par la présente demande de contrôle judiciaire?
[16] Le Comité d’appel a rendu deux décisions antérieures à celle du 15 janvier 2002. D’abord, le 31 mai 1999 il a statué sur l’appel de la décision du comité de révision, ensuite, le 29 mars 2000, il a refusé de réexaminer sa décision du 31 mai 1999. Le demandeur soumet que le Comité d’appel a erré en faits et en droit dans la détermination de ces deux décisions antérieures et que cette Cour se doit de considérer ces erreurs dans le contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que le demandeur ne peut attaquer, par la présente demande, les décisions du 31 mai 1999 et du 29 mars 2000 puisqu’ils ne font pas l’objet de ce contrôle judiciaire.
[17] La ligne de démarcation entre la décision du 15 janvier 2002 et les décisions antérieures ne se tire pas si clairement puisqu’il est de la nature même d’un réexamen de réexaminer rétrospectivement le fondement d’une décision antérieure. M. Le juge Teitelbaum, dans l’arrêt Mackay c. Canada (Procureur général) (1996), 129 F.T.R. 186, a expliqué comment une décision prise dans le cadre d’un réexamen engendré par des décisions précédentes doit être considérée en quelque sorte en fonction de celles-ci :
Comme les erreurs de compétence et de procédure commises par le TAC (R&A) ont déjà été discutées ci-dessus, je n'ai pas à déterminer, pour les fins de la présente instance, ce que le TAC (R&A) aurait dû décider s'il avait correctement appliqué les facteurs pertinents prévus à l'article 111 au cas de M. Mackay. Il suffit de dire que, pour exercer à bon droit son mandat légal énoncé à l'article 111, le TAC (R&A) doit rechercher les erreurs de fait ou de droit potentielles dans la décision soumise à son réexamen et en analyser le bien-fondé. En fait, dans un réexamen, le Tribunal est tenu d'examiner rétrospectivement le fondement de la décision antérieure. Dans la même ligne de pensée, dans une demande de contrôle judiciaire alléguant l'omission du TAC (R&A) de réexaminer une décision antérieure, la Cour doit également se pencher de façon rétrospective sur cette décision. Ainsi, en l'espèce, la Cour ne peut décider dans l'abstrait si, le 21 juin 1996, le TAC (R&A) a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire. La Cour doit également accorder une certaine attention à la décision antérieure du TAAC en date du 19 janvier 1994, parce que celle-ci est contestée dans la procédure de réexamen du TAC (R&A).
Toutefois, je tiens à souligner qu'il n'appartient pas à la Cour, dans la présente instance, d'effectuer un contrôle judiciaire en règle de la décision du 19 janvier 1994 du TAAC. La validité de cette décision du 19 janvier 1994 ne peut à bon droit être contestée dans une procédure de contrôle judiciaire portant sur la décision du TAC (R&A) en date du 21 juin 1996, concernant le réexamen. La Cour n'a pas compétence pour annuler la décision antérieure. De par sa nature, le réexamen effectué en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est de nature rétrospective, mais on ne peut remonter indéfiniment le temps. Le requérant ne peut que faire valoir que le TAC (R&A), dans sa décision du 21 juin 1996, n'a pas exercé à bon droit le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 111, parce qu'il n'a pas réexaminé de son propre chef la décision antérieure du TAAC, malgré l'existence d'erreurs de fait et de droit dans cette décision du TAAC. [Je souligne]
[18] J’accepte cette analyse développée par le juge Teitelbaum. La Cour ne peut donc ignorer les décisions antérieures à la dernière décision du Comité d’appel du 15 janvier 2002. Bien que la Cour n’a pas compétence pour annuler ces décisions antérieures puisque celles-ci ne font pas l’objet de ce contrôle judiciaire, elle est tout de même tenue de se pencher de façon rétrospective sur ces décisions pour mieux apprécier le fondement de la décision qui fait l’object du contrôle judiciaire..
Décision du 15 janvier 2002
[19] C’est en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi sur le TAC que le Comité d’appel a rendu sa décision face à la demande de réexamen faite par le demandeur le 5 juin 2001. Le paragraphe 32(1) se lit comme suit :
32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés. [Je souligne] |
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32. (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel. [My emphasis]
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Voici l’essentiel de la décision :
[...]
La représentante a produit le 5 juin 2001 une demande de réexamen appuyée de nouveaux éléments de preuve dont une expertise du Dr. Jacques Voyer en date du 13 mars 2000 ainsi que des déclarations assermentées supplémentaires et un extrait des consignes d’Anciens combattants Canada sur l’état de stress post-traumatique.
Dans sa demande de réexamen, la représentante conclut:
Nous prétendons que les nouvelles preuves ci-attachées ainsi qu’une révision conforme à la Loi sur les pensions et des preuves additionnelles soumises le 12 novembre 1999 devraient amener ce Tribunal à conclure que l’état de stress post-traumatique souffert par M. Furlong mérite un droit à pension aux termes de l’article 21(1) de la Loi sur les pensions.
Le comité ayant révisé les différentes preuves soumises, à savoir, en particulier, l’expertise du Dr. Voyer, conclut que le problème d’identification légale de l’état de stress post-traumatique est rendu plus difficile compte tenu de la co-morbidité des affections dont souffre le demandeur, telles que relatées par le médecin. Cette expertise par ailleurs, n’établie pas la présence d’un traumatisme factuel.
De plus, ladite expertise ne relate en aucune façon dans quelle mesure l’événement traumatisant « aurait pu contribuer dans son ampleur ou pas à l’état post-traumatique.» Bien que rigoureuse, cette expertise n’a aucune valeur probante significative aux fins de l’article 39 de la Loi sur les pensions.
[...] La preuve prima facie d’un traumatisme réel et vécu n’est toujours pas présente.
Pour ces raisons, le comité conclut que la demande de réexamen n’est pas acceptée puisque le comité n’a commis aucune erreur de fait, ni de droit. Les nouvelles preuves fournies, à toute fin pratique, n’apportent rien de nouveau ou de neuf à la cause du demandeur.[...]
2. Le Comité d’appel a-t-il commis une erreur de droit ou de fait manifestement déraisonnable justifiant l’intervention de cette Cour :
a) en déterminant que le demandeur n’ait subit l’événement psychologique traumatisant sévère en Égypte;
b) dans son appréciation de « nouveaux éléments de preuve » au dossier.
[20] Le demandeur soumet que le Comité d’appel a erré dans ses trois décisions en ne reconnaissant pas l’événement et ou le traumatisme qu’il vécu et qui a déclenché ses symptômes de stress post-traumatique. Il allègue que dans la décision du comité de révision, en date du 24 novembre 1998, les membres avaient reconnu les faits relatés par le demandeur, et avait plutôt refusé la demande de pension supplémentaire parce que ses droits de pension actuelle pour l’anxiété chronique comprenaient déjà l’affection de stress post-traumatique.
[21] Le demandeur soutient que le Comité d’appel n’avait pas à se pencher sur la question factuelle de l’existence de l’incident en Égypte puisque selon le demandeur cet incident fut déjà accepté par le Tribunal dans une décision antérieure.
[22] Le demandeur soumet que ledit événement ainsi que l’état de stress post-traumatique en découlant avaient été reconnus par le comité de révision suite à l’audience du 24 novembre 1998. Selon le demandeur, le passage suivant de l’extrait de la transcription de l’audience du 24 novembre 1998 devant le tribunal prouve son argument :
M. YVES CARON, MEMBRE PRÉSIDENT
Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça. Ça, on ne déniera pas les faits. Les faits qu’il nous raconte, on les croit. C’est ça. Moi tout ce que je vous dis, que anxiété chronique, le titre, comme titre, ça englobe [...]
Le demandeur soumet donc que le Comité d’appel dans sa décision du 31 mai 1999 a erré en faits et en droit en reconsidérant la question de l’événement « audition de novo » sans la présence du demandeur et sans entendre de nouveaux témoignages.
[23] Dans sa décision du 31 mai 1999, le Comité d’appel avait indiqué ceci :
[...] le dossier de service militaire de l’appelant ne contient aucun rapport d’enquête ou autre, confirmant que l’incident en question ait eu lieu lors du service dans une zone de service spécial en Égypte, [...], ou encore, que l’appelant ait subi un événement psychologique traumatisant sévère et dépassant nettement l’expérience humaine courante[...].
À cet égard, le demandeur présenta une demande de réexamen où le même argument fut soulevé. Dans sa décision du 29 mars 2000, le Comité d’appel écrivait :
Tel qu’il appert de [la] décision [du 31 mai 1999], le Tribunal de révision n’a pas commenté le fait accidentel non plus que la déclaration écrite de l’appelant à l’appui de sa réclamation. [...]
L’article 26 et suivants de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) régit les pouvoirs du Comité d’Appel. Le Tribunal note que l’appelant qui exerce son droit d’appel n’a pas besoin d’invoquer quelques motifs que ce soit pour porter sa réclamation du niveau de révision en appel.
Le législateur n’a pas prévu de motifs dans le but de permettre une révision complète de l’affaire et par ailleurs permettre à l’appelant d’invoquer de nouvelles bases de réclamation [...].
Le Tribunal considère que sa juridiction en appel est de nature de novo, et peut donc revisiter toute question de fait ou de droit soulevé par la décision ministérielle qui est à toute fin pratique, la source du “litige”.
[24] Les commentaires du Comité d’appel dans sa décision du 15 janvier 2002 sont indiqués plus haut, mais en voici tout de même la substance :
[...] La preuve prima facie d’un traumatisme réel et vécu n’est toujours pas présente.
Autre que le passage de l’extrait des transcriptions de l’audience devant le Tribunal ayant eu lieu le 24 novembre 1998, cité au paragraphe [22] ci-haut, il n’y a aucune conclusion sur l’incident en Égypte dans la décision du comité de révision, en date du 24 novembre 1998. Ayant examiné l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que le Comité d’appel n’a pas erré dans sa décision du 31 mai 1999 en déterminant que le demandeur n’ait subi l’événement psychologique traumatisant sévère en Égypte.
[25] Également, le Comité d’appel dans sa décision du 29 mars 2000 a reconsidéré, de façon détaillée, toute la preuve médicale au dossier ainsi que la nouvelle preuve versée à l’appui de la demande de réexamen, notamment les affidavit de M. Stan Chambers, M. Alfred Brideau et M. Denis Soucy. Le Comité d’appel a conclu que, « quoiqu’il y eut pu y avoir eu une altercation entre l’appelant et un barbier lors de son séjour en Égypte en 1978, il n’y a tout simplement pas de preuve au dossier attestant d’un historique de traumatisme. »
[26] Je suis d’avis, compte tenu de la preuve au dossier, que le Comité d’appel pouvait raisonnablement conclure ainsi.
[27] À l’appui de sa deuxième demande de réexamen, soit celle qui fait l’objet de ce contrôle judiciaire, le demandeur a présenté quatre nouveaux éléments de preuve, soit : Un rapport de consultation psychiatrique du Dr. Voyer; un affidavit supplémentaire de M. Soucy; un affidavit supplémentaire de M. Chambers; et une brochure intitulée «Post Traumatic Stress Disorder and War-Related Stress, Information for Veterans and their Families».
[28] Dans sa décision du 15 janvier 2002, le Comité d’appel soutient avoir révisé toute cette preuve et explique entre autre que l’expertise du Dr. Voyer n’établie pas la présence d’un traumatisme factuel et ne relate pas dans quelle mesure l’événement traumatisant « aurait pu contribuer dans son ampleur ou pas à l’état de stress post-traumatique». Le Comité d’appel n’a donné aucune valeur probante significative à cette expertise.
[29] À maintes reprises le Comité d’appel a constaté que le dossier de service militaire du demandeur ne contient aucun rapport d’enquête ou autre confirmant que l’incident en question ait eu lieu lors du service dans une zone de service spécial en Égypte du 11 octobre 1978 au 12 avril 1979 ou encore, que le demandeur ait subi un événement psychologique traumatisant sévère et dépassant nettement l’expérience humaine courante au cours de la même période de service. En surplus, le Comité d’appel a souligné que suite à son service en Égypte, il n’y eut aucune déclaration de blessure ou de maladie contractée en zone de service spécial par le demandeur ni de rapport médical pour indiquer qu’il avait eu un problème en Égypte à cette époque.
[30] Essentiellement, le Comité d’appel s’est basé sur le fait que le demandeur n’avait jamais déclaré l’incident traumatique en Égypte avant sa nouvelle demande de pension pour ses symptômes de stress post-traumatique en 1997, qu’il n’y avait pas de preuve au dossier sur cet incident autre que le témoignage du demandeur et de deux autres témoins, preuve que le Comité d’appel a jugé de valeur non probante.
[31] Alors, à la base, le problème de crédibilité quant à l’existence de l’élément déclencheur a empêché le Comité d’appel de répondre favorablement à la demande de pension du demandeur. Néanmoins, le Comité d’appel a tout de même évalué la preuve additionnelle soumise à chaque demande de révision, d’appel et de réexamen. Même si les rapports médicaux n’étaient pas contredit comme le prétend le demandeur, le Comité d’appel pouvait raisonnablement conclure que ceux-ci n’avaient pas de force probante significative puisqu’ils sont essentiellement basés sur le témoignage du demandeur relatant les faits survenus en Égypte, faits non rapportés par ce dernier pour au-delà de huit ans.
[32] Compte tenu de toute la preuve au dossier, je suis satisfait que cette détermination du Comité d’appel à savoir que le rapport du Dr. Voyer ne constituait pas un nouvel élément de preuve n’était pas une détermination manifestement déraisonnable. Quant aux affidavits supplémentaires, le Comité d’appel a noté qu’un témoin non-expert, tel que M. Soucy, n’est pas autorisé à produire d’opinion, et que les déclarations de ces déclarants relatent des faits qui auraient pu être déclarés et produits dans leurs premiers affidavits qui étaient devant le Comité d’appel dans le premier réexamen. Je suis d’avis que le Comité d’appel n’a pas erré en accordant peu de poids à ces déclarations.
[33] Après avoir examiné toute la preuve soumise devant le Tribunal et avoir considéré les soumissions écrites et les arguments des parties, je suis d’avis que le Comité d’appel n’a pas erré en jugeant que « les nouvelles preuves fournies, à toute fin pratique, n’apportent rien de nouveau ou de neuf à la cause du demandeur. » Le Comité d’appel était en droit de conclure comme il l’a fait et de rejeter la demande de réexamen.
3. Y a-t-il appréhension de partialité lorsque les membres se trouvent à siéger en appel et en réexamen de leur propre décision?
[34] Le demandeur allègue en outre la partialité des membres du Comité d’appel qui ont siégé en réexamen de leur propre décision. Étant de l’avis du défendeur, je reprends principalement son argumentation. D’abord, le demandeur aurait dû soulever cet argument à la première occasion, c’est-à-dire lors de l’audition de la première demande de réexamen (29 mars 2000), ou encore lors de la deuxième (15 janvier 2002). Il ne peut l’invoquer pour la première fois dans sa demande de contrôle judiciaire. Ne pas l’avoir soulevé équivaut à une renonciation à invoquer cet argument [Hudon c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. No. 1836 (C.F.)].
[35] De plus, le paragraphe 32(1) de la Loi sur le TAC prévoit expressément que c’est le Comité d’appel qui procédera au réexamen de ses décisions, à moins que les membres du comité aient cessé d’exercer leur charge.
Conclusion
[36] Pour toutes ces raisons, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire d’une décision du 15 janvier 2002 du Comité d’appel du Tribunal des anciens combattants est rejetée.
« Edmond P. Blanchard”
Juge
1 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-549-02
INTITULÉ : Furlong c. Procureur Général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 22 avril 2003
MOTIFS [de l’ordonnance ou du jugement] : le juge Blanchard
DATE DES MOTIFS : le 12 juin 2003
COMPARUTIONS :
Me Louis Nadeau POUR LE DEMANDEUR
Me Marie-Ève Sirois-Vaillancourt POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pouliot & Rondeau POUR LE DEMANDEUR
719, Manseau
Joliette (Québec) J6E 3E8
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Procureur général du Canada
Bureau régional de Québec
200, boul. René-Lévesque O.
Montréal (Québec) H2Z 1X4