Ottawa (Ontario), le 26 juin 2008
En présence de monsieur le juge Blanchard
ENTRE :
demandeur
et
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Le procureur général du Canada (le demandeur/ministre) demande le contrôle judiciaire d’une décision prise le 19 décembre 2006, par un membre de la Commission d’appel des pensions (la Commission) accordant à la défenderesse une extension de délai et l'autorisation d'interjeter appel de la décision du Tribunal de révision en date du 27 novembre 2001. Le demandeur sollicite une ordonnance rejetant la décision et renvoyant l'affaire à la Commission pour la faire réexaminer par un autre membre.
II. Contexte factuel
[2] La défenderesse est née le 12 juillet 1953, est mariée et a un enfant. Elle a une dixième année de scolarité et a travaillé comme apprêteuse de poissons de 1972 jusqu’en novembre 1990.
[3] De novembre 1990 à avril 1996, la défenderesse a géré un foyer de soins à son domicile.
[4] Le 11 septembre 1998, la défenderesse a complété une première demande pour une pension d’invalidité. Elle déclare qu’elle souffre de douleurs intenses au dos, aux mains et à la jambe gauche, « burn-out », dépression, crises de paniques, anxiété et arthrose.
[5] Le 20 janvier 1999, le ministre détermine que la défenderesse n’est pas invalide au sens de la loi sur le Régime de pensions Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (la Loi) et rejette sa demande.
[6] La défenderesse en appelle de cette décision au Ministre le 25 février 1999. L’appel est rejeté le 12 avril 1999.
[7] Le 22 juillet 1999, la défenderesse loge un appel de la décision du ministre devant un tribunal de révision de la Commission. Une audience devant le tribunal est ajournée afin de permettre à la défenderesse de compléter son dossier. Le tribunal de révision refuse la pension d’invalidité et rend ses motifs le 27 novembre 2001. Le Tribunal a appuyé sa décision sur les rapports des Dres Nadkarni et Picard et trouva que la preuve ne lui permettait pas de conclure que la défenderesse était invalide au sens de la Loi à sa période minimale d’admissibilité de décembre 1996. La défenderesse ne porte pas cette décision en appel devant la Commission d’appel des pensions. C’est effectivement la décision qui fait l’objet de la demande d’extension de délai et d’autorisation d’interjeter appel, sous-tendant cette demande de contrôle judiciaire.
[8] Une deuxième demande de pension d’invalidité, datée le 7 mai 2004, est déposée par la défenderesse. Cette demande qui ne parait pas au dossier de la Cour est refusée par le ministre. La défenderesse loge un appel devant le tribunal de révision de ce refus. L’audience est ajournée le 24 novembre 2005 puisqu’il y a discussions sur la question d’une demande de réouverture sous l’article 84(2) de la Loi ou sur la question d’une nouvelle demande de prestations. Cette deuxième demande demeure toujours en suspens.
[9] Le 6 décembre 2006, la défenderesse demande une extension de délai et la permission de porter en appel la décision du tribunal de révision rendue le 27 novembre 2001 devant la Commission. Le 19 décembre 2006, un membre désigné de la Commission accorde ex parte une extension de délai et la permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision datée du 27 novembre 2001. En accordant la demande, la Commission d’appel des pensions s’exprime ainsi :
La Commission d’appel des pensions a reçu de la personne mentionnée en rubrique, une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision du Tribunal de révision émise le 27ième jour de novembre 2001. Un membre désigné en vertu de l’article 83(2.1) du Régime de pensions du Canada lui accordait l’autorisation d’interjeter appel le 19 décembre 2006 et en est venu à la conclusion suivante :
Compte tenue de la maladie de la requérante et des démarches entreprises par elle soit par voie de sa seconde demande d’une pension ou soit de son appel de la décision du Tribunal de révision en novembre 2001, il est clair qu’elle a toujours manifesté son intention de poursuivre sa demande de pension invalidité par tous les moyens. L’extension des délais de 90 jours est accordée.
Le 26 janvier 2007, le demandeur présente une demande en révision judiciaire demandant que cette décision soit rejetée et renvoyée à la Commission pour la faire réexaminer par un autre membre.
III. Questions en litige
[10] Les questions en litige sont les suivantes :
A) Est-ce que le membre désigné de la Commission a erré en n’appliquant pas le test juridique pertinent afin d’accorder l’extension de délai?
B) Est-ce que le membre désigné de la Commission a erré en accordant l’autorisation d’interjeter appel à la défenderesse?
IV. Disposition législatives applicables
[11] Les dispositions du Régime de pensions du Canada qui s'appliquent particulièrement à la présente affaire sont reproduites à l'annexe des présents motifs.
V. Norme de contrôle
[12] Dans Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il ne devrait y avoir que deux normes de contrôle, soit celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. La Cour a indiqué que la norme de la décision correcte doit continuer de s'appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit (voir Dunsmuir au paragraphe 50). La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n'acquiesce pas au raisonnement du décideur. Elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si oui ou non la décision du tribunal est correcte.
[13] La Cour suprême enseigne également que dans le cadre d’une révision judiciaire, l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel. De plus, elle cherche à voir l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir au paragraphe 47).
[14] La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l'application de la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir au paragraphe 54). La déférence qu’il y a lieu d’accorder à un tribunal sera déterminée en fonction des facteurs suivants : l’existence d’une clause privative; si le décideur possède une expertise spéciale dans un régime administratif distinct et particulier; et la nature de la question en litige (voir Dunsmuir au paragraphe 55).
[15] Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2006 CF 401, le juge Kelen a noté au paragraphe 9 que la décision d'un membre désigné de la Commission de proroger le délai d'appel et d'accorder l'autorisation d'interjeter appel est une décision discrétionnaire. Il a également conclu que la norme de contrôle appropriée pour évaluer la décision d'un membre désigné de la Commission est celle de la décision correcte pour ce qui est des questions de droit, de la décision manifestement déraisonnable en ce qui concerne les questions de fait, et de la décision déraisonnable pour ce qui est des questions mixtes de fait et de droit.
[16] Bien que le régime administratif ici puisse exiger une certaine expertise de la Commission sur des questions qui portent sur le mérite d’une demande de pension d’invalidité elle ne prévoit pas, à mon avis, une telle expertise pour trancher la question qui nous occupe, notamment une extension de délai. Je note aussi l’absence d’une clause privative.
[17] En ce qui a trait à la nature de la question, la première question en litige est essentiellement une question de droit car elle cherche à déterminer si le décideur a appliqué bon test juridique au moment de décider s’il y avait lieu d’accorder l’extension des délais. S’il s’avère qu’il y a eu erreur dans l’application du bon test juridique, alors la décision contestée est révisable sur la norme de la décision correcte et sera annulée (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Lewis, 2006 CF 322, [2006] A.C.F. n° 414 (Lexis), au paragraphe 14). Voir également Canada (Procureur général) c. Dale, 2006 CF 1364, [2006] A.C.F. n° 1702 (Lexis), aux paragraphes 29 et 31. Si par ailleurs la question en était une qui tourne sur l’appréciation des facteurs prescrites par le test juridique, alors la question en serait une mixte de fait et de droit puisque la détermination nécessiterais l’application des faits à ces facteurs. Une telle question est révisable sur la norme de la décision raisonnable.
[18] Quant à la deuxième question, elle cherche à déterminer si le décideur a erré en autorisant d’interjeter appel. C’est également une question mixte de faits et de droit car elle nécessite l’application d’un test juridique établit par la jurisprudence aux faits particuliers au dossier. Compte tenu des trois facteurs prescrits dans Dunsmuir, la norme de contrôle applicable à cette question est aussi celle de la décision raisonnable.
VI. Question préliminaire
[19] De mon propre chef, j’ai soulevé la question à savoir si la Cour avait compétence pour décider une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un membre désigné de la Commission. Cette question fut soulevée à la lumière de la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans Mazotta c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 297 où le juge Létourneau écrivait au paragraphe 43 :
Bref, l’idée qu’on devrait s’adresser les parties à la Cour fédérale pour faire contrôler la justesse d’une décision rendue par un tribunal sur une demande de réexamen qui relève du paragraphe 84(2) ne paraît pas conforme aux disposition légales adoptées par le Parlement. En outre, elle va à l’encontre de l’objet du RPC, étant donné que ce détour inutile est onéreux et que le demandeur de prestations, qu’il soit demandeur ou défendeur devant la Cour fédérale, ne peut qu’y perdre : il doit assumer ses propres dépens et risque de supporter aussi ceux de la partie adverse s’il succombe, tandis que l’examen sur le fond de sa demande de prestations d’invalidité se trouve considérablement retardé. Ce détour par la Cour fédérale limite sans utilité ni justification l’équité et l’efficacité du processus juridictionnel mis en place par le législateur. [Je souligne.]
Cette décision renversait une ligne
jurisprudentielle voulant que les demandes de contrôle judiciaire des décisions
de la Commission soient entendues à la Cour fédérale. Mazotta va établir
que les demandes de contrôle judiciaires qui portent sur les décisions de la
Commission, et particulièrement celles fondées sur de la preuve nouvelle,
doivent dorénavant être portées en appel devant la Commission (Decker c.
Canada (Procureur général), 2008 CF 462 au paragraphe 2). En l’instance, la
décision n’est pas celle de la Commission mais plutôt celle d’un membre désigné
de la Commission qui porte sur une demande d’extension des délais et
d’autorisation d’interjeter appel. Mazotta, précité, n’adresse pas expressément
cette situation.
[20] Or, la jurisprudence nous enseigne qu’il y a une distinction à faire entre la décision rendue par la Commission et un membre désigné de cette dernière. Dans Martin c. Canada (ministre du Développement des Ressources humaines), [1997] A.C.F. n° 1600 (Lexis), Monsieur le juge Pratte a conclu au paragraphe 2 qu’une décision faisant l’objet d’une révision judiciaire si rendue “par [un] vice-président dans l’exercice d’une compétence que la loi confère non pas à la Commission mais à ses président et vice-président” peut être entendue devant la Cour fédérale. Cette approche fut confirmée dans Gramaglia c. Canada (Commission d’appel des pensions du régime de pensions), [1998] A.C.F. n° 200 (Lexis) au paragraphe 5. Plus récemment, dans Layden c. Canada (Ministre des Ressources humaine et Développement social), 2008 CF 619, Madame la juge Mactavish a bondé dans le même sens. Elle a reconnu la compétence de la Cour d’appel fédérale d’entendre des demandes de contrôle judiciaire visant la Commission en vertu de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7. Toutefois, elle a également noté que les décisions rendues par des membres désignés ne sont pas des décisions de la Commission et peuvent donc faire l’objet de contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Je suis en accord avec son analyse et sa conclusion.
[21] J’accepte aussi les propos de ma collègue lorsqu’elle souligne la distinction entre les mandats respectifs du membre désigné et de la Commission. Cette dernière est chargée de procéder à un examen de novo de la demande de pension d’invalidité et ce, après autorisation par un membre désigné. La Commission n’a pas le mandat de reconsidérer l’autorisation d’interjeter appel. Les demandes d’autorisation ainsi que les demandes d’extension de délai sont des procédures de nature interlocutoire « exceptionnelle » puisqu’elles relèvent de la compétence du membre désigné et non de la Commission. Le contrôle de ces décisions est proprement devant la Cour fédérale. (Voir Layden aux paragraphes 24 à 26.)
[22] Je suis d’avis que si la Cour d’appel fédérale avait voulu, dans l’arrêt Mazotta, changer l’état du droit sur cette question, elle l’aurait fait expressément.
[23] Pour ces motifs, je suis satisfait qu’en l’espèce, cette Cour a compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire de la décision prise le 19 décembre 2006, par un membre de la Commission accordant à la défenderesse une extension de délai et l'autorisation d'interjeter appel de la décision du Tribunal de révision.
VII. Analyse
A. Est-ce que le membre désigné de la Commission a erré en n’appliquant pas le test juridique pertinent afin d’accorder l’extension de délai?
[24] L’article 83 de la Loi prévoit qu’une personne qui se croit lésée par une décision d’un Tribunal de révision, peut dans les 90 jours où la décision lui est communiquée, faire une demande écrite au président ou le vice-président de la Commission afin d’obtenir la permission d’interjeter appel de la décision du Tribunal auprès de la Commission. Le président ou le vice-président peut alors accorder au demandeur l’autorisation d’interjeter appel.
[25] Il ressort du libellé du paragraphe 83(1) de la Loi qu'une personne qui ne demande pas l'autorisation d'interjeter appel d'une décision devant la Commission d'appel des pensions dans le délai prescrit de 90 jours doit, d'abord, se voir accorder une prorogation du délai prévu pour demander l'autorisation. La Loi prévoit que les demandes d’extension de délai et les permissions d’en appeler sont présentées ex parte.
[26] L’article 5 des Règles de procédure de la Commission d'appel des pensions (prestations), C.R.C. (les Règles), indique quels sont les renseignements qui doivent figurer dans une demande d’extension des délais.
[27] Dans la décision Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la juge Snider a déterminé qu’un membre de la Commission appelé à examiner une demande de prorogation de délai se trouve dans une situation similaire à celle d’un juge de la Cour fédérale devant accorder une extension pour la présentation d’une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, les critères suivants doivent être pris en considération afin de déterminer si une extension de délai devrait être accordée :
(i) l’existence d’une intension constante de poursuivre l’appel;
(ii) une explication raisonnable justifiant le retard a été fournie;
(iii) la demande d’autorisation révèle l’existence d’une cause défendable en appel;
(iv) la partie adverse ne subira aucun préjudice si la prorogation est accordée.
La jurisprudence confirme l’utilisation de ce test lorsqu’il est question de prorogation de délai (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Dawdy, 2006 CF 429 au paragraphe 15; Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Eason, 2005 CF 1698 au paragraphe 21; Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Roy, 2005 CF 1456 au paragraphe 9; et Gattellaro, précité au paragraphe 9).
[28] Dans Gattellaro, précité, au paragraphe 10, la Cour explique qu’il est indispensable dans l’intérêt de la justice que le dossier révèle clairement que tous les facteurs mentionnés ci-haut ont été examinés par le décideur. Si le dossier fait état d’un fondement probatoire raisonnable sur lequel le membre a pu apprécier les facteurs, il n’incomberait pas à la Cour de repeser la preuve.
[29] Pour les motifs qui suivront, je ne suis pas satisfait que le membre désigné ait appliqué le test juridique qui s’imposait afin d’accorder l’extension de délai.
[30] Dans sa décision, le membre désigné n’adresse pas les facteurs à considérer dans le cadre du test juridique applicable lorsqu’un réclamant cherche à obtenir une extension des délais. Le membre désigné ne mentionne aucunement le test dans sa décision et ne traite pas des facteurs énumérés ci-haut. La brève décision semble indiquer que le membre désigné aurait approuvé la demande d’extension sur deux motifs. Premièrement, que la défenderesse avait une intention constante de poursuivre l’obtention d’une pension d’invalidité et deuxièmement, que le délai en question est expliqué par la maladie de la défenderesse.
[31] En ce qui a trait au premier motif, le membre désigné n’explique pas le lien entre l’intention de la défenderesse d’obtenir une pension d’invalidité et l’existence d’une intention constante de poursuivre l’appel de la décision contestée, soit le premier facteur énuméré du test applicable. D’ailleurs, la preuve au dossier n’établit pas un tel lien. Elle démontre que la défenderesse fut informée du délai d’appel et qu’elle a choisi ne pas s’en prévaloir. Or, le ou vers le 30 mars 2005, la défenderesse complète une deuxième demande de prestation invalidité et poursuit ses droits d’appel devant un deuxième Tribunal de révision convenu le 12 octobre 2005. À la lumière de cette preuve on pourrait conclure que la défenderesse, ayant complété une deuxième demande de pension d’invalidité et interjeté appel du refus de lui accorder cette pension devant un deuxième Tribunal de révision, n’avait pas l’intention de porter en appel la décision du Tribunal de révision rendue le 26 novembre 2001. Bien que les actions de la défenderesse indiquent qu’elle avait l’intention d’obtenir une pension d’invalidité, elles ne démontrent pas qu’elle avait l’intention constante de poursuivre l’appel de la décision rendue le 26 novembre 2001.
[32] En ce qui concerne le deuxième motif, le membre désigné n’explique aucunement quel aspect de la « maladie » de la défenderesse aurait pu justifier le délai. La défenderesse affirme dans sa lettre du 17 novembre 2006 qu’elle souffrait d’une dépression très sévère, d’épuisement, avait subi une agression sexuelle, fait plusieurs tentatives de suicide et était suivie en psychiatrie. Elle soutient qu’elle souffrait tant au niveau physique qu’émotionnellement. Toutefois, la preuve indique que les principaux éléments de sa « maladie » existaient déjà en septembre 2001, soit au moment de l’audition pour sa première demande. Je note que sa maladie ne l’a pas empêché d’être présente à l’audition et d’y témoigner. Or, la défenderesse voudrait maintenant justifier son retard à poursuivre son appel de la décision rendue en novembre 2001 en se fondant sur cette maladie dont les symptômes existaient déjà. En surplus, je note qu’elle n’a déposé aucun rapport médical psychiatrique à l’appui de ses prétentions. Aussi, sa « maladie » ne l’a pas empêché de présenter une deuxième demande pour une pension d’invalidité en 2005.
[33] La preuve est simplement insuffisante pour maintenir la conclusion qu’une explication raisonnable était devant le membre désigné permettant d’accorder une extension des délais.
[34] Les deux autres facteurs du test juridique articulé dans Gattellaro, précité, n’ont nullement été adressés par le membre désigné dans sa décision, notamment l’existence d’une cause défendable et le préjudice irréparable à la partie défenderesse. En l’absence de motifs traitant de ces facteurs, je ne peux conclure que le membre désigné les a considérés. La jurisprudence est constante sur la nécessité du décideur de fournir des motifs suffisants lorsqu’il rend une décision (Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. n° 228 (Lexis)).
[35] Dans l’ensemble, les motifs fournis par le membre désigné dans sa décision du 21 décembre 2006 sont simplement insuffisants et n’expliquent pas sur quels éléments il fonde sa décision. Les éléments qui ont été considérés par le membre désigné ne peuvent en soi justifier l’extension de délai puisque les conclusions tirées par ce dernier ne sont pas fondées dans la preuve. En surplus, les deux autres éléments conjonctifs du test légal n’ont pas été considérés expressément, et rien au dossier ne laisse croire que le membre désigné se serait attardé à l’appréciation de ces facteurs. Dans les circonstances, je ne peux que conclure que le membre désigné n’a pas appliqué les facteurs conjonctifs du test juridique. En agissant ainsi, il n’a donc pas appliqué le test juridique pertinent afin d’accorder l’extension de délai. Cela constitue une erreur de droit, ce qui justifie l’intervention de cette Cour.
B. Est-ce que le membre désigné de la Commission a erré en accordant l’autorisation d’interjeter appel à la défenderesse?
[36] Ma conclusion quant à la première question en litige étant déterminante de la présente demande, il n’est donc pas nécessaire d’adresser la deuxième question quant à l’autorisation d’interjeter appel.
VII. Conclusion
[37] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accordée sans frais. L’affaire sera retournée pour être reconsidérée par un différent membre désigné de la Commission en conformité avec les présents motifs.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est accordée.
2. L’affaire sera retournée à la Commission pour être reconsidérée par un différent membre désigné en conformité avec les présents motifs.
3. Le tout sans frais.
Juge
ANNEXE
Régime de pensions Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8
Règles de procédure de la Commission d'appel des pensions (prestations)
Loi sur les Cours fédérales / Federal Courts Act
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-163-07
INTITULÉ : PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. GISÈLE LANDRY
LIEU DE L’AUDIENCE : Bathurst, NB
DATE DE L’AUDIENCE : le 12 mai 2008
DATE DES MOTIFS : le 26 juin 2008
COMPARUTIONS :
Me Sandra Gruescu 613-946-7693 |
POUR LE DEMANDEUR |
Mme Gisèle Landry (se représentant elle-même) 506-732-5218 |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR |
Mme Gisèle Landry (se représentant elle-même) Bathurst, NB |
POUR LA DÉFENDEURERESSE |