Ottawa (Ontario), le 28 mai 2008
En présence de Monsieur le juge Blanchard
ENTRE :
Demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 à l’encontre d’une décision rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) en date du 23 mai 2007. Par cette décision, le Tribunal refusait, aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi), une demande de réexamen d’une décision d’appel du droit à pension rendue le 17 septembre 2003.
II. Contexte factuel
[2] Le demandeur a servi dans les Forces armées canadiennes (les Forces) entre 1987 et 2006.
[3] En 2006, les Forces ont libéré le demandeur pour des raisons médicales découlant d’une invalidité permanente le rendant inapte aux normes de l’universalité de service des Forces. L’inaptitude physique du demandeur fut attribuée aux problèmes lombaires suite à une chute qu’il a subie le 21 juillet 1988.
[4] Le 27 octobre 2000, le demandeur a déposé une demande de pension pour un spondylolyse L5 et un spondylolisthésis L5-S1, consécutives à la fracture vertèbre lombaire L1, aggravés lors de son service dans les forces régulières selon les articles 21(1),(2) et (5) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, lesquels seraient entièrement attribuables à la chute qu’il a subie le 21 juillet 1988 en tombant d’une hauteur de 4 à 6 pieds directement sur le dos lors d’une session d’activité physique.
[5] Le 16 novembre 2001, le ministre des anciens combattants a accordé au demandeur un droit à pension complet pour la fracture lombaire L1 pour son service dans les forces régulières.
[6] Dans une autre décision rendue le 9 septembre 2002, le ministre des anciens combattants a rejeté la demande de pension du demandeur pour le spondylolyse L5 et le spondylolisthésis L5-S1. Il a conclu que les affections réclamées par le demandeur ne sont pas consécutives à l’affection pensionnée de fracture de la vertèbre lombaire L1 et n’étaient pas aggravés lors de son service dans les forces régulières.
[7] Le demandeur a interjeté appel de la décision du 9 septembre 2002 devant la section de révision du Tribunal.
[8] Le 7 avril 2003, le Tribunal a infirmé la décision du ministre en ouvrant droit à une pension pour le spondylolyse L5 et le spondylolisthésis L5-S1 dans la proportion de deux cinquièmes pour la partie de l’invalidité ou de l’aggravation de ceux-ci qui sont consécutifs ou rattachés au service dans les forces régulières. Dans sa décision, le Tribunal soulignait qu’il retenait une proportion de trois cinquièmes en fonction de la nature endogène des affections.
[9] Le demandeur a fait appel de la décision du 7 avril 2003 devant la section d’appel du Tribunal au motif qu’il aurait dû recevoir une pension pleine et entière et non une pension partielle de deux cinquièmes. Par sa décision du 17 septembre 2003, la section d’appel du Tribunal a octroyé pour le spondylolyse L5 et au spondylolisthésis L5-S1 une pension de trois cinquièmes pour la partie de l’invalidité ou de l’aggravation de ceux-ci qui sont consécutifs ou rattachés au service dans les forces régulières et a confirmé la décision positive du ministre.
[10] Le 18 mai 2007, le demandeur a présenté, en vertu de l’article 32 de la Loi, une soumission pour réexamen de la décision rendue le 17 septembre 2003 par le Tribunal (section d’appel). Devant le comité de réexamen, le demandeur soumet qu’il ne demandait aucune indemnisation pour le spondylolyse L5, mais que sa demande était pour le spondylolisthésis L5-S1 pour lequel il demandait un droit à pension entière.
[11] Dans une décision datée du 23 mai 2007, le comité de réexamen du Tribunal a refusé la demande de réexamen de la décision du 17 septembre 2003 de la section d’appel.
[12] Le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 15 août 2007 à l’encontre de la décision rendue le 23 mai 2007 par le Tribunal.
III. Décision contestée
[13] Dans sa décision du 23 mai 2007, le Tribunal a refusé la demande de réexamen pour les motifs suivants :
a) Le Tribunal n’a décelé aucune erreur de droit ou de fait et a rendu sa décision en fonction de la preuve devant lui;
b) Le rapport du Dr Fecteau, en date du 24 septembre 2004 n’a rajouté aucun fait pouvant changer l’opinion rendue par le Tribunal le 23 février 2001 car la deuxième opinion médicale du Dr Fecteau est un complément à ce qui a déjà été discuté;
c) Le Tribunal est d’avis que la rétention du droit à pension de deux cinquièmes est documentée médicalement;
d) Les affections du demandeur sont d’origine endogène; et
e) Même si les opinions médicales semblent indiquer qu’il y une possibilité que les affections sont entièrement reliées au service militaire du demandeur, la preuve documentaire au dossier ne corrobore pas ces allégations.
IV. Question en litige
[14] La seule question en litige est à savoir si le Tribunal a erré dans son appréciation de la preuve en refusant d'accorder le droit à une pleine pension en vertu du paragraphe 21(1) et 21(2) de la Loi sur les pensions.
V. Norme de contrôle
[15] Dans Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il ne devrait y avoir que deux normes de contrôle, soit celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. La Cour a indiqué que la norme de la décision correcte doit continuer de s'appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit (voir Dunsmuir au paragraphe 50). La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n'acquiesce pas au raisonnement du décideur. Elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si oui ou non la décision du tribunal est correcte.
[16] La Cour suprême enseigne également que dans le cadre d’une révision judiciaire, l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel. De plus, elle cherche à voir l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir au paragraphe 47).
[17] La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l'application de la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir au paragraphe 54). La déférence qu’il y a lieu d’accorder à un tribunal sera déterminée en fonction des facteurs suivants : l’existence d’une clause privative; si le décideur possède une expertise spéciale dans un régime administratif distinct et particulier; et la nature de la question en litige (voir Dunsmuir au paragraphe 55).
[18] Dans McTague c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 1559 (Lexis), le juge John Evans a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle afin de déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions du Tribunal. Il a conclu que la norme de contrôle applicable dans le cas des décisions du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est celle du caractère raisonnable simpliciter, sauf lorsque la question litigieuse concerne l'évaluation ou l'interprétation par le Tribunal d'éléments de preuve contradictoires et la conclusion qu'il en a tiré quant à savoir si l'invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire. Dans ce dernier cas, la norme de contrôle applicable est celle du caractère manifestement déraisonnable (Bradley c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 793, [2001] A.C.F. no 1152 (Lexis), aux paragraphes 16 et 17). Voir également Wannamaker c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 126, [2007] A.C.F. no 466 (Lexis), au paragraphe 12; et Thériault c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1070, [2006] A.C.F. no 1354 (Lexis), aux paragraphes 22 et 23.
[19] Dans le présent dossier, il existe dans la Loi des dispositions qui créent une série d'appels administratifs contre le rejet d'une demande de pension. En l’espèce, le comité de ré-examen possède une certaine expertise quant aux questions reliées à l’octroi de pensions et la nature de la question est essentiellement une question mixte de droit et de faits. Conséquemment, une certaine retenue est envisagée. Pour ces motifs, je suis d’avis que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.
VI. Analyse
[20] Le demandeur affirme que le Tribunal a commis une erreur en retenant deux cinquièmes de la pensions au motif que sa condition personnelle rendait sa colonne plus à risques. Or, le demandeur allègue que le Tribunal n’a aucune assise médicale pour arriver à une telle conclusion. Il souligne que, paradoxalement, le Tribunal reconnaît dans sa décision que les opinions médicales semblent indiquer une possibilité que les affections soient entièrement reliées au service militaire. Le demandeur souligne également que le Tribunal a commis une erreur en concluant que l’opinion du Dr Fecteau n’est qu’un complément de preuve et que dans sa décision, il reconnaît que les rapports médicaux semblent indiquer qu’il y a une possibilité que les affections du demandeur sont entièrement reliées au service militaire. Toutefois, le Tribunal va conclure que la preuve ne corrobore pas ces allégations. Par ailleurs, le demandeur souligne que le Tribunal a ignoré les éléments suivants en sa faveur :
a) Sa condition physique excellente lors de son enrôlement au sein des Forces armées canadiennes;
b) Aucune visite chez les médecins pour des problèmes lombaires avant la chute du 21 juillet 1998;
c) La chute qu’il a subi le 21 juillet 1988 fut documenté par une déclaration à l’époque par un témoin oculaire;
d) La présence de traumatismes au dos, soit une fracture, un spondylolyse et un spondylolisthésis;
e) Que la chute du 21 juillet 1988 a déclenché une première crise de douleurs lombaires chez le demandeur;
f) Que les douleurs se sont poursuivies tout au long de sa carrière aussi bien au Canada que lors de missions à l’étranger (« zone spéciale de service »); et
g) Que la condition du demandeur s’est aggravée au fil des ans parce que les Forces armées canadiennes ne lui ont pas prodigué les soins appropriés et relocalisé dans de nouvelles fonctions qui mettaient son dos à l’abri de toute détérioration physique.
Finalement, le demandeur allègue que le Tribunal a ignoré l’article 39 de la Loi en refusant de tirer des circonstances et des éléments de preuve présentés les conclusions les plus favorables au demandeur. Le demandeur souligne que le Tribunal devait accepter la nouvelle preuve médicale car elle rapportait des faits vraisemblables et non contredits. Selon le demandeur, le Tribunal a agit de façon contraire à l’article 32 de la Loi en refusant de réexaminer la demande de manière qui favorise la réalisation de l’objet de la Loi.
[21] Le défendeur maintien que la proportion de trois cinquièmes de la pension accordée au demandeur est conforme aux exigences de l’article 21(2.1) de la Loi sur les pensions. De plus, les expertises médicales indiquent clairement que les affections du demandeur sont congénitales et que celui-ci était porteur des affections demandées au moment de son enrôlement. Le défendeur maintien également que les expertises médicales démontrent que la chute du demandeur n’est pas la seule cause de ses affections. Le défendeur est d’avis que le Tribunal s’est conformé aux exigences de l’article 39 de la Loi en tenant compte des deux nouveaux rapports médicaux. Le défendeur affirme que les lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension pour le spondylolisthésis et le spondylolyse énoncent que la plupart des défauts spondylolytiques et des cas de spondylolisthésis sont congénitaux. Or, il est allégué que les rapports médicaux des docteurs Fecteau et Montminy n’ajoutent rien de plus au regard des informations déjà déposées au dossier.
[22] Le paragraphe 21(9) de la Loi prévoit qu’il existe une présomption quant à l’état de santé du requérant au moment de l’enrôlement. Plus précisément, lorsqu’une invalidité ou une affection entraînant incapacité n’était pas évidente au moment de l’enrôlement, il y a une présomption que l’état de santé du requérant est celui qui a été constaté lors de l’examen médical. Ici, la preuve médicale non-contredite, plus particulièrement le rapport médical du Dr Montminy en date du 20 avril 2005, révèle que « lorsqu’il [le demandeur] a été enrôlé dans les Forces armées, il était déjà porteur d’un spondylolisthésis avec spondylolyse. Par contre, ce spondylolisthésis avait toujours été asymptomatique et il est absolument impossible dans un spondylolisthésis de ce grade, de s’en rendre compte au niveau de l’examen physique si le patient est aysmptomatique (je souligne). » Étant donné qu’on ne conteste aucunement le fait que le demandeur était porteur d’un spondylolisthésis asymptomatique lors de son enrôlement, la présomption du paragraphe 21(9) s’applique.
[23] Nonobstant l’existence de cette présomption, il y a lieu de noter que de l’affection reconnue n’entraîne pas forcément une incapacité. À ce niveau, il faut s’en remettre à la preuve médicale qui établit que le demandeur était en santé et qu’il n’y avait aucun symptôme évident lors de son enrôlement. D’ailleurs, le Dr Montminy est d’avis « [qu’] il est probable qu’il [le demandeur] aurait pu continuer sa carrière de fantassin sans aucune restriction à moins qu’un autre accident soit venu réveiller le spondylolisthésis. » Ici, suite à la chute du 21 juillet 1988, le demandeur s’est non seulement infligé une fracture de la vertèbre L1 résultant en une fracture de 15%, mais il a de plus éveillé sont spondylolisthésis L5-S1 qui était auparavant totalement silencieux. D’ailleurs, selon le témoignage du soldat Gagnon, un témoin oculaire de la chute en question, le demandeur est tombé directement sur ses reins et sa colonne d’une hauteur minimale de 5 pieds. La preuve non-contredite démontre que sans ce traumatisme, la spondylolisthésis du demandeur ne serait probablement pas devenue symptomatique. Toujours selon le rapport du Dr Fecteau, depuis la chute, le demandeur « est porteur de limitations fonctionnelles et que si jamais on le soumettait à des activités physiques exigeantes, on peut s’attendre à voir réapparaître l’élément de douleurs lombaires avec les spasmes de protection qui y sont normalement associés. » En d’autres mots, l’affection dont souffre le demandeur entraîne une incapacité importante chez lui.
[24] L’argument du défendeur s’appui essentiellement sur la règle de la vulnérabilité de la victime qui repose sur le principe que l'auteur du délit est responsable des dommages subis par le demandeur, même s'ils sont d'une gravité imprévue en raison d'une prédisposition. Cette doctrine prévoit aussi que le défendeur n'a pas à rétablir le demandeur dans une meilleure situation que sa situation originale. En fait, le défendeur est responsable du préjudice causé, mais il n'a pas à indemniser le demandeur des effets débilitants qui sont imputables à l'état préexistant et que ce dernier aurait subis de toute façon. En d’autres mots, l'auteur du délit doit prendre sa victime comme elle est, et il est donc responsable même si le préjudice subi par le demandeur est plus considérable que si la victime avait été une personne non atteinte de la spondylolyse (Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458 aux paragraphes 34 et 35). Ici, le défendeur affirme que les affections dont souffre le demandeur ne sont pas entièrement le résultat de sa chute du 21 juillet 1988, mais que sa condition préexistante, c’est-à-dire le spondylolisthésis asymptomatique, était également contributive. Le défendeur affirme aussi que les affections dont souffre le demandeur sont « également le résultat de sa condition personnelle reconnue par les médecins et par le demandeur lui-même. » Ainsi, toujours selon le défendeur, en vertu du paragraphe 21(2.1) de la Loi, il n’était pas déraisonnable pour le Tribunal de retenir deux cinquièmes de la pension. Je ne peux retenir cet argument. La preuve au dossier indique clairement qu’avant la chute du 21 juillet 1988, le demandeur était en bonne santé malgré l’existence d’un spondylolisthésis asymptomatique. Aucune preuve en l’espèce n’indique que les effets débilitants dont souffre le demandeur sont imputables à l’état préexistant.
[25] Tel que constaté plus haut, le Dr Montminy est d’avis que nul été sa chute, le demandeur aurait pu continuer à poursuivre sa carrière de fantassin sans aucune restriction. La preuve n’appuie pas la prétention que les effets débilitants sont imputables à l'état préexistant du demandeur. Au contraire, la preuve est claire que c’est bien la chute du 21 juillet 1988 qui fut l’élément déclencheur du spondylolisthésis. En consultant les « Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension, ayant trait aux affections de spondylolisthésis et spondylolyse » (les Lignes directrices) on mentionne parmi les causes et/ou aggravation menant à un spondylolisthésis un « traumatisme grave à la colonne vertébrale ». Ces mêmes Lignes directrices définissent ce type de traumatisme de la manière suivante :
Par traumatisme grave à la colonne lombaire, on entends une blessure directe majeure, de fort impact, à la colonne lombaire, qui provoque immédiatement une douleur lombaire et exclu a marche sans assistance pendant au moins 2 semaines, et est associée à d’autres fractures et/ou à des lésions importances des tissus mous.
Exemples :
Chute d’une bonne hauteur, directement sur le dos;
Accident de véhicule automobile majeur;
Coup fort d’un objet lourd à la colonne lombaire, p.ex. un arbre qui tombe. [Je souligne.]
Voilà le même genre de traumatisme grave qu’a souffert le demandeur le 21 juillet 1988.
[26] La preuve démontre que n’importe qui ayant fait une « chute d’une bonne hauteur et directement sur le dos » aurait probablement manifesté les mêmes symptômes que le demandeur. Dans de telles circonstances, la condition préexistante du demandeur est sans conséquences. La preuve n’appui donc pas la conclusion du Tribunal à l’effet que la condition préexistante du demandeur dans ces circonstances aurait une portée sur son incapacité. Conséquemment, le Tribunal a erré lorsqu’il a conclu que le spondylolisthésis dont souffre le demandeur peut donner droit à une pension de seulement trois cinquièmes du degré total d’invalidité en raison de sa prédisposition.
[27]
Finalement,
le demandeur soumet que le Tribunal a refusé de tirer des circonstances et des
éléments de preuve présentés les conclusions les plus favorables. D’abord, il
faut se rappeler que les dispositions spéciales de
l'article 39 de la Loi obligent le Tribunal à tirer de la preuve les
conclusions les plus favorables au réclamant, à accepter comme vraisemblable et
digne de foi tout élément de preuve produit par le réclamant et à trancher en
faveur du réclamant toute incertitude sur l'appréciation d'un élément de
preuve. Le réclamant bénéficie aussi de l'article 3 de la Loi qui prévoit que
les pouvoirs et fonctions du Tribunal doivent être interprétés d'une manière
libérale, propre à reconnaître la dette du Canada envers ses anciens
combattants.
[28]
En l’espèce, la preuve documentaire, notamment le rapport du Dr
Montminy, constituait une preuve non-contredite qui appui les prétentions du
demandeur. À mon avis, le Tribunal n’a pas tiré les conclusions qui
s’imposaient du rapport du Dr Montminy et a interprété la preuve de
restrictive en choisissant certains passages tout en ignorant d’autres qui
favorisaient l’interprétation avancée par le demandeur. L’interprétation du
Tribunal de cette preuve n’était pas conforme aux dispositions des articles 3
et 39 de la Loi. Les conclusions les plus favorables au réclamant n’ont pas été
retenues. Cela constitue une erreur révisable. Il y a lieu de noter que le Tribunal
est libre de mettre en doute et de rejeter tout rapport mais doit le faire en
se fondant sur une preuve médicale qui répond aux points soulevés dans le
rapport contesté et en conformité avec les dispositions particulières de
l'article 39 de la Loi. En l’espèce, le demandeur a produit une preuve crédible
du lien entre la chute et l’apparition du spondylolisthésis
symptomatique.
VII. Conclusion
[29] Compte tenu de l'ensemble de la preuve et pour les motifs discutés ci-haut, je suis d'avis qu'en concluant comme il l'a fait, la décision du Tribunal était déraisonnable ce qui justifie l'intervention de cette Cour. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.
[30] L’affaire sera renvoyée au Tribunal afin d’être reconsidérée par un comité de réexamen autrement constitué en conformité avec les présents motifs.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.
2. L'affaire soit renvoyée au Tribunal afin d’être reconsidérée par un comité de réexamen autrement constitué, en conformité avec les présents motifs.
3. Les dépens de cette demande soient adjugés au demandeur.
Annexe
Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 :
3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.
32. (1) Par dérogation à l’article 31, le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés. (2) Le Tribunal, dans les cas où les membres du comité ont cessé d’exercer leur charge, peut exercer les fonctions du comité visées au paragraphe (1). (3) Les articles 28 et 31 régissent, avec les adaptations de circonstance, les demandes adressées au Tribunal dans le cadre du paragraphe (1).
a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence; c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.
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3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.
32. (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel. (2) The Board may exercise the powers of an appeal panel under subsection (1) if the members of the appeal panel have ceased to hold office as members. (3) Sections 28 and 31 apply, with such modifications as the circumstances require, with respect to an application made under subsection (1).
39. In all proceedings under this Act, the Board shall (a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; (b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and (c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.
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Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), c. P-6 :
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1502-07
INTITULÉ : PIERRE DUGRÉ c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Québec (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 avril 2008
ET JUGEMENT : Le juge Blanchard
DATE DES MOTIFS : Le 28 mai 2008
COMPARUTIONS :
Me François Dugré 1056, avenue des Maires-Gauthier Québec (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
Me Chantal Labonté Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me François Dugré Québec (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |