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Date : 20080728

Dossier : IMM-245-08

Référence : 2008 CF 915

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

JORGE ANDRES DAVILA RUIZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi), à la suite d’une demande de réouverture faite devant la Section de la protection des réfugié (le tribunal), rendue le 20 décembre 2007.  Le tribunal a refusé la demande de réouverture. Par sa décision initiale le tribunal avait conclu au désistement de la demande d’asile.

 

 

 

QUESTION EN LITIGE

[2]               Une seule question est soulevée par la présente demande : Est-ce que le tribunal a erré en refusant la réouverture de la décision constatant le désistement de la demande d’asile?

 

CONTEXTE FACTUEL

[3]               Le demandeur est un citoyen du Mexique, né le 19 mai 1967. Il arrive au Canada le 27 mars 2007 et dépose une demande d’asile. Le 13 septembre 2007, il est avisé qu’une audience aura lieu le 5 novembre 2007. 

 

[4]               Un mois et demi plus tard, soit le 31 octobre 2007, le tribunal reçoit de la part du nouvel avocat du demandeur (Me Centurion) une procuration le nommant au dossier. Le tribunal reçoit aussi une requête visant à joindre les dossiers du demandeur et celui de son fils, qui vient de déposer à son tour une demande d’asile. Cette requête est accompagnée d’une autre requête, cette dernière, pour remettre l'audition.

 

[5]               Le 1 novembre 2007, les deux requêtes sont rejetées et le demandeur ainsi que son avocat sont avisés.

 

[6]               Lors de l’audience du 5 novembre, le demandeur présente ses deux requêtes à nouveau et le tribunal les rejette encore une fois. L’avocat du demandeur indique au tribunal qu'il n'est pas prêt à procéder et se retire du dossier.

[7]               Le tribunal s'enquiert auprès du demandeur pour savoir s'il est prêt à procéder. Ce dernier répond qu'il serait prêt à procéder à la condition d'être représenté par avocat. Séance tenante, le tribunal constate le désistement de la demande.

 

[8]               Le 30 novembre 2007, le demandeur représenté par Me Centurion dépose auprès du tribunal une requête en réouverture, alléguant une violation de son droit à un avocat. Aucune demande de contrôle judiciaire n’est déposée concernant la décision portant sur le désistement.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[9]               La requête en réouverture est rejetée. Le tribunal mentionne que sa compétence en matière de réouverture est limitée aux cas où il y aurait eu violation des règles de justice naturelle.

 

[10]           Le tribunal mentionne que les cassettes de l’audience ont été écoutées et que l’ensemble du dossier a été examiné. Il détermine qu'il n'y a pas lieu de conclure à une violation des règles de justice naturelle, le demandeur ayant eu la possibilité d'avoir recours à un avocat. Ce sont les relations avocat-client qui ont généré la constatation du désistement.

 

LÉGISLATION PERTINENTE

[11]           Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228.

55. (1) Le demandeur d'asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision ou d'un désistement.

 

(2) La demande est faite selon la règle 44.

 

(3) Si la demande est faite par le demandeur d'asile, celui-ci y indique ses coordonnées et en transmet une copie au ministre.

 

(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

55. (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

 

(2) The application must be made under rule 44.

 

(3) A claimant who makes an application must include the claimant's contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[12]           La question en litige est de savoir s’il y a eu un manquement à la justice naturelle. La Cour n’a aucune obligation de faire preuve de retenue en semblable matière (Diraviam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1470, au paragraphe 30, [2004] A.C.F. no 1772).

 

Est-ce que le tribunal a erré en refusant la réouverture de la décision constatant le désistement de la demande d’asile?

 

[13]           Le demandeur soumet que le tribunal a commis une erreur révisable en prononçant le désistement, en violation du droit à l’avocat. Il s'appuie sur les propos de Madame la juge Layden-Stevenson dans Ramadani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 211, aux paragraphes 10 et 11, [2005] A.C.F. no 251 :

[10]      Toutefois, la SPR n'a pas tenu compte des autres facteurs dégagés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Siloch c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 151 N.R. 76 (C.A.F.) -- la question de savoir si les demandeurs ont fait leur possible pour être représentés par un avocat lors de l'audience, le nombre d'ajournements déjà accordés (aucun en l'espèce), la faute ou le blâme à imputer aux demandeurs du fait qu'ils n'étaient pas prêts et la question de savoir si des ajournements ont déjà été accordés péremptoirement. La décision de ne pas ajourner a nui à la capacité des demandeurs d'être représentés par un avocat lors de l'audience de justification. Les conséquences d'une décision de désistement sont importantes. Elle termine une demande sans examen de son bien-fondé, une mesure de renvoi conditionnel entre en vigueur et cela empêche un demandeur de solliciter l'asile à l'avenir.

 

[11]      À mon avis, la SPR doit, à tout le moins, mentionner qu'elle a pris en considération les facteurs pertinents énumérés dans l'arrêt Siloch, précité, avant d'en arriver à une décision défavorable. Son défaut de le faire constitue une erreur susceptible de révision. Je fais remarquer que mes collègues, la juge Heneghan et le juge O'Keefe, sont arrivés à une conclusion semblable dans les décisions Dias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 84, et Sandy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1468.

 

 

[14]           Les faits de la présente cause peuvent se distinguer de Ramadani. Ici, le demandeur ainsi que son procureur ont été avisés du rejet de la demande de remise plusieurs jours avant la date fixée pour l’audition. Voici un extrait du procès-verbal de l'audition :

Commissaire : Considérant ce qui précède, vous étiez au courant que ce matin nous étions pour procéder parce que la demande d’asile, la demande de remise a été refusée.  Vous saviez donc pertinemment bien que ce matin, vous risquiez d’être entendu.

 

Avocat du demandeur : Oui, oui, Monsieur le Commissaire.

 

 

Commissaire : À ce moment-là, vous saviez fort pertinemment bien que ce matin, votre décision de remise, votre demande de remise était refusée et à ce moment-là, vous deviez être prêt à procéder.  Est-ce que vous êtes prêt à procéder ce matin?

 

Avocat du demandeur : Non, Monsieur le commissaire.

 

 

 

[15]           Le demandeur a pu exercer pleinement son droit d'être représenté par avocat. Il lui incombait d'en choisir un qui soit disponible à procéder le jour de l’audition. Ayant été averti que la demande de remise était refusée, le demandeur et son procureur devaient s'attendre à ce que le tribunal insiste pour que la cause procède à la date prévue pour l'audition. Je fais mien les propos de la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Gapchenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 427, aux paragraphes 7, 8 et 15, [2004] A.C.F. no 518 :

[7]        Les demandeurs ont demandé la remise de l'audience, qui leur a été refusée. La Commission a dit que c'est aux demandeurs qu'incombait la responsabilité de s'assurer de la présence de M. Popov à l'audience. Les demandeurs ne voulaient pas présenter leurs arguments en l'absence de leur avocat. Par conséquent, la Commission a prononcé le désistement de leurs demandes.

 

[8]        Les demandeurs font valoir que la décision de la Commission est manifestement inéquitable et abusive et qu'elle enfreint le principe de justice naturelle parce que la Commission a insisté pour entendre l'affaire en l'absence de leur avocat et malgré le fait qu'ils ont demandé la remise de l'audience et qu'ils voulaient absolument que leur demande soit entendue en présence de ce dernier.

 

 

[15]      Les demandeurs avaient l'obligation de s'assurer que leur nouvel avocat allait pouvoir assister à l'audience avant de changer d'avocat à la dernière minute (Natchev c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. 1601 (Q.L.)). Les demandeurs ne pouvaient pas demander une remise pour le motif que l'avocat qu'ils avaient choisi n'était pas libre à la date de l'audience (Pierre c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 C.F. 849 (C.A.)). [mes soulignés]

 

 

[16]            Aucune question n'a été soumise pour être certifiée et ce dossier n’en contient aucune.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit refusée.  Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-245-08

 

INTITULÉ :                                       JORGE ANDRES DAVILA RUIZ ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 23 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 28 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Celena Gonzales                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

 

Mireille-Anne Rainville                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Patricia Nobl

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Celena Gonzales                                                           POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LA DÉFENDERESSE 

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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