Date : 20080528
Dossier : IMM-4386-07
Référence : 2008 CF 680
Toronto (Ontario), le 28 mai 2008
En présence de madame la juge Layden-Stevenson
ENTRE :
VIRGINIA GONZALEZ CERVANTES
GUSTAVO FABIAN AGAPITO
DINA MILDRED VALLEJO GONZALEZ
PAOLA AIDE FABIAN GONZALEZ
ALEXIS NEFERTITI FABIAN GONZALEZ
ANTONIO GONZALEZ CERVANTES
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Les demandeurs prétendent que la décision de la Section de la protection des réfugiés (la Commission), selon laquelle les demandeurs disposent d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) viable ainsi que de la protection de l’État dans le district fédéral de Mexico, est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, je juge que la décision de la Commission était raisonnable.
Contexte
[2] La demande des demandeurs était fondée sur la crainte d’Efrain Fabian Reyes (l’oncle paternel du demandeur Gustavo Fabian Agapito avec lequel la famille n’avait plus aucun contact) qui aurait été accusé d’infractions criminelles. L’avocat qui a poursuivi Reyes est l’oncle de la demanderesse. La poursuite de Reyes n’a donné lieu à aucune menace ni occasionné de problème.
[3] Peu de temps après que Reyes a été accusé de fraude, Gustavo Fabian Agapito (Gustavo) et Virginia Gonzalez Cervantes (Virginia) ont commencé à recevoir des menaces par écrit ainsi qu’au téléphone. Il semble que Reyes blâmait Gustavo d’avoir révélé sa cachette à Guadalajara. Les menaces ont été signalées à la police, mais celle-ci a exigé des noms ainsi que des adresses avant de recevoir la plainte officielle.
[4] Les demandeurs déclarent avoir communiqué par la suite avec la police à plusieurs reprises, mais qu’on leur a toujours dit que le traitement de leur plainte était « en cours ». Un jour, Gustavo a été emmené de force dans une voiture et agressé par deux individus. On lui a dit que l’agression « n’était rien en comparaison de ce qui l’attendait ». Gustavo est parvenu à s’échapper de la voiture et a demandé de l’aide à un agent de police. L’agent n’a rien pu faire, car Gustavo n’avait pas le numéro de la plaque matricule de la voiture. Les menaces téléphoniques ont continué. Les appelants ont déclaré qu’ils trouveraient la famille, peu importe où elle irait. Les demandeurs se sont enfuis au Canada.
Décision
[5] La Commission a exprimé plusieurs réserves quant à la crédibilité. Toutefois, elle a jugé que la question déterminante était l’existence d’une PRI viable à Mexico, où l’État offre une protection adéquate. Elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État à l’aide d’éléments de preuve clairs et convaincants.
Question en litige
[6] La seule question en litige est de savoir si la Commission a tiré une conclusion erronée quant à la protection de l’État. Les autres motifs allégués dans les observations écrites n’ont pas été invoqués à l’audience.
Norme de contrôle
[7] Les questions qui touchent aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, ainsi que l’entrelacement des questions de droit et des questions de fait, commandent l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse porte sur l’existence d’une justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Les parties conviennent, et je suis d’accord, que l’examen du caractère adéquat et de l’existence de la protection de l’État soulève des questions de fait – y compris la pondération des éléments de preuve – entrelacées avec des questions de droit, et commande l’application de la norme de la décision raisonnable.
Analyse
[8] Les demandeurs ne contestent pas le choix de Mexico comme PRI. C’est la conclusion quant à la protection de l’État qui les préoccupe. Leurs observations peuvent être formulées de façon succincte. Ils affirment que le tribunal a fait abstraction des éléments de preuve défavorables concernant l’existence de la protection de l’État et qu’il n’a pas expliqué pourquoi il a préféré les éléments de preuve documentaire qu’il a cités. En outre, les demandeurs déclarent que le tribunal se serait trompé en assimilant une « protection adéquate » aux « efforts sérieux » déployés par l’État pour offrir une protection.
[9] Les demandeurs ont raison de dire que, lors de l’examen de la question de la protection de l’État, la Commission n’a pas fait explicitement état des documents sur lesquels les demandeurs se sont appuyés. Toutefois, l’omission d’un tribunal d’énumérer tous les éléments de preuve n’implique pas que sa décision est automatiquement erronée. On présume que la Commission a examiné tous les éléments de preuve. Lorsque les éléments de preuve sont en contradiction avec la décision de la Commission et sont fondamentaux pour la demande, l’omission d’en prendre acte peut entacher et entachera souvent la décision d’une erreur susceptible de contrôle.
[10] Toutefois, en l’espèce, tel n’est pas le cas. Dans Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, monsieur le juge Létourneau a fait l’analyse de la qualité des éléments de preuve exigés pour réfuter la présomption relative à la protection de l’État. Les éléments de preuve doivent être dignes de foi et probants. De plus, il faut que leur valeur probante se révèle suffisante pour satisfaire à la norme de preuve applicable. Bref, le demandeur qui veut réfuter la présomption relative à la protection de l’État doit produire de la preuve pertinente, digne de foi et convaincante, qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection offerte par l’État est inadéquate (au paragraphe 30).
[11] La preuve documentaire prête à confusion et la décision de la Commission est concise. Cependant, le problème des demandeurs est que la documentation sur laquelle ils se sont appuyés n’est pas probante lorsqu’on l’examine dans son contexte. Les documents ne sont pas fondamentaux pour la demande des demandeurs. Ils ne se rapportent ni à la situation des demandeurs ni à des situations semblables à la leur. La Commission n’est pas tenue de faire mention des éléments de preuve documentaire qui ne sont pas probants quant à la demande des demandeurs.
[12] La Commission était consciente du fait que la protection de l’État pose des problèmes d’ordre institutionnel au Mexique en général et à Mexico. Elle s’est penchée sur Mexico et a conclu qu’il y avait une protection de l’État bien établie. La Commission savait qu’il y avait de la corruption et de la criminalité. Elle a établi le bon critère et l’a appliqué. Même si elle a mentionné les efforts qui étaient faits, la Commission n’a pas assimilé les « efforts » à une protection adéquate. En fin de compte, la Commission n’était tout simplement pas convaincue que les demandeurs ne pouvaient pas déménager à Mexico et demander à l’État de les protéger. La Commission a motivé sa décision au moyen d’une analyse. Je suis convaincue que sa décision fait partie des issues raisonnables dont elle disposait.
[13] Les avocats n’ont proposé aucune question pour certification et il n’y en a aucune en l’espèce.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Carolyn Layden-Stevenson »
___________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4386-07
INTITULÉ : VIRGINIA GONZALEZ CERVANTES
GUSTAVO FABIAN AGAPITO
DINA MILDRED VALLEJO GONZALEZ
PAOLA AIDE FABIAN GONZALEZ
ALEXIS NEFERTITI FABIAN GONZALEZ
ANTONIO GONZALEZ CERVANTES
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 28 MAI 2008
MOTIFS DE
L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : LE 28 MAI 2008
COMPARUTIONS :
Jack C. Martin POUR LES DEMANDEURS
Amina Riaz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jack C. Martin POUR LES DEMANDEURS
Avocat
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)