Ottawa (Ontario), le 22 mai 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON
ENTRE :
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Gregory McMaster, actuellement détenu à l’établissement Fenbrook, présente cette demande de contrôle judiciaire [traduction] d’« une décision prise par le Service correctionnel du Canada de maintenir, à la date de dépôt de la présente demande, des renseignements inexacts dans son dossier. » M. McMaster sollicite un jugement déclaratoire selon lequel le Service correctionnel du Canada [traduction] « continue à inscrire des renseignements inexacts dans les dossiers du demandeur contrairement à l’obligation que lui impose la loi de consigner uniquement des renseignements à jour, exacts et complets conformément à l’article 24 de la Loi sur le système correctionnel et la mise à liberté sous condition, [L.C. 1992, ch. 20 (la Loi)]. » M. McMaster sollicite également une ordonnance de radiation des renseignements inexacts et trompeurs de ses dossiers.
[2] La présente demande est rejetée parce que M. McMaster a omis d’épuiser la procédure interne de règlement des griefs à sa disposition.
Le contexte
[3] En 1978, M. McMaster a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité dans l’État du Minnesota pour le meurtre d’un policier. Au moment de son arrestation, M. McMaster a avoué avoir tué trois autres personnes au Canada.
[4] En 1993, M. McMaster a été transféré au Canada pour être poursuivi. Il a enregistré des plaidoyers de culpabilité à un chef d’accusation de meurtre au deuxième degré et à deux chefs d’accusation d’homicide involontaire. M. McMaster a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité à l’égard de l’accusation de meurtre et à la période déjà purgée plus un jour de façon concurrente à l’égard des accusations d’homicide involontaire. M. McMaster est emprisonné au Canada depuis ce temps.
[5] Le 2 août 2000, M. McMaster a fait l’objet d’un transfèrement de l’établissement de Collins à l’établissement de Bath.
[6] Le 4 décembre 2001, M. McMaster a fait l’objet d’un retrait volontaire de l’établissement de Bath et a été placé de façon urgente en isolement à l’établissement de Millhaven.
[7] Le 10 décembre 2001, M. McMaster a fait l’objet d’un transfèrement involontaire à l’établissement de Collins Bay.
[8] Le 23 mai 2003, M. McMaster a rédigé un rapport dans lequel il étayait plusieurs inscriptions inexactes alléguées dans son dossier du Service correctionnel et consignées par des membres du personnel de l’établissement de Bath (la plainte). M. McMaster a par la suite déposé la plainte auprès de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du Service correctionnel du Canada (la Division de l’AIPRP). Le 11 juin 2003, la Division de l’AIPRP a renvoyé la plainte à l’agent de libération conditionnelle de M. McMaster, Mme Annette Martin, pour son intervention.
[9] Le 18 juin 2003, Mme Martin a informé M. McMaster qu’elle avait inclus une copie de la plainte dans son dossier afin que [traduction] « quiconque consulte les rapports de [l’établissement de] Bath [verrait] immédiatement [ses] préoccupations et prendrait note des renseignements mis à jour fournis dans les rapports [de l’établissement de Collins Bay]. » Mme Martin a également indiqué à M. McMaster qu’elle verserait une note de service électronique au dossier, mentionnant sa demande de correction. Mme Martin a conclu en déclarant que si cela n’était pas suffisant, M. McMaster pourrait exercer un recours par l’intermédiaire de [traduction] « [son] avocat ou du processus de règlement des griefs. »
[10] Le 26 juin 2003, une agente de libération conditionnelle à l’établissement de Bath, Mme Susanne Kellerman, a rejeté les affirmations de M. McMaster à l’égard des renseignements inexacts.
[11] M. McMaster n’a pas tenté de loger un grief à l’égard de la réponse qu’a fournie Mme Kellerman à la plainte.
[12] M. McMaster est admissible à une libération conditionnelle aux États‑Unis, mais ne souhaite pas en faire la demande avant le retrait des renseignements trompeurs dans ses dossiers du Service correctionnel.
La procédure de règlement des griefs
[13] L’article 90 de la Loi exige l’établissement d’une procédure interne de règlement « juste et expéditif » des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire du Service correctionnel. L’article 90 de la Loi, de même que les articles 23, 24 et 25, sont reproduits à l’annexe A des présents motifs.
[14] Les étapes de la procédure interne de règlement des griefs sont énoncées dans le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 (le Règlement). La procédure de règlement des griefs pour les détenus comporte plusieurs paliers que l’on peut généralement décrire comme suit :
- En vertu de l’article 74 du Règlement, lorsqu’il est insatisfait d’une action ou d’une décision de l’agent, le délinquant peut présenter par écrit une plainte au supérieur de cet agent.
- En vertu de l’article 75 du Règlement, lorsque le supérieur refuse d’examiner la plainte ou que la décision ne satisfait pas le délinquant, celui‑ci peut présenter un grief par écrit au directeur du pénitencier.
- En vertu de l’article 77 du Règlement, lorsque le grief est reconnu relever de la compétence du Service correctionnel du Canada, le directeur du pénitencier peut transmettre le grief au comité d’examen des griefs des détenus pour examen et recommandations (dans le cas où un tel comité existe).
- En vertu de l’article 79 du Règlement, le délinquant peut demander que le directeur du pénitencier transmette son grief à un comité externe d’examen des griefs pour examen et recommandations.
- En vertu de l’article 80 du Règlement, lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue par le directeur du pénitencier, il peut en appeler au responsable de la région et, s’il est insatisfait de cette décision, il peut en appeler au commissaire.
[15] Le paragraphe 74(3) du Règlement exige qu’en règle générale le grief soit traité aussitôt que possible après que le délinquant a présenté sa plainte. L’exigence d’un traitement rapide des griefs apparaît dans les articles 74 à 80 du Règlement. Les articles 74 à 82 du Règlement sont reproduits à l’annexe B des présents motifs.
[16] Si un détenu est insatisfait de la décision rendue au dernier palier, il peut présenter à la cour une demande de contrôle judiciaire de cette décision.
L’obligation de veiller à l’exactitude des renseignements
[17] Les prétentions de M. McMaster se fondent sur l’article 24 et le paragraphe 25(1) de la Loi.
[18] En vertu du paragraphe 24(1) de la Loi, le Service correctionnel du Canada est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.
[19] Le paragraphe 24(2) de la Loi permet à un délinquant de demander que certains renseignements dans son dossier soient corrigés. Lorsqu’une telle demande est refusée, le Service correctionnel du Canada doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.
[20] L’exactitude des renseignements contenus dans le dossier d’un délinquant est importante. Une des raisons en est que le paragraphe 25(1) de la Loi oblige le Service correctionnel du Canada à communiquer à la Commission nationale des libérations conditionnelles et à des organismes connexes les renseignements pertinents dont il dispose soit pour prendre la décision de remettre les délinquants en liberté soit pour leur surveillance.
[21] Dans Tehrankari c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F.no 495 (QL), au paragraphe 41, mon collègue le juge Lemieux a décrit dans les termes suivants l’intention du Parlement lorsqu’il a adopté l’article 24 :
La règle posée par le Parlement à l’article 24, sous la forme d’une obligation légale imposée au Service, c’est que les « banques de données » auxquelles renvoient divers rapports établis au sujet des délinquants doivent contenir les meilleurs renseignements possibles : des renseignements exacts et complets et des données qui ne sont pas encombrées de stéréotypes passés ou d’histoires anciennes au sujet du délinquant. Selon la conception du Parlement, la qualité des renseignements prescrite par l’article 24 conduit à de meilleures décisions au sujet de l’incarcération du délinquant et, de cette manière, contribue à la réalisation de l’objet de la Loi.
Examen de la demande
[22] On décrit la présente demande comme étant [traduction] « la meilleure et dernière chance [de M. McMaster] de réparer le dommage que l’inscription de renseignements inexacts et trompeurs fera dans l’avenir. » M. McMaster soutient ce qui suit :
· il a présenté au Service correctionnel du Canada une demande d’effectuer les corrections aux renseignements dans ses dossiers;
· malgré sa demande de correction, ses dossiers contiennent toujours des renseignements inexacts;
· en vertu de la Loi, le Service correctionnel du Canada est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise soient à jour, exacts et complets;
· le Service correctionnel du Canada a l’obligation d’agir équitablement envers les détenus qui sont sous sa responsabilité;
· des renseignements inexacts sont non pertinents et ne devraient pas être inclus dans les documents utilisés pour exécuter la peine d’un détenu;
· un droit constitutionnel dont jouissent tous les Canadiens est le droit de ne pas être soumis à des peines ou des traitements cruels, à savoir des traitements qui heurteraient les normes de la décence, et [traduction] « parsemer le dossier d’un détenu d’allégations et de renseignements erronés qui ont pour effet de compromettre sa possibilité de libération heurterait les normes de la décence »;
· la Cour a compétence exclusive d’accorder le jugement déclaratoire demandé;
· le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, permet à la cour d’ordonner à un office fédéral d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir;
· il ne dispose pas d’un autre recours approprié.
[23] Il est bien reconnu en droit administratif que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire s’il existe un autre recours approprié. Pour décider s’il y a lieu de refuser d’exercer sa compétence, la Cour doit se demander si le recours subsidiaire est adéquat et non s’il est parfait. Voir Froom c. Canada (Ministre de la Justice), [2005] 2 R.C.F. 195 (C.A.), au paragraphe 12, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, no 30686 (le 17 mars 2005).
[24] Dans la décision Giesbrecht c. Canada (1998), 148 R.C.F. 81 (1re inst.), le juge Rothstein, alors juge à la Cour fédérale, a examiné la question de savoir si la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi constituait une autre voie de recours appropriée qui devrait être épuisée avant de recourir au contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales. Au paragraphe 10 de ses motifs, le juge Rothstein a décrit la procédure interne de règlement des griefs et l’a comparée au contrôle judiciaire. Il a écrit ce qui suit :
À première vue, le régime législatif régissant les griefs constitue une autre voie de recours appropriée par rapport au contrôle judiciaire. Les griefs doivent être traités rapidement et les directives du commissaire fixent des délais. Rien ne laisse croire que ce processus est coûteux. Il est probablement même moins coûteux et plus simple qu’une procédure de contrôle judiciaire. Un détenu peut interjeter appel d’une décision sur le fond au moyen de la procédure de grief et un tribunal d’appel peut substituer sa décision à celle du tribunal dont la décision est contestée. Le contrôle judiciaire ne vise pas le fond de la décision et une issue favorable au détenu aurait simplement pour conséquence de renvoyer l’affaire pour que le tribunal dont la décision a été contestée en rende une nouvelle.
[25] Le juge Rothstein a conclu que la procédure interne de règlement des griefs prévue par la Loi devait être épuisée avant de solliciter un contrôle judiciaire.
[26] La décision dans Giesbrecht a par la suite été adoptée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Condo c. Canada (Procureur général) (2003), 239 R.C.F. 158 (C.A.), au paragraphe 5.
[27] Je conviens qu’en règle générale la procédure interne de règlement des griefs devrait être épuisée avant qu’un détenu ne sollicite un contrôle judiciaire. De solides raisons de principe militent en faveur de cette approche. Cela dit, je conviens également qu’en présence de questions importantes et urgentes et de l’évidence du caractère inapproprié de la procédure de règlement des griefs, la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre une demande. Voir par exemple Gates c. Canada (Procureur général), [2007] A.C.F. no 1359, au paragraphe 18 (QL).
[28] En l’espèce, l’avocat de M. McMaster soutient que dans l’arrêt May c. Ferndale Institution, [2005] 3 R.C.S. 809, la Cour suprême du Canada a en fait infirmé la jurisprudence antérieure de la Cour selon laquelle la Cour avait le pouvoir discrétionnaire de refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire lorsque la procédure interne de règlement des griefs n’était pas épuisée. Il prétend également que la procédure de règlement des griefs n’offre pas un recours approprié parce qu’il est trop lent.
[29] À mon avis, l’avocat a tort d’invoquer l’arrêt May. Dans cette affaire, la question portait sur la disponibilité du recours de l’habeas corpus auprès des cours supérieures provinciales en présence de l’existence du droit de solliciter un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. La majorité des juges de la Cour suprême a conclu que les détenus peuvent décider de contester la légalité d’une décision touchant leur liberté résiduelle soit devant une cour supérieure provinciale par voie d’habeas corpus, soit devant la Cour fédérale par voie de contrôle judiciaire. En tirant cette conclusion, la Cour suprême s’est appuyée, du moins en partie, sur le fait qu’historiquement, le bref d’habeas corpus n’a jamais été un recours discrétionnaire. Contrairement à un autre recours extraordinaire et au jugement déclaratoire, le bref d’habeas corpus est délivré de plein droit. À mon avis, l’arrêt May ne modifie pas l’obligation d’un détenu de recourir à la procédure interne de règlement des griefs avant de solliciter un jugement déclaratoire ou un contrôle judiciaire discrétionnaire.
[30] M. McMaster s’appuyait plus particulièrement sur la mention du paragraphe 81(1) du Règlement par la majorité de la Cour suprême, au paragraphe 60 des motifs. Le paragraphe 81(1) prévoit ce qui suit :
81(1) Lorsque le délinquant décide de prendre un recours judiciaire concernant sa plainte ou son grief, en plus de présenter une plainte ou un grief selon la procédure prévue dans le présent règlement, l’examen de la plainte ou du grief conformément au présent règlement est suspendu jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue dans le recours judiciaire ou que le détenu s’en désiste. |
81(1) Where an offender decides to pursue a legal remedy for the offender’s complaint or grievance in addition to the complaint and grievance procedure referred to in these Regulations, the review of the complaint or grievance pursuant to these Regulations shall be deferred until a decision on the alternate remedy is rendered or the offender decides to abandon the alternate remedy. |
[31] Encore une fois, à mon avis, ni le paragraphe 81(1) lui‑même, ni sa mention par la majorité de la Cour suprême n’aident M. McMaster.
[32] Le paragraphe 81(1) entraîne la suspension de la procédure de règlement des griefs pendant qu’un détenu se prévaut d’un autre recours. Cette suspension prévue par le Règlement ne peut agir pour éliminer ou restreindre le pouvoir discrétionnaire de la Cour en matière de contrôle judiciaire. De même, la Cour suprême n’a rien fait de plus que reconnaître que l’existence de la procédure de règlement des griefs n’empêchait pas un détenu de se prévaloir d’un recours juridique. La cour n’a pas modifié la jurisprudence existante concernant la manière qu’une cour de révision traiterait une demande de contrôle judiciaire lorsque des procédures de grief existantes ne sont pas suivies.
[33] La décision Giesbrecht, précitée, appuie cette interprétation du paragraphe 81(1). Voici ce que le juge Rothstein y a écrit au paragraphe 13 :
En l’espèce, c’est le dépôt de la demande de contrôle judiciaire qui a empêché le grief de suivre son cours en raison du paragraphe 81(1). Toutefois, la Cour a une emprise sur la demande de contrôle judiciaire, alors qu’elle n’avait aucun pouvoir sur la procédure devant la Commission canadienne des droits de la personne dans l’affaire Hutton. Il serait anormal qu’un demandeur puisse, en déposant une demande de contrôle judiciaire, s’arroger le pouvoir de décider si une procédure de règlement de griefs constitue une autre voie de recours appropriée. C’est à la Cour qu’appartient cette décision. Le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire et la Cour ne peut être empêchée de décider qu’il existe une autre voie de recours appropriée simplement parce qu’un demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire. Le paragraphe 81(1) du Règlement ne vise pas à permettre de déroger au pouvoir discrétionnaire de la Cour à cet égard. Il s’agit simplement d’un sursis légal de la procédure de règlement des griefs lorsqu’une autre procédure est engagée afin d’éviter que plusieurs instances se déroulent en même temps relativement à la même affaire. Le paragraphe 81(1) ne fait pas obstacle à la procédure de règlement des griefs si la Cour conclut qu’il s’agit d’une autre voie de recours appropriée et qu’elle rejette la demande de contrôle judiciaire. L’argument du demandeur ne peut donc être retenu.
[34] Les jugements ultérieurs de la Cour étayent également cette interprétation de l’arrêt May et ont continué de déclarer qu’un demandeur doit utiliser la procédure de règlement des griefs. Voir par exemple Collin c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 729 (QL), et Olah c. Canada (Procureur général) (2006), 301 F.T.R. 274.
[35] En ce qui a trait à la prétention selon laquelle la procédure de règlement des griefs est trop lente, la preuve dont la Cour est saisie indique que les plaintes antérieures de M. McMaster concernant les allégations de renseignements inexacts dans son dossier ont été examinées selon une procédure de règlement « expéditif » comme l’exige l’article 90 de la Loi :
- Le Service correctionnel du Canada a reçu la plainte no V40A00004744 le 19 février 2002 et a fourni une réponse le 28 mars 2002.
- Le Service correctionnel du Canada a reçu la plainte no V40A00004803 le 22 février 2002 et a fourni une réponse le 27 mars 2002.
- Le Service correctionnel du Canada a reçu la plainte no V40A00005328 le 28 mars 2002 et a fourni une réponse le 8 mai 2002.
- Le Service correctionnel du Canada a reçu la plainte no V40A00005415 le 3 avril 2002 et a fourni une réponse le 30 avril 2002.
[36] Pour les motifs qui suivent, je n’ai pas été convaincue que la procédure de règlement des griefs n’offre pas un autre recours approprié au contrôle judiciaire.
[37] Premièrement, je souscris aux observations du juge Rothstein dans la décision Giesbrecht, citées ci‑dessus au paragraphe 25.
[38] Deuxièmement, tel qu’indiqué ci‑dessus, la preuve ne me convainc pas que la procédure de règlement des griefs est trop lente.
[39] Enfin, la présente instance montre les avantages inhérents à la procédure de règlement des griefs. Le dossier dont je suis saisie indique que le cœur de la plainte de M. McMaster comporte deux aspects. Premièrement, selon ses dires, l’établissement de Bath a consigné des renseignements erronés selon lesquels [traduction] « les États‑Unis sont intéressés à votre extradition pour terminer votre peine américaine à l’égard d’une déclaration de culpabilité de meurtre. » Ceci a fait en sorte que M. McMaster a été identifié comme un risque d’évasion. L’établissement de Bath déclare toutefois ce qui suit :
[traduction] 1. Les renseignements selon lesquels les États‑Unis voulaient d’extradition du sujet étaient les renseignements fournis à l’établissement de Bath au moment de la rédaction du rapport. En effet, si la situation a changé, c’est ce qui devrait apparaître dans les documents de l’établissement actuel. Je ne sais pas si c’est le cas. Je dois néanmoins répéter qu’il s’agissait de renseignements exacts au moment du transfèrement.
[40] Deuxièmement, M. McMaster souligne plusieurs mentions dans le dossier selon lesquelles l’établissement de Collins Bay exprime son scepticisme à l’égard de l’exactitude des renseignements consignés par les responsables de l’établissement de Bath. À titre d’exemple, en mai 2003, une feuille de décision pour le niveau de sécurité du détenu indique que le directeur de l’établissement de Collins Bay souscrit à une recommandation du conseil de gestion des unités. Le directeur a écrit ce qui suit :
[traduction] Je suis d’accord avec le comité de gestion des unités que le niveau de sécurité du délinquant devrait être un niveau de sécurité moyenne, avec les cotes faible/modéré/modérée pour l’adaptation au milieu carcéral, le risque d’évasion et la sécurité du public, respectivement. L’examen du cas révèle des incohérences graves quant à la sécurité préventive et aux renseignements de l’EGC fournis par l’établissement de Bath. Un tel comportement n’a pas été identifié à l’établissement de CB avant le transfèrement à celui de Bath et depuis son retour.
[41] Ayant exposé la nature des préoccupations de M. McMaster, il est possible de constater que ceux qui traiteraient les griefs relatifs à ces questions auraient accès à tous les documents, pourraient interviewer l’auteur de tout document et connaîtraient le contexte dans lequel ces questions ont été soulevées. La Cour n’a aucun de ces avantages dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire.
Conclusion et dépens
[42] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que M. McMaster n’a pas épuisé la procédure interne de règlement des griefs.
[43] L’avocat du procureur général a indiqué que les griefs existants de M. McMaster qui ont été suspendus par l’application du paragraphe 81(1) du Règlement peuvent être entendus et que des prorogations de délai peuvent être accordées pour tout grief non encore commencé. À la lumière des observations faites par les responsables de l’établissement de Collins Bay, et discutées ci‑après, il pourrait être approprié d’accorder une telle prorogation en l’espèce.
[44] Le défendeur réclame des dépens de 500 $. Bien que le montant demandé soit très raisonnable, j’ai conclu que la présente affaire constitue un cas dans lequel chaque partie assume ses frais. J’en arrive à cette décision parce qu’il semble qu’au moins quelques renseignements erronés apparaissent au dossier de M. McMaster. À cet égard, le texte qui suit est consigné dans un registre des interventions :
[traduction] Certaines questions de M. McMaster ont été traitées dans un suivi du plan correctionnel mis à jour le 2002‑06‑04 et dans d’une évaluation en vue d’une décision du 2002‑06‑24 en réponse à sa demande de PSAE; il était toutefois insatisfait parce que toutes ses préoccupations n’ont pas été traitées.
Une conférence de cas a eu lieu le jeudi 3 octobre 2002 pour examiner les autres préoccupations de M. McMaster. Étaient présents à cette conférence le directeur, A. Stevenson, le psychologue, D. Preston, l’agent de libération conditionnelle intérimaire, J. Howie, le gestionnaire d’unité intérimaire, K. Hinch, l’agent de liaison d’Option vie, J. Leeman, Steve Orr de la John Howard Society et M. McMaster. De plus, M. McMaster a reçu par écrit une réponse officielle à sa plainte du gestionnaire d’unité intérimaire, indiquant les efforts que faisait l’établissement de CB en vue de régler ses questions (dans le dossier de GC).
[…]
Il est utile de souligner que M. McMaster a eu gain de cause dans un grief à l’établissement de CB concernant des arrérages de paie qu’il avait demandés (plainte noVA0A0004687) en rapport avec sa période d’isolement en attente de son transfèrement involontaire à l’établissement de CB et la période pendant laquelle il n’était pas autorisé à travailler alors qu’il était à l’établissement de CB, en raison des préoccupations concernant le risque d’évasion accru découlant des renseignements du FBI qui se sont par la suite révélés faux.
[Non souligné dans l’original.]
[45] Dans les circonstances, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas adjuger les dépens à l’encontre de M. McMaster.
JUGEMENT
La cour statue que :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans que des dépens soient adjugés à l’une ou l’autre partie.
Juge
ANNEXE A
Les articles 23, 24, 25 et 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition sont rédigés comme suit :
ANNEXE B
Les articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition sont rédigés comme suit :
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1236‑04
INTITULÉ : GREGORY McMASTER, demandeur et
LE
PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA, défendeur
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 13 MAI 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : LE 22 MAI 2008
COMPARUTIONS :
John L. Hill POUR LE DEMANDEUR
Susan Keenan POUR LE DÉFENDEUR
Natalie Henein
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John L. Hill POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Cobourg (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada