Ottawa (Ontario), le 9 juin 2008
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Mme Lewis est arrivée au Canada le 25 juin 2001 à la faveur d’un visa de visiteur d’une durée de six mois. Elle est Jamaïcaine par sa naissance et Grenadine par son mariage contracté le 26 mars 2001 avec M. Bernard Cornel Lewis, qui est également résident permanent du Canada. Mme Lewis n’a pas sollicité la prorogation de son visa de visiteur, affirmant qu’elle ne savait pas qu’elle devait la demander, puisqu’elle était mariée avec un résident permanent du Canada. Le couple a une fille née au Canada, Kendella Corlesha Lewis, née le 8 août 2002.
[2] Mme Lewis a vécu au Canada illégalement, mais sans incident, durant près de cinq ans, avant de venir à l’attention de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) à la suite d’un cas de violence familiale survenu le 2 avril 2006. Une mesure d’exclusion a donc été prononcée contre elle le 9 mai 2006.
[3] Sa demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) a été rejetée le 27 novembre 2006. Le contrôle judiciaire de la décision rejetant la demande d’ERAR a été rejeté le 26 juillet 2007. Une demande de dispense d’application des conditions du statut de résident permanent, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, a été déposée le 12 juillet 2007 et demeure pendante. Mme Lewis a ensuite déposé le 3 octobre 2007 une requête en report de son renvoi, en alléguant l’intérêt supérieur de sa fille, une citoyenne canadienne, et sa demande pendante fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette requête a été rejetée et c’est cette décision qui est ici l’objet du contrôle judiciaire.
[4] Au cours de l’audience, j’ai soulevé auprès des parties la question du caractère théorique de l’instance, étant donné que la date de renvoi dont la demanderesse voulait obtenir le report était passée et que la demanderesse avait donc obtenu la réparation qu’elle souhaitait obtenir. Les deux avocats ont fait valoir qu’il restait entre les parties une question non réglée et l’audition au fond s’est poursuivie.
[5] Après l’audience, j’ai prié les parties de me présenter d’autres observations écrites concernant la décision de ma collègue la juge Anne L. MacTavish, Palka c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 342, [2008] A.C.F. n° 435, et la décision de ma collègue la juge Eleanor R. Dawson, Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341, [2008] A.C.F. n° 434. Dans les deux cas, la Cour est arrivée à la conclusion que les questions soulevées par les demandeurs, qui étaient précisément dans la même position que Mme Lewis, étaient devenues théoriques parce que la date de leur renvoi était passée.
[6] Dans leurs observations écrites additionnelles, les parties ont continué de maintenir que la présente affaire n’était pas théorique et qu’elle devrait être jugée au fond.
[7] Je ne partage pas leur avis. Les faits à l’origine de la présente demande correspondent parfaitement à ceux des décisions Palka et Baron, ainsi qu’à la jurisprudence citée dans ces précédents. Nonobstant les observations des deux parties, je ne crois pas que ces deux jugements soient « manifestement erronés » et, au nom de la courtoisie judiciaire, je ne vois aucune raison d’arriver à une conclusion autre.
[8] La question certifiée dans les espèces Palka et Baron n’a pas encore été tranchée par la Cour d’appel fédérale, mais il faut relever qu’un avis d’appel a été déposé dans les deux cas. Les parties ont proposé que soit certifiée ici une variante de la même question, variante ainsi rédigée :
[traduction]
Lorsqu’un justiciable a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant un refus de reporter son renvoi jusqu’à ce que soit rendue une décision sur sa demande pendante de droit d’établissement, le fait qu’une décision n’ait pas encore été rendue sur la demande sous‑jacente de droit d’établissement au moment où la Cour examine la demande de contrôle judiciaire laisse‑t‑il subsister un « litige actuel » entre les parties ou la question est‑elle devenue théorique par le passage de la date prévue du renvoi?
[9] Après ajout d’une modification pour que la question reflète plus fidèlement la nature du fondement factuel de cette affaire, je la certifierai également.
JUGEMENT
LA COUR REJETTE la demande en raison du caractère théorique de l’instance. La question suivante est certifiée :
Lorsqu’un justiciable a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant un refus de reporter son renvoi jusqu’à ce que soit rendue une décision sur sa demande pendante de droit d’établissement, et lorsqu’un sursis d’exécution de la mesure de renvoi est accordé, de telle sorte qu’il n’est pas renvoyé du Canada, le fait qu’une décision n’ait pas encore été rendue sur la demande sous‑jacente de droit d’établissement au moment où la Cour examine la demande de contrôle judiciaire laisse‑t‑il subsister un « litige actuel » entre les parties ou la question est‑elle devenue théorique par le passage de la date prévue du renvoi?
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, juriste‑traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑4294‑07
INTITULÉ : VENEISHA YOLANDA LEWIS
c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION
CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 MAI 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 9 JUIN 2008
COMPARUTIONS :
Chantal Desloges POUR LA DEMANDERESSE
Brad Gotkin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chantal Desloges POUR LA DEMANDERESSE
Avocate
Green et Speigel
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada
Toronto (Ontario)