Date : 20080423
Dossier : IMM-3732-07
Référence : 2008 CF 534
Ottawa (Ontario), le 23 avril 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON
ENTRE :
HONWOON WONG (alias HON WOON WONG)
SOI CHAN NG
KIN HONG WONG
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Les demandeurs Honwoon Wong (M. Wong), son épouse, Soi Chan Ng, et leur fils, Kin Hong Wong, sont citoyens de la Malaisie. Ils prétendent avoir une crainte fondée de persécution en raison de leurs croyances chrétiennes.
[2] Plus précisément, M. Wong et son épouse ont grandi dans la foi islamique. Ils affirment qu’en avril 2004 ils ont été initiés au christianisme et ont commencé à fréquenter une église chrétienne. M. Wong et son épouse se sont plus tard convertis à la foi chrétienne. Ils disent avoir commencé à être harcelés et menacés par certains membres de leur entourage musulmans à la suite de leur conversion au christianisme. M. Wong déclare qu’en conséquence il a dû fermer son entreprise.
[3] La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile des demandeurs. La Commission a conclu que le témoignage de M. Wong n’était pas crédible et que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État. La présente demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission est rejetée, car les demandeurs n’ont pas démontré que celle-ci a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu’ils pouvaient bénéficier de la protection de l’État en Malaisie.
[4] Lors de l’audition de la présente demande, l’avocat des demandeurs a insisté sur la conclusion de la Commission relativement à la protection de l’État. Je suis d’accord que la conclusion de la Commission sur ce point est déterminante quant à l’issue de la demande. Si les demandeurs peuvent bénéficier d’une protection adéquate de l’État en Malaisie, toute erreur commise par la Commission dans ses conclusions quant à la crédibilité serait sans conséquence.
[5] À mon avis, la conclusion de la Commission quant au caractère adéquat de la protection de l’État est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Voir Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2007), 362 N.R. 1, au paragraphe 38 (C.A.F.), et Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 57, 62 et 64.
[6] La norme de la décision raisonnable requiert l’examen de la justification de la décision, de même que de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel. En outre, la décision raisonnable tient à l’appartenance de la décision aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Voir Dunsmuir, au paragraphe 47.
L’application de la norme de contrôle à la conclusion relative à la protection de l’État
[7] À l’exception des cas d’effondrement complet de l’appareil étatique, il est présumé que l’État est en mesure de protéger ses citoyens. Pour réfuter cette présomption, le demandeur doit confirmer de façon claire et convaincante l’incapacité ou l’absence de volonté de l’État de protéger ses citoyens. Voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 50.
[8] La Commission a souligné le témoignage oral de M. Wong selon lequel il aurait sollicité l’aide de la police à trois reprises entre juin et septembre 2004. M. Wong n’avait cependant pas fourni cette information dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et il n’a pas pu expliquer son omission. Vu l’importance de cette information, les instructions détaillées contenues dans le FRP selon lesquelles il fallait indiquer toutes les mesures prises pour obtenir une protection ainsi que le fait que M. Wong n’ait pas expliqué l’omission, la Commission n’a pas cru que M. Wong avait cherché protection auprès de la police. Pour reprendre les propos de la Commission, les demandeurs n’étaient « pas crédible[s] pour ce qui est d’avoir demandé la protection de l’État, plus particulièrement celle de la police […] ».
[9] Aucun autre membre de la famille n’a sollicité l’aide des autorités avant que celle‑ci quitte la Malaisie.
[10] Ce fait, ainsi que l’omission des demandeurs de fournir une preuve claire et convaincante que la Malaisie ne pouvait pas les protéger, a mené la Commission à conclure que la présomption relative à la protection de l’État n’avait pas été réfutée.
[11] Le FRP donne les instructions suivantes aux demandeurs : « Précisez les mesures que vous avez prises pour obtenir la protection d’une autorité de votre pays et les résultats obtenus. Si vous n’avez pas demandé cette protection, précisez la raison. » Étant donné cette directive non équivoque, l’importance de l’information pour la demande, le fait que les demandeurs étaient représentés par un conseil à l’audition et le fait que M. Wong n’ait pas modifié son FRP à l’audience, la Commission pouvait raisonnablement ne pas ajouter foi au témoignage fourni par celui-ci. Étant donné l’omission des demandeurs de démontrer qu’ils n’auraient probablement pas obtenu de protection, la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État.
[12] Je suis convaincue, après lecture objective des motifs de la Commission, que, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, celle-ci n’a pas initialement accepté la preuve concernant la demande de protection pour ensuite ne pas en tenir compte. La Commission a plutôt conclu que la preuve des demandeurs sur ce point n’était pas crédible.
[13] Les demandeurs soutiennent également que la Commission les a placés dans une situation dénuée de toute possibilité de succès. Ils prétendent que, si M. Wong n’avait pas témoigné au sujet de ses trois sollicitations auprès de la police, la Commission aurait jugé que cette omission portait un coup fatal à sa demande. Cependant, la Commission a écarté le témoignage de M. Wong du seul fait qu’il avait omis d’indiquer cette information dans son FRP.
[14] À mon avis, la difficulté qu’ont éprouvée les demandeurs découle de leur omission d’indiquer, dans leur FRP respectif, le fait qu’ils avaient réclamé une protection en Malaisie. Cette information constituait un élément fondamental de leur demande et la Commission ne peut être blâmée pour avoir conclu que le témoignage de M. Wong sur ce point était faux. La révélation n’est survenue que tard durant le témoignage de M. Wong, après qu’il eut déclaré qu’il croyait ne pas pouvoir s’adresser à la police seulement pour des menaces et qu’il ne savait pas pourquoi il croyait que la police ne s’occuperait pas des menaces. La Commission a également conclu que M. Wong n’avait pas été franc dans son témoignage, et qu’il avait parfois hésité et été évasif durant celui-ci. À mon avis, il ressort de la transcription que la Commission a bien décrit le témoignage de M. Wong.
Conclusion
[15] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Eleanor R. Dawson »
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Juge
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3732-07
INTITULÉ : HONWOON WONG ET AL.
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 17 AVRIL 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LA JUGE DAWSON
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 23 AVRIL 2008
COMPARUTIONS :
Leonard H. Borenstein POUR LES DEMANDEURS
Deborah Drukarsh POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates POUR LES DEMANDEURS
Avocats
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada